L'Arbre
de Vie :
L'Arbre de Vie" (ou "Arbre de la
vie et de la mort") est un mythe bien connu expliqué
dans le livre de la Genèse, dans l'Ancien Testament.
Mais ce n'est pas un concept propre au Judaïsme et au
Christianisme : En effet on le retrouve, sous des formes différentes,
dans le monde entier.
Les Arbres du Jardin d'Eden :
Selon la Genèse 2,9, il y avait deux
arbres dans le Jardin d'Eden, l'Arbre de Vie et l'Arbre de
la Connaissance :
"... Et l’Éternel
Dieu fit croître du sol tout arbre agréable à
voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu
du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et
du mal."
A noter que, contrairement à une croyance
commune, il n'est dit nulle part dans la Bible qu'on avait
affaire à des pommiers. Cette confusion est due à
une mauvaise traduction : En effet, en latin, à l'origine,
le mot "POMUM" signifie "fruit" et non
pas "pomme"... même s'il a pu prendre ce sens
bien plus tard en francais.
Selon la Genèse 3, 22, le fruit
de l'Arbre de la connaissance ouvrait les yeux des humains alors
que celui de l'Arbre de vie pouvait les rendre immortel :
"... Et l’Éternel
Dieu dit : Voici, l’homme est devenu comme l’un
de nous, pour connaître le bien et le mal ; et maintenant,
afin qu’il n’avance pas sa main et ne prenne aussi
de l’arbre de vie et n’en mange et ne vive à
toujours… "
Il semble
bien que les Hébreux aient connu ces deux arbres grace
aux peuples de Mésopotamie (Sumériens, Babyloniens,
Assyriens, etc...)
Selon les Sumériens, il y avait un bosquet sacré
dans la ville d'Eridu qui était consacré au
dieu Enki (Ea en akkadien),
dieu de la sagesse et de l'Apsu (domaine des eaux souterraines).
Là étaient plantés deux arbres sacrés
: L'arbre blanc MESH / MESU (sorbier ?) et l'arbre noir GIZKIN
/ KISKANU (palmier dattier ?). Quand à la ville d'Eridu, elle avait un autre arbre comme emblème : le palmier NUN.
Voila ce qu'en disent les textes :
"Père Enki, engendré
par un taureau, engendré par un taureau sauvage ...
... roi, qui est devenu l'arbre MESU dans l'Apsu...
il a soulevé toutes les terres, grand Ushumgallu,
il a planté, dans Eridu un bosquet d'arbres fruitiers
qui s'étend sur la terre.
Son ombre s'étend sur le ciel et la terre ..."
"A Eridu il y a un arbre noir KISKANU placé dans
le lieu saint.
Il est comme du lapis-lazuli, construit sur l'Apsu.
Enki, quand il marche, remplit Eridu d'abondance.
Dans le lieu de repos se trouve la chambre des Nammus.
Dans son saint temple, il y a un bosquet ombragé,
dans lequel aucun homme ne peut entrer."
"Le lieu saint, a été ...
.... parfait en lapis lazuli, l'intérieur est magnifiquement
formé
comme un blanc arbres MESU portant ses fruits."
On prétendait que les racines de ces deux arbres descendaient
jusque dans l'APSU et que leurs branches atteignaient le ciel.
Ainsi, dans un texte Babylonien, le dieu Marduk disait :
"L'arbre MESU a ses racines dans
la vaste mer, dans la profondeur d'Arallu (pays des morts),
et atteint son sommet en haut du ciel."
Du MESU le "Poème d'Erra" disait aussi qu'il
était "la chair des dieux", "l'ornement
du roi de l'univers", "l'arbre saint".
Comme les textes disent que le KISKANU était une sorte
d' "Arbre de vie", il est donc possible que le MESU
ait été un "Arbre de la connaissance".
Le dieu Enki / Ea, en effet, régnait tout aussi bien
sur les eaux de vie que sur la connaissance. Mais il est possible
également qu'il ait servi d'axe à l'univers
et de de pilier pour soutenir le ciel (puisqu'il s'étendait
du plus profond de la terre jusqu'au plus haut sommet du ciel).
L'Arbre de Vie était représenté de manières
trés diverses chez les peuples de Mésopotamie.
>Exemples
d'Arbres de Vie (1) >Exemples
d'Arbres de Vie (2) >Exemples
d'Arbres de Vie (3)
Il était souvent représenté encadré
par deux animaux.
