DOSSIER SYMBOLES :



L'Arbre de Vie      :                                                                            

 

L'Arbre de Vie" (ou "Arbre de la vie et de la mort") est un mythe bien connu expliqué dans le livre de la Genèse, dans l'Ancien Testament. Mais ce n'est pas un concept propre au Judaïsme et au Christianisme : En effet on le retrouve, sous des formes différentes, dans le monde entier.

Les Arbres du Jardin d'Eden :

Selon la Genèse 2,9, il y avait deux arbres dans le Jardin d'Eden, l'Arbre de Vie et l'Arbre de la Connaissance :
"... Et l’Éternel Dieu fit croître du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal."

A noter que, contrairement à une croyance commune, il n'est dit nulle part dans la Bible qu'on avait affaire à des pommiers. Cette confusion est due à une mauvaise traduction : En effet, en latin, à l'origine, le mot "POMUM" signifie "fruit" et non pas "pomme"... même s'il a pu prendre ce sens bien plus tard en francais.

Selon la Genèse 3, 22, le fruit de l'Arbre de la connaissance ouvrait les yeux des humains alors que celui de l'Arbre de vie pouvait les rendre immortel :
"... Et l’Éternel Dieu dit : Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal ; et maintenant, afin qu’il n’avance pas sa main et ne prenne aussi de l’arbre de vie et n’en mange et ne vive à toujours… "

Il semble bien que les Hébreux aient connu ces deux arbres grace aux peuples de Mésopotamie (Sumériens, Babyloniens, Assyriens, etc...)
Selon les Sumériens, il y avait un bosquet sacré dans la ville d'Eridu qui était consacré au dieu Enki (Ea en akkadien), dieu de la sagesse et de l'Apsu (domaine des eaux souterraines). Là étaient plantés deux arbres sacrés : L'arbre blanc MESH / MESU (sorbier ?) et l'arbre noir GIZKIN / KISKANU (palmier dattier ?). Quand à la ville d'Eridu, elle avait un autre arbre comme emblème : le palmier NUN.
Voila ce qu'en disent les textes :

"Père Enki, engendré par un taureau, engendré par un taureau sauvage ...
... roi, qui est devenu l'arbre MESU dans l'Apsu...
il a soulevé toutes les terres, grand Ushumgallu,
il a planté, dans Eridu un bosquet d'arbres fruitiers qui s'étend sur la terre.
Son ombre s'étend sur le ciel et la terre ..."

"A Eridu il y a un arbre noir KISKANU placé dans le lieu saint.
Il est comme du lapis-lazuli, construit sur l'Apsu.
Enki, quand il marche, remplit Eridu d'abondance.
Dans le lieu de repos se trouve la chambre des Nammus.
Dans son saint temple, il y a un bosquet ombragé,
dans lequel aucun homme ne peut entrer."

"Le lieu saint, a été ...
.... parfait en lapis lazuli, l'intérieur est magnifiquement formé
comme un blanc arbres MESU portant ses fruits."


On prétendait que les racines de ces deux arbres descendaient jusque dans l'APSU et que leurs branches atteignaient le ciel.
Ainsi, dans un texte Babylonien, le dieu Marduk disait :
"L'arbre MESU a ses racines dans la vaste mer, dans la profondeur d'Arallu (pays des morts), et atteint son sommet en haut du ciel."
Du MESU le "Poème d'Erra" disait aussi qu'il était "la chair des dieux", "l'ornement du roi de l'univers", "l'arbre saint".

Comme les textes disent que le KISKANU était une sorte d' "Arbre de vie", il est donc possible que le MESU ait été un "Arbre de la connaissance". Le dieu Enki / Ea, en effet, régnait tout aussi bien sur les eaux de vie que sur la connaissance. Mais il est possible également qu'il ait servi d'axe à l'univers et de de pilier pour soutenir le ciel (puisqu'il s'étendait du plus profond de la terre jusqu'au plus haut sommet du ciel).

L'Arbre de Vie était représenté de manières trés diverses chez les peuples de Mésopotamie.

>Exemples d'Arbres de Vie (1)   >Exemples d'Arbres de Vie (2)  >Exemples d'Arbres de Vie (3)

Il était souvent représenté encadré par deux animaux.

