DOSSIER ISLAM :



Khidr, le maitre caché :                                                                                   

 

 

"Khidr", ou "Al-Khidr", est une des figures les plus énigmatiques de l'imaginaire ésotérique musulman. Selon les régions son nom se prononce Khedr, Khadr, Khezr, Hizir, Khizir, Khidir, Khadir, Khadar, Khidhroûn, etc... On l'appelle aussi "Bilyâ ibné Malkân", "Ayliya ibné Malkân", "Al Yasa", etc ...
"Al-Khidr" signifie "le vert" ou "le verdoyant" et il est toujours représenté vétu d'un grand manteau vert. Les commentateurs du Coran pensent que cela vient du fait qu'à chaque endroit où il passait, des plantes se mettaient à pousser et la terre devenait verdoyante. Certains se demandent donc si on n'aurait pas affaire à un ancien dieu de la fertilité qui aurait été intégré dans l'islam.

Les érudits musulmans ont des avis divergents sur son statut : Est-il un prophète ? Un saint ? Un ange ? Un "wali" ("ami de Dieu") ?
D'après l'opinion des oulémas, à la différence des autres Prophètes et Messagers d'Allah , la mission d'"Al-Khidr" consistait à la réalisation de certaines tâches portant sur l'organisation et la structuration de ce monde. Il n'a apporté à la foule des hommes ni lois nouvelles, ni Message divin, ni même des principes religieux. Al-Khidr est le maître de tous les sans-maître parce qu’il se montre à tous ceux qu'il rencontre comment être ce qu’il est lui-même : celui qui a atteint la Source de la Vie, l’Éternel Adolescent, celui qui a atteint la "haqîqa", la vérité ésotérique qui domine la loi, émancipe de la religion littérale.

Les avis divergent également en ce qui concerne sa mort : Est-il mortel ou immortel ?
L'Imâm Boukhâri, Allâmah Ibné Taymiyah, Hâfiz Ibné Qayyim, Allâmah Ibné Kathîr, Allâmah Ibné Djauzi, Ibné Qayyim et Qâdhi Abou Bakr Ibné Arabi, entre autres, sont d'avis que "Al Khidr" n'est plus de ce monde. Par contre l'Imâm Qourtoubi, Mouhaddith Ibné Abid Dounyâ et Imâm Djazri prétendent qu'il était encore en vie à l'époque du Prophète Mahomet.

Si on accepte son immortalité, alors il fait pa? rtie des quatre prophètes que la tradition islamique identifie en tant qu'étant "vivant" ou "immortel". Les trois autres étant Idris (Enoch), Ilyas (Élie), et `Isa (Jésus), tous emportés vivants au ciel.
Cependant, selon les traditions, Khidr est soit considéré comme distinct d'Élie, soit considéré comme étant la même personne que lui. Élie est parfois considéré comme le protecteur des voyageurs par voie terrestre et Khidr des voyageurs par voie maritime (mais on trouve aussi l'association inverse).

Selon le poète turc Karacaoglan, Khidr est le gardien des mers et est monté sur un cheval gris, tout comme dans le Livre de Dede Korkut. Ce "coursier gris des mers" rappelle d'ailleurs de façon frappante le fameux Bozé Rawan, le cheval marin de Memê Alan, "le Gris qui va l'amble". Dans la secte Yarsanite, la légende du "Cavalier au coursier gris, le dompteur du vent" assimile Khidr à Pîr Dawûd qui chevauche le vent et se porte au secours de Pîr Benyamin, en passe de faire naufrage en mer.

Khidr est aussi parfois confondu avec saint Georges. En effet, en Turquie, la fête de Hizir-Ilyas (Khidr - Èlie) est célébrée actuellement le 6 mai et elle symbolise le début de l'été, mais jadis elle avait lieu le 29 avril, soit le même jour que la fête de "Georges-Vert" (une fête qu'on retrouve aussi chez les Slaves). Ce Georges-Vert est le saint de la fertilité (probablement un ancien dieu de l'orage). On retrouve encore la l'association entre Khidr et la couleur verte.

Certains prétendent aussi qu'il ne serait autre que Phineas, le petit-fils d'Aaron.

