Serpents et Dragons :
Le serpent étant un animal atypique et étrange, il a toujours marqué les hommes. Ceux-ci l'ont donc souvent intégré à leurs mythes et en ont fait un symbole.
Ce qui est étrange c'est que, dans les mythologies des différents peuples, on retrouve souvent les mêmes symbloiques associées aux serpents, ainsi que nous allons le voir ......
Le serpent maléfique :
Le serpent venimeux étant un animal dangereux, les hommes en ont souvent fait un animal démoniaque, un symbole du mal et de la mort. Ce sont surtout les Judéo-Chrétiens qui ont répendu ce concept en identifiant le serpent de la Genèse au Diable. Les Hébreux connaissaient également des serpents de feu qui les tourmentaient dans le désert : les "seraphs". Ceux-ci étaient terribles, certe, mais pas forcément mauvais, c'est pourquoi on finira par en faire une classe d'anges gardant le trône de Dieu : Les "séraphins".
Les anciens Egyptiens, qui craignaient les serpents venimeux de leurs pays, avaient également fait de ces animaux un symbole terrible. Pour eux le pire ennemi du dieu solaire Ra était le serpent Apep (Apophis), représentation du mal et du chaos. Cependant le dieu Ra avait lui-même un autre serpent terrible à son service pour l'aider à combattre ses ennemis : l'Uraeus placé sur sa tête. Et quand Ra se promenait dans sa barque sacrée, celle-ci était entourée par le serpent Mehen qui le protégait. Le serpent était donc un animal terrifiant mais pas forcément mauvais, sa force pouvait tout aussi bien s'opposer aux dieux que les servir.
Le serpent cosmique :
Les Egyptiens connaissaient un autre serpent mythique : celui qui entourait la terre en se mordant la queue, séparant celle-ci du Noun (océan extérieur). Ce serpent sera ensuite repris par les Phéniciens puis par les Grecs qui lui donneront le nom d'Ouroboros. Plus tard il deviendra aussi le symbole des cycles cosmiques.
Les Germains connaissaient un même serpent : Midgardsormr (le serpent du Midgard) ou Jörmungand (l'encercleur) qui lui aussi entourait toute la terre.
Aux Amériques un serpent cosmique était également
connu. Chez les Aztèques il y avait ainsi Mixcoatl,
le "serpent des nuages" qui correspondait peut-être
jadis à la voie lactée encerclant le ciel. Et
chez les Mayas la voie lactée était représentée
par le "Serpent blanc désossé" Wakah-Chan
("serpent debout"), un serpent mythique dont la
queue se situait dans les Pléiades et la gueule ouverte
dans le Sagittaire. Cette créature pouvait aussi être
représentée avec deux têtes marquant la
course du Soleil dans le ciel : L'une symbolisant la vie /
naissance (lever du Soleil) et l'autre la mort (coucher du
Soleil).
( > Voir photo )
Le serpent Arc-en-ciel :
Ce serpent mythique est répendu chez énormément de peuples anciens. Il représente les eaux fertilisantes (ou leur dispensateur).
Chez les aborigènes australiens, il était un serpent géant hermaphodite créateur des êtres vivants et maître de la fertilité. Lorsqu'il était dans le ciel il apparaissait sous la forme d'un arc en ciel et réglait sur les eaux de pluie. Lorsqu'il était sur terre il se cachait dans les trous d'eaux et régnait sur les eaux de source. Au Queensland il était appelé Targan ou Takkan, pour les Mialis il était Borlung, pour les ungariyims il était Ungud, pour les Vauwalaks il était Yurlungur et pour les Gunwinggus il était Ngalyod. Ailleurs il avait pour noms Kurreah, Waagai, Wagyl, Waugal, Kanmare, Numereji ou Wonambi.Kurreah, Waagai, Wagyl, Waugal, Kanmare, Numereji ou Wonambi.
En Afrique le serpent Arc-en-ciel, maître des pluies et des rivières, est connu également. Il est Oshumaré chez les Yorubas (hermaphrodite), Anyiewo chez les Ewés, Aida-Wedo (féminin) et Damballah-Wedo, Dangbé ou Danh chez les Fons (masculin et qui se confond avec le serpent encerclant le monde), Mbumba chez les Bantous du Zaïre (hermaphrodite), Nkongolo ou Chinawezi chez d'autres Bantous, Nenaunir chez les Massaïs, et Murles chez les Nilotes.
Chez les Basques on connaissait aussi le serpent géant Maju ou Sugaar qui règnait sur les orages.
