Les
Gnostiques Docétiens
Les Gnostiques Docétiens dérivaient
des Helléniens Bardesaniens.
Comme eux ils croyaient que Jésus était une
entité immatérielle qui n'avait été
crucifiée qu'en apparence. C'était aussi des
dualistes qui pensaient que le monde était divisé
entre deux principes égaux : Le Lumière (bonne)
et la Ténèbre (mauvaise). Contrairement à
d'autres courants gnostiques, ils ignoraient le mythe de la
chute d'un Eon féminin.
Cerdon et les Cerdonites :
Cerdon (actif vers 136-142) était un
Docétien.dualiste. Pour lui, le dieu de rigueur de
l'Ancien Testament et le dieu de miséricorde du Nouveau
Testament étaient deux entités distinctes. Il
rejetait donc l'Ancien testament dont le dieu était
mauvais. Il ne croyait pas non plus à la résurrection
des morts. Et il pensait que Jésus n'était né
et n'était mort qu'en apparence, n'étant en
réalité qu'un être immatériel.
Irénée, dans "Contre les
Hérésies, Livre 1 ; 27; 1") écrit
ceci sur lui :
"Un certain Cerdon, prit, lui aussi,
comme point de départ la doctrine des gens de l'entourage
de Simon; il résida à Rome sous Hygin, le neuvième
à détenir la fonction de l'épiscopat
par succession à partir des apôtres, et enseigna
que le Dieu annoncé par la Loi et les prophètes
n'est pas le Père de notre Seigneur Jésus-Christ:
car le premier a été connu et le second est
inconnaissable, l'un est juste et l'autre est bon."
Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes
haereses" (Contre toutes les hérésies),
écrit encore ceci :
"Joignez à ces hérétiques
un Cerdon qui introduit deux principes, c’est-à-dire
deux dieux ; l’un bon et l’autre cruel :
le bon est le dieu supérieur ; le cruel, c’est
le nôtre, c’est le Créateur du monde. Cerdon
rejette la loi et les Prophètes ; il renonce à
Dieu le Créateur. Il admet que Jésus-Christ
fils du Dieu supérieur est venu ; mais il ne veut
pas qu’il se soit montré dans une chair réelle ;
il n’exista qu’à l’état de
fantôme ; par conséquent il ne souffrit
pas véritablement, mais il eut l’air de souffrir.
Il ne naquit pas d’une vierge ; ou, pour mieux
dire, il ne naquit en aucune manière. Il n’admet
que la résurrection de l’âme ; il
nie celle du corps. Il ne reconnaît que l’Evangile
de Luc ; encore ne le reçoit-il pas dans son intégrité.
Il ne prend ni toutes les lettres de l’apôtre
Paul, ni dans leur totalité celles qu’il reçoit.
Il rejette comme faux les Actes des Apôtres et l’Apocalypse".
Marcion et les Marcionites :
Marcion (85-160), né à Sinope,
était un disciple de Cerdon. Pour lui il y avait deux
dieux : Le mauvais dieu des Juifs (celui de l'Ancien Testament),
et le bon dieu des Chrétiens (celui du Nouveau Testament).
C'est le dieu bon qui aurait envoyé Jésus sur terre,
mais ce dernier n'a été crucifié qu'en
apparence car il était un être immatériel.
Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes
haereses" (Contre toutes les hérésies),
écrit ceci sur lui :
"Après lui (Cerdon) apparaît
Marcion, né dans le Pont, fils d’un évêque
et retranché de la communion de l’Église
pour avoir déshonoré une vierge. Celui-ci prenant
occasion de cette parole : 'Tout arbre bon produit de
bons fruits ; tout arbre mauvais produit de mauvais fruits'
travailla de toutes ses forces à propager l’hérésie
de Cerdon et à accréditer la doctrine qu’avait
imaginée son devancier.
A Marcion succède un certain Lucain, partisan et disciple
de ce dernier. Fidèle aux mêmes blasphèmes,
il enseigne ce qu’avaient enseigné Marcion et
Cerdon."
Saint Augustin, dans "Des hérésies",
ajouta ceci :
"Marcion, auteur de la secte des
Marcionites, embrassa aussi les erreurs de Cerdon, relativement
aux deux principes : néanmoins, si l'on en croit Epiphane,
il en admettait trois, l'un bon, l'autre juste, et le troisième
mauvais. Mais Eusèbe prête à un certain
Sinérus, et non pas à Marcion, la doctrine des
trois principes et des trois natures."
Et Irénée, dans "Contre
les Hérésies 1; 27; 1-3", ajoute cela :
"Cerdon eut pour successeur Marcion,
originaire du Pont, qui développa son école
en blasphémant avec impudence le Dieu annoncé
par la Loi et les prophètes : d'après lui, ce
Dieu est un être malfaisant, aimant les guerres, inconstant
dans ses résolutions et se contredisant lui-même.
Quant à Jésus, envoyé par le Père
qui est au-dessus du Dieu Auteur du monde, il est venu en
Judée au temps du gouverneur Ponce Pilate, procurateur
de Tibère César; il s'est manifesté sous
la forme d'un homme aux habitants de la Judée, abolissant
les prophètes, la Loi et toutes les oeuvres du Dieu
qui a fait le monde et que Marcion appelle aussi le Cosmocrator.
En plus de cela, Marcion mutile l'Évangile selon Luc,
éliminant de celui-ci tout ce qui est relatif à
la naissance du Seigneur, retranchant aussi nombre de passages
des enseignements du Seigneur, ceux précisément
où celui-ci confesse de la façon la plus claire
que le Créateur de ce monde est son Père. (.....)
A son blasphème contre Dieu, il ajoute encore, en vrai
porte-parole du diable et en contradicteur achevé de
la vérité, l'assertion que voici: Caïn
et ses pareils, les gens de Sodome, les Egyptiens et ceux
qui leur ressemblent, les peuples païens qui se sont
vautrés dans toute espèce de mal, tous ceux-là
ont été sauvés par le Seigneur lors de
sa descente aux enfers, car ils sont accourus vers lui et
il les a pris dans son royaume; au contraire, Abel, Hénoch,
Noé et les autres "justes", Abraham et les
patriarches issus de lui, ainsi que tous les prophètes
et tous ceux qui ont plu à Dieu, tous ceux-là
n'ont point eu part au salut: voilà ce qu'a proclamé
le Serpent qui résidait en Marcion !..."
Apelles et les Apellites :
Apelle était un disciple de Marcion
mais il ne croyait qu’en un seul Dieu bon. Il pensait
cependant que celui-ci avait chargé l'ange du feu de
créer et de gérer notre monde. Mais cet ange
étant mauvais, il attira les âmes dans le monde
matériel où elles s'incarnèrent et où
elles succombèrent à la tentation.. Dieu avait
donc du envoyer son fils Jésus pour apprendre aux hommes
à ne plus vénérer le mauvais ange.
Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes
haereses" (Contre toutes les hérésies")
dit ceci à son sujet :
"... Ils sont suivis de près
par Apelles, disciple de Marcion, qui se sépara de
son maître aussitôt qu’il fut tombé
dans les péchés de la chair.
Apelles introduit un Dieu unique qu’il place dans les
régions supérieures infinies ; c’est
ce Dieu qui créa un grand nombre de puissances et d’anges.
Voilà pourquoi il appelle Seigneur la seconde vertu,
dont il ne fait qu’un ange : c’est par ce
dernier que notre monde a été produit à
l’imitation du monde supérieur. Il mêla
à la formation de ce nouveau monde le repentir, parce
qu’il n’avait pu le former avec autant de perfection
que l’avait été le monde supérieur :
du reste, il répudie la Loi et les Prophètes.
Il n’affirme ni avec Marcion que le Christ est venu
sous des formes fantastiques, ni avec l’enseignement
de l’Évangile qu’il a eu un corps et une
chair véritables ; mais que descendant des régions
supérieures, il s’adapta, pendant le trajet de
sa descente, une chair empruntée aux astres et à
l’air. Quand il ressuscita, en remontant aux cieux,
il rendit à chacun de ces éléments, ce
qu’il leur avait emprunté pendant qu’il
descendait. Par conséquent, après avoir dispersé
ça et là les différentes parties de son
corps, il ne rentra dans le ciel qu’en esprit.
Le même hérétique nie la résurrection
de la chair ; il n’admet qu’un seul apôtre
celui de Marcion ; encore ne l’admet-il pas tout
entier. Il n’y a de salut que pour les âmes, ajoute-t-il.
De plus, il a des écritures particulières, mais
bizarres ; il les appelle les Révélations
d’une certaine Philumène, qu’il suit comme
une prophétesse. Joignez à ces révélations
des traités, composés par lui, et auxquels il
a donné le nom de Syllogismes, où il essaie
de prouver que tout ce que Moïse a écrit sur Dieu
n’est pas véritable, mais imaginé à
plaisir. (il démontrait par exemple que l’Arche
de Noé, d’après les dimensions rapportées,
aurait pu contenir juste quatre éléphants et
non tous les animaux désignés et leur nourriture.)"
Saint Augustin, dans "Des hérésies",
ajouta celà :
"... Les Apellites, successeurs d'Apelles.
Celui-ci admettait, il est vrai, deux dieux, l'un bon, l'autre
mauvais, mais, dans son idée, ces deux principes n'étaient,
par nature, ni différents l'un de l'autre, ni opposés
l'un à l'autre. En réalité, il ne reconnaissait
qu'un principe, le Dieu bon, par qui l'autre avait été
formé. Le second était méchant, et il
arriva qu'en raison de sa méchanceté, il créa
le monde.
Apelles soutenait aussi de telles erreurs touchant le Christ,
que, d'après son système, le Fils de Dieu, descendant
sur la terre, n'avait point sans doute apporté avec
lui un corps céleste, mais qu'il s'en était
formé un, en le tirant des éléments du
monde : comme il était ressuscité sans son corps,
il l'avait rendu aux éléments au moment de son
ascension dans le ciel."
On a conservé deux paroles d'Apelles
:
"… Il ne faut pas si fort examiner
les matières de religion ; chacun doit deumeurer dans
ses croyances pourvu qu’il fisse de bonne œuvre."
et
"Les prophéties se condamnent d’elle mêmes
puisqu’elle ne disent rien de vraie et qu’elle
sont toutes fausses, qu’elles se contredisent entre
elles…"
Mani (Manès) et les Manichéens :
Mani (216-276) était un gnostique
vivant en Perse. Ses
croyances étant fortement dualistes, il est probable
qu'il ait subi une forte influence de la part des Docétiens,
mais aussi de la part des Perses Mazdéens. Son père
ayant fait partie de la secte des Elkhasaîtes, il est
possible qu'il ait subi aussi quelques influences de ce coté.
Saint Augustin, dans "Des hérésies",
dit ceci sur lui :
"Manès, originaire de Perse, fut le chef des Manichéens.
(.....) Manès imagina l'existence de deux principes,
différents l'un de l'autre, opposés l'un à
l'autre, éternels et coéternels, c'est-à-dire,
ayant toujours existé; et, imitant en cela les anciens
hérétiques, il admit deux natures et deux substances,
celle du bien et celle du mal.(.....)
Au sens des Manichéens, Adam et Eve ont eu pour parents
les princes de la fumée : leur naissance remonte à
l'époque, où, après avoir dévoré
tous les enfants de ses compagnons et absorbé ainsi
la portion de substance divine qu'ils contenaient, Saclas,
leur père, connut sa femme, et rendit de nouveau captive
cette portion de divine substance en l'enfermant dans la chair
de sa propre race, comme dans une étroite prison.
Christ a existé: c'était le serpent de l'Ecriture,
qui ouvrit les yeux de l'intelligence à nos premiers
parents, et leur fit connaître le bien et le mal.
Le Christ est revenu sur la terre en ces derniers temps pour
sauver les âmes et non les corps : il n'a point réellement
pris une chair mortelle, il ne s'est incarné qu'en
apparence, et s'est ainsi joué des sens de l'homme.
Il a paru mourir et ressusciter, et, dans sa mort comme dans
sa résurrection, il n'y a eu que de l'illusion.
Le Dieu qui a donné sa loi par le ministère
de Moïse, qui a parlé par les Prophètes
juifs, n'était pas le vrai Dieu, c'était un
prince des ténèbres."
(Comme on le voit, sa croyance en un jésus immatériel
le rapproche effectivement des Docétiens.)
On peut résumer la cosmogonie des Manichéens
comme cela :
Au début existaient deux mondes
séparés : En haut le royaume spirituel du Père
de Grandeur (Dieu), région de lumière, et en
bas le royaume matériel du Prince des Ténèbres.
Les Ténèbres ayant essayé d'envahir le
royaume de lumière, dieu emmana la "Mère
de la vie". Celle-ci créa alors le Procanthrope
(homme primordial) pour protéger le royaume de lumière.
Et le Procanthrope se vêtit des cinq éléments
(ses fils) : le feu, l’eau, le vent, la lumière
et la terre.
Mais le Prince des ténèbres envoya ses cinq
archontes combattre le Procanthrope. C'était les archontes
du mauvais feu, de la mauvaise eau, du mauvais vent, des ténèbres
et de la fumée.
Le Procanthrope succomba, se fit dépouiller de ses
cinq éléments et fut englouti par les archontes
des Ténèbres.
