Le Yazdanisme.
On croit souvent que le Kurdistan (zone partagée
entre la Turquie, l'iraq et l'Iran) est une région
totalement musulmane. C'est du moins comme ça que nous
la décrivent les dépliants touristiques ainsi
que les chiffres des statistiques.
Pourtant prés d'un tiers des Kurdes ne devraient pas
être considérés comme des Musulmans. En
effet, sous un très faible vernis islamique transparait
encore la vieille religion des anciens Kurdes, antérieure
à l'Islam : Le Yazdânisme (Yazdani = "culte
des anges").
Il est difficile de décrypter les origines de cette
vieille religion car elle semble mêler des croyances
provenant peut-être d'horizons différents.
On y trouve sept anges, émanations du Dieu Hâk
(homophone du mot arabe "Haqq" = "Vérité
/ Connaissance") qui gouvernent le monde en son nom et
qui s'opposent à sept esprits mauvais. Cela ressemble
aux sept archanges planétaires des juifs, Chrétiens
et Musulmans, mais aussi aux sept archontes des Gnostiques
(et des Mandéens)...
ainsi qu'aux sept "Ameshas Spentas" ("saints
immortels") des Perses Zoroastriens auxquels s'opposent
sept démons (les "Drujs" ou "Darvands").
D'ailleurs les Yazdânites croyaient également
à la réincarnation ... ce qui n'est pas une
doctrine qui vient forcément de l'Inde puisque les
Gnostiques la connaissaient aussi.
Ils pensaient que les sept anges pouvaient s'incarner dans
des corps de prophètes humains, à différentes
périodes-charnières des cycles historiques,
pour guider les hommes. Cela ressemble un peu à la
doctrine des avatars (incarnations) du dieu Hindou Vishnu
... mais cette croyance se retrouve aussi surtout chez les
Mandéens
du sud de l'Iraq (qui la tiennent probablement eux-mêmes
d'une secte Gnostique).
Pour eux les fondateurs des autres religions sont tous des
"avatars" légitimes de ces sept anges, ce
qui fait que les Yazdanites respectent toutes les religions.
Les Yazdânites semblent avoir aussi vénéré
Khidr, l'homme vert.
Et ce dernier provient probablement de la christianisation
et de l"islamisation d'un ancien dieu local de la fertilité.
Les Yazdânites semblent également avoir rendu
un culte au soleil ... ce qui pourrait être une coutume
issue de la Perse Zoroastrienne.
Voici les différents groupes en qui on retrouve les
restes de cette antique religion :
Les Alevis :
Les Yazdanites les plus nombreux sont les Alevis de l'est
de la Turquie qui représentent de 20 à 25 %
des habitants de ce pays (surtout des Kurdes). Ils vénèrent
une trinité composée de Allah, Mahomet et Ali,
ce qui les rapproche des Chiites ("Alévis"
signifie d'ailleurs "partisans d'Ali"). Cependant
leur islam n'est qu'un verni très superficiel leurs
permettant de s'insérer dans la société
musulmane. Les vrais musulmans, de fait, les considèrent
souvent comme des hérétiques ou des paîens
(ce qui leurs a valu de nombreuses persécutions au
cours des siècles).
En effet les Alévis ne lisent pas le Coran, ne vont
pas à la mosquée, ils ne pratiquent pas les
cinq prières musulmanes journalières, ils n'effectuent
pas le jeune du Ramadan ni le pélerinage à la
Mecque, ils peuvent boire de l'alcool (rituellement) et ils
peuvent manger du porc.
On peut donc se demander ce qu'ils ont de commun avec l'Islam.
De plus ils croient à la réincarnation (comme
les anciens Gnostiques), prient le soleil lors de son lever
et de son coucher, et célèbrent des fêtes
d'origines zoroastriennes (par exemple : Nevroz (Nawruz),
le 21 mars, qui est le nouvel an zoroastrien). Ils célèbrent
aussi Khidr le 6 mai.
Ils ont des pratiques culturelles qui leurs sont propres :
Ils ont des tékés (monastères) où
vivent des moines célibataires. Le lapin et le cheval
sont bannis de leur régime. Ils jeunent 12 jours pendant
le mois de Muharran (au lieu du mois du Ramadan). Ils vont
en pélerinage sur la tombe du soufi Hadji Bektash (au
lieu d'aller à la Mecque).
