Le
centre du monde :
Selon les anciens hindous le monde est divisé en 7 continents
(dvipas) : Le Kus'a, le Plakra, le S'almali, le Kraugnca,
le S'aka, le Purkara et, au centre, le Jambu (correspondant
à l'Inde ou à toute l'Eurasie).
Le Jambu-dvipa est lui-même divisé en 10 pays et contenait
le mont Meru, centre du monde.
Dans la cosmologie indienne, le Mont Meru est l'axe et le
pivot de la terre, autour duquel tournent les astres. Et au-dessus
de lui scintille l’étoile polaire. (Certains font cependant
la distinction entre un mont Sumeru situé au pôle
nord et un mont Kumeru situé au pôle sud.)
L'autre nom du Meru est Jayadhara,
c’est à dire "support de Jaya", le soleil. Ses racines plongent
dans les Enfers et, à l’image d’une fleur épanouie, son sommet
est plus large que sa base.
Cette montagne fabuleuse est couronnée par Jambu, un arbre
immense. Le Gange y tombe des cieux pour s'y subdiviser en
4 fleuves dans les 4 directions. Ses pentes sont d'or à l'Est,
d'argent à l'Ouest, de cristal au Sud-Est et d'agathe au Nord-Ouest.
Sur ses pentes se trouvent la résidence principale des 33
Dieux et de leur roi Indra, dieu du ciel. Le Svarga ("Ciel-de-Lumière"),
paradis d'Indra se trouve la également et Brahma règne au
sommet, dans sa ville de Brahma-puri. C'est en quelque sorte
l'équivalent hindouiste du mont Olympe des anciens Grecs.
Le Meru est entouré de murailles et d'océans, autant de barrières
successives qui empèchent les non-initiés de s'en approcher.
On dit que, jadis,les dieux indiens ont empoigné ce mont cosmique
et ont baraté avec lui l’Océan primordial, donnant ainsi naissance
à l’Univers.
Le Meru est placé traditionellement au nord de l'Inde, au-dela
de l’Himalaya. Hors, jadis, les Hindous situaient au même
endroit un pays appelé "Uttara-Kuru" ("Kuru du nord"). Ce
pays mythique et imprenable semble correspondre au pays des
"Attacores" mentionné par Pline, et au pays des "Ottorokores"
mentionné par Ptolémée. On racontait que c'était une démocratie,
et que les femmes y étaient libres. D'autres pensaient même
qu'il était habité par les Dévas (dieux). Certains textes
semblent également confondre l'Uttara-Kuru avec le pays d'ou
seraient venus les Aryas lorsqu'ils ont envahi l'Inde.
On dit aussi qu'il possède 4 sommets, le 5ème ayant
été précipité dans la mer par le dieu Vayu pour former l'ile
de Lanka (Ceylan).
On dit aussi que le mont Meru
est entouré de quatre pics secondaires (le 5ème
ayant été précipité dans la mer par le dieu Vayu pour former
l'ile de Lanka / Ceylan) : ce sont le Mandrachal à
l'est, le Supasarva à l'ouest, le Kumuda au nord et
le Kailash au sud. Selon le Rig-Veda, ces monts sont : le
Mandara, le Suparsva, le Kumuda et le Merumandara. Pour les
Bouddhistes, ces pics sont Wenbao à l'est (ou le Bouddha
a posé les pieds), le Tara à l'ouest, le pic
du dieu protecteur du dharma au nord, et le pic de la déesse
de la sagesse au sud.
Quand au Vishnu Purana, il faisait
la description suivante :
"Les montagnes aux limites (de
la terre) sont le Himaván, le Hemakúta et le
Nishadha, qui se trouvent au sud du mont Meru, et le Nila,
le Sweta, et le Shringí, qui sont situés au
nord de celui-ci.
(...)
Au nord du mont Meru est le Ramyaka, s'étendant du
mont Nila (la montagnes bleue), jusqu'au mont Sweta (la montagne
blanche) ; Hiranmaya se situe entre le mont Sweta et le mont
Shringí et l'Uttarakuru est au-delà ce dernier,
dans la même direction que le Bharata (Inde).