Au Mexique il y avait aussi un dieu des eaux et de la végétation qui remontait au moins à l'empire de Téotihuacan (III-VIII ème siècle ap Jc). Il était représenté par un serpent à plumes et était le compagnon de Tlaloc, le dieu de la pluie. Plus tard il sera appelé Quetzalcóatl. En nahua (langue aztèque) "Coatl" signifie "serpent" et "Quetzal" est le nom d'un oiseau, mais ce mot a également le sens de "précieux". Donc "Quetzalcoatl" pouvait se traduire par "Oiseau-serpent", "Serpent aux plumes de quetzal" ou "Serpent précieux". En maya Yukatèque ce même dieu portait le nom de Kukulkan (Kukul = oiseau, kan = serpent) et en maya Quiché il est appelé Gucumatz (Guc = oiseau, Kumatz = serpent).
En Amérique du nord, les Amérindiens croyaient également à un serpent cornu maître des eaux. Parfois il était une créature ailée symbolisant l'eau du ciel. Et parfois il était une créature terrestre s'opposant à l'oiseau-tonnerre; par exemple le "Grand Serpent d'eau" Omahbsoyisksiksina des Blackfoots et le serpent sous-marin Unhcegila des Sioux. Les Hopis et les Tewas (Tanoans) du sud-ouest des USA parlaient d'Awanyu, le serpent à plumes ou à cornes qui était le gardien de l'eau. Il y avait aussi le bon serpent Sint Holo des Choktaws, le méchant serpent cornu Utkena des Cherokees, le serpent cornu Mishipizhou des Ojibwas, le serpent à plumes Mishipizheu des Algonkiens, le grand serpent Msikinepikwa des Shawnees, le grand serpent Misikinepikw des Crees, le grand serpent Misiginebig des Oji-Crees, le grand serpent Mishiginebig des Ojibwes, le serpent Estakwvnayv des Creeks, le Pita-skog des Abenakis, le Unktehila des Sioux Dakotas et le Olobit des Natchez. Et chez les Mayas Chortis il y avait le grand serpent Ch'ih-Chan / Noh-Chan, maître des eaux et de la pluie, et chez les Incas il y avait le serpent Urcaguey.
Souvent cette créature était à moitier serpent et à moitier félin. Il y avait ainsi la panthère sous-marine Mishibizhiw des Ojibwas, la panthère souterraine Nahmbeezhuh des Potawatomis et le lynx souterrain Aramipinchiwa des Miamis et Illinois..
L'eau suivant un cycle, elle passe sans cesse du ciel (ou elle est stockée sous forme de gouttes de pluie dans les nuages) au sous-sol où elle est stockée sous forme d'eau de source.
Le serpent arc en ciel a donc à la fois un aspect céleste et un aspect souterrain. Il peut donc à la fois représenter le masculin et le féminin, le haut et le bas, le ciel et les enfers, la vie et la mort.
Les Mésopotamiens et d'autres peuples faisaient donc aussi du serpent un symbole de mort, un habitant des enfers. Cependant cet animal étant capable de muer et de changer régulièrement de peau (exemple : Le serpent Nesu saqaqqari, "Lion de la terre", qui a volé la plante de vie à Gilgamesh), on en fera donc parfois aussi un symbole de la renaissance, de la résurrection ou de la réincarnation. La vie, tout comme l'eau, suit des cycles de mort et de renaissance, de condensation et de sublimation.
Parfois le serpent subsistera comme symbole non plus de la fertilité mais de la force vitale : par exemple sur le caducée des Grecs, des Sumériens et des Hindous.
Les Nagas :
En Inde on connaissait aussi des esprits de la nature, en forme d'hommes-serpents, appelés "Nagas". Ceux-ci résumaient un peu tous les symboles existants associés aux serpents. Ainsi, au début, ils étaient plutôt dangereux et maléfiques. Par la suite ils deviendront des représentants de la fertilité et de la fécondité et seront associés à l'arc-en-ciel. Lorsqu'ils vivent sous terre, ils deviennent fréquemment les gardiens des trésors enfouis.
Les Dragons :
Avec le temps, les serpents mythiques devinrent de plus en plus grands et de plus en plus monstrueux. Les hommes avaient tendance à vouloir leurs ajouter des pattes, en faisant ainsi des dragons (C'est ainsi que, par exemple, le dieu serpent Maju / Sugaar des Basques pouvait aussi bien être représenté comme un dragon).
Ces dragons symboliseront à peu prés les mêmes choses que les serpents, bien qu'ils aient tendance à être moins bénéfiques.
Le mot draco en latin, drakon en grec et draki en germanique désignait primitivement les serpents avant de se rapporter aux dragons. D'ailleurs chez ces peuples, le dragon est souvent un gardien de trésors qu'un héro devra tuer. Exemples : Le serpent-dragon Ladôn gardait les pommes d'or du jardin des Hespérides et fut tué par Héraclès; et le serpent-dragon Fafnir gardait un trésor et fut tué par Sigurd.