Ils ne croient pas à l'existance d'une vérité
révélée (pour eux la connaissance est
une conquète) et, pour eux le Coran est uniquement
allégorique. Ils se méfient aussi des hadiths
sur Mahomet prétendant que ce sont des manipulations
inventées par les Arabes (même le Coran pourrait
n'être qu'une invention de Mahomet). Ils n'ont donc
aucune croyance fixe, rejettent tous les dogmes, se montrent
très tolérants et ont pour principe de ne jamais
critiquer les croyances d'autrui. En effet, pour eux l'être
humain est plus important que les croyances religieuses.
Ils s'opposent aussi à la polygamie et, chez eux les
femmes sont les égales des hommes et elles ne portent
pas le voile. Elles peuvent s'habiller à leur guise,
aller à l'école et même travailler librement.
Lors du rituel sacré du Djem, le dimanche, les hommes
et les femmes chantent et dansent ensembles en cercle au son
du saz (luth oriental appelé aussi "Coran à
cordes"), ce qui choquent les musulmans traditionnels
et fait passer à leurs yeux les Alevis pour des licencieux.
De leur coté les Alévis considèrent les
musulmans chiites comme intolérants, sectaires et brutaux.
Les Alévis sont non-violents et opposés à
la peine de mort. Leur religion est mystique et panthéiste
: ils recherchent Dieu dans la nature, ce qui les rend proches
des préoccupations écologistes. Leur religion
est également humaniste : Ils pensent que Dieu est
en l'homme et que l'homme est en Dieu. ils ont donc soutenu
activement la laïcisation de Mustapha Kemal en 1923 et
se montrent favorables au modernisme, à la démocratie
et même au marxisme.
Les Bektachis :
Les Bektachis sont des Alévis organisés en une
confrérie soufie par Hunkar Hadji Bektash Veli (1209-1271).
Ce maïtre soufi était un ascète errant
originaire du Khorassan. C'est lui qui a apporté une
lègère couche d'islam sunnite aux anciens Alévis
païens. Mais il était loin de suivre le Coran
à la lettre.
Les Bektachis ont ensuite été réformés
par un 2ème maïtre : Balim Sultan (1467-1516),
dont la mère était bulgare. C'est lui qui a
apporté une coloration chiite à la confrérie
et a fondé l'ordre des Derviches Bektachis (dissous
en 1826). Ces Derviches Bektachis étaient des sortes
de moines célibataires vivant dans des monastères
("tékkés") Ils faisaient voeu de pauvreté
et avaient pour règle de "maîtiser leur
langue, leur sexe et leur main" (comme les Zoroastriens
et les Manichéens). D'ailleurs pour eux la fête
zoroastrienne du nouvel an était considérée
comme correspondant à l'anniversaire d'Ali.
Comme les Alévis ils vénèraient une trinité
: Hak (Dieu), Mohammed et Ali (identifié à Jésus).
Comme les Chrétiens ils pratiquaient la confession
(annuelle) et des repas rituels. Ils étaient aussi
panthéistes et croyaient à l'unicité
de l'être (tout est en Dieu).
Dans l'Emprie turc Ottoman, les jeunes chrétiens étaient
souvent enrolés de force dans l'armée pour devenir
des Janissaires (soldats esclaves). Ces jeunes chrétiens,
forcés de se convertir à l'Islam, s'enrolaient
donc souvent dans l'ordre des Derviches Bektachis, ceux-ci
étant plus tolérants et d'un Islam trés
peu profond (Balim Sultan, d'ailleurs, avait été
le chef des Janissaires).
Ces Bektachis sont maintenant divisés en Celebis et
en Babas.
Les Celebis sont les Bektachis de Turquie. Leurs maitres se
succèdent de père en fils (ce sont des "enfants
du sperme").
Par contre les Babas sont les Bektachis des Balkans (Thrace,
Bosnie et Albanie). Leurs maitres se succèdent que
par voie spirituelle uniquement puisqu'ils sont célibataires.
Le centre de leur ordre est à Tirana (20% des Albanais
sont Bektachis).
On notera que le "Mouvement des jeunes Turcs", qui
a introduit le modernisme en Turquie, était composé
surtout de Bektachis.
Les Yarsanites :
Les Yarsanites sont des Bektachis réorganisés
par le maître Sultan Sahâk (Soltan Sohâk,
15ème - 16 ème siècle).
On les trouve dans l'ouest de l'Iran, chez les Azéris,
Kurdes, Turkmènes, Laks et Lures). Chez eux Dieu porte
le nom de "Hâk" (= "Vérité"
? ) et ils divinisent Ali (comme certains Musulmans Chiites)
mais se prétendent souvent Musulmans Sunnites. En fait
eux aussi n'ont qu'un très mince vernis de religion
musulmane : Ils ne pratiquent pas le jeune du Ramadan, ni
les cinq prières journalières, ni le pélerinage
à la Mecque et n'ont pas de mosquées.