>Exemples en Mésopotamie.    >Exemples en Syrie et Phénicie.

L'Arbre de vie est également souvent représenté entouré par des ABGALs / APKALLUs. Ce sont des êtres envoyés par le dieu Ea / Enki pour civiliser les humains. Ils sont de trois sortes :
- Les  Poissons-Apkallus (Hommes habillés en poissons SUHURs / PURÂDUs). >Voir.
- Les Umu-Apkallus (Apkallus lumineux, hommes portant des ailes). >Voir.
- Les Oiseaux-Apkallus (Hommes à tête d'oiseau).  >Voir.

Le motif de l'Arbre de Vie s'est difusé un peu partout ensuite. On le retrouve ainsi, par exemple, représenté sur les tapis traditionnels du baloutchistan.   >Voir.

En Inde aussi il existait deux arbres sacrés (comparables à l'Arbre de Vie et à l'Arbre de Connaissance), tous les deux de la famille des figuiers (dans la Bhagavad Gîtâ, il est d'ailleurs écrit que "parmi les arbres c’est le figuier qui est l’arbre de vie").
A l'entrée des villages il est ainsi d'usage de planter deux arbres, un PIPAL et un BANYAN, considérés comme mari et femme : .
Le BANYAN (Ficus Bengalensis / Vata / Nyagrodha) est une sorte d'Arbre de vie, il est nourricier, apporte la fertilité et même l'immortalité selon certaines légendes.
Quand au PIPAL (Ficus Religiosa / Ashwatha / Arbre Bo), il représente la Trimurti (Trinité Indouhiste) : Les racines sont Brahmâ, le tronc est Vishnu, et les feuilles sont Shiva (Il semble même que cet arbre était déja sacré dans la civilisation de l'Indus, vers 2500 à 1700 av.JC).
>Voir des représentations de l'Arbre de Vie dans la civilisation de l'Indus.
Chez les Bouddhistes, le PIPAL est devenu l'Arbre de l'illumination, car c'est en méditant sous lui que le Bouddha a atteint l'éveil. Cet arbre est donc une sorte d'Arbre de la connaissance. Et c'est ensuite en réfléchissant sous un BANYAN que le Bouddha s'est décidé à apporter son enseignement au Monde.

En Inde, dans le livre Mahabharata, on parle aussi du KALPATARU (Kalpavriksha / Kalpadruma / Kalpapadapa). Cet arbre (qui est peut-être un Pipal ou un Banyan) exauce tous les souhaits ... mais chaque fois qu'il donne une chose, il donne aussi son contraire exact. Et c'est ainsi que les hommes deviennent prisonniers de la chaïne infinie des désirs : chaque souhait réalisé apporte des inconvénients qui provoquent la naissance de nouveaux désirs.
En Amazonie, l'équivalent du KALPATARU est l'"Arbre de la Satiété", une sorte d'arbre magique qui nourrit les gens et exauce tous leurs souhaits.

La Menorah :

Chez les Hébreux, il est possible que le symbole de la MENORAH (le chandelier à sept branches) dérive d'un Arbre de Vie stylisé.

>Voir un arbre de Vie Babylonien ressemblant à une Ménorah. 

Les vieilles gravures du Néguev montrent que, à l'époque où ils étaient encore polythéistes, les Hébreux adoraient le dieu YAH (YAHWE) et sa parèdre la déesse ASHERAT ou ASHERAH.  Sur ces gravures, le nom de YAH est souvent associé à un bélier ou un taureau alors que celui d'ASHERAH est associé à une MENORAH.