Chez les peuples Indo-Européens, le serpent maîtres des eaux fertilisantes fut souvent transformé en un mauvais dragon provoquant des sécheresses et des inondations (ainsi le dieu-serpent Maju / Sugaar des Basques est souvent identifié à un dragon). C'est pourquoi de nombreuses légendes racontent qu'un dieu de l'orage fut envoyé pour le tuer, un nouveau dieu prenant ainsi la place de l'ancien pour régner sur les pluies. C'est ainsi que le dieu Teshub / Tarhunt tua le dragon Illuyanka, que le dieu Zeus tua le monstre Typhon, que le dieu Thor tuera le serpent Midgardsormr, que le dieu Indra tua le dragon vrita, et que le dieu Marduk tua le monstre Tiamat.
Même chez les Mitsogos du Gabon et les Yombés du bas-Congo, on retrouve Mpulu-Bunzi (représentant la pluie) qui décapite le python arc-en-ciel Mbumba (représentant ici la sécheresse).
Parfois aussi c'est l'oiseau-tonnerre qui attaque au serpent des eaux. Par exemple chez les Indiens Lakotas l'oiseau-tonnerre bat Unktehi, le serpent des inondations. Idem chez les peuples d'Afrique du sud ... et même en Inde ou les serpents Nagas s'opposent à l'oiseau Garuda.
En Mésopotamie aussi, le serpent céraste mythique (vipère cornue) fut transformé pour donner de nombreuses sortes de dragons dangereux, ennemis ou emblèmes de divers dieux. Exemples :
Le Ushum / Mush-Bashmû / Mush-shatûr ( grand serpent cornu vénimeux sans pattes. > Voir photo)
Le Ushum-gallu ("Serpent Ushum géant", serpent-dragon Bashmû avec deux pattes. > Voir photo)
Le Sirush / Mush-hushu ("serpent rouge de colère", dragon à tête de lion puis de serpent cornu avec des pattes d'aigle et de lion. > Voir photo)
Le Mush-mahhu / Mush-sag-imin ("serpent suprême", dragon à 7 têtes. > Voir photo). Ce dernier deviendra, chez les Grecs, l'hydre de Lerne tuée par Héracles.
La Chine fut le seul pays où les dragons conservèrent pleinement l'aspect bénéfique des anciens serpents mythiques. C'est ainsi que le dragon ("Long") y est resté le symbole des nuages de pluies venant fertiliser le sol au printemps.
Les Chinois se plaisent parfois à différencier plusieurs sortes de dragons :
Le Shen-Long est le dragon des pluies.
Le Di-Long est le dragon des sources (identifié au ver de terre).
Le Fucong-Long est le dragon des volcans, gardien des trésors.
Et il y a aussi le Zhu-Long ("dragon-porc") ou Pan-long ("dragon lové") qui semble avoir été vénéré par l'ancien peuple de Hong-Shan (4700-3500 av JC) dans le nord-est de la Chine ... mais il n'est pas certain que les représentations de cet être se rapportent vraiment à un dragon.
A Xishuipo (province du Henan en Chine) on a retrouvé une tombe datant de l'époque néolithique de Yangchao (5200-3000 av.JC). Celle-ci contenait un corps entouré de deux mosaïques constituées de coquillages blancs de rivière. La mosaïque de l'est représentait un dragon et la mosaïque de l'ouest représentait un tigre. C'est la plus ancienne représentation connue des symboles chinois du dragon (symbolisant l'est et le printemps) et du tigre (symbolisant l'ouest et l'automne). ( > Voir photo)
A Sanxingdui (au Sichuan en Chine du sud) on a retrouvé une fosse datant de 1200 av.JC. Les ancètres du toyaume de Shu y avaient déposé un "arbre de vie " en bronze avec un dragon à sa base et un oiseau-phénix à son sommet. Un autre "arbre de vie" plus récent (daté du 2ème siècle ap.JC) possétait également un dragon cornu et ailé à sa base et un oiseau à son sommet.
Etrangement on retrouvait le même figure chez les Mayas. Chez eux, l'"arbre de vie" Yaxché / Ceiba avait sa base sur le dragon "bête de la terre" alors qu'à son sommet se trouvait l'oiseau Itzam-Yeh.
Et cette opposition entre le dragon (symbole de la terre et de l'eau) et l'oiseau (symbole du ciel) se retrouve aussi en Inde où l'oiseau mythique Garuda s'oppose aux serpents Nagas.
Les mêmes symbolismes, comme nous venons de le voir, sont souvent associés aux serpents ou aux dragons chez de nombreux peuples, partout sur terre.
On peut se demander si ce symbolisme universel ne dérivait d'une ancienne religion préhistorique s'étant étendue dans le monde entier lorsque les homo sapiens sapiens ont quitté l'Afrique pour conquérir toute la terre. Ou alors les différents peuples ont créé les mêmes symboles, indépendamment les uns des autres, comme si le serpent était un archétype indépendant que les hommes découvraient plutôt que de l'inventer. |