Comme les Alévis ils pratiquent le rituel musical du
Djem, pendant lequel ils peuvent entrer en extase et parfois
marcher sur le feu. Ils pratiquent aussi le rituel du sacrifice
du taureau (inspiré de la religion zoroastrienne ?)
Ils sont égalitaires et s'opposent aux castes.
Comme les Gnostiques ils croient à la réincarnation
et pensent que le monde est dirigé par sept anges (Jebra'il,
Mika'il, Esrafil, etc ...) qui s'incarnent parfois sur terre
pour guider les hommes.
Les Yarsanites se divient en trois groupes :
- Les Yârsâns qui se considèrent comme
non-musulmans.
- Les Tâyifasâns qui sont assez distants par rapport
à l'islam.
- Les Ali-Illahi ("Divinisateurs d'Ali") / Ehi-i-Hakk
/ Ahl-é-Haqq ("Gens de vérité")
qui se sont rapprochés de l'islam chiite.
Les Kizilbachs ("Têtes rouges") :
C'était des Bektachis Turcs qui ont suivi le Cheykh
Haydar (1460 - 1488), maître des soufis Chiites Safawiyyas
(Séfévides). Bien que se disant Chiites, ils
étaient panthéistes (ils honoraient les arbres)
et égalitaires comme les Alevis et croyaient en la
réincarnation.
Plus tard,vers 1500 - 1512, Ismael, le fils de Haydar, s'emparera
de la Perse où il fondera la dynastie Séfévide,
alors que les Kizilbachs de Turquie seront exterminés
par les Ottomans.
Les Kizilbachs descendent probablement des Khurranites / Khurranis
(appélés aussi "Surkh-jâmgân"
= "Habits rouges" ou "Muhammia = "Porteurs
de rouge"). Ceux-ci étaient une secte dualiste
de l'Azerbaidjan au 9ème siècle. Ils croyaient
à la réincarnation et militaient pour une société
égalitaire, pacifiste et sans entraves à la
liberté sexuelle.
Ces derniers descendaient eux-même probablement des
Mazdakistes, une secte dualiste (Mazdéenne ou Manichéenne
?) iranienne du 5-6ème siècle. Ces Mazdakistes
croyaient que Dieu était assisté par sept vizirs
(associés aux planètes) et 12 esprits (associés
aux signes du zodiaque). Ils militaient pour l'égalité
sociale, la propriété collective et la sexualité
libre. Ils se reconnaissaient eux aussi à leurs vêtement
rouges ... ce qui montre, étrangement, que cette couleur
était déja associée aux idées
proto-communistes à cette époque.
Les Kakaiyyas / Kakaîs :
Les Kakaiyyas (= "Fraternels") vivent dans le Kurdistan
Iraqien (région de Kirkouk) et sont un groupe apparenté
aux Alevis. Ils vénèrent Ali comme les Musulmans
Chiites... mais ont des croyances bien peu islamiques : Ainsi
ils croient à la réincarnation (leur fondateur,
Sayyid Ibrahim, se serait déjà incarné
six fois ... la 7ème fois, il sera le Mahdi / Messie).
Ils prient le soleil lors de son lever et de son coucher comme
les Alevis (coutume zoroastrienne ?) Ils ne pratiquent ni
le jeûne du Ramadan, ni le pélerinage à
la Mecque. Ils sont organisés en quatre castes et mènent
une vie communautaire basée sur la fraternité
(ils évitent de mettre leur Ego en avant en disant
"je") et, contrairement aux Musulmans, ils pratiquent
le mariage et le divorce par consentement mutuel.
Les Alawites :
Il ne faut pas confondre les Alévis avec les Alawites
(Alawis / Nusayris) de Syrie (11 à 13% des Syriens),
bien qu'on trouve quelques points de ressemblance. Ces Chiites
Alawites ont été fondés par Muhammad
ibn Nusayr al Namiry, mort en 884, qui se disait l'incarnation
de l'Esprit Saint. Comme les Alévis ils rejettent les
cinq pilliers de l'Islam (la Chahada, les cinq prières
journalières, l'impôt zakat, le pélerinage
à la Mecque et le jeûne du Ramadan) ainsi que
la chariah (guerre sainte) et vénèrent une trinité
(Allah, Mahomet et Ali). Comme les Chrétiens ils communient
avec le pain et le vin (chair et sang de Dieu) et célèbrent
Noël, Pâques et l'Epiphanie. Ils célèbrent
aussi Nawruz, le nouvel an Zoroastrien. Comme les Gnostiques
ils croient à la réincarnation et pensent que
les âmes révoltées sont tombées
dans la matière. Par contre ils estiment que les femmes
sont inférieures aux hommes (les femmes n'ont pas le
droit à communier et elles ne seront pas sauvées).