La légende d'"Al-Khidr" repose sur la sourate XVIII,"Al Kahf" (la caverne), 69ème dans l'ordre chronologique, dans laquelle il apparait comme un inconnu croisé par Moïse.
En voici le passage fondateur :

60 : ... Il arriva que Moussa (Moïse) dit à son valet au cours d'un voyage : "Tant que je n'aurai pas atteint le confluent des deux mers, je ne cesserai de marcher, dussé-je y mettre des années entières.? "
61 : Ils atteignirent enfin le confluent des duex mers. Entre-temps, comme ils avaient ommis d'avoir l'oeil à leur poisson, ce dernier avait sauté dans la mer et avait disparu.
62 : Lorsqu'il eurent repris leur route, Moussa dit à son jeune valet : "Ce voyage nous a fatigués. Ne pourrais-tu nous servir à déjeuner ?"
63 : "Te rappelles-tu, lui répondit son disciple, quand nous nous sommes arrêté près du rocher ? Juste à ce moment, je n'ai plus prêté attention au poisson : négligence que le Sheytan à dû m'inspirer. C'est alors que le poisson, chose étonnante, a replongé dans la mer."
64 : "C'est là précisément, dit Moussa, le lieu que je cherchais." Ils retournèrent sur leurs pas.
65 : Ils firent alors la rencontre de l'un de nos serviteurs qui avait été touché de notre grâce et avait été initié à notre sagesse.
66 : "Ne pourrais-tu, lui proposa Moussa, m'agréer pour discipleet m'initier à quelque peu de cette sagesse que tu tiens d'Allah ?"
67 : L'inconnu lui fit observer alors : "Tu ne sauras jamais supporter ma compagnie.
68 : Car comment pourrait-on affronter de sang-froid certaines choses que l'on ne peut s'expliquer ?"
69 : "Tu verras, répondit Moussa ! Je serais toujours d'humeur égale et toujours soumis à tes ordres, si Allah le veut."
70 : "Eh bien ! dit l'étranger, si tu veux être mon disciple, ne me questionne sur aucun fait ! Attends que je t'en parle le premier !"
71 : Ils firent route ensemble. Il arriva qu'ils prirent place à bord d'un vaisseau. L'homme s'empressa d'entailler le flanc du navire. Moussa s'écria, indigné : "L'as-tu ainsi saboté pour noyer l'équipage ? Ton geste est vraiment inqualifiable."
72 : "Ne t'ai-je pas dit que tu perdrais vite ta patience en ma compagnie ?" lui dit l'inconnu.
73 : "Ne m'en veux pas, maître, de mon oubli, fit Moussa, et point ne me soumets à trop rude épreuve."
74 : Sur ce, ils reprirent leur chemin. Ils rencontrèrent un jeune homme. L'inconnu s'empressa de le tuer. "Quio? i donc, sursauta Moussa, tuer ainsi un être innocent et qui n'a point lui-même commis de meurtre ! Ne voilà-t-il pas un acte odieux ?"
75 : "Ne t'avais-je pas dit, dit l'étranger, que tu perdrais vite ta patience à mes côtés ?"
76 : Moussa répondit : "S'il m'arrive encore de te questionner, tu rompras ton lien avec moi. Tu n'as été en vérité que trop patient à mon égard !"
77 : Ils se remirent en route. Ils se trouvèrent bientôt parmi la population d'une cité. Ils demandèrent aux habitants de les héberger. Les deux voyageurs s'aperçurent qu'un mur menaçait ruine ; l'étranger le consolida. Et Moussa alors de s'étonner : "Que ne réclames-tu un juste salaire pour ton travail ?"
78 : "C'est chose faite à présent, répartit l'inconnu, nous nous séparons pour toujours. Je vais seulement t'expliquer ce que tu étais impatient de savoir :
79 : Pour le bateau, il appartenait à de pauvres matelots. J'ai voulu l'endommager eh apparence : me souverain du pays allait bientôt, je le savais, réquisitionner tous les bateaux utilisables.
80 : Quant au jeune homme, sachnt que ses parents croyants et d'une grande piété, nous avons cru qu'abusant de leur faiblesse, il ne les entraîne à sa suite dans la révolte et l'impiété.
81 : Nous avon voulu qu'en échange, Allah leur fit don d'un fils plus pur et plus attentionné envers ses parents.
82 : Pour le mur enfin, il était l'héritage des deux orphelins de la ville, et sous le mur, il y avait un trésor leur revenant de droit. Leur père était un homme de bien. Le Seigneur, dans sa bonté, a décrété que, parvenus à l'âge d'hommes, ils pussent eux-mêmes retrouver leur bien. Je n'ai point fait cela de ma propre initiative. Voilà les choses dont tu étais impatient de connaître le sens..."


Bien que ce texte ne donne pas le nom de ce serviteurs d'Allah qui rencontre Moïse, les traditions ultérieures lui donneront le nom de "Khidr".
On notera d'ailleurs que, selon cette sourate, cet homme mystérieux était supérieur en connaissance à Moïse lui-même. Hors, selon l'islam, Moïse avait le rang de prophète.