>Exemples
en Mésopotamie. >Exemples
en Syrie et Phénicie.
L'Arbre de vie est également souvent
représenté entouré par des ABGALs / APKALLUs.
Ce sont des êtres envoyés par le dieu Ea / Enki
pour civiliser les humains. Ils sont de trois sortes :
- Les Poissons-Apkallus (Hommes habillés en poissons
SUHURs / PURÂDUs). >Voir.
- Les Umu-Apkallus (Apkallus lumineux, hommes portant des
ailes). >Voir.
- Les Oiseaux-Apkallus (Hommes à tête d'oiseau). >Voir.
Le motif de l'Arbre de Vie s'est difusé
un peu partout ensuite. On le retrouve ainsi, par exemple,
représenté sur les tapis traditionnels du baloutchistan.
>Voir.
En Inde aussi il existait deux arbres sacrés (comparables
à l'Arbre de Vie et à l'Arbre de Connaissance),
tous les deux de la famille des figuiers (dans la Bhagavad
Gîtâ, il est d'ailleurs écrit que "parmi
les arbres c’est le figuier qui est l’arbre de
vie").
A l'entrée des villages il est ainsi d'usage de planter
deux arbres, un PIPAL et un BANYAN, considérés
comme mari et femme : .
Le BANYAN (Ficus Bengalensis / Vata / Nyagrodha) est une sorte
d'Arbre de vie, il est nourricier, apporte la fertilité
et même l'immortalité selon certaines légendes.
Quand au PIPAL (Ficus Religiosa / Ashwatha / Arbre Bo), il
représente la Trimurti (Trinité Indouhiste)
: Les racines sont Brahmâ, le tronc est Vishnu, et les
feuilles sont Shiva (Il semble même que cet arbre était
déja sacré dans la civilisation de l'Indus,
vers 2500 à 1700 av.JC).
>Voir des représentations de l'Arbre de Vie dans
la civilisation de l'Indus.
Chez les Bouddhistes, le PIPAL est devenu l'Arbre de l'illumination,
car c'est en méditant sous lui que le Bouddha a atteint
l'éveil. Cet arbre est donc une sorte d'Arbre de la
connaissance. Et c'est ensuite en réfléchissant
sous un BANYAN que le Bouddha s'est décidé à
apporter son enseignement au Monde.
En Inde, dans le livre Mahabharata, on parle
aussi du KALPATARU (Kalpavriksha / Kalpadruma / Kalpapadapa).
Cet arbre (qui est peut-être un Pipal ou un Banyan)
exauce tous les souhaits ... mais chaque fois qu'il donne
une chose, il donne aussi son contraire exact. Et c'est ainsi
que les hommes deviennent prisonniers de la chaïne infinie
des désirs : chaque souhait réalisé apporte
des inconvénients qui provoquent la naissance de nouveaux
désirs.
En Amazonie, l'équivalent du KALPATARU est l'"Arbre
de la Satiété", une sorte d'arbre magique
qui nourrit les gens et exauce tous leurs souhaits.
La Menorah :
Chez les Hébreux, il est possible que
le symbole de la MENORAH (le chandelier
à sept branches) dérive d'un Arbre de Vie stylisé.
>Voir
un arbre de Vie Babylonien ressemblant à une Ménorah.
Les vieilles gravures du Néguev montrent que, à
l'époque où ils étaient encore polythéistes,
les Hébreux adoraient le dieu YAH (YAHWE) et sa parèdre
la déesse ASHERAT ou ASHERAH. Sur ces gravures,
le nom de YAH est souvent associé à un bélier
ou un taureau alors que celui d'ASHERAH est associé
à une MENORAH.
Et dans la Bible il est expliqué que c'est seulement
lors des réformes de Josias et d'Ezéchias que fut enlevé
du temple de Jérusalem l'emblème d’ASHERAH (un
poteau sacré appelé "ASHERE") :
"Ezéchias fit ce qui est agréable à Yahvé, imitant tout
ce qu'avait fait David, son ancêtre.
C'est lui qui supprima les hauts lieux, brisa les statues,
coupa les Ashérah et mit en pièces le serpent d'airain ..." (Rois II 18, 3-4)
"Et il fit emporter Ashérah hors de la maison de l’Éternel
(Yahweh), hors de Jérusalem, dans la vallée du Cédron, et
il la brûla dans la vallée du Cédron, et la réduisit en poussière,
et en jeta la poussière sur les sépulcres des fils du peuple." (Rois II 23, 6)
"Et il brisa
les statues, et coupa les poteaux symbolisant Ashérah et remplit
d’ossements d’hommes les lieux où ils étaient." (Rois
II 23,14)
ASHERAH était également connue par les Cananéens
d'Ougarit sous le nom d'ATHIRAT. Elle semble avoir été
représentée par un poteau de bois car son nom
pouvait être traduit par "Bosquet", "Jardin",
"Arbre" ou "Lieu sacré".
En fait, il est possible que ce poteau n'ait pas été
un mat lisse mais ait porté sept branches. Un tel poteau
d'ASHERAH muni de sept branches pouvait donc avoir la forme
d'un chandelier MENORAH. Un "ARBRE DE LUMIERE" comme
disent certains.
D'ailleurs la description de la MENORAH, dans
Exode 25, 31-40, montre qu'elle a un aspect trés végétal
:
"Et tu feras un chandelier d’or
pur : le chandelier sera fait d’or battu ; son pied,
et sa tige, ses calices, ses pommes, et ses fleurs, seront
tirés de lui.
Et six branches sortiront de ses côtés, trois
branches du chandelier d’un côté, et trois
branches du chandelier de l’autre côté.
Il y aura, sur une branche, trois calices en forme de fleur
d’amandier, une pomme et une fleur ; et, sur une autre
branche, trois calices en forme de fleur d’amandier,
une pomme et une fleur ; ainsi pour les six branches sortant
du chandelier.
Et il y aura au chandelier quatre calices en forme de fleur
d’amandier, ses pommes et ses fleurs ;
et une pomme sous deux branches sortant de lui, et une pomme
sous deux branches sortant de lui, et une pomme sous deux
branches sortant de lui, pour les six branches sortant du
chandelier ;
leurs pommes et leurs branches seront tirées de lui,
le tout battu, d’une pièce, d’or pur.
Et tu feras ses sept lampes; et on allumera ses lampes, afin
qu’elles éclairent vis-à-vis de lui.
Et ses mouchettes et ses vases à cendre seront d’or
pur.
On le fera, avec tous ces ustensiles, d’un talent d’or
pur.
Regarde, et fais selon le modèle qui t’en est
montré sur la montagne."
Une autre descriptions se trouve dans Zacharie
1,2-3 et 7 :
"Et il me dit : Que vois-tu ?
Et je dis : Je vois, et voici un chandelier tout d’or,
et une coupe à son sommet ; et ses sept lampes sur
lui ; sept lampes et sept conduits pour les lampes qui sont
à son sommet ; et deux oliviers auprès de lui,
l’un à la droite de la coupe, et l’autre
à sa gauche...
... (Ces sept lampes) ce sont là les yeux de l’Éternel
qui parcourent toute la terre.".
>Voir
quelques menorahs (1) >Voir
quelques menorahs (2)
>Voir
quelques menorahs (3) >Voir
quelques menorahs (4)
Il est même possible que le buisson
ardent, par lequel YAHWE a prix contact avec Moïse dans
le désert, soit la même chose que cet ARBRE DE
LUMIERE. En effet, il manifestait la présence de Dieu
... hors, dans le temple de Jérusalem, le chandelier
MENORAH était également le symbole de la présence
de Dieu.
Cette "présence de Dieu" portera plus tard
le nom de SHEKINAH, et on en parlera parfois comme si elle
était une entité à part entière.
On ira même jusqu'à en faire une sorte de parèdre
de YAHWE sous le nom de MATRONIT (="Matrone").
Certains rabbins assimilaient aussi la SHEKINAH à l'ESPRIT
SAINT de Dieu, (celui-ci étant un nom féminin
dans les langues sémitiques). Quand aux Judéo-Chrétiens Nazaréens,
ils faisaient de cet ESPRIT SAINT féminin la mère
de Jésus.
Saint Jérôme a écrit à
ce sujet :
“Dans cet évangile écrit
'selon les Hébreux', qui est lu par les Nazaréens,
le Seigneur dit : 'Il y a un instant, ma mère, le Saint-Esprit,
m’éleva' (.....)