Il n'est pas certain que les Alawites descendent vraiment
des Yarsanites ... mais il ont du au moins être
influencés par eux. On remarquera aussi que leur nom
de "Nusayris" semble être une arabisation
du mot "Nazaréens",
ce qui montre une influence chrétienne évidente.
Les Shabaks :
Les Shabaks sont des Yazdanites vivant dans le centre du Kurdistan,
au sud-est de Mossoul. Ils ont pour coutume de saluer le soleil
levant ainsi que la lune.
Les Sabéens de Harrân :
Les Sabéens de Harrân sont souvent considérés
par les Musulmans comme des païens adorateurs des étoiles.
Ils ont repris ce nom de "Sabéens" à
une secte de Baptistes afin de se faire prendre pour des "Gens
du livre" et de bénéficier ainsi de la
protection des Musulmans.
Mais dans les faits, ce ne sont pas des Baptistes mais des
Yazdanistes croyant que les étoiles sont des anges.
Pour eux le monde est dirigé par sept anges principaux,
correspondant aux sept planètes et aux sept jours de
la semaine :
- Hios (= Hélios, dieu du soleil chez les Grecs) =
Dimanche
- Sin (= Sin, dieu de la Lune chez les Mésopotamiens)=
Lundi.
- Arès (= Arès, dieu de Mars chez les Grecs)
= Mardi
- Nabûq (= Nabu, dieu de Mercure chez les Mésopotamiens)
= Mercredi.
- Bal (= Bel, dieu de Jupiter chez les Mésopotamiens)=
Jeudi.
- Balthi (= déesse de Vénus) = Vendredi.
- Kronds (Kronos, dieu de Saturne chez les Grecs) = samedi.
Les Sabéens pratiquaient aussi le sacrifice du taureau
(coutume Zoroastrienne ?).
Les Yézidis :
Les Yézidis / Ezidis / Ayzidis (= "angélistes")
du centre du Kurdistan sont considérés comme
des hérétiques par les Musulmans. Ils ont été
organisés par le Cheikh Adi ibn Mustapha (1073 - 1162),
fondateur de la confrérie soufie Sunnite Adawiya ...
mais ils n'en sont pas moins restés des païens
sous une très faible couche d'Islam.
Les Yézidis sont organisés en castes, ils ont
des tabous liés aux quatre éléments (comme
les Zoroastriens) et croient en la réincarnation (comme
les Gnostiques). Ils
prient vers le soleil deux fois par jour (coutume zoroastrienne
?) et croient que le monde est dirigé par sept anges
"izeds" identifiés aux sept planètes
et aux sept jours de la semaine :
- Dimanche = Azazil / Izraël / Malek Ta'us.
- Lundi = Darda'il.
- Mardi = Israf'il.
- Mercredi = Jibra'il.
- Jeudi = Azra'il.
- Vendredi = Shemna'il.
- Samedi = Nura'il.
Leur chef était Malek-Ta'us, c'est à dire "l'Ange-paon"
(et non pas le "Roi-paon" comme on dit parfois),
qu'on identifie avec Azazil ou Seytan ... c'est à dire
avec le diable. C'est pourquoi les Musulmans accusent les
Yézidis d'être des "Adorateurs du diable".
Cependant les Yézidis estiment qu'on peut vénérer
Azazil car Khodé / Khuda (Dieu) lui a pardonné
depuis longtemps et lui a rendu sa place de gardien du monde.
Les Yézidis pensent aussi que ces anges se sont incarnés
plusieurs fois sur terre, dans des corps de prophètes
ou de sages, pour guider les humains. Leur pseudo-fondateur,
le Sultan Ezi (Yazid ibn Muawiyah), serait ainsi un de ces
anges incarné en homme. Le célèbre mystique
Hussayn Mansûr Al-Hallâj (qui jugera les hommes
lors de la fin du monde) serait aussi une de ces incarnations
angéliques.
Les Yézidis connaissent aussi la coutume du sacrifice
du taureau (inspirée de la religion zoroastrienne ?)
comme les Yarsanites et fêtent Khidr et Elyas le 18
février et le 1er décembre. Leur jour férié
n'est pas le vendredi comme chez les Musulmans mais le mercredi,
comme chez les Zoroastriens Mazdéens. Ils sont monogames
et peuvent manger du porc et boire de l'alcool, contrairement
aux Musulmans, mais ne peuvent pas consommer de choux-fleurs,
comme les Mandéens.