On remarquera aussi que l'histoire de cet homme mystérieux rencontré par Moîse a été repris par Voltaire qui s'en est servi dans son Roman " Zadig ou la destinée" : le sage rencontré par Zadig fait devant lui une quantité d'actes étrange en lui interdisant de poser des questions. Il crève la barque d'un brave pécheur qui leur avait offert l'hospitalité, tue un jeune homme sans raison apparente, etc ... Pourtant Voltaire n'aimait guère l'Islam.

De nombreuses traditions ont ensuite brodé sur cette sourate du Coran, afin d'essayer de l'éclaircir.
Ainsi Al-Bokhari et Muslim ont transmis ce hadith, rapporté par Saïd ibn Djubaïr, et qui cite le nom de Khidr :

"... Allah révéla à Moussa (Moïse)l’existence d’un serviteur qui se trouvait au confluent des deux fleuves (ou océans) et qui était plus savant que lui. Moussa demanda où il pouvait le trouver et Allah lui dit de prendre un poisson avec lui dans un couffin et l’homme sera là où il allait perdre le poisson.
Moussa mis le poisson dans son couffin et s’en alla en compagnie de son jeune valet Youcha‘ ibn Noûn. A leur arrivée près d’un roc, ils posèrent leurs têtes et s’endormirent. Le poisson, bien que supposé cuit, bougea dans le couffin et tomba dans le fleuve. Il y fila en laissant dans l’eau, comme dans une matière solide, une trace qu’Allah maintint.
Lorsque Moussa s’éveilla, son compagnon oublia de lui dire à propos du poisson et ils continuèrent leur route. Ils marchèrent toute la journée et toute la nuit jusqu’au lendemain lorsque Moussa dit à son compagnon : “ Apporte-nous notre déjeuner, nous sommes fatigués du voyage.” Moussa n’a ressenti la fatigue qu’après avoir dépassé l’endroit qu’Allah lui avait désigné. Le jeune serviteur répondit à Moussa : “ Quand nous avons pris refuge près du rocher, vois-tu, j’ai oublié le poisson - le Diable seul m’a fait oublier de te le rappeler - et il a curieusement pris son chemin dans la mer”.
C’état la fuite pour le poisson et l’étonnement pour Moussa (parce qu’il remarqua les traces du poisson dans l’eau). Ils retournèrent sur leurs pas jusqu’à leur arrivée près du roc où ils trouvèrent un homme recouvert de la tête aux pieds d’un habit vert. Moussa le salua mais l’homme qui était Al-Khidr lui répondit : “Est-ce qu’il y a ce genre de salut chez vous ?” Moussa lui dit : “Je suis Moussa des Bani-Isrâ’îl (les fils d’Israël). Je suis venu pour que tu m’apprennes la sagesse que tu a apprise.” L’homme lui répondit : “ Tu ne pourras pas garder ta patience avec moi!"
Allah exerçait Moussa à la patience parce qu’il allait en avoir souvent besoin avec les Bani-Isrâ’îl (les fils d’Israël). Il répondit : “ Si Allah le veut, tu me trouveras patient; et je ne désobéirai à aucun de tes ordres.” ...”



Cette rencontre entre Moïse et Khidr rappelle une légende talmudique plus ancienne concernant Yochoua Ben Levi (ou Jochanan), un rabbin du 3ème siècle, qui aurait fait un voyage avec le prophète Elie.
Une légende similaire se retrouve également dans les traditions syriaques qui racontent les aventures d'Elie et Moïse. Hors n'oublions pas que Khidr est souvent identifié à Élie.

Selon les premiers historiens islamiques, Khidr aurait été le vizir du roi Dhul-Qarnain, dont le nom signifie "Qui a deux cornes", et qui est identifié à Alexandre le grand. En effet, ce dernier était représenté avec deux cornes sur les pièces de monnaie, pour symboliser qu'il était le fils de Zeus-Ammon.
Al-Qastalani le disait : « Zul-qarnain était un roi appelé Sikandar (Alexandre le grand), dont le wazir (vizir) ou le chancelier était Khidr. »
Et Al Baizawi indiquait : « Khidr était l'ar-Rumi de Sikandar, roi de Perse et de Grèce. »
Selon les textes Khidr était dépeint comme le cuisinier d'Alexandre, son vizir ou son général.
Il aurait accompagné le roi dans sa recherche de la "fontaine de la vie", dans le pays des ténèbres, et il serait devenu immortel en y buvant.

Dans la version de Gharnâtî, Alexandre aurait atteint les rivages du pays des ténebres, à proximité de l'Océan extérieur ou il rencontra Khidr, l'homme vert.

Firdousî donne cette version :
"Alexandre se dirigeant vers l'Occident rencontre un vieillard qui lui parle de l'"eau de la vie" ("Abu-Hayat / Ma'ul Hayat ") :
"Ô roi à l'étoile heureuse, ô conquérant des villes ! De l'autre côté de la ville se trouve un bassin d'eau, rempli de la meilleure eau que nous connaissions ; le Soleil brillant se dirige sur ce bassin et disparaît dans les eaux profondes. Derriere cette source, la terre est dans les ténebres, et tout ce que l'on voit dans le monde y est invisible. J'ai entendu sur ces lieux des ténebres des discours infinis ; un homme intelligent et adorateur de dieu dit qu'il s'y trouve une source. Celui qui me parlait, homme de sens et puissant lui donnait le nom de l'eau de la vie ; comment pourrait-il mourir ? cette source sort du paradis, si tu y baignes ton corps, tes péchés disparaissent."


Dans la version de Shah Nama, Alexandre et Khidr recherchent la "fontaine de la vie", qui se situe dans la "Terre des ténèbres" en extrême-occident, au-dela du cours du soleil. Mais seul le dernier trouve la source alors qu'Alexandre s'égare dans les ténèbres.

L'histoire est racontée de nouveau plus en détail par Nizami dans "Iskandar Naama" : ici Iskandar (Alexandre) apprend d'un vieil homme (Khidr) qu'il existe une contrée obscure, dans laquelle est une eau qui donne la vie. Et la source de ce fleuve de la vie se trouve dans le nord, sous le Pole. Sur le chemin de la terre obscure, sur chaque parcelle aride, voila que la pluie tombe et que l'herbe pousse car « La trace de Khizr (Khidr) était sur cette route; car en vérité, Khizr lui-même était avec le roi ». Ils atteignent enfin la limite nordique du monde, ou le soleil cesse de se lever, et la terre de l'obscurité apparait devant eux.la aussi c'est Khizr qui découvre la source et devien t immortel alors qu'Alexandre se perd en route.
Nizami interprète la fontaine comme le symbole de la grace divine, et l'eau de la vie représente la connaissance de Dieu.
Pour lui l'échec d'Alexandre est due à son excés d'ardeur.

Dans la version d'Amir Khusrau, c'est Khizr (Khidr) et Ilyas (Élie) qui recherchent ensembles la "fontaine de la vie".
Ils's'arrètent prés d'une source pour manger leur repas qui se compose d'un poisson séché ; et voila que celui-la tombe dans l'eau et revient à la vie. Les chercheurs comprennent ainsi qu'ils ont trouvé la "fontaine de la vie", et tous les deux boivent, devenant immortels.

L'origine de ces histoires sur Khidr et Alexandre doit être recherchée dans le "Roman d'Alexandre" du Pseudo-Callisthènes, un texte grec plus ancien racontant la vie romancée d'Alexandre le grand.
Ce livre explique qu'Alexandre atteint la Terre des ténèbres lors de sa recherche de l'eau de la vie. Après être passé par la Scythie et avoir presque atteintle bord du monde, Alexandre trouva le pays obscur et l'explora avec son domestique Andreas (dans la version persane du roman, ce domestique sera ensuite identifié avec Khidr). Mais Alexandre ne pourra pas trouver son chemin dans l'obscurité, et seul son domestique pourra boire l'eau de la vie et devenir immortel :

"... Comme j'avais faim, je voulus prendre de la nourriture, et après avoir appelé le cuisinier qui s'appelait Andréas, je lui dis : "Prépare-moi la pitance" Il prit alors du poisson séché et alla jusqu'à l'eau limpide de la fontaine pour laver ce mets, mais à peine fut-il plongé dans l'eau, qu'il reprit vie et échappa des mains du cuisinier. Cependant, ce dernier, effrayé, omit de me rapporter l'événement (...) Ce n'est qu'à notre retour que le cuisinier nous raconta ce qui lui était arrivé à la fontaine. Pour moi, quand je l'appris, je fus confondu de chagrin et lui infligeai un châtiment terrible. Il me répondit cependant : 'Alexandre, que te servent tes regrets quand l'occasion est passée ?' "

Dans la version de Jacob de Serugh (mort en 521), un vieil homme dit à Alexandre de demander à son cuisinier de laver son poisson salé dans l'eau qu'il trouvera. Quand le poisson revient à la vie, le vieil homme explique que le cuisinier a trouvé l'eau de la vie. L'histoire ajoute que le cuisinier sauta dans l'eau pour reprendre le poisson et gagna ainsi l'immortalité.

Curieusement cette source de vie est située en Occident prés du grand océan ténébreux, aparemment au détroit de Gibraltar, puisque ce dernier se trouve au confluent des deux mers (Cependant on peut aussi considérer que ce confluent des deux mers signifie le lieu où se touchent les océans céleste et terrestre, c'est à dire l'horizon, le bord du monde).
On remarquera que c'est au même endroit, dans l'extrême-occident, à la "bouche des fleuves", au-dela du grand océan empoisonné, que les vieux textes Suméro-Babyloniens situaient la source ou poussait la plante d'immortalité.