Selon l’évangile écrit en langue hébraïque
que les Nazaréens lisent (.....) nous trouvons ceci
: 'Il arriva que, tandis que le Seigneur remontait de l’eau,
toute la source du Saint-Esprit descendit et reposa sur lui
et lui dit : Mon Fils, parmi tous les prophètes, je
t’attendais pour que tu viennes et que je puisse reposer
en toi. Car tu es mon repos, tu es mon fils premier-né
qui règnes pour toujours'."
Et Origène en concluait ceci (dans In Jer. 15,4) :
“C’est une preuve dans leur croyance (aux Nazaréens)
que l’Esprit-Saint est la mère du Christ.".
De là, il n'y aurait plus qu'un pas
à faire pour dire que la trinité chrétienne
du Pere, du Fils et du Saint-Esprit correspond en fait à
une famille divine composée d'un Dieu-père,
d'un Dieu-fils et d'une Déesse-mère !
Etrange manière utilisée par la déesse
ASHERAH pour
réapparaitre auprés de YAHWE ! Et c'est d'autant
plus paradoxal que les Hébreux avaient essayé
de se débarasser de cette déesse en en faisant
le démon ASHTAROTH !
>Voir
une représentation d'Asherah et de son arbre, trouvée
à Tell-Taanach.
Il est possible que, dans la Kabbale, l'arbre
des Séphiroths dérive lui-même de la MENORAH
et de l'Arbre de Vie. C'est d'ailleurs ce que semblent indiquer
certains commentaires kabbalistiques. L'ennui est que l'Arbre
séphirothique contient dix Séphiroths (émanations
divines) alors que la MENORAH possède seulement sept
branches.
>Essai
de correspondance entre l'Arbre des Séphiroths et la
Ménorah..
En ce qui concerne l'Egypte, certains pensent
que le pilier DJED (symbole de la stabilité et de la colonne vertébrale
d'Osiris) aurait pu, à l'origine, être lui aussi
un tronc d'arbre arbre coupé conservant huit branches.
Mais c'est loin d'être certain. Il semblerait plutôt
que le DJED soit un symbole formé de la fusion des
quatre piliers lotiformes placés aux points cardinaux
pour soutenir le ciel, selon les anciens Egyptiens.
Chez les anciens Egyptiens, ce qui se raproche le plus de
l'Arbre de Vie de la déesse ASHERAH c'est le SYCOMORE (ficus sycomorus) de la déesse HATHOR (déesse
de l'amour et de la fertilité). Cet arbre poussait
dans le monde des morts et servait à nourir et désaltérer
les BA (âmes) afin de leurs rendre la vie.
L'Arbre du Monde ou Arbre Cosmique
:
Ailleurs, en Asie surtout, l'Arbre de Vie a pour équivalent
l'"Arbre du monde", ce qui est peut-être sa
forme la plus ancienne. Cet arbre gigantesque représente
l'axe central de l'univers et son tronc sert à soutenir
la voute du ciel. Il est parfois remplacé par la "Montagne
du monde" ou "Montagne Cosmique" qui correspond
à une même symbolique.
Ainsi, dans la cosmologie
indienne, le Mont Meru est le centre, l'axe et le pivot de la terre, autour
duquel tournent les astres. Ses racines plongent dans les
Enfers et, à l’image d’une fleur épanouie, son sommet est
plus large que sa base. Et cette montagne fabuleuse est couronnée
par Jambu, un "Pommier-rose" immense. Selon le Ramayana
c'est la que le singe Hanuman aurait cueilli l'herbe médicinale
permettant de rendre la vie à Rama. Il y a donc là,
effectivement, un rapport avec l'Arbre de vie, d'autant plus
que certains textes disent que le fruit de cet arbre
confère l’immortalité.
Chez les anciens Germains, l'Arbre du monde
était le Frêne YGGDRASIL.
Les Eddas le décrivent ainsi :
"C'est le plus grand et le meilleur
de tous les arbres. Ses branches s'étendent sur le
monde et atteignent le dessus du Ciel.. Trois racines soutiennent
l'arbre et se présentent bien écartées.
La première est chez les dieux Ases, la seconde est
chez les géants de gel, la dernière est dans
Niflheim (les Enfers) et plonge dans Hvergelmir ("bouilloire
ronflante"), là où le serpent Nidhug /
Nidhogr ronge les racines par dessous. Prés de la deuxième
racine, qui s'étend chez les géants du gel,
se trouve Mímisbrunnr (le puits de Mimir) où
la connaissance et la sagesse sont cachées. La troisième
racine plonge dans Urdarbrunnr, la fontaine sacrée
de Urd. Ici les dieux Ases décident du destin."
Chez les Tatars de l'Altaï, on connait
aussi un arbre gigantesque, placé au centre du monde
et qui atteint le ciel des dieux :
"La couronne de l'arbre répand
un liquide divin d'un jaune écumant. Quand les passants
en boivent, leur fatigue se dissipe et leur faim disparaît...
"
Cet arbre a neuf branches dont sont nées les neuf races
humaines (On retrouvera souvent ce nombre neuf en rapport
avec l'arbre du monde).
Chez les Chinois, l'Arbre du monde est appelé
KIEN-MOU ("Bois dressé").
Il se dresse au centre du monde et possède neuf branches
et neuf racines, par lesquelles il touche aux neuf cieux et
aux neuf sources, séjour des morts.
On disait qu'à l'est se trouve également le
pêcher PAN-MU dont les fruits donnent l'immortalité;
et à l'ouest l'arbre JO, qui porte les dix mille soleils
couchants.
Mais on disait également l'inverse : A l'est
se trouve le mûrier creux KONG-SANG / FOU-SANG, qui
porte les soleils levants, et à l'ouest se trouve le
mont KUN-LUN, résidence
de la déesse Xiwangmu (Hsi wang
mu) qui, dans son jardin, cultive les pêches d'immortalité
prolongeant la vie des dieux. Cette
montagne est aussi une pagode qui se compose de neuf étages
représentant les neuf degrés de l’ascension céleste..
Les Mayas connaissent eux aussi l'Arbre du
monde, mais chez eux il devient un Arbre Cosmique.
Il occupe le centre de l'univers et sert de colonne pour soutenir
le ciel. Comme en Chine, les quatre angles de la Terre sont
occupés par quatre autres arbres qui soutiennent eux
aussi le ciel.
L'arbre central s'appelle YAXCHE et il est identifié
à un kapokier / Fromager (arbre Ceiba). Ses racines
poussent en Enfer et ses branches atteignent le Ciel. On dit
aussi que sa base est sur la "Bête de la Terre"
et qu'à son sommet est l'oiseau orgueilleux ITZAM-YEH
("Oiseau-serpent" / "Sept-Ara") représentant
la constellation de la Grande Ourse.
Cet arbre est également identifié à la
Voie lactée et sert de pont pour les âmes qui
vont au paradis ou en Enfer (le même mythe est connu
chez les Indiens d'Amérique du nord).
Mais cet arbre est le plus souvent représenté
sous la forme d'une croix : Une branche représentant
le tracé de la Voie lactée et l'autre représentant
l'écliptique (appelée le "Serpent blanc
désossé"). Au croisement des deux branches
se trouve la "Tête du monstre KAWAK / WITZ",
ou la "Tête du Serpent blanc désossé",
ou la "Bouche du crocodile", ou l'"Entrée
de XIBALBA" (Monde souterrain). Ce lieu correspond, étrangement,
au centre de la Voie Lactée, la où on pense
se trouver un trou noir géant.
>Voir
des représentations de l'Arbre de Vie chez les Mayas
de Palenque.
>Voir
des représentations de l'Arbre de Vie chez les Aztèques
et les Mayas.
L'Arbre Wak-wak :
L'Arbre de Vie ne sert pas qu'à nourrir, guérir
et prolonger la vie. Il ne sert pas non plus uniquement de
fondation à l'existance du Monde. Dans une autre de
ses versions, il devient un arbre qui crée la vie,
une vie parallèle à la vie normale : l'Arbre
Wak-wak (ou Waq-waq).
La plus ancienne référence à ce mythe
provient du livre chinois TUNG-TIEN. Son auteur, DU-YU,
était un Chinois qui €ut fait prisonnier par les Arabes
à la bataille du Talas, en Asie centrale, en 751. Et
il entendit parler d'une étrange histoire en Iran ou
en Mésopotamie :
On disait que des marins arabes, au bout d'un voyage de huit
ans, arrivèrent sur une île rocheuse carrée
où ils trouvèrent un arbre aux branches rouges
et aux feuilles vertes. Sur cet arbre poussaient des enfants
longs de six à sept pouces. Lorsqu'lls voyaient des
hommes ils ne leurs parlaient pas. mais ils pouvaient tous
rire ou s'agiter. Mains, pieds et têtes adhêraient
aux branches de l'arbre. Lorsque les hommes essayaient de
les détacher, les enfants à peine dans leurs
mains se desséchaient et devenaient noirs, comme pourris.
Al-Gahlz au IX ème siècle, dans
son livre "Kitab al-Haiyawan", explique que cet
arbre s'appelle "WOKWOK" et qu'il porte des fruits
étranges formant des animaux ou des femmes minuscules,
de diffé-
rentes couleurs, suspendus aux branches par les cheveux, et
qui n'arrêtent pas de crier "wok-wok !". Et
si on les cueille, ils meurent immédiatement.
Au Xème siècle, un traité sur l'ïnde
parle aussi de cet arbre :
"Il y a de grands arbres aux feuilles,
arrondies ou ovales, qui font des fruits semblables à
des melons, mais plus grands et d'un aspect humain. Quand
le vent les agite, il en sort une voix et l'intérieur
se gonfle d'air comme les fruits de l'asclépiade. S'lls
se détachent de l'arbre, l'air s'en échappe
immédiatement et ils deviennent plats et flasques comme
un morceau de peau.".
Dans le grand roman persan "Shâh Nâmeh",
écrit par Firdouzi (940-1020), l'Arbre WAK-WAK est
ensuite associé à la quète du savoir
par Iskandar (Alexandre le grand). Ce dernier rencontre des
arbres parlant, sur l'île des femmes, et ils lui prophétisent
sa mort prochaine.
A la fin du XI ème siècle, un
livre écrit à Cordoue raconte ceci :
"Dans la partie de la Chine qui
est dans la mer. il y a de nombreuses îles ; parmi elles,
celles qui sont célèbres et connues sont au
nombre de huit. La plus grande et la plus importante est l'tIe
de Wakwak. Elle est appelée ainsi parce qu'íl
s'y trouve des arbres élevés dont les nombreuses
feuilles sont semblables à celles du €guier. Cet arbre
porte des fruits au mois de mars, et ce sont des fruits semblables
aux
fruits du palmier. Ces fruits se terminent par des pieds de
jeunes filles qui en sortent. Le deuxième jour du mois.
elles sortent leurs deux jarnbes; le troisième jour,
les deux genoux et les deux cuisses. Et cela continue ainsi
el il en sort chaque jour quelque chose jusqu'à ce
qu'elles aient achevé leur sortie le
dernier jour du mois d'avril. Au mois de mai sort leur tête
et leur forme extérieure est complète. Elles
sont suspendues par les cheveux. leur forme et leur stature
sont les plus belles qui soient et les plus admirables. l.orsqu'on
est au début du mois de juin, elles commencent å.
tomber de ces arbres jusqu'au milieu du mois, et il n'en reste
plus une seule qui ne soit tombée. Au moment de tomber
sur le sol, elles poussent deux cris : 'Wakwak !'. On dit
aussi qu'elIes en poussent trois. Lorsqu'elles sont tombées
par terre, on trouve une chair sans os. Elles sont plus belles
que tout ce qu'on peut désirer, sauf qu'elles sont
mortes et qu'clles n'ont pas d'ãme. On les ensevelit
dans la terre; si on ne les ensevelissait pas et qu'elles
restent ainsi. personne ne pourrait en appro€her même
de loin à cause de l'intensité de leur puanteur.
Cela est une merveille du pays de Chine. Cette île est
à la limite du monde habité de cette mer.".
Dans le livre "Kltab nl-Gohgraya" (Xll ème
siècle). on dit que cet arbre pousse dans l'île
Wak-Wak située dans la mer de Chine et que ses feuilles
sont semblables à celles du figuler. Des fruits. analogues
à ceux du palmier paraissent en mars: En avril, des
petites filles minuscules commencent à apparaître.
Elles poussent à partir des pieds et finissent par sortir
complètement fin avril et restent suspendues par les
cheveux aux branches. Vers le mois de juin, alors qu'elles
sont maintenant mûres, elles commencent å tomber
en criant le fatidique "Wok-wok !".