Ils ne peuvent pas non plus porter de bleu, comme les Mandéens
et les Chaldéens d'Urmia.
Autres groupes :
D'autres groupes, plus ou moins petits, isolés et dispersés
existent encore :
Les Mevlevi-Shemsis, les Ibahimiyyas, les Sarliyyas, les Kirklars
/ Jahaltans, etc ...
Il est bien difficile de savoir d'où
provient la religion originelle de ces différents groupes
Yazdanites.
On a remarqué qu'ils exprimenti une certaine vénération
panthéiste pour la nature. Iil est possible que cette
idée n'ait pas été ancienne dans la région
et qu'elle ait été introduite par des turcs
islamisés (ex-chamanes) venus du Turkestan.
Et c'est la même chose pour l'égalité
entre hommes et femmes qu'on observe souvent chez les Yarsânistes
: C'est peut-être aussi une coutume apportée
dans la région par les premiers Turcs encore mal islamisés.
Par exemple, le maître Ahmed Yesevi (mort en 1167),
le "Pir-i-Turkestan", fondateur de l'ordre des Derviches
Sunnites Yesevis, enseignait le chant mystique ("zikr
à haute voix" ou "Zikr de la scie")
à des groupes où les femmes non voilées
étaient mêlées aux hommes ... ce qui ne
serait guère admissible pour un musulman classique.
Il se disait même assisté par Hidir (Khidr).
Hors Hunkar Hadji Bektash Veli, ce soufi vénéré
par plusieurs branches des Yazdânites, semble bien être
un descendant spirituel issu de l'enseignement de Ahmed Yesevi
(le Vilâyetnâme de Hâcim Sultan, cite Hadji
Bektash Veli parmi les disciples d'Ahmed Yesevi). Le "zikr
à haute voix" pourrait même être l'ancètre
des chants du Djem chez les Alévis.
Le Kurdestan et ses environs, zone où l'on retrouve
les débrits du Yazdânisme, a aussi subit l'influence
du Hanufisme, une école musulmane kabbalistique créée
par Fazlallah Astarabadi also called Naimi (1340-1394) et
qui étudiait l'influence numérologique des lettres
dans les mots. Cependant, à part quelques mots du vocabulaire
mystique, il est difficle de retrouver de grandes traces de
la doctrine Hanufite dans le Yazdanisme actuel.
Au 7ème siècle, la zone où vivent les
Yazdânites Alévis a subi aussi l'installation
de la secte des Pauliciens. Ces derniers passaient pour être
une branche des Gnostiques
Manichéens fondée par Constantin de Mananalis
(mort en 687). On sait peu de chose sur les croyances des
Pauliciens; ceux-ci rejetaient le clergé catholique,
avec ses saints, ses cérémonies, ses sacrements,
son eucharistie, son culte de la Vierge, son usage de la croix,
etc ... Ils ne voulaient conserver que le simple enseignement
de Jésus. Ce qui ne les empéchait pas de s'appuyer
plus sur les paroles de Paul que de Jésus.
Pour eux Jésus ne pouvait pas être matériel
car la matière était mauvaise, seul le ciel
étant bon.. Ce qui ressemble aux croyances des Gnostiques
Docétiens.
Il est difficile cependant de repérer des influences
issues de cette doctrine dans le Yazdanisme actuel.
Cependant le piste gnostique
est intéressante. Il est indubitable que le Yazdanisme
a de nombreuses ressemblance avec les croyances des anciens
Gnostiques.
Il est possible alors que les Yazdanites dérivent des
Magusiens, ancêtres probables
des Gnostiques, et
qui vivaient justement en Anatolie dans l'antiquité.
Ces Magusiens, appelés aussi
"Mages", étaient des prêtres Zoroastriens
ayant mélés leurs croyances à celles
des astrologues chaldéens;
Dans le sens inverse, les croyances Yarsanites
ont peut-être influencé la création d'une
autre religion : La Bâbisme, en 1844, par Siyyid Ali
Muhammad (1819-1850). celui-ci, en effet, se proclamait "Bâb"
(= "porte") ce qui est le nom que les Yazdanites
donnaient aux avatars (incarnations) des sept anges.
En 1863, Mirza Husayn Ali (1817-1892) fera évoluer
cette religion pour créer le Bahaisme, de portée
plus universelle. Tout comme Yarsanisme, le Bahaisme estime
que les prophètes de toutes les religions sont des
incarnations d'envoyés du Dieu unique. Et donc pour
eux toutes les religions sont légitimes et doivent
être respectées. |