Et dans la Bible il est expliqué que c'est seulement lors des réformes de Josias et d'Ezéchias que fut enlevé du temple de Jérusalem l'emblème d’ASHERAH (un poteau sacré appelé "ASHERE") :

"Ezéchias fit ce qui est agréable à Yahvé, imitant tout ce qu'avait fait David, son ancêtre.
C'est lui qui supprima les hauts lieux, brisa les statues, coupa les Ashérah et mit en pièces le serpent d'airain ..."
(Rois II 18, 3-4)

"Et il fit emporter Ashérah hors de la maison de l’Éternel (Yahweh), hors de Jérusalem, dans la vallée du Cédron, et il la brûla dans la vallée du Cédron, et la réduisit en poussière, et en jeta la poussière sur les sépulcres des fils du peuple."
(Rois II 23, 6)

"Et il brisa les statues, et coupa les poteaux symbolisant Ashérah et remplit d’ossements d’hommes les lieux où ils étaient." (Rois II 23,14)

ASHERAH était également connue par les Cananéens d'Ougarit sous le nom d'ATHIRAT. Elle semble avoir été représentée par un poteau de bois car son nom pouvait être traduit par "Bosquet", "Jardin", "Arbre" ou "Lieu sacré".
En fait, il est possible que ce poteau n'ait pas été un mat lisse mais ait porté sept branches. Un tel poteau d'ASHERAH muni de sept branches pouvait donc avoir la forme d'un chandelier MENORAH. Un "ARBRE DE LUMIERE" comme disent certains.

D'ailleurs la description de la MENORAH, dans Exode 25, 31-40, montre qu'elle a un aspect trés végétal :
"Et tu feras un chandelier d’or pur : le chandelier sera fait d’or battu ; son pied, et sa tige, ses calices, ses pommes, et ses fleurs, seront tirés de lui.
Et six branches sortiront de ses côtés, trois branches du chandelier d’un côté, et trois branches du chandelier de l’autre côté.
Il y aura, sur une branche, trois calices en forme de fleur d’amandier, une pomme et une fleur ; et, sur une autre branche, trois calices en forme de fleur d’amandier, une pomme et une fleur ; ainsi pour les six branches sortant du chandelier.
Et il y aura au chandelier quatre calices en forme de fleur d’amandier, ses pommes et ses fleurs ;
et une pomme sous deux branches sortant de lui, et une pomme sous deux branches sortant de lui, et une pomme sous deux branches sortant de lui, pour les six branches sortant du chandelier ;
leurs pommes et leurs branches seront tirées de lui, le tout battu, d’une pièce, d’or pur.
Et tu feras ses sept lampes; et on allumera ses lampes, afin qu’elles éclairent vis-à-vis de lui.
Et ses mouchettes et ses vases à cendre seront d’or pur.
On le fera, avec tous ces ustensiles, d’un talent d’or pur.
Regarde, et fais selon le modèle qui t’en est montré sur la montagne."

Une autre descriptions se trouve dans Zacharie 1,2-3 et 7 :
"Et il me dit : Que vois-tu ? Et je dis : Je vois, et voici un chandelier tout d’or, et une coupe à son sommet ; et ses sept lampes sur lui ; sept lampes et sept conduits pour les lampes qui sont à son sommet ; et deux oliviers auprès de lui, l’un à la droite de la coupe, et l’autre à sa gauche...
... (Ces sept lampes) ce sont là les yeux de l’Éternel qui parcourent toute la terre.".

>Voir quelques menorahs (1)         >Voir quelques menorahs (2)  

 >Voir quelques menorahs (3)        >Voir quelques menorahs (4)

Il est même possible que le buisson ardent, par lequel YAHWE a prix contact avec Moïse dans le désert, soit la même chose que cet ARBRE DE LUMIERE. En effet, il manifestait la présence de Dieu ... hors, dans le temple de Jérusalem, le chandelier MENORAH était également le symbole de la présence de Dieu.
Cette "présence de Dieu" portera plus tard le nom de SHEKINAH, et on en parlera parfois comme si elle était une entité à part entière. On ira même jusqu'à en faire une sorte de parèdre de YAHWE sous le nom de MATRONIT (="Matrone").
Certains rabbins assimilaient aussi la SHEKINAH à l'ESPRIT SAINT de Dieu, (celui-ci étant un nom féminin dans les langues sémitiques). Quand aux Judéo-Chrétiens Nazaréens, ils faisaient de cet ESPRIT SAINT féminin la mère de Jésus.