Depuis, Khidr parcourt la terre pour enseigner les Secrets aux Prophètes, aux Saints et aux hommes méritants de chaque epoque. La Science que le Seigneur a donnée a Khidr est une Science particulière à laquelle les Saints et certains Prophètes n'ont pas accès, c'est pourquoi il a souvent été le Guide Spirituel de plusieurs d'entre eux.
On dit qu'il vit sur une île (selon Al-Tabari, I, 442) ou sur un tapis vert au coeur de la mer (selon Al-Bukhari, Tafsir). Ou alors son royaume est le paradis terrestre de Yuh (qui est un nom du soleil) situé dans le nord lointain. Khidr peut trouver l'eau sous la terre et parle la langue de tous les peuples. D'autres indiquent qu'il peut se rendre invisible à volonté.

On remarquera que la vénération pour Khidr est surtout concentrés dans le Kurdistan et ses environs, c'est à dire dans les régions où l'on trouve les restes de la vieille religion yazdanite (le "culte des anges"). Selon celle-ci, le Dieu unique Hâk, est représenté dans notre monde par 7 archanges qui s'incarnent régulièrement dans des sages et des prophètes afin de guider les hommes. Hors Khidr est parfois considéré comme étant l'un de ces sept archanges. Cela pourrait expliquer comment Khidr pourrait avoir été Élie, Saint Georges, Phineas, Pîr Dawûd et le vizir d'Alexandre.

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De nombreux contes initiatiques soufis parlent de Khidr ...


Khidr et les trois disciples :

Khidr est le guide caché des soufis qui erre de par le monde sous de multiples déguisements, s'efforçant d'aider les hommes. Un jour, Khidr rencontra un homme pieux et lui dit :
« Que puis-je faire pour toi?
— Ne fais rien pour moi, dit le dévot. Mais si tu rencontres mes disciples au cours de tes voyages, aide-les. » Khidr lui demanda :
« Comment les reconnaîtrai-je ? — À leur nom, dit l'homme pieux, je vais te donner leur nom... — Nous autres, habitants du monde invisible, dit Khidr, nous ne reconnaissons pas les gens à leur nom, mais à leurs qualités.
— Ça n'est pas un problème, dit l'homme pieux : je peux énoncer les qualités de mes trois disciples. Le premier est charitable, le second est sobre, le troisième est maître de lui. »
Khidr promit par ces mots :
« En tant que membre du gouvernement invisible, c'est de toute façon ma tâche de venir en aide à ces gens-là. »
Peu après, Khidr rencontra un homme sans ressources et le vit donner son dernier sou à une femme méritante. Khidr passa son chemin sans l'aider. Puis il s'arrêta un instant écouter un homme prêcher l'abstinence et prier Dieu de l'aider dans ses travaux. Khidr ne fit rien pour lui. Enfin, il vit un homme bondir de joie à la pensée d'être vivant alors même qu'il était affligé d'une terrible infirmité. Khidr ne vint pas vers lui.
Il parcourut la terre. Ce voyage achevé, il retrouva l'homme pieux, qui lui dit :
« Ton chemin a-t-il croisé celui de mes disciples, et les as-tu aidés ?
— Il m'a fallu aider, répondit Khidr, parmi tous ceux que j'ai rencontrés, ceux qui méritaient de l'être. Mais je n'ai remarqué personne qui corresponde à ta description.
— Veux-tu me décrire ceux que tu n'as pas pu aider ? » demanda le dévot. Khidr lui parla des trois hommes.
« Mais ce sont mes trois disciples ! s'exclama le dévot.
— Si c'est là ce que tu leur as enseigné, dit Khidr, peut-être es-tu pieux, mais tu fais assurément fausse route.
« Le premier des trois a donné son dernier sou, et cela lui a fait plaisir de le donner : il a été aussitôt payé de retour. Il n'est pas charitable. Le second était abstinent, mais seulement en certains domaines : il était avide de convertir autrui et d'obtenir la faveur divine, et ne s'abstenait pas de cette avidité. Quant au troisième, il est peut-être maître de ceci ou de cela, mais il n'est certainement pas maître de lui. »



Khidr et les trois hommes :

Il était une fois trois hommes que Khidr devait mettre à l’épreuve.
Le premier était atteint d’un terrible mal. Khidr alla vers lui.
Que veux-tu ? lui dit-il
Je souffre, je voudrais être soulagé.
Et quoi d’autre ?
Je voudrais avoir de l’argent, et du succès.

Khidr lui accorda les deux souhaits.
Ayant entendu les supplications d’un deuxième homme, Khidr alla vers lui et lui dit :
Que veux-tu ?
Je ne veux qu’une chose, dit cet homme : que mon ami et conseiller, que ses ennemis ont capturé et torturent, soit libéré, car il est sur le point de mourir.
Et que veux-tu encore ?
Je voudrais avoir du bien, pour être respecté de mes semblables.

Khidr lui accorda ses deux souhaits.
Puis Khidr alla vers le troisième homme, qui désirait très fort quelque chose.
Que veux-tu ? lui dit-il
Je veux que mes enfants soient protégés, car ils vivent dans la peur et la terreur.
Et que veux-tu encore ?`
Je veux le prestige, afin d’impose? r le respect et d’avoir une vie sans problèmes.

Khidr lui accorda ce qu’il voulait.
Des années plus tard ; Khidr revint voir ce que les trois hommes avaient fait de leur vie, et comment ils vivaient la vie.
Il se présenta chez le premier, revêtu d’un déguisement.
Je suis un pauvre
Voyageur, dit-il, j’ai besoin d’aide et d’argent pour atteindre ma destination. J’ai encore une grande distance à parcourir, et tu es mon dernier recours.
Tu me prends pour un banquier ! s’exclama le premier homme. Car il avait tout fait pour oublier le temps où il n’était lui-même qu’un indigent.
Je ne peux rien te donner… À moins que tu puisses m’aider, parce que ces dernières années, bien que j’aie de l’argent, je me suis mis à boiter.
Tu ne te souviens pas de moi ? insista Khidr
Non, fit l’homme, je ne me souviens pas de toi. Va-t-en !

Alors Khidr alla voir le deuxième homme, qui était dans une situation prospère.`
Je suis un pauvre voyageur, lui dit-il, j’ai besoin de ton aide, car beaucoup sont dépendants de moi, et je dois atteindre ma destination : je pourrai les aider par mon travail quand j’y serai parvenu.
Mais tu n’appartiens pas à la même communauté que moi, fit remarquer le deuxième homme. Je ne peux aider que mes frères, ceux qui obéissent aux lois auxquelles j’obéis. Pourquoi devrais-je te secourir ?

Khidr se remit en route. Il arriva bientôt à la porte du troisième homme.
Il se peut que tu m’aies oublié, dit-il. Un jour, je t’ai aidé : tu voulais protection pour tes enfants, et tu désirais aussi inspirer le respect et réussir dans la vie.
L’homme le regarda avec attention.
Je n’ai aucun souvenir de cette affaire, dit-il enfin ; car il avait tout oublié.
Mais je veux bien t’aider : pourquoi donc ne devrais-je donner qu’en paiement d’une dette ou dans l’attente d’un profit personnel !

Un théoricien de la tradition soufie, superficiel et moralisateur, qui se trouvait là, s’en prit à Khidr ? et l’injuria sans ménagement.
"Cet homme est mon ami, et c’est manifestement un Saint, lança-t-il. Tu a entendu ce qu’il a dit ? Tu devrais avoir honte d’avoir tenté de manipuler ses sentiments comme tu l’as fait…"



Khidr et Mojud :

Mojud était un petit fonctionnaire tranquille promis à un avenir tout tracé d’inspecteur des Poids et Mesures. Or, un jour, qu’il traversait les Jardins de la Préfecture , le Khidr (à qui l’on ne pose jamais de question) Al Khadir, l’Homme à la Tunique verte, lui apparaît.
-«Homme à la vie sans histoire, laisse là ta carrière et dans trois jours retrouve-moi au bord du fleuve.»
Puis, comme il est venu, il part.
Mojud, inquiet et troublé, va prévenir son chef qu’il va quitter le service.
Quand la nouvelle se répand, chacun pense que Mojud est fou. Mais comme il laisse ainsi sa place, chacun se fait bien à cette idée.
Et Mojud, au jour dit, retrouve Al Khadir qui l’attend au bord du fleuve.
-« Déshabille-toi et jette-toi à l’eau. Peut-être que quelqu’un te sauvera ? »
Mojud se traite de fou, mais fait ainsi.
Il sait nager, donc, il ne se noie pas, mais le courant l’entraîne très loin avant qu’un pêcheur le voie suffoquant, et le tire dans sa barque.
« Le courant est violent et aurait tout aussi bien pu t’emporter. Qu’est-ce que tu voulais faire ? »
-« Je ne sais pas, au juste. »
-« Tu dois quand même être un peu fou, mais viens dans ma cabane de roseaux, on verra bien ce qu’on peut faire de toi. »
Comme Mojud avait de l’instruction, le pêcheur apprend avec lui à lire et à écrire. En échange, Mojud est nourri, et dans la journée, il l’aide.
Tout va ainsi quelques mois, jusqu’au jour où Al Khadir est là, en pleine nuit au pied du lit de Mojud.
-« Lève-toi et quitte ce pêcheur. Tu recevras l’essentiel »
Mojud se lève, quitte la cabane et marche jusqu’à la grande route. Au lever du jour, il rencontre un fermier qui va au marché.
-« Tu cherches un trav? ail ? J’ai besoin de quelqu’un pour m’aider à trimballer mes ballots »
Mojud le suit et travaille deux ans pour ce fermier, juste le temps d’apprendre un peu l’agriculture.
Comme il est là un après midi à trier de la toison, Al Khadir apparaît à nouveau.
-« Quitte ce travail et va à Mossoul. Avec tes économies, installe-toi marchand de peau »
Et Mojud obéit.
A Mossoul, il s’installe et devient un marchand de peaux apprécié et reconnu. Il ne voit plus Al Khadir pendant trois ans. Son affaire fructifie et il pense s’acheter une maison, quand l’Homme Vert est soudain devant lui :
-« Donne-moi cet argent, sors de la ville et va jusqu’à Samarkande. Là, tu travailleras pour un épicier. »
Ainsi fait Mojud.
Il aide à la boutique, commence à guérir les malades, et sa connaissance des mystères devient plus subtile.
Des savants, des philosophes, des érudits de toutes sortes viennent le voir.
-« Chez qui as-tu étudié ? »
-« C'est-à-dire, c’est difficile. »
Des disciples arrivent et lui demandent :
-« Comment as-tu commencé ta carrière ? »
-« Comme petit fonctionnaire. »
-« As-tu renoncé pour te consacrer à ton développement personnel ? »
-« Non, j’ai simplement renoncé »
Ils ne comprennent pas.
Certains veulent le rencontrer pour écrire l’histoire de sa vie.
-« Qu’as-tu fait dans ta vie ? »
-« J’ai sauté dans un fleuve, puis je suis devenu pêcheur, puis j’ai quitté la cabane de roseaux au milieu de la nuit, puis je suis devenu ouvrier agricole.
Alors que je rassemblais de la laine en ballot, j’ai tout laissé et suis allé à Mossoul où je suis devenu marchand de peaux, j’ai fait des économies mais je les ai données, puis je suis allée à Samarkande où j’ai travaillé comme épicier. Et c’est là que je suis maintenant.
-« Mais… cette vie inexplicable ne dit pas comment ni pourquoi tu as acquis ces dons étranges ? »
-« C’est ainsi » dit Mojud.
Alors, les biographes auréolent Mojud d’une légnde merveilleuse et fascinante, car tous les Saints doivent avoir une histoire pour nourrir nos appétits d’explications.
Mais comme il n’est pas permis de parler directement d’Al Khadir, du Khidr, de l’Homme Vert, cette histoire n’est peut-être même pas vraie.



Khidr et Edhem :

Le grand Sûfî Ibrahim Edhem avait commencé par occuper le rang de pâdichâh dans la ville de Balkh, et les richesses de beaucoup de principautés affluaient chez lui. Une nuit qu'il était couché, il entendit soudain sur le toit de son palais un bruit de pas. "Qui est-tu, s'écria-t-il, toi qui marches sur ce toit?" Il entendit qu'on lui répondait: "J'ai perdu un chameau et je suis à sa recherche sur ce toit. - Mais, sot que tu es, tu as donc perdu la raison pour aller chercher un chameau sur un toit! - Et toi donc, homme imprévoyant, lui répondit soudain une voix, c'est couché sur un trône d'or que tu cherches le Seigneur très haut! Voilà qui est bien plus étrange que de chercher ce chameau sur le toit." A ces paroles la crainte envahit le coeur d'Ibrahim, qui se leva et s'adonna aux exercices de piété jusqu'aux premiers rayons de l'aurore. Le lendemain matin il s'assit sur son trône, autour duquel se placèrent, chacun à son rang, comme ils le faisaient chaque jour, tous les grands de son royaume et ses gardes. Tout à coup Ibrahim aperçut au milieu de la foule un personnage majestueux et de haute taille qui s'avançait sans être visible pour les huissiers et les gardes. Lorsqu'il fut arrivé près d'Ibrahim, celui-ci lui demanda: "Qui est-tu et que viens-tu chercher ici ? - Je suis étranger, répondit-il, et je viens descendre dans cette hôtellerie. - Mais ce n'est pas une hôtellerie, observa Ibrahim, c'est ma propre maison. - A qui appartenait-elle avant toi ? - A mon père. - Et avant ton père, à qui était-elle ? - A mon grand-père. - Et tes ancêtres, où sont-ils maintenant ? - Ils sont morts. - Eh bien, n'est-ce pas une hôtellerie que cette maison, où ceux qui s'en vont sont remplacés par ceux qui arrivent ?" Et, après avoir ainsi parlé, il se retira. Ibrahim se levant courut après ce personnage et lui dit : "Arrête! au nom du Seigneur très haut." Lui s'arrêta. "Qui es-tu, lui demanda Ibrahim, toi qui as allumé le feu dans mon âme ?" - "Je suis l'ange Khizr; ô Ibrahim ! il est temps de t'éveiller". Et il disparut».



khidr et Idries Shah :

j'etais sur la rive de l'Oxus , lorsque j'ai vu un homme tomber a l'eau. un autre homme ,vetu comme un derviche, s'est precipite a son secours. il n'a reussi qu' a se faire emmporter lui aussi par le courant . soudain j'ai vu un troisieme homme, portant un manteau d'un vert lumineux chatoyant, se jeter dans le fleuve . a l'instant meme ou il a heurte la suface de l'eau, sa forme a paru changer: ce n'etait plus un homme mais un rondin . les deux autres sont parvenus a s'y agripper et le diriger au bord. je n'en pouvais croire mes yeux. j'ai longe le fleuve, a quelque distance, me cachant derriere les buissons qui poussaient la . les deux hommes se sont hisses, haletants, sur la berge. le rondin allait a la derive .je l'ai observe: il a derive hors de la vue des rescapes, jusqu'au bord; l'homme au manteau vert, trempe, s'est traine a terre . l'eau ruisselait de son manteau. avant que je n'arrive aupres de lui , il etait presque sec. je me suis jete a ses pieds et me suis ecrie:''tu ne peux etre que la presence khidr, le vert, Maitre des saints. donne-moi ta benediction, car je veux atteindre.'' je n'osais pas toucher le manteau vert qui l'enveloppait car il semblait du feu. il a dit :'' tu en as trop vu. sache que je viens d'un autre monde et que je protege a leur insu ceux qui ont tache a accomplir. tu a beau avour ete le disciple de sayed imdadullah, tu n'es pas assez mur pour savoir ce que nous faisons por l'amour de dieu.'' quand j'ai leve les yeux, il avait disparu. l'air etait remue comme par un vent impetueux. de retour du khotan , je l'ai vu de nouveau, dans un caravanserail des environs du pechaouar . j'etais peut-etre immature la premie? re fois,me suis-je dit. cette fois je suis mur . j'ai saisi le pan de son manteau ,un manteau tres ordinaire, sous lequel j'ai cru voir quelque chose d'un vert eclatant. '' peut-etre es tu khidr,lui ai-je dis, mais je veux savoir comme un homme - car tu lapparence dun homme ordinaire - peut accomplir pareil prodiges, et pourquoi il les accomplit. enseigne-moi ton art que je puisse moi aussi le pratiquer.'' il a rit et repondu: '' mon fougueux ami, la premiere fois tu etais trop entete, cette fois tu l'es encore trop. continue comme cela ,dis a tous ce que tu rencontres que tu a vu khidr elie, et l'on tenverra a la maison de fous, et plus tu protestras de ta bonne fois, plus solidement l'on t'enchainera !'' alors il a sorti de ses vetements une petite pierre . je l'ai fixee du regard. la paralysie a gagne mes membres. je suis reste ainsi, petrifie jusqu' a ce qu'il eut ramasse sa sacoche et se fut eloigne. quand je raconte cette histoire , soit les gens rient,soit, me prenant pour un conteur,ils me font un present.



Récit oral turc de 1968 conservé à l'université de technologie du Texas :


Un autobus transportait des personnes allait d'Ankara à Samsun (sur la côte de la Mer Noire). J'étais un passager de cet autobus. Près de Havza, où nous traversions une forêt, un vieil homme a descendu un sentier vers la route et a agité sa main vers l'autobus. Le conducteur a arrêté et a demandé au vieil homme ce qu'il voulait. Le vieil homme semblait pauvre et il était habillé très minablement. Il a dit qu'il avait un enfant malade à la maison, en état critique, et il voulait le porter chez un médecin à Havza. Le conducteur a accepté d'attendre, et le vieil homme a dit qu'il reviendrait dans dix minutes, car sa maison n'était pas loin de la route.
Les dix minutes passées, il n'y avait toujours aucun signe du vieil homme et de l'enfant malade. Nous avons attendu encore dix minutes, mais personne ne venait. Alors plusieurs passagers ont dit que le vieil homme ne viendrait pas et ont invité le chauffeur de bus à redémarer. Mais l'autobus n'a pas bougé, et le conducteur restait immobile. On a alors découvert qu'il avait eu une crise cardiaque et qu'il était mort. De cette façon les vies de trente-cinq personnes ont été sauvées par Hizir (Khidr), qui avait retenu l'autobus pendant ces dix minutes cruciales.