Ibn Tufall (Xll ème siècle)
raconte également ceci :
"Il y en a une (une île
indienne), sous la ligne de l'équinoxe, où I'on
croit que les hommes naissent sans avoir nl père, nl
mère et où l'on trouve un arbre dont les fruits
sont des hommes."
En Occident. Alexandre de Bernay s'inspire du livre "Shâh
Nâmeh" pour écrire son Roman d'Alexandre
à la fln du XII ème siecle. Dans le chapitre
de "la forêt aux pucelles", il décrit
la rencontre entre Alexandre le grand et des jeunes filles-fleurs
qul ne vivent que durant la belle saison. Elles sont connée
à l'intérieur de la forêt où elles
naissent et elles trouvent une mort inexorable si elles en
quittent l'ornbre.
Al-Qazwinl, au XIII ème siècle,
parle également de l'arch|pel des lles Wak-wak :
"Elles sont appelées ainsi
parce qu'iI y a là un arbre dont les fruits ressemblent
à des femmes pendues par les cheveux; et lorsque le
fruit est mûr on entend le son 'wok-wok !' "
Dans un livre turc daté de 1580 il
est expliqué ceci :
"Les etres humains n'habitent
pas sur l'ile de Vaqvaq. Parfois, contraints par la violence
du vent, certains navires y parviennent. Les premières
personnes du bord qui débarquent pénètrent
alors dans l'ile susdite. Dans celle-ci, il y y a une sorte
de grand arbre qui a toujours pour fruits de très belles
odalisques fixées à ses fleurs et à ses
branches, odalisques qui laissent dans l'émerveillemenl
ceux qui voient la beauté de
leurs formes et l'élégance de leurs corps. Chacune
:d'elles a assurément des seins et un sexe, comme les
autres femmes. Comme des fruits, elles sont suspendues par
leur chevelure aux branches de l'arbre. Il arrive que, toutes
ensemble, elles poussent le cri 'Vaq-vaq !'. Pour cette raison.
l'lIe susdite est appelée 'Vaq-vaq'. Chaque fois que
l'une de ces odalisques est cueillie de son point d'origine.
elle ne survit que près de deux joumées. puis
elle périt et sa forme se gãte. On raconte que,
parfois, certaines personnes les connaissent et y trouvent
bonnes odeurs et grands plaisirs. Dans certains livres, c'est
de cette manière qu'est représenté et
tracé l'arbre susdit.".
Dans ses "Lettres sur la mythologie", Thomas
Blackwell (1701-1757) écrit ceci :
“Nous avons appris de nos pieux
ancêtres, dit: l'lmam, que parmi les îles de l'Inde,
il y en a une, située directement sous la.ligne, où
il naît des .hommes sans pères ni mères.
ll y croît un arbre qui porte des femmes au lieu de
fruits; ce sont elles qu'Al-masudi appelle les 'Demoiselles
de Wakwak'. Cette île est de toutes les régions
de la Terre celle qui jouit de l'air le plus doux et le plus
tempéré."
En Thaïlande, cet arbre mystique est
connu aussi mais on le situe au Paradis. Et les femmes qui
y poussent portent le nom de NARZPHONs, ce qui vient du sanscrit
NARRPHALAs signifiant "Femmes-fruits".
On peut se demander si cette île WAK-WAK
("Djazirat al-Wakwak") existait vraiment ou si elle
était totalement légendaire. Les Arabes, en
essayant de rationaliser le mythe, les remplaceront parfois
par l'"île des femmes", en abandonnant toute
référence à l'arbre merveilleux
Selon Al-Mas'udi (vers 871-956 ou 893-956),
qui est le seul géographe arabe à s’être
rendu à Zanzibar, l'ile Wak-wak se trouverait au large
de Sofala (ville située en Afrique de l'est). Ibn Khaldun
et Ibn al-Wardi pensaient de même. Quand à Ya'kubi,
il la placait dans le mer de Larwi, située entre l'inde
et l'Afrique. Cependant, en 909, Ibn al-Fakih parlait de l'existance
de deux îles Wak-wak : "Wakwak al-Sin", située
au large de la Chine, et "Wakwak al-Yaman", située
au large du Yémen.
On pense que l'île WAK-WAK n'est autre que Madagascar
et que la légende vient des Malais. Madagascar a en
effet été colonisée jadis par des Malais
venus de Sumatra, cela a été démontré
en comparant la langue malgache avec les langues de Malaisie
et d'Indonésie. Madagascar serait donc l'île
"Wakwak al-Yaman" et Sumatra serait alors l'île
"Wakwak al-Sin".
En 945, l'Arabe Ibn Lakis a dailleurs décrit la venue
de Wak-waks, avec une flotte de1000 bateaux, sur la cote orientale
de l'Afrique afin de commercer avec les Arabes.
Chez les Malais, le mot WAKWAK peut se rapporter aux gibbons
qui vivent dans les arbres. Certains pensent que ce nom aurait
pu être donné par les Malais aux femmes Bochimanes
stéatopyges qu'ils ont rencontré dans le sud-est
de l'Afrique. Pour les Malais des Philippines, cependant,
le mot WAKWAK sert plutôt à désigner
une sorte de vampire volant.
Il est plus intéressant de se rapporter à la
langue des Malais installés à Madagascar : Chez
eux le mot WAKWAK pourrait bien dériver de VAHWAK qui
signifie "peuple" ou "tribu". Et
chez les Malais de Sumatra on trouvait également une
tribu portant le nom de PAKPAKs.
Le fruit de l'Arbre WAKWAK pourrait être, selon certains,
la noix de coco. En effet, avec ces trois trous celle-ci peut
ressembler un peu à un visage. Et d'ailleurs, son nom
de "coco" signifiait "face grimacante"
en portugais. Cependant il existe aussi un arbre appelé
VAKWA (Pandanus) à Madagascar ... mais il serait vain
de chercher dans ses fruits une forme ressemblant à
un corps de femme. Cependant on notera que chez les Malais
des Philippines, on trouve plusieurs légendes parlant
de femmes nées à partir d'un fruit.
Etrangement, dans son livre L'"Histoire
véritable", I 'écrivain grec Lucien de
Samosate (120-200) avait déja raconté une histoire
qui semble être le prototype du mythe des femmes de
l'Arbre WAK-WAK :
"... Après avoir traversé
Ie fleuve à un endroit guéable, nous trouvons
une espèce de vignes tout à fait merveilleuses
: le tronc, dans sa partie voisine de la terre, était
épais et élancé; de sa partie supérieure
sortaient des femmes, dont le corps, à partir de la
ceinture, était cl'une beauté parfaite. telles
que l'on nous représente Daphné, changée
en laurier, au moment où Apollon va l'atteindre. A
l'extrémité de leurs doigts poussaient des branches
chargées de grappes ; leurs têtes, au lieu de
cheveux, étaient couvertes de boucles, qui formaient
les pampres et les raisins. Nous nous approchons ; elles nous
saluent, nous tendent la main, nous adressent la parole, les
unes en langue lydienne, les autres en indien, presque toutes
en grec, et nous donnent des baisers sur la bouche ; mais
ceux qui les reçoivent deviennent aussitôt ivres
et insensés. Cependant elles ne nous permirent pas
de cueillir de leurs fruits, et, si quelqu'un en arrachait,
elles jetaient des cris de douleur. Quelques-unes nous invitaient
à une étreinte amoureuse ; mais deux de nos compagnons s'étaiet
laissé prendre par elles ne purent s'en débarrasser;
ils demeurèrent pris par les parties sexuelles, dans
ces femmes, et poussant avec elles des racines: en un instant,
leurs doigts se changèrent en rameaux, en vrilles,
et l'on eût dit qu'ils allaient aussi produire des raisins. Nous les abandonnons,
nous fuyons vers notre vaisseau, et nous racontons à ceux que nous y avions laissés
la métamorphose de nos compagnons, désormais
incorporés à des vignes...."
On notera que dans le Coran se trouve mentionné
un autre arbre mythique dont les fruits ne ressemblent pas
à des femmes mais à des têtes de diables,
l'Arbre de Zaqqoum qui pousse en Enfer :
"Certes l’arbre
de Zakkoum sera la nourriture du grand pécheur. Comme
du métal en fusion ; il bouillonnera dans les ventres
comme le bouillonnement de l’eau surchauffée." (Sourate 44, 43-46)
"... Vous, les égarés,
qui traitiez celà de mensonge, vous mangerez certainement
de l'arbre de Zaqqoum. Vous vous en remplirez le ventre." (Sourate 56, 51-53)
Mais ici on s'éloigne de l'Arbre de Vie ... puisqu'il
s'agit d'un Arbre de la Mort.
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