Saint Jérôme a écrit à ce sujet :
“Dans cet évangile écrit 'selon les Hébreux', qui est lu par les Nazaréens, le Seigneur dit : 'Il y a un instant, ma mère, le Saint-Esprit, m’éleva' (.....)
Selon l’évangile écrit en langue hébraïque que les Nazaréens lisent (.....) nous trouvons ceci : 'Il arriva que, tandis que le Seigneur remontait de l’eau, toute la source du Saint-Esprit descendit et reposa sur lui et lui dit : Mon Fils, parmi tous les prophètes, je t’attendais pour que tu viennes et que je puisse reposer en toi. Car tu es mon repos, tu es mon fils premier-né qui règnes pour toujours'."


Et Origène en concluait ceci (dans In Jer. 15,4) :
“C’est une preuve dans leur croyance (aux Nazaréens) que l’Esprit-Saint est la mère du Christ.".

De là, il n'y aurait plus qu'un pas à faire pour dire que la trinité chrétienne du Pere, du Fils et du Saint-Esprit correspond en fait à une famille divine composée d'un Dieu-père, d'un Dieu-fils et d'une Déesse-mère !
Etrange manière utilisée par la déesse ASHERAH pour réapparaitre auprés de YAHWE ! Et c'est d'autant plus paradoxal que les Hébreux avaient essayé de se débarasser de cette déesse en en faisant le démon ASHTAROTH !

>Voir une représentation d'Asherah et de son arbre, trouvée à Tell-Taanach.

Il est possible que, dans la Kabbale, l'arbre des Séphiroths dérive lui-même de la MENORAH et de l'Arbre de Vie. C'est d'ailleurs ce que semblent indiquer certains commentaires kabbalistiques. L'ennui est que l'Arbre séphirothique contient dix Séphiroths (émanations divines) alors que la MENORAH possède seulement sept branches.

>Essai de correspondance entre l'Arbre des Séphiroths et la Ménorah..

En ce qui concerne l'Egypte, certains pensent que le pilier DJED (symbole de la stabilité et de la colonne vertébrale d'Osiris) aurait pu, à l'origine, être lui aussi un tronc d'arbre arbre coupé conservant huit branches. Mais c'est loin d'être certain. Il semblerait plutôt que le DJED soit un symbole formé de la fusion des quatre piliers lotiformes placés aux points cardinaux pour soutenir le ciel, selon les anciens Egyptiens.
Chez les anciens Egyptiens, ce qui se raproche le plus de l'Arbre de Vie de la déesse ASHERAH c'est le SYCOMORE (ficus sycomorus) de la déesse HATHOR (déesse de l'amour et de la fertilité). Cet arbre poussait dans le monde des morts et servait à nourir et désaltérer les BA (âmes) afin de leurs rendre la vie.

L'Arbre du Monde ou Arbre Cosmique :

Ailleurs, en Asie surtout, l'Arbre de Vie a pour équivalent l'"Arbre du monde", ce qui est peut-être sa forme la plus ancienne. Cet arbre gigantesque représente l'axe central de l'univers et son tronc sert à soutenir la voute du ciel. Il est parfois remplacé par la "Montagne du monde" ou "Montagne Cosmique" qui correspond à une même symbolique.

Ainsi, dans la cosmologie indienne, le Mont Meru est  le centre, l'axe et le pivot de la terre, autour duquel tournent les astres. Ses racines plongent dans les Enfers et, à l’image d’une fleur épanouie, son sommet est plus large que sa base. Et cette montagne fabuleuse est couronnée par Jambu, un "Pommier-rose" immense. Selon le Ramayana c'est la que le singe Hanuman aurait cueilli l'herbe médicinale permettant de rendre la vie à Rama. Il y a donc là, effectivement, un rapport avec l'Arbre de vie, d'autant plus que certains textes disent que le fruit de cet arbre confère l’immortalité.

Chez les anciens Germains, l'Arbre du monde était le Frêne YGGDRASIL.
Les Eddas le décrivent ainsi :
"C'est le plus grand et le meilleur de tous les arbres. Ses branches s'étendent sur le monde et atteignent le dessus du Ciel.. Trois racines soutiennent l'arbre et se présentent bien écartées. La première est chez les dieux Ases, la seconde est chez les géants de gel, la dernière est dans Niflheim (les Enfers) et plonge dans Hvergelmir ("bouilloire ronflante"), là où le serpent Nidhug / Nidhogr ronge les racines par dessous. Prés de la deuxième racine, qui s'étend chez les géants du gel, se trouve Mímisbrunnr (le puits de Mimir) où la connaissance et la sagesse sont cachées. La troisième racine plonge dans Urdarbrunnr, la fontaine sacrée de Urd. Ici les dieux Ases décident du destin."