(...)
Il ya quatre montagnes dans ce Varsha, formées des
contreforts du Meru, chacune ayant dix mille yojanas d'altitude:
celle de l'est est appelée Mandara (Mandrachai), celle
du sud, Gandhamádana, celle de l'ouest, Vipula, et
celle du nord, Supàrshwa Sur chacune se trouve un arbre
Kadamba, un arbre Jambu, un arbre Pipal, et un Vata.
(....)
Le mont Meru est confiné entre les monts Nila et Nishadha
(au nord et au sud), et entre les monts Mályaván
et Gandhamádana (à l'ouest et à l'est)."
Les bouddhistes pensaient
que quatre grandes régions entouraient le mont Meru : le Jambudvipa
au sud (Inde), le Pûrvavideha à l'est (Asie ?), l'Aparagodâniya
à l'ouest (Europe) et l'Uttara-Kuru au nord.
Ce pays d'Uttara-Kuru était plus précisément localisé prés
du mont Kailasa (Kaïlas / Kailash), entre le mont Meru au
sud et le mont Nila au nord. On disait que ses habitants n'avaient
pas besoin de travailler pour vivre, qu'ils ne connaissaient
pas la propriété privée et qu'ils construisaient des cités
dans les airs.
Actuellement les bouddhistes et les hindouistes ont tendance
à identifier le Meru au Kaïlas, un sommet de l’Himalaya haut
de 6714 m. Le Kaïlas est pour eux la montagne la plus sacrée
de la Terre : elle symbolise l’axe du monde. Selon le Ramayana
c'est la que le singe Hanuman aurait cueilli l'herbe médicinale
permettant de rendre la vie à Rama. Cependant cette montagne
ne devrait jamais être gravie. Et d'ailleurs, jusqu'à maintenant,
aucun alpiniste ne l'a jamais escaladée.
Dans certaines versions, on distingue cependant trois montagnes
: Meru, Mandara et Kaïlas. Le Méru est l’axe central, le Mandara
est le pilier supporté par Vishnu sous forme de tortue, et
le Kaïlas est la résidence de Shiva (Mais, selon le Rig-Veda,
Shiva habite un peu plus loin, à l'est : dans la ville
blanche de Shiva-pura située dans l'île blanche
de la mer de lait).
Aux pieds du Kailas, selon les anciens textes hindouistes,
se trouvait le royaume de Kubera, le dieu du nord, qui régnait
sur les Yakshas (esprits de la nature) dans sa vile d'Alaka-pura
près du lac Manasa. D'autres peuples lui étaient
soumis : Les Kinnaras (hommes-chevaux ou oiseaux) aux pieds
du Mandara, les Rakshasas (démons) entre les monts
Kailasa (Kailas) et Gangotri, les Kimpurushas (hommes-lions,
singes ou chevaux) du Kimpurushvarsha.près du mont
Gandhamadan (au nord du Kailas et à l'est du Meru),
et les Gandharvas (hommes-chevaux).
Prés du Kaïlas se trouvent deux lacs :
- Le Rakshastal (lac des démons Rakshasas) / lac de Ravana
(roi des Rakshasas). C'est un lac d'eau salée, en forme
de lune, qui symbolise les ténèbres.
- Le Manasarovar (Manasa sarovar = "lac de l'esprit") / lac
de Brahma. C'est un lac d'eau douce, de forme ronde comme
le soleil, qui symbolise la lumière.
Le Manasarovar pourrait correspondre au mythique lac Anavatapta
/ Munetsuchi (le "Lac de glace") que les bouddhistes situent
au sud du "mont parfumé" et au nord du "mont des neiges".
Ils disent que ce lac marque le centre du monde, et qu'il
en sort 4 fleuves (comme dans le paradis terrestre biblique)
: le Gange, le Sindh (Indus), le Pakchou et le Sita. Une autre
version énumère le Karnali (un affluent du Gange)
au sud, l'Indus au nord, le Brahmaputre à l'est et
le Sutlej à l'ouest. Ces 4 fleuves sortent par 4 gargouilles
: un lion au Sud, un éléphant au Nord, une tête d'homme à
l'Est et un cheval à l'Ouest.
Quatre religions ont fait du Kaïlas leur mont sacré :
Il est le Kailâsa parvata ("mont cristal"), demeure de Shiva
et Pârvatî ("fille de la montagne") pour les Hindouiste.
Il est le Ashtapada des Jaïns, lieu ou Rishabhadeva (le fondateur
de leur religion) a atteint la libération spirituelle.
il est le Tisé, le mont des neuf swastikas des Bon-pos
thibétains, demeure du dieu Baltchen Gékö
et de la déesse Sipaimen. ili est survolé par
l'aigle Khyoung (Garuda) et on dit que les dessins de la neige
sur les strates de la face sud de la montagne indiquent les
marches par lesquelles les dieux vont et viennent entre le
ciel et la terre.
Il est le Khang Rimpoche ("précieux joyau des neiges"), trône
de Demchog / Demchok / Chakrasamvara (compassion) et de Dorje
Phangmo (sagesse) symbolisant l'union des forces mâles et
femelles, selon les bouddhistes thibétains.
Même les anciens Grecs ont reconnu le caractère
sacré du mont Meru.
L'armée d'Alexandre, lors de ses conquètes,
aurait ainsi découvert un mont "Meron" (=
Meru). Les Grecs auraient expliqué ce nom par le mot
"mèros" signifiant "cuisse". Pour
eux ce mont était donc celui où vivait leur
dieu Dionysos, né de la cuisse de Jupiter.
Selon la "Géographie XV,8" de Strabon :
" ... ils ont donné le
nom de Nysséens à certains peuples imaginaire,
ils ont appelé leur ville Nysa (l'actuelle Djalalabad),
et l'ont dite fondée par Dionysos (le dieu Bacchus),
et ils ont appelé Meron une montagne au-dessus de la
ville, alléguant comme raison de l'imposition de ce
nom que le lierre et la vigne (plantes du dieu Bacchus) y
poussent, même si cette dernière n'a pas des
fruits parfaits, car les grappes de raisins, à la suite
de pluies excessives, tombent avant qu'elles n'arrivent à
maturité. Ils disent aussi que les Sydraces (Oxydraces)
sont les descendants de Bacchus, parce que la vigne pousse
dans leur pays..."
Malgré que le bouddhisme soit une religion “sans dieux”, l’image
du Mont Meru en tant que Centre du Monde est reprise dans
l’édification de temples, répliques terrestres de la montagne
cosmique. Toutes ces constructions sacrées représentent symboliquement
l’univers tout entier : les étages ou les terrasses sont identifiés
avec les “cieux” ou les niveaux cosmiques. En les gravissant,
le pèlerin se rapproche du Centre du Monde et, sur la terrasse
supérieure, il pénétre dans la “sphère pure”.
Pour les bouddhistes, effectuer une fois le pèlerinage suffit
à racheter les péchés de toute une vie. Ceux qui l’accomplissent
cent huit fois peuvent atteindre le nirvana (la bienheureuse
extinction des désirs à laquelle aspire le sage).
Chez les anciens Perses Zoroastriens,
une montagne semblable au Meru était également
connue. On l'appelait Haraiti ("Gardienne") ou Hara
Berezaita ("Protection Elevée") et son sommet
était le mont Hukairya / Hokar ("Bienfaisante").
Sa base se trouvait dans l'Airyanem Vaejah, le pays d'origine
des Aryens, au centre des sept pays créés par
le dieu Ahura-Mazda. Elle était l'axe polaire et le
pivot du monde, et on disait que le Soleil et la Lune tournaient
autour d'elle. A son sommet vivait le Yazata Mithra / Mehr
et séjournaient les âmes des morts.
Plus tard, aprés l'invasion musulmane, les Perses l'apelleront
la montagne Bardj, Borz, Alborz ou Harburz et son sommet principal
sera le Taerd, Taêra ou Tirak ("crête").
On essaiera d'identifier ce mont cosmique à des montagnes
diverses, dont l'Elbourz au nord de l'Iran. On disait qu'à
son sommet vit l'oiseau Simargh,
le roi des oiseaux. Celui-ci est le symbole de la connaissance
mystique pure, de la vérité suprême, de
la grande paix.
Les Mandéens appelleront ce mont la "Montagne Blanche de Syr"
/ "Montagne de Lumière". Ils disent que c'est
là qu'Anosh-Outhra (Enoch) a initié Jean Baptiste.
Cette montagne se situerait dans l'extrême nord.
Chez les musulmans, cette montagne deviendra le mont Qaf qui
s'élève au centre du monde et est séparé
des pays habités par une région ténébreuse.
On dit que cette montagne est couleur d'émeraude et
que prés d'elle se trouve la fontaine de jouvence gardée
par Khidr, l'homme
vert.
Chez les chinois, cette montagne est remplacé par les monts
Kun Lun (ou Kouen Louen = montagnes caverneuses). Cette chaîne de montagnes s'étend
d’ouest en est et sépare le Xinjiang (au nord) du Tibet (au
Sud). Elle culmine à 7723 m. Les anciennes légendes chinoises
prétendent qu'elle était la demeure des dieux.
Un ancien écrit littéraire dit
: "l'Empereur Jaune (l'empereur
des dieux) réside dans la montagne brumeuse du Kun Lun"... "la crête de la montagne de
Kun Lun situe le palais de l'Empereur Jaune."
On dit qu'elle est la “montagne du milieu du monde” autour
de laquelle tournent le soleil et la lune. Et est dite aussi
"le lieu où les dix mille choses ont leur origine et où alternent
le yin et le yang”. Les anciennes fables indiquent que cette
montagne relie les cieux et la terre, et qu'une personne ordinaire
atteindra le ciel lorsqu’ elle atteint la crête la plus élevée.
En d'autres termes, on pensait que ce mont était une échelle
ou une porte pour aller au ciel.
La renommée du Kun Lun chez les Taoistes vient de ce que le
maitre céleste Tchang Tao-Ling (34-156, fondateur du taoisme
religieux) était allé y chercher deux épées qui chassaient
les mauvais esprits. C’est dans cette montagne qu'il aurait
bu la drogue d’immortalité (découverte par un de ses aïeux)
avant de monter au Ciel sur un dragon de cinq couleurs.
Le Kun Lun s'appelle également "Hsien Shan", la "montagne
des immortels". Chez les Taoïstes elle symbolise en effet
le séjour de l’immortalité, un peu comme notre paradis terrestre.
Protégée par la rivère Ruoshi (qui engloutit tout) et par
une montagne de feu, elle est gardée par des animaux fantastiques.
Et on dit que Lao-tseu s’y serait retiré, après avoir quitté
la Chine.
Le sommet de cette montagne est la demeure de Xiwangmu (Hsiwangmu), la Reine-mère de l’Occident.
Les plus anciennes traces écrites de cette déesse datent de
la dynastie Shang (1766-1112 av.JC) : On y parle de Xi-Mu,
la mère de l'occident, qui s'oppose à Tung-Mu, la mère de
l'orient.
Elle apparait ensuite sous son nom complet de Xiwangmu dans
la "Chronique du Fils du Ciel Mu" (écrit vers 400-350 av.JC)
et dans les "Annales de Bambou" (Zhushu jinian, écrit vers
299 av.JC). Ces textes racontent que le roi Mu (10 ème siècle
av.JC) était parti combattre les tribus Kanronks; il traversa
donc le désert du Taklamakan (au nord des monts Kun-lun) et
passa prés du mont Jiyu lorsqu'il rencontra Xiwangmu "là où
les oiseaux bleus muent", prés du lac Yao, le lac de jaspe.
Elle refusa de lui offrir l'élixir d'immortalité, mais lui
donna sept pêches de l'arbre d'immortalité (dont les fruits
ne mûrissent que tous les 3000 ans)..
Selon Zhuangzi, auteur du 4ème siècle av.JC, Xiwangmu conserve
sa jeunesse car elle pratique le yoga sexuel et couche avec
de nombreux jeunes hommes à qui elle soutrait leur énergie
:
"C'est une femme qui obtint
le Tao en nourrissant son propre yin."
Un autre texte précise :
"La reine du paradis occidental
n'a aucun mari mais elle aime copuler avec de jeunes garçons.
Ce secret, cependant, ne devrait pas être divulgué, de peur
que d'autres femmes n'essayent d'imiter les méthodes de la
Reine-mère."
Dans le Shanhaijing (livre des montagnes et des mers), vers
le 2ème siècle av.JC, Xiwangmu est dépeinte sous des traits
terribles :
"Au sud de la mer occidentale,
sur la rive des sables mouvants (désert du Taklamakan)...
il y a un être portant un blason, avec des dents de tigre
et une queue de léopard, elle habite dans une grotte, et on
l’appelle Xiwangmu... elle est en charge des maladies et des
châtiments corporels." (Certains
Taoistes, cependant, affirmeront plus tard que ce n'est pas
Xiwangmu elle-même mais une de ses émissaires qui est décrite
là).
D’autres passages précisent qu’elle habite sur le Mont de
jade ou le mont Kunlun et qu'un oiseau bleu-noir à trois pattes,
appelé King-Niao ("oiseau bleu-noir"), l’accompagne. (Cet oiseau
a peut-être un rapport avec Xuan-Niao, "oiseau sombre", le
corbeau à trois pattes qui était un symbole solaire et l'emblème
de la dynastie Shang).
Dans le Huainanzi (2ème siècle av.JC) il est dit que c'est
Xiwangmu qui donna la pilule d'immortalité à Chang-He, ce
qui la transforma en déesse de la lune. Cette pilule avait
été fabriquée avec les pêches d'immortalité gardées par l'oiseau
à trois pattes. Ce rapport avec l'immortalité sera souvent
noté.
Au 2ème siècle ap.JC, Xiwangmu était parfois représentée avec
des ailes, ou même avec des queues de serpent à la place des
pieds.
Elle règnait en occident sur le pays des fées appelé "Xi-Hua"
("Fleur occidentale") et elle personnifiait la féminité (yin).
Au 1er siècle av.JC, on lui ajouta un mari : le roi-père d'orient,
qui personnifiait la masculinité (yang). Celui-ci règnait
en orient sur un autre pays (une ile) appelé "Tung-Hua" ("Fleur
orientale"); la se trouvait la montagne Tou-souo ou pousse
un grand pêcher appelé P’an-mou. Mais ce dieu n'était qu'une
pâle figure sans personnalité qui sera de plus en plus oublié.
On ne savait pratiquement rien de lui si ce n'est qu'il s'appellait
Mu-Gong, Dongwanggong ou Dongwangfu et qu'il ne rencontrait
son épouse qu'une fois par an. Cette rencontre symbolisant
l'union du Yin et du Yang.
Plus tard Xiwangmu sera dépeinte comme une belle jeune femme
trés accueillante portant une robe royale ou une peau de léopard
et voyageant sur le dos d'un paon, d'une grue ou d'un phénix
(Feng-huang), symbole d'immortalité.
Elle peut être également accompagnée de l'oiseau bleu (son
messager), d’un tigre blanc (symbole de l’Ouest), d’un renard
à neuf queues (animal qui se transforme en jeune fille pour
vampiriser l'énergie sexuelle des hommes) ou d'un lièvre (symbole
de la lune).
On dit qu'elle est la fille du dieu Yu-huang / Shang-ti, l'empereur
du ciel, et qu'elle est servie par les "filles de jade". Elle
habite près du lac des bijoux, dans les monts Kun-Lun, dans
un palais de jade entouré par un mur d'or pur. Les immortels
masculins résident dans l'aile droite du palais et les immortelles
féminines résident dans l'aile gauche. Dans son jardin elle
cultive les fameuses pêches d'immortalité qui prolongent la
vie des dieux.
D’après le Yongcheng jixianlu (7-9 siècle ap.JC), Xiwangmu
serait apparue avec un corps d’oiseau et vêtue d’une peau
de renard à l'empereur mytique Huangdi pour lui remettre le
"talisman des Cinq pics" afin de le soutenir lors de ses guerres.
Sa messagère, sa disciple préférée, est jiutian xuannii ("la
Femme mystérieuse des neuf cieux"), qui remplace parfois l'oiseau
bleu. C'est elle qui aurait fabriqué un char muni de la première
boussole pour le même Huangdi.
L’espoir suprême des chinois est de rejoindre un jour les
immortels sur la montagne sacrée et de se nourrir de la plante
d’immortalité et de s’abreuver au fleuve de Cinabre. La montagne
et les Grottes Célestes, illuminées par leur lumière intérieure,
sont le territoire de la quête de l’adepte qui y pénètre muni
d’amulettes et de formules magiques.
Mais les taoïstes signalent que cette montagne est peuplée
d’entités redoutables qui défendent l’approche du sommet.
L’ascension est évidemment de nature spirituelle, l’élévation
est un progrès vers la connaissance.
Cette montagne est donc aussi une pagode qui se compose de
neuf étages représentant les neuf degrés de l’ascension céleste
(on l'appelle aussi "la montagne des neuf palais", c'est à
dire peut-être des neuf cimes). Celui qui parvient à en gravir
les marches obtiendra l’immortalité car “l’un immensément
grand y réside”.
Chez les médecins acupuncteurs chinois, le nom "Kun Lun" désigne
aussi un point situé au sommet du crâne, la où s’effectue
la sortie vers le cosmos.
Cette montagne cosmique a donné aussi naissance au mythe du
royaume de Shambala au Thibet.
Les Bouddhistes thibétains parlent de Shambala ("La source
du bonheur" en sanscrit) ou de Bde'byang ("La source de joie"
en thibétain), royaume situé dans les montagnes du nord du
Thibet (c'est à dire du coté de la chaine de Kun Lun), dont
la capitale est Kalâpa et qui est entouré de 96 royaumes secondaires.
Le 1er roi de ce royaume aurait été Suchandra (Da-wa-zang-pa
en thibétain). Celui-ci aurait écrit le Kalachakra mûla tantra
(Rtsa-gyud en thibétain).
Le 8 ème roi, Manjushrikirti, aurait contenu une révolte (au
2 ème siècle av.Jc) puis aurait fondé une nouvelle dynastie
qui règne encore actuellement.
Le sage Tilopa (988/1069) aurait visité ce royaume et en aurait
rapporté la doctrine secrète du Kalachakra ("roue du temps")
qu'il aurait incorporée dans le bouddhisme thibétain. (Le
Dalaï-lama et le maïtre des karmapas sont tout deux initiés
au Kakachakra).
Le 21 ème roi de shambala, Aniruddha (Magagpa), serait monté
sur le trone en 1927.
Une prophétie dit que le 25 ème roi, Rudra Chakrin (Rigden
Dapo Tchakortchen), commencera son règne en 2327 et qu'il
repoussera les envahisseurs La-los musulmans hors d'Asie en
2424 pour restaurer le bouddhisme. Ce roi, qui ressemble étrangement
au Messie des autres
religions, est appelé également kalki ou Kulika (ou Ridgen
en Thibétain).
Selon les Thibétains de la
secte bouddhiste Karmapa, Shambala se situait plutôt en Orissa,
en Inde, et c'est de lui que seraient venus les missionnaires
ayant introduit le bouddhisme tantrique au Thibet. Les Karmapas
semblent confondre ici le pays d'origine des missionnaires
bouddistes et le pays d'origine du l'initiation Kalachakra.
Les Bön-pos (adeptes de la religion Bön, antérieure au bouddhisme
au Thibet), remplacent Shambhala par le royaume d'Olmo-lungring
("Longue vallée d'Olmo") et affirment qu'il
est antérieur au bouddhisme. Il se situerait à l'ouest
du Thibet et sa capitale est au pied du mont Yungdrung Gutseg
("pyramide des neuf Swastikas").
C'est dans ce royaume d'Olmo-lungring,
dans la ville de Yanspacan, que serait né le prince
Tönpa Shenrab Miwo(-che) / