Les Gnostiques Ophites

                                                                           

Ces Gnostiques licencieux dérivaient des Nicolaîtes dont ils avaient repris le mythe de la Grande Mère Barbelô, créatrice du démiurge ialdabaoth; mais ils appelaient celle-ci "Sophia". Le serpent avait aussi un rôle important dans leurs croyances.



Les Ophites proprement dits :

Saint Augustin, dans "Des Hérésies 17" écrit ceci sur eux :

"Leur nom vient du mot 'serpent', qui se traduit en grec par 'ophis'.
Ils prétendaient que le serpent n'était autre que le Christ, et ils avaient un serpent apprivoisé qui venait se rouler sur leurs pains, et leur consacrer une sorte d'eucharistie. Certains auteurs les font descendre des Nicolaïtes ou des Gnostiques : c'est dans les fabuleuses fictions de ces sectaires qu'ils auraient puisé l'idée d'adorer le serpent."

Irénée, dans "Contre les Hérésies 1; 30-15" ajoute ceci :

"... Certains, cependant, disent que c'est Sophia (Sagesse) elle-même qui fut le Serpent: c'est pour cette raison que celui-ci s'est dressé contre l'Auteur d'Adam et a donné aux hommes la gnose; c'est aussi pour cela que le Serpent est dit 'plus intelligent que tous les êtres' (Genèse 3,1)....."

Et le Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies") donne ces précisions :

"... On les appelle Ophites. Car ils glorifient tellement le serpent, qu’ils le mettent au-dessus du Christ lui-même. En effet, disent-ils, c’est lui qui nous a donné l’origine de la science du bien et du mal. Moïse connaissait bien sa puissance et sa majesté, quand il dressa le serpent d’airain, et que tous ceux qui le regardèrent obtinrent la guérison.
Il y a mieux. Le Christ lui-même n’imite-t-il pas dans son Évangile la puissance sacrée du serpent, lorsqu’il dit 'De même que Moïse éleva le serpent au désert, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit élevé ?' De là vient que les Ophites introduisent un serpent pour bénir leur Eucharistie.
Mais voici quelle est l’origine de toute cette erreur et de cet appareil superstitieux.
Ils soutiennent que de cet Eon primitif naquirent plusieurs autres Eons inférieurs ; mais qu’un certain Eon, nommé Jaldabaoth, est supérieur à ces derniers. Il a été conçu d’un autre Eon qui s’unit à des Eons inférieurs. Dans la suite, voulant s’élever jusqu’aux régions supérieures, il fut trahi dans ses efforts, à cause de la pesanteur de la matière qui composait sa substance. Laissé dans les régions intermédiaires, il étendit son domaine et créa le ciel.
Jaldabaoth cependant descendit dans les régions inférieures, et engendra sept fils. A force de s’étendre, il ferma les régions supérieures, afin que les anges ainsi hors d’état de connaître les régions les plus élevées, le regardassent comme Dieu unique. Ces Vertus et ces anges inférieurs créèrent l’homme, qui n’ayant été créé que par des Vertus infirmes et sans puissance, rampa sur la terre comme un vermisseau.
Mais l’Eon de qui était sorti Jaldabaoth, touché de compassion, envoya à l’homme, ainsi condamné à ramper, une étincelle qui, en réveillant ses facultés, le mit à même de raisonner et de connaître les régions supérieures. Que fit alors ce Jaldabaoth ? Dans son indignation, il tira de lui-même la Vertu et la ressemblance du serpent. Voilà quelle fut la Vertu dans le paradis, c’est-à-dire voilà quel fut le serpent, auquel Eve avait cru comme au Fils de Dieu. Elle cueillit par ses conseils, ajoutent-ils, le fruit de l’arbre : par là, il apporta au genre humain la science du bien et du mal.
Ils ne croient pas que la chair de Jésus-Christ ait été réelle. Ils n’admettent pas davantage la résurrection dé l’homme. "

On peut essayer de résumer ainsi la cosmogonie des Ophites :

Le dieu Bythos (Abîme) se manifesta sous la  forme du "Premier Humain";
De celui-ci emmana un couple : Le Fils Ennoä / Charis et Pneuma (Esprit) / Zoé (Vie). ils
Ceux-ci enfantèrent le Sauveur Christos et la Mère Céleste Sophia / Achamoth / Prounikos;
Sophia, par une goutte de lumière tombée dans l'ogdoade, fit apparaitre le démiurge, le grand archonte Ialdabaoth (appelé aussi Iadabaôth ou Aariêl, c'est à dire "Lion de Dieu"). Lequel créera ensuite les six autres archontes de l'Hebdomade : Iao, Sabaoth, Adonaï, Astaphaïos, Ailodios (Eloaïos), et horaïos (Oraï). Il créera aussi le mauvais serpent Ophis / Nun.
Ialdabaoth tenta ensuite de fabriquer le premier homme, Adam, mais celui-ci marchait à quatre pattes comme un animal. Inspiré par Sophia, Ialdabaoth souffla alors dans Adam la parcelle de lumière qu'il avait hérité de celle-ci; Adam pu alors se redresser;
Le grand archonte Ialdabaoth se rendit alors compte qu'Adam lui était devenu supérieur. Jaloux, il l'emprisonna alors dans la matière abrutissante du paradis terrestre.
Pour éveiller Adam et le délivrer, Sophia poussa alors le serpent Ophis à lui faire manger le fruit de l'arbre de connaissance. Furieux, ialdabaoth chassa alors Adam et Ophis du paradis terrestre;
Pour se venger de sa déchéance, Ophis poussera, plus tard, Caîn à tuer Abel.


Les Naassènes / Naasséniens :


Les Naassènes étaient des Gnostiques de Phrygie dont le nom vient de l'hébreu "naas"(= "serpent"). Ils se réclamaient de Jacques, le frêre de Jésus.
Pour eux vient en premier l’"Etre des Etres", puis en-dessous apparut l'humain androgyne primordial appelé Adamas. De nombreuses générations d'éons sortirent d’Adamas. Parmi eux se trouve Noûs (Intelligence) qui est le serpent. Le dernier éon émané est Yaldebaôt identifié à Yahveh, le Dieu des juifs. C'est lui qui créera le monde matériel et y enfermera les âmes. L'éon Sophia (Sagesse) essaiera de le séduire sexuellement afin de les lui faire libérer, et Jésus descendra sur terre pour instruire les hommes.

Pour eux, aussi, l'Eden correspondait au cerveau de l'homme.

Hyppolite de Rome, dans "Philosophumena", explique leur doctrine :

"A la suite de Thalès de Milet, les Naassénes enseignent que ce serpent est l'élément humide; sans lui, absolument aucun être ne peut se constituer, qu'il soit immortel ou mortel, animé ou inanimé. Tout est soumis à sa puissance; il est bon; tout est contenu en lui comme dans la corne d'un taureau à une seule corne: aussi est-ce de lui que tous les êtres, chacun selon sa nature particulière, reçoivent la beauté et la grâce; il chemine, pour ainsi dire, à travers toutes choses, 'comme sortant d'Éden et se divisant en quatre branches'  (.....)
Cette eau, dit le Naassène, est celle qui est au-dessus du firmament; c'est d'elle que le Sauveur a dit: 'Si tu savais quel est celui qui te demande de l'eau, c'est toi qui lui en aurais demandé, et il t'aurait donné à boire une eau vive et jaillissante'. (.....)
Telles sont les entreprises de ces Naassènes, qui s'intitulent eux-mêmes 'gnostiques'.
Hymne des Naassènes :
La toute première loi génératrice de l'univers fut Noûs (intelligence); le deuxième principe, après le premier-né, fut le chaos confus; le troisième rang, dans la confection de cette loi, échut à l'âme. A cause de cela, revêtue d'une forme aqueuse, elle peine, jouet et esclave de la mort. Tantôt, investie de la royauté, elle jouit de la lumière; tantôt, précipitée dans le malheur, elle pleure. Tantôt elle pleure et tantôt elle se réjouit; tantôt elle pleure et tantôt elle est jugée; tantôt elle est jugée et tantôt elle meurt; tantôt enfin elle ne trouve plus d'issue, infortunée que ses courses errantes ont amenée dans un labyrinthe de maux.
Alors Jésus dit: 'Regarde, ô Père ! En butte au malheur, elle erre encore sur la terre loin de ton souffle; elle cherche à fuir l'odieux chaos et elle ne sait comment le traverser. C'est pourquoi, Père, envoie-moi! Je descendrai portant les sceaux, je traverserai la totalité des éons, je révélerai tous les mystères, je montrerai les formes des dieux, et je transmettrai, sous le nom de gnose, les secrets de la sainte voie'."


Les Pérates ("Franchisseurs / Traverseurs ") :

C'était une secte d'Eubée (vers 150 ap.JC) fondée par Euphratés et Kelbès. Les Pérates utilisaient, tout comme les Naassènes, le cerveau en tant que représentation de l'Eden. Pour eux, le Logos, représenté par le "serpent universel" (Ouroboros) et le serpent d'airain de Moîse, était l'intermédiaire entre le monde terrestre et le Dieu "Autogène" (Né de lui-même).. Il s'opposait au méchant serpent des eaux qui appartenait aux sept mauvais démiurges (les archontes).

Voila ce qu'un texte dit sur leurs croyances :

"Personne ne peut être sauvé sans le fils qui n’est autre que le serpent (.....)
Ainsi le serpent attire hors de ce monde, à l’exclusion de tout autre, la race parfaite formée à l’image du père et de même essence que lui qui avait été envoyé par lui ici-bas.(.....)
Le cerveau est l’image du père parce qu’il est immobile, et le cervelet est le fils car il se meut et a la forme d’un dragon. Il attire à lui de façon ineffable et mystérieuse, à travers la glande pinéale, la substance spirituelle qui découle du crâne. Comme le fils le cervelet reçoit cette substance, et d’une manière ineffable fait part des formes à la matière. C’est à dire que les germes des espèces des êtres engendrés selon la chair le traverse pour s’écouler dans la moelle du dos."


Les Caïnites :

Les Caînites sont apparus vers 159 ap.JC. Selon eux, le démiurge Nebro / Yaldabaoth avait créé six archontes pour l'accompagner. Le pire d'entre eux s'appelait Saclas. C'est eux qui créérent le premier homme, en s'inspirant d'une image reflétée depuis les Cieux.

Saint Augustin, dans "Des Hérésies 18" décrit ainsi les Caïnites :


"Les Caïnites, ainsi nommés parce qu'ils honoraient Caïn, lui reconnaissaient un courage éminent. A leur avis, le traître Judas était presque un Dieu, et son crime un bienfait il n'avait livré Jésus-Christ aux Juifs que parce qu'il avait prévu le bien immense qui devait résulter de sa mort pour les hommes: de plus, ils rendaient un culte aux Sodomites et même à ces malheureux engloutis sous terre pour avoir fait schisme chez le premier peuple de Dieu. La Loi et Dieu, auteur de la Loi, n'étaient d'ailleurs pour eux que des objets de blasphème, et la résurrection, une fable dérisoire."

Irénée, dans "Adversus Haereses I; 31, 1-2" (Contre les hérésies).dit ceci sur eux :

"D'autres encore disent que Caïn était issu de la Suprême Puissance, et qu'Esaü, Coré, les gens de Sodome et tous leurs pareils étaient de la même race qu'elle: pour ce motif, bien qu'ils aient été en butte aux attaques du Démiurge, ils n'en ont subi aucun dommage, car Sagesse s'emparait de ce qui, en eux, lui appartenait en propre. Tout cela, disent-ils, judas le traître l'a exactement connu, et, parce qu'il a été le seul d'entre les disciples à posséder la connaissance de la vérité, il a accompli le 'mystère' de la trahison: c'est ainsi que, par son entremise, ont été détruites toutes les choses terrestres et célestes. Ils exhibent, dans ce sens, un écrit de leur fabrication, qu'ils appellent 'Évangile de Judas'.
J'ai pu rassembler d'autres écrits émanant d'eux, dans lesquels ils exhortent à détruire les oeuvres d'Hystéra; ils désignent sous ce nom l'Auteur du ciel et de la terre..."

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies) ajoute celà

"Ils exaltent Caïn, qu’ils regardent comme ayant été conçu par quelque Vertu puissante qui opéra en lui. Car Abel, selon eux, né d’une Vertu inférieure, avait été procréé ; voilà pourquoi il était inférieur. Ceux qui parlent ainsi, revendiquent aussi le traître Judas, qu’ils proclament grand et admirable, à cause du service qu’il rendit au genre humain. Quelques-uns, en effet, croient devoir remercier solennellement Judas de sa trahison. Comme il remarquait, disent-ils, que Jésus-Christ essayait de détruire la vérité, il le livra pour que la vérité ne fût pas détruite. D’autres, au contraire, raisonnent dans ce sens : Les puissances de ce monde ne voulaient pas que Jésus-Christ endurât sa passion, de peur que le genre humain ne recouvrât le salut par sa mort. Judas, pour consommer le salut du genre humain, livra le Christ, afin que le salut, qui était entravé par les Vertus dont la haine s’opposait à l’avènement du Christ, ne fût plus entravé, ni la réhabilitation de l’homme retardée par la passion du Christ."

L'Evangile de Judas a été retrouvé, et il décrit ainsi la création :

"Alors, un nuage lumineux apparut et dit de laisser entrer un ange pour le servir. Un superbe ange, le lumineux et divin Auto-Généré, émergea du nuage. De par sa volonté quatre autres anges sortirent d'autres nuages et se mirent à le servir. Il créa la première lumière sur laquelle il régna. Il dit de laisser les anges prendre possession de l'existence pour le servir et des myriades indénombrables prirent leurs places. Il dit de laisser un éon étincelant entrer en existence .
Il ouvrit la seconde lumière et régna sur elle avec des milliers d'anges sans nombre à son service. C'est ainsi qu'il créa le reste des éons illuminés. Il les fit régner sur eux et il créa des myriades d'anges pour les assister.
Adamas était dans le premier nuage lumineux qu'aucun des anges n'avait vu parmi ceux qui l'appelaient Dieu. Il est à l'origine de la génération incorruptible dont procède Seth.
Il fit procéder soixante-douze lumières de cette génération absolument pure, de connivence avec la volonté de l'Esprit. Les soixante-douze lumières, quant à elles, firent trois cent soixante pareillement, toujours en accord avec la volonté de l'Esprit, ce qui donne cinq lumières pour chacune d'entre elles. (.....)
Et l'éon apparu avec cette génération, celui en qui la nue de la connaissance et les anges, est appelé El. Après cela, l'éon ordonna de laisser douze anges prendre le règne sur le Chaos et les Enfers. Et du nuage apparut un ange dont le visage était comme incandescent et qui se présentait comme maculé de sang. Il avait pour nom Nebrô qui signifie Rebelle ; les autres le nommaient Yaldabaoth. Un autre ange, Saklas (Insensé), sortit aussi du nuage. Nebro créa, comme Saklas, six anges pour qu'ils l'aident et chacun de ces douze anges reçut une portion dans les cieux.
Les douze régnants parlèrent aux douze anges (.....)
- Le premier est Seth, autrement appelé 'Christ'
- Le deuxième est Harmathoth.
- Le troisième est Galila.
- Le quatrième est Yôbêl.
- Le cinquième est Adônaios.
Ce sont ces cinq qui règnent sur les Enfers et avant tout sur le Chaos.
Alors Saklas dit à ses anges : 'Créons un homme à notre image et notre ressemblance !' Ils modelèrent Adam et sa femme Eve dont le nom dans les nuages est Zoé....."


Les Séthiens / Sethoïtes :

C'était des Gnostiques d'Egypte (vers 100 ap.JC) qui vénéraient Seth en tant que prophète. ils affirment que celui-ci se serait réincarné dans différents prophètes, dont Melchisédech et Jésus (lequel n'est pas mort sur la croix).

Saint Augustin, dans "Des hérésies 19", les décrit ainsi :

"Les Séthiens étaient ainsi appelés du fils d'Adam qui portait le nom de Seth : ils l'honoraient, mais à leur culte se joignaient des fables et des erreurs, fruits de leur vanité. A les entendre, le patriarche Seth fut engendré par une mère céleste, qui, disaient-ils, avait eu un commerce avec un père également céleste, et ainsi se forma une nouvelle race divine, celle des enfants de Dieu. Du reste, nul ne saurait dire les rêveries qu'ils ont imaginées par rapport aux principautés et aux puissances. Quelques auteurs disent qu'à eurs yeux, Sem, fils de Noé, était le Christ."

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies") écrit ceci :


"Voici quelles sont les extravagances de cette doctrine.
Deux hommes furent créés par les anges, Caïn et Abel : il s’éleva parmi les anges de grandes dissensions et des querelles terribles à cause d’eux. Alors la Vertu qui est supérieure à toutes les vertus, et qu’ils appellent la Mère, aussitôt que la mort d’Abel lui fut annoncée, voulut que Seth fût conçu et naquît à la place d’Abel, afin que, par la mort et la naissance de cette semence pure, les anges qui avaient formé les deux premiers hommes fussent déshérités de leur gloire ; car ils soutiennent que les anges formèrent avec les hommes des unions illégitimes.
Alors cette même Vertu, qu’ils appellent le Mère, ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure, châtia ces prévarications par le déluge, afin de détruire entièrement la race née de ce mélange, et de ne conserver que la semence qui était pure et intacte.
Mais les anges (archontes) qui avaient créé les hommes de la première semence se glissèrent secrètement, et à l’insu de la Mère, dans l’arche de Noé avec les huit personnes qu’elle renfermait, et y introduisirent la semence de Caïn, afin que la semence de la malice, au lieu de périr, fût conservée avec les autres, et que rendue à la terre après le déluge, elle se développât à l’exemple des autres, se répandît au loin, et couvrît l’univers tout entier.
Quant au Christ, ils ne le regardent que comme Seth, et il n’a été réellement que Seth, disent-ils."

On a trouvé à Nag Hammadi, en Egypte, des livres ayant appartenu aux gnostiques Séthiens (l'Hypostase des archontes, l'Apocryphon de Jean, etc ...). Ces textes permetttent de reconstituer la cosmogonie de la secte :

Au début était l'Etre Primordial (Dieu invisible) et sa patèdre Ennoïa (sa Pensée).
Ensembles ils ont créé l'Eon Barbélon. De celui-ci et de sa parèdre Pronoïa (sa Prescience) sont nés plusieurs Eons hermaphrodites, le Christ Monogène (Fils Unique) ainsi les quatre grands anges : Harnozel, Oroïoel, Daveithé et Heleleth.  Sont apparus ensuite encore 8 Eons
(Certains disent que c'est alors que fut créé Adam et son fils Seth. Ce dernier épousera sa soeur Noréa et donnera naissance à la race des Séthiens, les hommes bons.)
Le Dernier Eon, Sophia essaie d'enfanter toute seule mais elle échoue.. Elle ne parvient à créer qu'un serpent hermaphrodite à tête de lion : le grand archonte Ialdabaôth, appelé aussi Samael, Sacla, Ariael, le "Premier né des eaux (Noun)" ou le "Vent des ténèbres". Celui-ci l se prend pour de Dieu unique et crée le monde matériel (Sa compagne porte le nom de Nebruel).
Il crée aussi les sept archontes (exousias) planétaires de l'hebdomade : Athôth (Oraios), Eloaïm (Eloaios), Astaphaïos, Iaô, Sabaoth, Adonis (Adonaios), et Sabbataïos (Sabbathas).
Il crée également les 12 esprits zodiacaux : Athôth (Iaôth), Harmas (Hermas, l'oeil de feu), Galila, Iabêl, Adônaîos / Sabaôth, kainan / Caïn (le soleil), Abel ?, Abiressia (Abiressiné), Iôbel, Harmoupiael, Melkharadonin (Adônin) et Belias.
Enfin, il crée les 360 (ou 365) anges de l'année.
Sophia erre, affligée alors un conjoint lui est envoyé pour la consoler. Ensembles ils créent Pronoïa / Zoé (Vie) / l'Esprit Saint / Metropator (Mère-Père) / la "Mère céleste" / la "Mère des vivants".
Ialdabaoth essaie de fabriquer le premier homme, Adamas / Adam (en s'inspirant d'un reflet venu d'en haut), mais celui-ci marche à quatre pattes comme un animal. Inspiré par Sophia, Ialdabaoth souffle alors dans Adam la parcelle de lumière (psyche) qu'il avait hérité de celle-ci; Adam se redresse alors.
Le grand archonte Ialdabaoth se rend alors compte qu'Adam est devenu supérieur à lui. Jaloux, il l'emprisonne alors dans la matière.Sophia envoit alors sa fille Pronoïa / Zoé pour combattre le grand archonte et délivrer les hommes.
Pronoïa pénètre dans le jardin d'Eden sous la forme d'un serpent afin de révéler la Gnose à Adam et Eve. (Il est dit aussi que le Christ vient se poser, sous la forme d’un aigle, au sommet de l’arbre de la connaissance).Lors de la guerre qui s'ensuit, les archontes essaient de noyer les hommes éveillés de Seth et Noréa en envoyant le déluge ... mais les dynamis (anges de Mars) et l'ange Eleleth viennent secourir les humains.
Pronoïa / Zoé parvient finalement à chasser le grand archonte dans le Tartare et elle convertit l'un de ses fils, le soleil Sabaoth, l'un des sept archontes planétaires.Il organise alors l'Ogdoade, où s'installent Jésus, la Vierge et le Saint-Esprit :
"“Sophia et Zoé libèrent Sabaoth et lui donnent la maîtrise du septième ciel, en-dessous du voile qui se situe entre le dessus et le dessous... Il est élevé au-delà des forces du chaos”


Les Archontiques / Archonticiens :

C'était une branche des Séthiens, fondée par Pierre de Kapharbarucha, dit "Pierre l'ermite", en Arménie.
Ils niaient la résurrection future. Ils disaient que Seth, leur prophète, avait été ravi pendant 40 jours par la Mère et les anges du Dieu bon pour être instruit des mystères du Plétôme.
Ils racontaient aussi que le monde matériel avait été créé par les sept Principautés de l'Hebdomade (les sept Archontes planétaires). Leur chef, Sabaoth (le dieu des Juifs) y retenait les âmes prisonnières, les empéchant de rejoindre la Mère Originelle dans l'Ogdoade.


Valentin et les Valentiniens :


Valentin, né en Egypte, fut l'un des plus grands Gnostiques ... et probablement celui dont le système était le plus complexe. Il alla prêcher à Rome vers 136-161 et baptisait au nom du "Père inconnu";.

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies) présente ainsi les croyances des Valentiniens :

"L’hérétique Valentin a débité un grand nombre de fables. Je n’en présenterai qu’une courte exposition. En effet, il introduit un Plérôme de trente Eons, qu’il fait sortir par syzygies, c’est-à-dire par couples.
A la tête de tous, dit-il, sont Bythos (Abîme) et Sigé (Silence). Ils engendrèrent Noüs (Esprit) et Aléthéia (Vérité).
De Noûs et Aléthéia
naquirent Logos (Verbe) et zoé (Vie).
C eux-ci à leur tour donnèrent naissance à Anthropos (Homme) et à ekklésia (Église).
Anthropos et Ekklésia engendrèrent douze Eons ; il en naquit dix autres du Verbe et de la Vie. Ainsi se complètent les trente Eons, qui au moyen d’une huitaine, d’une dizaine et enfin d’une douzaine, constituent le Plérôme.
Le trentième de ces Eons (Sophia) voulut contempler Bythos, et pour le contempler il osa monter dans les régions supérieures du Plérôme. Mais comme il n’était point assez fort pour soutenir les rayons de sa grandeur, il fut pris d’une grande défaillance, et il serait retombé dans le néant, si celui qu’ils appellent Horos (Limite), envoyé pour le rassurer, ne l’avait réconforté en lui criant Jao. Prononciation ou Parole est le nom de ce dernier.
Valentin ajoute que l’Eon, exclu du Plérôme et devenu Achamoth, fut livré depuis à toutes les passions du Désir, et de ces passions engendra la matière. Elle en créa le ciel, la terre, et tout ce qu’ils renferment. De là vient que toutes les créations de cet Eon sont misérables, fragiles, caduques et mortelles, parce que lui-même fut conçu et naquit de l’avortement. Il ne laissa pas cependant de créer notre monde des matières qu’avaient fournies les frayeurs, les craintes, les tristesses on les sueurs d’Achamoth. De sa frayeur, dit le sectaire, naquirent les ténèbres ; de sa crainte et de son ignorance l’esprit de malice et d’iniquité ; de sa tristesse et de ses larmes, l’eau des fontaines, les flots de la mer et des fleuves.
Quant au Christ, il a été envoyé par le Propator, qui n’est autre chose que Bythos. Le Christ ne parut point sur la terre avec un corps tel que le nôtre ; mais apportant du ciel je ne sais quel corps spirituel, il traversa le sein de la Vierge Marie, comme l’eau passe par un canal, sans en rien recevoir, sans lui emprunter quoi que ce soit. Il ne veut pas que cette chair ressuscite, mais une autre chair spirituelle.
Il admet certains points de la Loi et des Prophètes ; il en rejette d’autres ; qu’est-ce à dire ? Il rejette la totalité en rejetant quelques points seulement. Il a aussi son Évangile, excepté les nôtres."

Irénée, dans "Contre les Hérésies 1;11-1", résume ainsi leur doctrine :

"... Il existait une Dyade innommable, dont un terme s'appelle l'Inexprimable et l'autre Sigé (Silence). Par la suite, cette Dyade a émis une deuxième Dyade, dont un terme se nomme Pater (Père) et l'autre Aléthéia (Vérité). Cette Tétrade a produit comme fruit Logos (verbe) et Zoé (Vie), Anthropos (Homme) et Ekklésia (Église): et voilà l'Ogdoade première.
De Logos et de Zoé sont émanées dix Puissances, comme nous l'avons déjà dit; d'Anthropos et Ekklésia sont émanées douze autres Puissances, dont l'une (Sophia), après avoir quitté le Plérôme et être tombée dans la déchéance, a fait le reste de l'oeuvre de fabrication.
Valentin pose deux Limites: l'une, située entre l'Abîme et le restant du Plérôme, sépare les Éons engendrés du Père inengendré, tandis que l'autre sépare leur Mère (Sophia) du Plérôme. Le Christ n'a pas été émis par les Eons du Plérôme: c'est la Mère qui, lorsqu'elle s'est trouvée hors du Plérôme, l'a enfanté selon le souvenir qu'elle avait gardé des réalités supérieures, non cependant sans une certaine ombre. Comme ce Christ était masculin, il retrancha de lui-même cette ombre et remonta dans le Plérôme. La Mère alors, abandonnée avec l'ombre et vidée de la substance pneumatique, émit un autre fils: c'est le Démiurge, maître tout-puissant de ce qui est au-dessous de lui..."


Saint Augustin, dans "Des hérésies", en donne cette version :

"Valentin, leur chef , avait imaginé une foule de fables sur la nature des choses, entre autres, trente Eons ou siècles. Le principe de tous les Eons étaient Sigé (Silence) et Bythos (Abîme), auquel il donnait le nom de Pater (père).
De tous les deux, comme de deux époux, étaient nés Noûs (Esprit) et Aléthéia (Vérité), qui, avaient produit huit Eons en l'honneur de leur père.
L'esprit et la vérité avaient, de même, deux enfants, Logos (Parole) et Zoé (Vie), qui avaient, à leur tour, engendré dix Eons.
Puis, Logos et Zoé avaient mis au monde Anthropos (Homme) et Ekklésia (Eglise), qui avaient eux-mêmes enfanté douze Eons : d'où résultaient trente Eons, qui avaient, comme nous l'avons fait remarquer , pour premier principe, Bythos et Sigé.
Le Christ, envoyé par le Père, c'est-à-dire, par Bythos, n'avait apporté en ce monde qu'un corps spirituel et céleste : la Vierge Marie ne lui avait rien donné de sa substance : elle avait été, pour lui , comme un canal ou un vaisseau, où il était passé, sans y rien prendre de charnel. La résurrection de la chair n'aura jamais lieu : l'esprit et l'âme de l'homme ne parviendront au salut que par les mérites de Jésus-Christ".

Tertullien, dans "Adversus Valentinianos" (Contre les valentiniens) explique plus en détail leur doctrine :

"... C'est là qu'habile le dieu des Valentiniens, tout-à-fait sous les tuiles. Considéré dans sa substance, ils l'appellent l'Eon parfait, dans sa personne, Proarchê, Archê, ou Bythos, mot qui ne convenait nullement à qui habile dans les hauteurs. Ils le proclament sans commencement, immense, infini, invisible, éternel (......)
Et cependant à ce Dieu qu'ils nous représentent, comme unique, ils lui donnent, dans lui-même et avec lui-même une seconde personne qu'ils nomment Charis ou Sigê. Autre inconséquence. Ils l'arrachent à ces bienheureux loisirs pour qu'il ait à tirer de lui-même le principe de toutes choses. Ce principe, il le dépose dans le sein de sa Sigê, qui le recueille et conçoit. Voilà donc Sigê qui enfante clandestinement. Celui qu'elle enfante s'appelle Noûs, exactement semblable à son père, égal à lui en toutes choses. (......)
Une femme naît après lui. Elle s'appelle Aléthéia (Vérité). (......)
Ce même Noûs, aussitôt qu'il eut reçu la faculté d'engendrer, produit Logos (Verbe) et Zoé (Vie), qui, si elle n'existait pas auparavant, n'existait pas non plus par conséquent dans Bythos. (......)
Ce couple nouveau, mis au monde pour commencer l'universalité et le Plérôme parfait, engendre à son tour: il procrée Anthropos (Homme) et ekklésia (Eglise). Tu as l'Ogdoade, double Tétrade, par l'accouplement des mâles et des femelles, grenier des Eons primordiaux (......)

Voilà donc que la seconde Tétrade, Logos et Zoé, Anthropos et Ekklésia, a germé en l'honneur du Père. Alors, désireux d'offrir au père de leur propre fonds, ils produisent d'autres fruits, par l'union de leur double nature, et en vertu de leur alliance par conséquent. D'un côté, Logos et Zoé mettent au monde une dixaine d'Eons à la fois; de l'autre Anthropos et Ekklésia en produisent deux de plus, pour atteindre le nombre des auteurs de leurs jours, parce que ces deux êtres, réunis aux dix autres, forment un nombre égal à celui qu'ils ont procréé.
J'écris les noms de la décade: Bythis (Abyssal) et Myxis (Mélange), Agératos (Sans vieillesse) et Hènoxys (Unification); Autophyès (Né de lui seul) et Hédonê (Volupté); Acynétos (Immobile) et Syncrasis (Assemblage); Monogène Fils unique) et Macaria (Félicité).
Voici, d'autre part, ceux du nombre duodénaire: Paracletos (Défenseur) et Pistis (Foi); Patricos (Paternel) et Elpis (Espoir); Métricos (Maternel) et Agapê (Amour) ; Aïnus (Entendement) et Synésis (Compréhension) ; Ekklésiastikos (Ecclésiastique) et Marcariote (Sainteté); Thélétos (Désiré) et Sophia (Sagesse). (......)

Noûs est le seul qui entre tous jouisse de la connaissance du Père incommensurable, joyeux et plein d'allégresse, par conséquent, tandis que les autres s'attristent. Il est bien vrai que Noûs, autant qu'il était en lui, avait eu la volonté, et même avait essayé de communiquer aux autres ce qu'il connaissait de la grandeur et de l'incompréhensibilité du Père. Mais Sigê, sa mère, s'y opposa (......)
Ainsi, tandis qu'ils sont torturés au fond d'eux-mêmes, landis qu'ils sont brûlés d'une secrète ardeur de connaître le père, le crime faillit se consommer. De ces douze Eons qu'Anthropos et Ekklesia avaient procréés, la dernière Eon, du côté de l'âge (Sophia), ne pouvant plus se contenir, s'élance à la recherche du Père, sans la société de son époux Philète (Thehetos ?), (......)
Mais aussitôt que Sophia, qui aspirait à l'impossible, eut été trompée dans ses vœux, vaincue par les difficultés, et croissant toujours en affection, peu s'en fallut que la violence de l'amour et de l'investigation ne la consumât entièrement, et ne l'anéantît dans le reste de sa substance. A vrai dire, elle n'eût interrompu ses recherches qu'en périssant, si elle n'eût, heureusement pour elle, rencontré Horos (la Limite), qui possède aussi quelque vertu en tant que fondement et gardien extérieur du Plérôme parfait, et s'appelle encoreStauros (Croix), Lytrote et Carpiste. Ainsi donc Sophia, délivrée de ce péril et se laissant persuader, quoique tard, trouva le repos en renonçant à la recherche du Père, puis exposa comme un fruit avorté Enthymésis tout entière (en d'autres termes le Désir) avec la Passion qui était survenue.

D'abord elle s'attriste de l'imperfection de son fruit; enfin elle a peur que la mort n'approche: elle ne sait que penser de la cause de cet événement; elle cache soigneusement sa grossesse. (......)
Toutefois aucune des infortunes de Sophia ne fut inutile; chacun de ses labeurs est fécond. En effet, ses tribulations donnent naissance à la Matière; son ignorance, ses frayeurs, ses tristesses deviennent autant de substances.
Alors son Père, touché enfin de compassion, procrée, par l'intermédiaire de Noûs-Monogène (......) Horos, qu'ils appellent Métagogès (c'est-à-dire qui conduit tout autour) et Horothétès. C'est par lui, disent-ils, que Sophia fut détournée de ses voies illicites, délivrée de ses maux, fortifiée, rendue à l'hymen, et qu'enfin elle demeura dans le sein du Plérôme.
Quant à sa fille Enthymésis, et à la Passion sa compagne, elle fut bannie par Horos, crucifiée et chassée du nombre des Eons. On l'appelle le Mal, substance spirituelle toutefois, puisqu'il est l'émanation naturelle d'un Eon, mais substance informe et hideuse, puisque sa mère n'avait saisi que le vide, fruit débile par conséquent, et déclaré féminin.
Ainsi, après qu'Enthymésis eut été repoussée, et Sophia sa mère rendue à son époux, ce Monogène, ce Noûs, délivré de tout soin par rapport à son Père, pour consolider les choses, fortifier le Plérôme et en fixer à jamais le nombre, de peur qu'à l'avenir quelque révolution semblable ne le troublât, clôt cette série par une nouvelle procréation, le Christ et l'Esprit saint: (......)
Il appartient au Christ d'inculquer aux Eons la nature de leurs alliances (lu vois quelle entreprise il avait sur les bras), de leur donner l'idée de l'inné, de les rendre capables d'engendrer en eux la connaissance du Père, parce qu'il est impossible de le saisir, de le comprendre, de le voir et de l'entendre autrement que par Monogène. Qu'ils apprennent ainsi à connaître le père, d'accord, pourvu qu'ils le connaissent seulement par le Fils ! (......)
Quant à l'Esprit saint, voici ses fonctions spéciales. Il veille à ce que tous, égaux par l'amour de la doctrine, soient à même de poursuivre l'action de grâces et d'entrer dans le repos véritable.

(......) Voilà les Eons réunis, consolidés, et rétablis dans le repos par la vérité: alors, au milieu des transports de l'allégresse, ils célèbrent le père par des hymnes. (......)
Tous apportent en commun le même et unique bien qui les constitue tous. De cet argent fourni par plusieurs, comme parlent les inscriptions, ils forment donc, en l'honneur et à la gloire du Père, l'astre brillant du Plérôme, et pour fruit parfait, Jésus. Ils le surnomment du nom patronymique de Soter (Sauveur), de Christ et de Verbe; Geai d'Esope, Pandore d'Hésiode, Plat précieux d'Accius, Panacée de Nestor, Miscellanée de Ptolémée.

Cette première série contient donc la première émanation des Eons, qui naissent, s'épousent et engendrent également; les périlleuses vicissitudes de Sophia, qui brûle de connaître son père; le secours d'Horus, qui lui vient fort à propos en aide; l'expiation d'Enthymésis et de la Passion, sa compagne; l'enseignement du Christ et de l'Esprit saint; la réformation tulélaire des Eons; les ornements de Soter, variés comme la plume du paon, et enfin les anges qui font sentinelle devant lui, quoique ses égaux.(......)
La seconde partie s'accomplit par delà la toile qui sépare ]a scène, je veux dire en dehors du Plérôme, s'il est vrai toutefois qu'agir dans le sein du Père et dans les limites de la surveillance d'Horus, c'était se mouvoir librement en dehors de Dieu et là où il n'était pas.
Enthymésis, en effet, ou bien Achamoth, selon le nom qui lui est donné et dont l'interprétation est obscure, après avoir été confiné avec la Passion, sa compagne inséparable, dans les lieux étrangers à la lumière, qui sont le domaine du Plérôme et rappellent le vide d'Epicure, Enthymésis souffre par le lieu même où elle est reléguée. Toujours est-il qu'elle n'a ni forme, ni apparence, procréation défectueuse et avortée. Pendant qu'il en est ainsi, le Christ, fléchi par les Eons supérieurs, est conduit sur la terre par Horos, pour compléter par sa propre vertu celte production incomplète, toutefois en lui donnant la forme de la substance uniquement, mais non celle de la science. Il lui en arriva quelque émanation cependant; car elle garda un parfum d'incorruptibilité par lequel, avertie de son infortune, elle aspire à des dons plus excellents. Le Christ, après avoir rempli cette mission de miséricorde dans la société de l'Esprit saint, rentre dans le Plérôme.

(......) Tu viens d'entendre nommer la Conversion, autre espèce de Passion: c'est d'elle, assure-t-on, qu'a été formée l'ame de ce monde, l'ame elle-même du Démiurgue, c'est-à-dire l'ame de notre Dieu. Tu connais le Chagrin et la Crainte: ce sont eux qui ont donné naissance à toutes les autres créatures; car la masse des eaux est venue des larmes d'Achamoth. Il est facile d'apprécier l'étendue de sa calamité par la multiplicité des eaux qui jaillirent d'elle. (......)
C'est Achamoth qui a versé les pluies du ciel en poussant des cris; ce sont des douleurs et des larmes étrangères que nous prenons soin de conserver dans nos citernes. De même les éléments corporels ont été tirés de sa consternation et de sa frayeur. Toutefois, au milieu de son immense solitude, dans la vaste étendue de son abandon, elle riait de temps en temps, au souvenir qu'elle avait vu le Christ: de la joie de son sourire rayonna la lumière. (......)

Voilà en effet que, fidèle aux exemples maternels, elle recourt à la prière. Mais le Christ, auquel il répugnait de sortir une seconde fois du Plérôme, chargea le Paraclet de le remplacer. Il lui envoie donc Soter, ou Jésus, auquel le Père avait donné toute puissance sur chacun des Eons (.....) Achamoth (.....) s'avance au-devant de lui par les forces mêmes qu'elle en avait reçues, et lui adresse ces mots: 'Salut au Seigneur !' Alors, j'imagine, celui-ci l'accueille, la fortifie, ajoute à sa première forme celle de la connaissance, la délivre de tous les outrages de la Passion, qu'il expulse avec plus d'attention qu'il n'avait fait pour les infortunes de sa mère. En effet, il réunit ensemble tous ces vices invétérés et fortifiés par le temps, et, après en avoir formé une masse solide, il les sépara pour qu'elles eussent à former la matière corporelle, disposant la Passion incorporelle inhérente à Achamoth à pénétrer aussitôt dans les substances contraires des corps par son aptitude et son essence, de sorte qu'il sortit de là deux espèces de substances; les mauvaises qui naquirent des vices; les substances exposées aux passions qui provinrent de la conversion. Telle est l'origine de la matière (......).

Achamoth, une fois délivrée de tous ses maux, marche de progrès en progrès, et porte des fruits plus merveilleux. Echauffée dans tout son être par la joie d'avoir échappé à son infortune, et entrant dans une sorte de fermentation par la contemplation des lumières angéliques, elle se prend d'amour au fond d'elle-même pour les anges, et sent grossir son sein par une conception spirituelle, devant cette image, que la violence de ses transports et la joie d'une excitation voluptueuse avaient introduite et comme imprimée dans son cœur. Elle enfanta donc. Dès-lors il y eut trois substances qui provenaient de trois causes. La première était matérielle, elle avait son origine dans la passion; la seconde était animale, elle était fille de la conversion; la troisième enfin était spirituelle, elle émanait de l'imagination.

Plus propre à l'action par l'autorité de ses trois enfants, elle entreprend de perfectionner chacune de ces espèces. Mais elle ne put atteindre la substance spirituelle, parce qu'elle est elle-même spirituelle. (.....) Dans celle intention, elle borne ses efforts à la substance animale, après avoir produit les lois de Soter. Et d'abord, (.....) elle produit notre Dieu (Yahwé), le Dieu de tous les hommes, excepté des hérétiques, le Père, le Créateur, le Roi de tous les êtres qui sont postérieurs. Tous, en effet, viennent de lui, si toutefois ils viennent de lui et non pas plutôt de celle Achamoth par laquelle, à son propre insu, secrètement et semblable à l'automate qui obéit à l'impulsion extérieure, il était mû dans chacune de ses opérations. (.....) ils l'appellent Père, mais que pour les substances matérielles qu'ils relèguent à la gauche, ils le nomment Démiurgue; et Roi, lorsqu'il s'agit du gouvernement de l'ensemble. (......)

Le Démiurgue, placé hors des limites du Plérôme, et plongé dans la honteuse solitude de son éternel exil, créa un nouvel empire, le monde présent, qu'il forma du mélange des êtres animés et matériels, après en avoir banni la confusion et avoir distingué la diversité de cette double substance. En dehors des substances incorporelles, il édifie des corps lourds, légers, qui s'élèvent et qui descendent, célestes et terrestres: puis il couronne par son propre trône les sept étages du ciel; de là vient qu'il a été appelé Sabbat, à cause du septénaire de son domicile; de là vient encore que sa mère Achamoth se nomme l'Ogdoade, à cause de l'Ogdoade primogénitale. (......)

En attendant, il faut savoir que Sophia est aussi surnommée Terre et Mère, comme qui dirait Terre-Mère, et, chose plus ridicule encore, Esprit saint.(.....) Mais d'ailleurs le Démiurgue, grâce à sa faiblesse originelle, puisqu'il n'était qu'un des animaux, savait si peu s'élever par la connaissance jusqu'aux choses spirituelles, que, s'imaginant être seul, il se parla ainsi à lui-même: 'Je suis le Dieu, et d'autre que moi, il n'y en a pas.'(.....)

Je leur pardonnerais plus volontiers leurs absurdités honteuses sur le diable, ne fût-ce que par la raison que la souillure de son origine s'y prête davantage. Ils le font naître de la malignité du chagrin que ressentit Achamoth. Ils donnent la même origine aux anges, aux démons, et à toutes les générations des puissances spirituelles du mal. Ils ne laissent pas d'affirmer cependant que le diable est l'œuvre du Démiurgue; ils l'appellent souverain du monde, et ils tiennent qu'en vertu de sa nature spirituelle, il connaît plus les Eons supérieurs que le Démiurgue, qui est tout animal. Le père de toutes les hérésies mérite bien la prééminence qu'ils lui accordent.

Voici dans quelles limites ils placent comme la citadelle de chacune de ces puissances. Dans les hauteurs les plus élevées siège le Plérôme en trente personnes, dont Horos garde la ligne la plus reculée. Au-dessous de lui, Achamolh occupe l'espace intermédiaire, foulant aux pieds son fils. Car au-dessous d'elle réside dans son septénaire le Démiurgue, ou plutôt le diable, habitant de ce monde qui lui est commun avec nous, et dont chaque élément, chaque corps, ainsi que nous l'avons dit plus haut, est formé des fécondes infortunes de Sophia;
(......)
Le Démiurgue, après avoir produit le monde, se met à l'œuvre pour créer l'homme. (.....)
C'est ainsi que le Démiurgue façonne l'homme et l'anime de son souffle. Par là il sera terrestre, animal, fait à l'image et à la ressemblance du Démiurgue. Etre quadruple ! En tant qu'image, il est réputé terrestre, c'est-à-dire matériel, quoique le Démiurgue ne soit pas matériel; comme ressemblance, il est animal, car cette propriété appartient au Démiurgue. Tu as déjà deux de ses formes. Ils veulent ensuite qu'un vêlement charnel ait recouvert cette organisation terrestre, et ce vêlement, c'est la tunique de peau qui tombe sous les sens.

Achamoth avait gardé de la substance de Sophia sa mère, une portion de semence spirituelle, de même qu'Achamoth elle-même en avait communiqué quelques parcelles à son fils le Démiurgue, mais à l'insu de ce dernier. Elle avait déposé et caché cette semence, afin qu'au moment où le Démiurgue transmettrait son ame à Adam par la vertu de son souffle, cette semence spirituelle coulât par le même canal jusque sur l'homme terrestre, et que déposée dans ce corps matériel comme dans une matrice où elle pût s'élaborer et grandir, elle fût trouvée capable de recevoir un jour le Verbe parfait. Ainsi, lorsque le Démiurgue fit passer dans Adam l'effusion de son ame, l'homme spirituel se glissa secrètement avec ce, souffle et fut introduit dans ce corps, parce que le Démiurgue ne connaissait pas plus la semence de sa mère que sa mère elle-même. (......)

Le Démiurgue a aussi son Christ, fils qu'il a engendré de sa substance. Il l'a créé animal, disent-ils; c'est le même qui a été proclamé par les prophètes; son existence est une question de préposition, c'est-à-dire qu'il est né par une vierge et non d'une vierge; parce que, descendu dans une vierge, il la traversa plutôt qu'il n'en sortit selon les lois de la génération, passant par son canal plutôt que prenant naissance en elle, et au lieu de l'avoir pour mère, ne s'en servant que comme d'un chemin. Soter, sous la forme d'une colombe, descendit donc alors sur ce Christ dans le sacrement du baptême. Or, il y eut aussi dans ce Christ un assaisonnement de la semence spirituelle d'Achamoth, sans doute pour prévenir la corruption de tout le mélange. En effet, ils lui donnent pour renfort quatre substances, à l'exemple de la Tétrade souveraine: la substance d'Achamoth, ou la spirituelle; celle du Démiurgue, ou l'animale; la corporelle ou inénarrable; et enfin celle de Soter, c'est-à-dire celle de la colombe. Quant à Soter, il demeura jusqu'à la fin dans le Christ, impassible, insaisissable, inaccessible aux outrages. En un mot, aussitôt qu'on en vint aux actes de violence, il se retira de lui pendant l'instruction dirigée par Pilate, Conséquemment la semence de la mère ne fut point en butte aux outrages, parce qu'elle est incapable d'être atteinte par eux, ignorée du Démiurgue lui-même. Celui qui souffre, c'est le Christ animal, le Christ charnel, à l'imitation de ce Christ supérieur qui, pour produire Achamoth, avait été étendu sur la Croix, c'est-à-dire sur Horus, sous une forme substantielle, mais non sensible.

Cependant le Démiurgue, dans l'ignorance universelle où il était, quoi qu'il doive un jour annoncer lui-même quelque chose par ses prophètes, mais sans avoir même l'intelligence de cette œuvre (car ils attribuent l'autorité prophétique en partie à Achamoth, en partie à la semence, en partie au Démiurgue), le Démiurgue n'a pas plutôt appris l'arrivée de Soter, qu'il s'avance à la hâte et triomphalement au-devant de Soter, avec toutes ses forces, véritable centurion de l'Evangile. Eclairé par lui sur tous les points, il apprend aussi de sa bouche l'espérance qu'il est destiné à remplacer sa mère. Depuis ce jour, rassuré sur son existence, il poursuit le gouvernement de ce monde, aussi longtemps qu'il le faudra, ne fût-ce que pour protéger l'Eglise.(......)

Il reste à parler de la consommation dernière et de la dispensation des récompenses. Achamoth n'aura pas plutôt pressé la moisson de toute sa postérité, qu'elle se mettra dès-lors en devoir de la rassembler dans ses greniers; ou bien, lorsque cette semence, portée au moulin et réduite en farine, aura été enfermée par elle dans le coffre où elle sera pétrie et mêlée à l'eau, jusqu'à ce que toute cette masse soit entrée en fermentation, alors arrivera la consommation universelle. Dès ce moment, Achamoth quittera la région du milieu et le second étage du ciel, pour être transportée dans le ciel le plus élevé et rendue au Plérôme. Aussitôt ce Soter, formé de tous les Eons, l'accueille et devient son époux: nouvel hymen ! nouveau couple! Voilà l'époux et l'épouse, ainsi que le Plérôme nuptial des Ecritures. (.....) Le Démiurgue lui-même, abandonnant son septénaire souscéleste pour monter dans l'étage supérieur, s'établira dans le cénacle vide de sa mère, la connaissant dès-lors, mais ne la voyant pas."


Les Valentiniens occidentaux :

Parmi eux il y avait les Héracléoniens / Héracléonites qui suivaient Héracléon, un ancien disciple de Valentin installé en Italie vers 140 . C'est ce dernier qui a inventé la Trinité, composée du Père, du Fils et de Pneuma (Esprit).

Saint Augustin, dans "Des hérésies", écrit ceci sur eux :

"Les Héracléonites furent ainsi appelés de leur chef Héracléon, disciple de ceux que nous venons de nommer. Ils soutenaient l'existence de deux principes, dont l'un procédait de l'autre, pour en produire ensemble une foule d'autres. On raconte qu'ils rachetaient en quelque sorte leurs morts d'une manière nouvelle , c'est-à-dire , en répandant , sur la tête du cadavre, de l'huile, du baume et de l'eau, et en prononçant des invocations en langue hébraïque."

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies) écrit ceci sur Héracléon :
" Il y eut après cela un autre hérétique, appelé Héracléon, qui, afin de ne pas penser comme Valentin, veut paraître penser autrement, en introduisant la nouveauté de je ne sais quelle Parole. Ce qui profère exista de tout temps, dit-il. Puis de cette Monade il tire deux Eons, bientôt l’essaim des Eons, et enfin le système de Valentin tout entier."

Saint Augustin, dans "Des hérésies", parle d'un autre Valentinien occidental appelé Ptolémée, et qui était un ancien Marcionite :

"Ptolémée, aussi disciple de Valentin , voulut fonder une nouvelle secte, et, pour cela, il préféra ne reconnaître que quatre Eons et quatre autres."

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies) écrit ceci sur ce Ptolémée :

"Après vinrent les hérétiques Ptolémée et Secundus, qui sont d’accord sur tous les points avec Valentin, à l’exception de celui-ci. Valentin s’était contenté d’imaginer trente Eons ; ses disciples en introduisirent quatre d’abord, puis ils y en ajoutèrent par la suite quatre autres. Valentin veut que le trentième Eon ait été relégué hors du Plérôme, à cause de ses défaillances. Ptolémée et Secundus le nient ; car ils n’admettent pas au nombre du Plérôme ou des trente Eons, celui que tourmenta le désir impuissant de contempler le Propator."

Epiphane de Salamine cite une lettre de ce Ptolémée; il y est dit ceci :

"L’Ancien Testament ne peut être inspiré par le vrai Dieu, puisque, par exemple il ordonne à son peuple, les Israélites, de tuer les cananéens déjà installés en terre promise . Mais cet ancien testament ne peut pas non plus être une œuvre du diable puisqu’il contient des lois justes et bonnes. En se basant sur les paroles de Jésus Ptolémée distinguait dans la loi mosaïque trois espèces de choses différentes. L’une venant de Dieu, la seconde de Moïse et la troisième venant de l’imagination des anciens docteurs.
Une distinction en trois parties s’applique aux paroles venant de Dieu. Les premières sont parfaites (dix commandements). Les suivantes sont souillées par les passions humaines, par exemple la loi du talion, et les dernières sont à prendre au sens symbolique et non littéral (Le shabbat n’interdit pas le travail, mais de faire le mal, etc.) De tout cela, il déduit que le Démiurge -créateur du monde- est inférieur au Dieu parfait, mais meilleur que le diable."


Les Valentiniens orientaux / Marcosiens :

Saint Augustin, dans "Des hérésies", parle de l'Egyptien Marcos (Marc), un Valentinien influencé par l'hermétisme :

"Un je ne sais quel Marc devint hérétique en niant aussi la résurrection des corps et la passion effective de Jésus-Christ. Il reconnaissait aussi deux principes opposés l'un à l'autre, et l'existence des Eons, à peu près telle que l'avait imaginée Valentin".

Irénée, dans "Contre les Hérésies 1; 17-2" cite les croyances de ce Marc :

"Le système des Marcosiens n'est autre que celui de Valentin, revu et augmenté par son disciple Marc.
(...) ils disent que le Démiurge voulut imiter le caractère infini, éternel, illimité et intemporel de l'Ogdoade d'en haut, mais qu'il ne put en reproduire la fixité et l'éternité parce qu'il était le fruit de la déchéance; il transposa donc l'éternité de l'Ogdoade dans des durées et des moments et des quantités considérables d'années, s'imaginant pouvoir, par la longueur de ces durées, imiter l'éternité de l'Ogdoade. C'est alors, disent-ils, que la vérité l'a fui et que lc mensonge a suivi: et c'est pourquoi, lorsque les temps seront accomplis, son oeuvre subira la destruction."

Irénée, dans "Contre les Hérésies 1; 20-1" ajoute ceci :

"Outre cela, ils introduisent subrepticement une multitude infinie d'Écritures apocryphes et bâtardes confectionnées par eux pour faire impression sur les simples d'esprit et sur ceux qui ignorent les écrits authentiques. Dans le même but, ils y ajoutent encore la fausseté que voici: Lorsque le Seigneur était enfant et apprenait ses lettres, le maître lui dit, comme c'était la coutume: 'Dis alpha'; il répondit 'alpha'. Mais lorsqu'ensuite le maître lui eut enjoint de dire bêta, le Seigneur lui répondit: 'Dis-moi d'abord toi-même ce qu'est alpha, et je te dirai alors ce qu'est bêta'. Ils expliquent cette réponse du Seigneur en ce sens que lui seul aurait connu l'Inconnaissable, qu'il manifesta sous la figure de la lettre alpha."

Pseudo-Tertullien, dans "Adversus Omnes haereses" (Contre toutes les hérésies) écrit également ceci

.".. ne manquèrent pas de surgir un certain Marc et un Colarbasus, qui formèrent une nouvelle hérésie de l’alphabet des Grecs. Ils soutiennent qu’il est impossible de découvrir la vérité sans le secours de ces lettres, ou plutôt que la plénitude et la perfection de la vérité résident cachées dans ces lettres. Voilà pourquoi Jésus-Christ a dit : Je suis l’ALPHA et l’OMÉGA. Enfin Jésus-Christ est descendu sur la terre, c’est-à-dire la colombe s’est reposée sur Jésus, et en grec colombe se dit peristera , mot qui dans la numération équivaut à DCCCI. Ceux-ci remontent toutes les lettres de l’alphabet, oméga, psi, chi, phi, tau, upsilon , jusqu’à la première, et forment ainsi des huitaines et des dizaines. Je m’arrête. Il serait peu sage et oiseux de rapporter ici toutes les extravagances qu’ils débitent ; ou pour mieux dire, il y aurait autant de danger que d’extravagance à les énumérer. Ils imaginent un autre dieu que le Créateur. Ils nient tout à la fois et que le Christ se soit montré dans une chair réelle, et que la chair doive ressusciter."


Bardesane et les Bardesaniens / Bardesanistes :

Bardesane (154-222) enseignait à Edesse. C'était un descendant des Valentiniens et on le considère parfois comme le "dernier gnostique".

Saint Augustin, dans "Des hérésies XXXV", explique ceci :

"Les Bardésanistes furent ainsi nommés d'un certain Bardésane, qui fut d'abord un catholique très-distingué, mais qui tomba ensuite dans l'hérésie de Valentin, sans toutefois en suivre tous les errements."

On peut résumer son système ainsi :

Dieu, le Père inconnu, eut un fils avec sa compagne (sa Pensée).
Ce fils, Jésus-Christ, eut aussi des enfants avec sa compagne qui est Pneuma (le Saint-Esprit) ou Sophia-Achamoth : Les Eons de la terre, de l'eau, de l'air et du feu. Ceux-ci créèrent de nouveau 3 paires d'Eons ou syzygies.
Puis apparurent aussi les Eons gouvernant les sept planètes, puis les génies des 12 signes du zodiaque, puis les esprits des 36 décans.
Sophia Achamoth, aprés avoir commis divers excés dans le monde matériel, reconnut ses fautes et retourna dans le Plérome céleste.


La Pistis Sophia :


La Pistis Sophia est un livre gnostique (codex Askew) trouvé en Egypte. Il semble bien avoir été écrit par une secte faisant partie du courant ophite, mais on ignore laquelle.
Voici une description des différents cieux émanés de Dieu, énumérés de haut en bas, tels qu'ils sont décrits dans ce texte :

- Le Ciel du Dieu infini;
- Le ciel du premier mystère, où vivent divers Eons.
- Le ciel des 24 mystères.
- Le ciel du Trésor de lumière, où se trouvent les 12 souverains, les 3 portes et les 9 gardiens.
- Le ciel des voiles.
- Le lieu des justes, où vivent Jéou, melchisédech et le bon Sabaoth.
- La zone intermédiaire, où vivent Iaô le grand, le petit Iaô le bon, le petit Sabaoth le bon, la Vierge
  de lumière et les anges.
- Le 13ème ciel, la où vivent le Propator, Barbélo et la Triple Puissance (et Jésus ?)
- La zone intermédiaire entre le 12ème et le 13ème ciel,  où se trouve Pistis-Sophia depuis sa chute.
- Les 12 cieux / éons les plus bas. C'est ici que se trouve le Kénome / kérasmas, sur lequel règne lindomptable Adamas, appelé aussi Sabaoth.

Lorsque Pistis-Sophia a essayé de traverser les voiles pour aller contempler le Trésor de lumière, elle a été trompée par un géant à tête de lion : l'arrogant Authadés / Ialdabaoth, et elle est chutée en bas du 13ème ciel :

'Il arriva, alors que Pistis-Sophia était dans le treizième Æon, dans la région de toute sa famille des Invisibles, qui sont les vingt-quatre émanations du Grand Invisible, il arriva donc que par le commandement du Premier Mystère, Pistis-Sophia regarda En Haut ; elle vit la lumière du voile du trésor de la Lumière et elle désira aller dans cette région, mais elle ne pouvait l'atteindre. Elle cessa d'accomplir le Mystère du treizième Æon et elle chanta des louanges à la lumière d'En-Haut, qu'elle avait vue dans la lumière du voile du trésor de la Lumière

Il arriva donc, lorsqu'elle chantait des louanges à la région d'En-Haut, que tous les Régisseurs dans les douze Æons, ceux qui sont en bas, la haïrent parce qu'elle avait cessé d'accomplir leurs Mystères et parce qu'elle avait désiré aller En Haut et être au-dessus d'eux. C'est pourquoi ils devinrent furieux contre elle et la détestèrent, de même que le grand triple Pouvoir, l'Obstiné, c'est-à-dire, le troisième triple Pouvoir qui est dans le treizième Æon, celui qui avait désobéi, n'ayant pas fait émaner la purification totale du pouvoir qui était en lui et n'ayant pas donné la purification de sa lumière au moment où les Régisseurs donnèrent leurs purifications, car il voulait dominer sur les treize Æons et sur ceux qui sont en dessous.

(.....) et il émana de lui un grand pouvoir à face de lion, et de la matière qui était en lui, il émana une multitude d'autres émanations matérielles violentes, et il les envoya aux régions inférieures, dans les parties du Chaos, afin qu'elles restent là à attendre Pistis-Sophia et lui enlèvent le pouvoir qui était en elle, parce qu'elle avait pensé d'aller vers les Hauteurs qui sont au-dessus d'eux tous, et en outre, parce qu'elle avait cessé d'exercer leur Mystère, gémissant continuellement et cherchant la lumière qu'elle avait vue. (.....)

Il arriva alors, par le commandement du premier Commandement, que l'Obstiné, le grand triple Puissant (Tridynamis), qui est l'un des trois triples Pouvoirs, poursuivit Sophia dans le treizième Æon pour la faire regarder vers les parties inférieures, afin qu'elle y vît son pouvoir de lumière qui a une face de lion et qu'elle se rendit dans cette région pour que sa lumière put lui être enlevée .

Alors elle regarda vers le bas et elle vit le pouvoir de lumière dans les parties inférieures ; et elle ne savait pas que cette lumière était celle de l'Obstiné, le triple Puissant, mais elle pensa qu'elle provenait de la lumière qu'elle avait vue dès le commencement dans les Hauteurs, laquelle venait du voile du trésor de la Lumière. Et elle pensa en elle-même : J'irai à cette région sans mon Egal, et je prendrai la lumière et ensuite je modèlerai des Æons de lumière, pour pouvoir aller à la Lumière des lumières qui est dans la Hauteur des hauteurs.

Pensant donc ces choses, elle sortit de sa propre région, celle du treizième Æon et descendit à celle des douze Æons. Les Régisseurs des Æons la poursuivirent et s'emportèrent contre elle parce qu'elle avait pensé à la grandeur. Et elle quitta aussi la région des douze Æons, entra dans les régions du Chaos et s'approcha de ce pouvoir de lumière à face de lion, pour le dévorer

Toutes les émanations matérielles de l'Obstiné l'entourèrent, et le grand pouvoir de lumière à face de lion dévora tous les pouvoirs de lumière de Sophia, lui enleva sa lumière et la dévora ; et quant à sa matière, elle fut jetée dans le Chaos, elle devint un Régisseur à face de lion dans le Chaos dont une moitié est de feu et l'autre d'obscurité ; ce Régisseur, c'est Ialdabaoth, de qui je vous ai parlé très souvent. Quand ces choses eurent lieu, Sophia se sentit épuisée et le pouvoir de lumière à face de lion se mit à travailler pour ravir à Sophia tous ses pouvoirs de lumière ; et tous les pouvoirs matériels de l'Obstiné entourèrent Sophia en même temps et l'opprimèrent dans sa douleur.

Et Pistis-Sophia pleura extrêmement et elle s'écria vers la Lumière des lumières, celle qu'elle avait vue dès le commencement et en laquelle elle avait eu foi, et elle exprima son repentir, ..."

Ce fut Jésus qui descendi pour aller secourir Sophia :

"Il arriva donc que, lorsque tous ceux qui étaient dans les douze Æons eurent vu la grande lumière qui était en moi, ils furent dans le plus grand trouble et coururent de tous côtés dans les Æons, et tous les Æons et tous leurs cieux et tous leurs mondes furent secoués et troublés, à cause de la grande frayeur qu'ils éprouvaient parce qu'ils ne connaissaient rien du Mystère qui avait eu lieu. Et Adamas, le grand Tyran, et tous les Tyrans qui sont dans tous les Æons commencèrent à lutter en vain contre la lumière, sans savoir contre qui ils combattaient, étant donné qu'ils ne voyaient rien d'autre que la lumière suréminente. Il arriva alors que lorsqu'ils luttèrent contre la lumière, tous et chacun perdirent leurs forces et tombèrent des Æons et devinrent comme les habitants de la Terre quand ils sont morts et qu'ils n'ont plus en eux le souffle de vie.

Et il arriva donc que lorsque je fus entré dans leurs régions, ils se mutinèrent et luttèrent contre la lumière. Et je leur retirai un tiers de leur pouvoir afin qu'ils ne puissent accomplir leurs pratiques diaboliques.(.....)

Il arriva donc, lorsque les Tyrans virent la grandiose lumière qui m'entourait, que le grand Adamas, le Tyran, et tous les Tyrans des douze Æons, commencèrent tous ensemble à combattre contre la lumière de mon vêtement, voulant s'en emparer afin de demeurer plus longtemps dans leur empire. Ils firent cela sans savoir contre qui ils combattaient   (.....)

Lorsqu'ils virent le vêtement de lumière que je portais, eux et leurs Impairs virent chacun d'eux le Mystère de leur nom qui était sur le vêtement de lumière dont j'étais revêtu. Ils se prosternèrent tous à la fois et adorèrent le vêtement de lumière qui me couvrait et ils s'écrièrent tous, disant : Comment le Seigneur de l'Univers a-t-il pu passer parmi nous sans que nous le sachions ?. Et tous ensemble chantèrent des louanges aux Intérieurs des Intérieurs. Et tous leurs triples Pouvoirs, leurs Ancêtres, leurs Non-engendrés, leurs Auto-engendrés et leurs Engendrés, leurs Dieux, leurs Etincelles et leurs Porteurs de lumière, en un mot, tous leurs Dieux, virent les Tyrans de leur région, que leur pouvoir avait diminué en eux, qu'ils étaient devenus faibles, et ils furent dans une grande crainte incommensurable. Ils contemplèrent le Mystère de leur nom sur mon vêtement et ils voulurent venir adorer le Mystère de leur nom qui était sur mon vêtement, mais ils ne le purent point à cause de la grande lumière qui m'entourait ; mais ils adorèrent un peu éloigné de moi, ils adorèrent la lumière de mon vêtement et s'écrièrent tous à la fois, chantant des louanges aux Intérieurs des Intérieurs. (.....)

Mais il arriva lorsque ceci eut lieu parmi les Tyrans qui étaient au-dessous de ces Régisseurs, qu'ils perdirent tout pouvoir et tombèrent sur le sol dans leurs Æons et ils devinrent comme les habitants du monde qui sont morts, n'ayant plus de souffle en eux, comme aussi ils étaient devenus au moment où je leur avais enlevé leur pouvoir.(.....)

Alors je montai jusqu'aux voiles du treizième Æon. Et il arriva, lorsque j'eus atteint les voiles, qu'ils se séparèrent d'eux-mêmes et s'ouvrirent devant moi. J'entrai dans le treizième Æon et je trouvai Pistis Sophia sous le treizième Æon. Elle était seule, sans personne près d'elle, assise dans cette région, se lamentant et gémissant parce qu'elle n'avait pas été admise dans le treizième Æon, sa région immédiatement plus haute. Et elle s'affligeait aussi à cause des tourments que l'Obstiné, qui est l'un des trois triples Pouvoirs, lui avait infligés. (.....)

Il arriva donc, lorsque Pistis-Sophia me vit, brillant de façon extraordinaire et sans qu'il y eut de mesure à la lumière qui m'enveloppait, qu'elle fut dans un grand trouble et elle contempla la lumière de mon vêtement...."

 


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