Chez les Tatars de l'Altaï, on connait aussi un arbre gigantesque, placé au centre du monde et qui atteint le ciel des dieux :
"La couronne de l'arbre répand un liquide divin d'un jaune écumant. Quand les passants en boivent, leur fatigue se dissipe et leur faim disparaît... "
Cet arbre a neuf branches dont sont nées les neuf races humaines (On retrouvera souvent ce nombre neuf en rapport avec l'arbre du monde).

Chez les Chinois, l'Arbre du monde est appelé KIEN-MOU ("Bois dressé").
Il se dresse au centre du monde et possède neuf branches et neuf racines, par lesquelles il touche aux neuf cieux et aux neuf sources, séjour des morts.
On disait qu'à l'est se trouve également le pêcher PAN-MU dont les fruits donnent l'immortalité; et à l'ouest l'arbre JO, qui porte les dix mille soleils couchants.
Mais on disait également l'inverse : A l'est  se trouve le mûrier creux KONG-SANG / FOU-SANG, qui porte les soleils levants, et à l'ouest se trouve le mont KUN-LUN, résidence de la déesse Xiwangmu (Hsi wang mu) qui, dans son jardin, cultive les pêches d'immortalité prolongeant la vie des dieux. Cette montagne est aussi une pagode qui se compose de neuf étages représentant les neuf degrés de l’ascension céleste..

Les Mayas connaissent eux aussi l'Arbre du monde, mais chez eux il devient un Arbre Cosmique.
Il occupe le centre de l'univers et sert de colonne pour soutenir le ciel. Comme en Chine, les quatre angles de la Terre sont occupés par quatre autres arbres qui soutiennent eux aussi le ciel.
L'arbre central s'appelle YAXCHE et il est identifié à un kapokier / Fromager (arbre Ceiba). Ses racines poussent en Enfer et ses branches atteignent le Ciel. On dit aussi que sa base est sur la "Bête de la Terre" et qu'à son sommet est l'oiseau orgueilleux ITZAM-YEH ("Oiseau-serpent" / "Sept-Ara") représentant la constellation de la Grande Ourse.
Cet arbre est également identifié à la Voie lactée et sert de pont pour les âmes qui vont au paradis ou en Enfer (le même mythe est connu chez les Indiens d'Amérique du nord).
Mais cet arbre est le plus souvent représenté sous la forme d'une croix : Une branche représentant le tracé de la Voie lactée et l'autre représentant l'écliptique (appelée le "Serpent blanc désossé"). Au croisement des deux branches se trouve la "Tête du monstre KAWAK / WITZ", ou la "Tête du Serpent blanc désossé", ou la "Bouche du crocodile", ou l'"Entrée de XIBALBA" (Monde souterrain). Ce lieu correspond, étrangement, au centre de la Voie Lactée, la où on pense se trouver un trou noir géant.

>Voir des représentations de l'Arbre de Vie chez les Mayas de Palenque.

>Voir des représentations de l'Arbre de Vie chez les Aztèques et les Mayas.

L'Arbre Wak-wak :

L'Arbre de Vie ne sert pas qu'à nourrir, guérir et prolonger la vie. Il ne sert pas non plus uniquement de fondation à l'existance du Monde. Dans une autre de ses versions, il devient un arbre qui crée la vie, une vie parallèle à la vie normale : l'Arbre Wak-wak (ou Waq-waq).

La plus ancienne référence à ce mythe provient du livre chinois TUNG-TIEN. Son auteur, DU-YU, était un Chinois qui €ut fait prisonnier par les Arabes à la bataille du Talas, en Asie centrale, en 751. Et il entendit parler d'une étrange histoire en Iran ou en Mésopotamie :
On disait que des marins arabes, au bout d'un voyage de huit ans, arrivèrent sur une île rocheuse carrée où ils trouvèrent un arbre aux branches rouges et aux feuilles vertes. Sur cet arbre poussaient des enfants longs de six à sept pouces. Lorsqu'lls voyaient des hommes ils ne leurs parlaient pas. mais ils pouvaient tous rire ou s'agiter. Mains, pieds et têtes adhêraient aux branches de l'arbre. Lorsque les hommes essayaient de les détacher, les enfants à peine dans leurs mains se desséchaient et devenaient noirs, comme pourris.

Al-Gahlz au IX ème siècle, dans son livre "Kitab al-Haiyawan", explique que cet arbre s'appelle "WOKWOK" et qu'il porte des fruits étranges formant des animaux ou des femmes minuscules, de diffé-
rentes couleurs, suspendus aux branches par les cheveux, et qui n'arrêtent pas de crier "wok-wok !". Et si on les cueille, ils meurent immédiatement.

Au Xème siècle, un traité sur l'ïnde parle aussi de cet arbre :
"Il y a de grands arbres aux feuilles, arrondies ou ovales, qui font des fruits semblables à des melons, mais plus grands et d'un aspect humain. Quand le vent les agite, il en sort une voix et l'intérieur se gonfle d'air comme les fruits de l'asclépiade. S'lls se détachent de l'arbre, l'air s'en échappe immédiatement et ils deviennent plats et flasques comme un morceau de peau.".

Dans le grand roman persan "Shâh Nâmeh", écrit par Firdouzi (940-1020), l'Arbre WAK-WAK est ensuite associé à la quète du savoir par Iskandar (Alexandre le grand). Ce dernier rencontre des arbres parlant, sur l'île des femmes, et ils lui prophétisent sa mort prochaine.

A la fin du XI ème siècle, un livre écrit à Cordoue raconte ceci :
"Dans la partie de la Chine qui est dans la mer. il y a de nombreuses îles ; parmi elles, celles qui sont célèbres et connues sont au nombre de huit. La plus grande et la plus importante est l'tIe de Wakwak. Elle est appelée ainsi parce qu'íl s'y trouve des arbres élevés dont les nombreuses feuilles sont semblables à celles du €guier. Cet arbre porte des fruits au mois de mars, et ce sont des fruits semblables aux
fruits du palmier. Ces fruits se terminent par des pieds de jeunes filles qui en sortent. Le deuxième jour du mois. elles sortent leurs deux jarnbes; le troisième jour, les deux genoux et les deux cuisses. Et cela continue ainsi el il en sort chaque jour quelque chose jusqu'à ce qu'elles aient achevé leur sortie le
dernier jour du mois d'avril. Au mois de mai sort leur tête et leur forme extérieure est complète. Elles sont suspendues par les cheveux. leur forme et leur stature sont les plus belles qui soient et les plus admirables. l.orsqu'on est au début du mois de juin, elles commencent å. tomber de ces arbres jusqu'au milieu du mois, et il n'en reste plus une seule qui ne soit tombée. Au moment de tomber sur le sol, elles poussent deux cris : 'Wakwak !'. On dit aussi qu'elIes en poussent trois. Lorsqu'elles sont tombées par terre, on trouve une chair sans os. Elles sont plus belles que tout ce qu'on peut désirer, sauf qu'elles sont mortes et qu'clles n'ont pas d'ãme. On les ensevelit dans la terre; si on ne les ensevelissait pas et qu'elles restent ainsi. personne ne pourrait en appro€her même de loin à cause de l'intensité de leur puanteur. Cela est une merveille du pays de Chine. Cette île est à la limite du monde habité de cette mer.".

Dans le livre "Kltab nl-Gohgraya" (Xll ème siècle). on dit que cet arbre pousse dans l'île Wak-Wak située dans la mer de Chine et que ses feuilles sont semblables à celles du figuler. Des fruits. analogues à ceux du palmier paraissent en mars: En avril, des petites filles minuscules commencent à apparaître. Elles poussent à partir des pieds et finissent par sortir complètement fin avril et restent suspendues par les
cheveux aux branches. Vers le mois de juin, alors qu'elles sont maintenant mûres, elles commencent å tomber en criant le fatidique "Wok-wok !".

Ibn Tufall (Xll ème siècle) raconte également ceci :
"Il y en a une (une île indienne), sous la ligne de l'équinoxe, où I'on croit que les hommes naissent sans avoir nl père, nl mère et où l'on trouve un arbre dont les fruits sont des hommes."

En Occident. Alexandre de Bernay s'inspire du livre "Shâh Nâmeh" pour écrire son Roman d'Alexandre à la fln du XII ème siecle. Dans le chapitre de "la forêt aux pucelles", il décrit la rencontre entre Alexandre le grand et des jeunes filles-fleurs qul ne vivent que durant la belle saison. Elles sont connée à l'intérieur de la forêt où elles naissent et elles trouvent une mort inexorable si elles en quittent l'ornbre.

Al-Qazwinl, au XIII ème siècle, parle également de l'arch|pel des lles Wak-wak :
"Elles sont appelées ainsi parce qu'iI y a là un arbre dont les fruits ressemblent à des femmes pendues par les cheveux; et lorsque le fruit est mûr on entend le son 'wok-wok !' "

Dans un livre turc daté de 1580 il est expliqué ceci :
"Les etres humains n'habitent pas sur l'ile de Vaqvaq. Parfois, contraints par la violence du vent, certains navires y parviennent. Les premières personnes du bord qui débarquent pénètrent alors dans l'ile susdite. Dans celle-ci, il y y a une sorte de grand arbre qui a toujours pour fruits de très belles odalisques fixées à ses fleurs et à ses branches, odalisques qui laissent dans l'émerveillemenl ceux qui voient la beauté de
leurs formes et l'élégance de leurs corps. Chacune :d'elles a assurément des seins et un sexe, comme les autres femmes. Comme des fruits, elles sont suspendues par leur chevelure aux branches de l'arbre. Il arrive que, toutes ensemble, elles poussent le cri 'Vaq-vaq !'. Pour cette raison. l'lIe susdite est appelée 'Vaq-vaq'. Chaque fois que l'une de ces odalisques est cueillie de son point d'origine. elle ne survit que près de deux joumées. puis elle périt et sa forme se gãte. On raconte que, parfois, certaines personnes les connaissent et y trouvent bonnes odeurs et grands plaisirs. Dans certains livres, c'est de cette manière qu'est représenté et tracé l'arbre susdit.".

Dans ses "Lettres sur la mythologie", Thomas Blackwell (1701-1757) écrit ceci :
“Nous avons appris de nos pieux ancêtres, dit: l'lmam, que parmi les îles de l'Inde, il y en a une, située directement sous la.ligne, où il naît des .hommes sans pères ni mères. ll y croît un arbre qui porte des femmes au lieu de fruits; ce sont elles qu'Al-masudi appelle les 'Demoiselles de Wakwak'. Cette île est de toutes les régions de la Terre celle qui jouit de l'air le plus doux et le plus tempéré."

En Thaïlande, cet arbre mystique est connu aussi mais on le situe au Paradis. Et les femmes qui y poussent portent le nom de NARZPHONs, ce qui vient du sanscrit NARRPHALAs signifiant "Femmes-fruits".

On peut se demander si cette île WAK-WAK ("Djazirat al-Wakwak") existait vraiment ou si elle était totalement légendaire. Les Arabes, en essayant de rationaliser le mythe, les remplaceront parfois par l'"île des femmes", en abandonnant toute référence à l'arbre merveilleux

Selon Al-Mas'udi (vers 871-956 ou 893-956), qui est le seul géographe arabe à s’être rendu à Zanzibar, l'ile Wak-wak se trouverait au large de Sofala (ville située en Afrique de l'est). Ibn Khaldun et Ibn al-Wardi pensaient de même. Quand à Ya'kubi, il la placait dans le mer de Larwi, située entre l'inde et l'Afrique. Cependant, en 909, Ibn al-Fakih parlait de l'existance de deux îles Wak-wak : "Wakwak al-Sin", située au large de la Chine, et "Wakwak al-Yaman", située au large du Yémen.