Dieu envoya alors l'Esprit de vie qui parvint à récupérer
le Procanthrope, lequel alla alors se réfugier dans
la lumière su soleil et de la lune. Mais les parcelles
de lumières (âmes) qu'avait perdu l'homme primordial
restaient enfermées dans les archontes.
L'Esprit de vie, "Troisièmes envoyé de
Dieu", est alors envoyé sur le soleil où
"il expose de belles jeunes filles et de beaux jeunes
gens dont les corps enflamment les passions des princes des
ténèbres" ... afin de les faire libérer
leurs parcelles de lumière en éjaculant.
Le Prince des Ténèbres ordonna alors à
un coupe d'archontes (Ashaqloun / Saclas et Nebroël /
Namraël) d'enfanter les premiers humains (Adam et Eve)
et d'y incorporer les âmes de lumières pour les
garder prisonnières. (Ashaqloun est l'archontes de
la fumée, fils du Prince des ténèbres).
Jésus-le-lumineux fut alors envoyé (sous la
forme d'un serpent) pour éveiller Adam, qui était
maintenu dans un état de torpeur par les ténèbres
: "Jésus le fit tenir debout et goûter à
l'Arbre de Vie (...) Alors Adam dit : 'Malheur au créateur
de mon corps, à celui qui y a lié mon âme
et aux rebelles qui m'ont asservi'.
D'autres Messagers seront envoyés par Dieu aux hommes
pour les aider : Noé, Abraham, Bouddha, Jésus,
Mani. "
Par la suite, le Manichéisme
évoluera et sera la source de plusieurs sectes en Occident
:
- Les Priscilliens :
C'était une secte, dérivant
du Manichéisme, fondée en Espagne vers 370-385
par Priscillien. Les adeptes s'opposaient à la nourriture
carnée,au vin, au mariage et à la communion.
Ils pensaient que l'âme était la création
de Dieu alors que le corps physique et le monde matériel
étaient des créations du Diable.
- Les Pauliciens :
Cette secte d'Anatolie et de Grèce,
avait été fondée par Paul l'Arménien
(699-718) et Constantin de Mananalis vers 660. Seul
Saint Paul trouvait grace à ses yeux dans la Bible.
Pour elle, Dieu a créé l'esprit et le diable
a créé la matière.
Les Pauliciens avaient repris de nombreuses croyances de la
secte des Massaliens / Euchites apparus à Edesse en
360 :.Ils rejetaient les prêtres qu'ils estimaient inutiles
et corrompus. Ils s'opposaient aussi aux
sacrements, au symbole de la croix et au culte des icones
et des saints qu'ils traitaient de superstitions.
Le Paulicianisme progressera en Thrace en 757 et en Bulgarie
aprés 872..
- Les Bogomiles :
Cette secte, créée en 940 par le pope Bogomil,
dérivait des Pauliciens. Elle aussi s'opposait aux
sacrements, aux icônes et aux culte des reliques. Pour
elle, Satanael (le Dieu des Juifs) était un archange
révolté qui avait créé le monde
matériel ainsi que l'homme et y avait enfermé
un ange de lumière qui l'avait suivi. Puis il prit
la forme du serpent pour le tenter et le maintenir prisonnier
de la matière. Dieu avait alors envoyé Jésus
pour aider les hommes, mais celui-ci n'était pas un
être matériel mais un pur esprit immatériel
(croyance typiquement docétiste). Les Bogomiles estimaient
que les prêtres, les rois et les riches n'étaient
que les alliés de Satanael.-
- Les Bougres :
Cette secte était une branche des Bogomiles
installée en France vers 1017. Elle aussi rejetait
les sacrements, la croix, la nourriture carnée, et
niait même le Christ.
- Les Cathares :
C'est le nouveau nom pris par les Bougres
de France en 1163. Ils étaient des pacifistes et des
ascètes rejetant l'amour, le mariage et la nourriture
carnée. Ils prétendaient que le Démiurge
(Satan / Lucifer) avait été chargé par
Dieu dei s'occuper du monde, mais qu'il s'était révolté
en entrainant les anges.
.En 1167 les Cathares seront réorganisés par
Niquinta, un évèque bogomile de Byzance, qui
prétendait que le Démiurge était aussi
puissant que Dieu (c'était donc un pur dualiste).
- Les Patarins :
C'est le nom global donné à
partir de 1173 pour désigner les Cathares d'Italie
et les Bogomiles de Byzance et de Bosnie.
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