On pense que l'île WAK-WAK n'est autre que Madagascar et que la légende vient des Malais. Madagascar a en effet été colonisée jadis par des Malais venus de Sumatra, cela a été démontré en comparant la langue malgache avec les langues de Malaisie et d'Indonésie. Madagascar serait donc l'île "Wakwak al-Yaman" et Sumatra serait alors l'île "Wakwak al-Sin".
En 945, l'Arabe Ibn Lakis a dailleurs décrit la venue de Wak-waks, avec une flotte de1000 bateaux, sur la cote orientale de l'Afrique afin de commercer avec les Arabes.
Chez les Malais, le mot WAKWAK peut se rapporter aux gibbons qui vivent dans les arbres. Certains pensent que ce nom aurait pu être donné par les Malais aux femmes Bochimanes stéatopyges qu'ils ont rencontré dans le sud-est de l'Afrique. Pour les Malais des Philippines, cependant, le mot WAKWAK sert plutôt à désigner une sorte de vampire volant.
Il est plus intéressant de se rapporter à la langue des Malais installés à Madagascar : Chez eux le mot WAKWAK pourrait bien dériver de VAHWAK qui signifie "peuple" ou "tribu".  Et chez les Malais de Sumatra on trouvait également une tribu portant le nom de PAKPAKs.

Le fruit de l'Arbre WAKWAK pourrait être, selon certains, la noix de coco. En effet, avec ces trois trous celle-ci peut ressembler un peu à un visage. Et d'ailleurs, son nom de "coco" signifiait "face grimacante" en portugais. Cependant il existe aussi un arbre appelé VAKWA (Pandanus) à Madagascar ... mais il serait vain de chercher dans ses fruits une forme ressemblant à un corps de femme. Cependant on notera que chez les Malais des Philippines, on trouve plusieurs légendes parlant de femmes nées à partir d'un fruit.

Etrangement, dans son livre L'"Histoire véritable", I 'écrivain grec Lucien de Samosate (120-200) avait déja raconté une histoire qui semble être le prototype du mythe des femmes de l'Arbre WAK-WAK :
"... Après avoir traversé Ie fleuve à un endroit guéable, nous trouvons une espèce de vignes tout à fait merveilleuses : le tronc, dans sa partie voisine de la terre, était épais et élancé; de sa partie supérieure sortaient des femmes, dont le corps, à partir de la ceinture, était cl'une beauté parfaite. telles que l'on nous représente Daphné, changée en laurier, au moment où Apollon va l'atteindre. A l'extrémité de leurs doigts poussaient des branches chargées de grappes ; leurs têtes, au lieu de cheveux, étaient couvertes de boucles, qui formaient les pampres et les raisins. Nous nous approchons ; elles nous saluent, nous tendent la main, nous adressent la parole, les unes en langue lydienne, les autres en indien, presque toutes en grec, et nous donnent des baisers sur la bouche ; mais ceux qui les reçoivent deviennent aussitôt ivres et insensés. Cependant elles ne nous permirent pas de cueillir de leurs fruits, et, si quelqu'un en arrachait, elles jetaient des cris de douleur. Quelques-unes nous invitaient à une étreinte amoureuse ; mais deux de nos compagnons s'étaiet laissé prendre par elles ne purent s'en débarrasser; ils demeurèrent pris par les parties sexuelles, dans ces femmes, et poussant avec elles des racines: en un instant, leurs doigts se changèrent en rameaux, en vrilles, et l'on eût dit qu'ils allaient aussi produire des raisins. Nous les abandonnons, nous fuyons vers notre vaisseau, et nous racontons à ceux que nous y avions laissés la métamorphose de nos compagnons, désormais incorporés à des vignes...."

On notera que dans le Coran se trouve mentionné un autre arbre mythique dont les fruits ne ressemblent pas à des femmes mais à des têtes de diables, l'Arbre de Zaqqoum qui pousse en Enfer :

"Certes l’arbre de Zakkoum sera la nourriture du grand pécheur. Comme du métal en fusion ; il bouillonnera dans les ventres comme le bouillonnement de l’eau surchauffée." (Sourate 44, 43-46)

"... Vous, les égarés, qui traitiez celà de mensonge, vous mangerez certainement de l'arbre de Zaqqoum. Vous vous en remplirez le ventre." (Sourate 56, 51-53)

Mais ici on s'éloigne de l'Arbre de Vie ... puisqu'il s'agit d'un Arbre de la Mort.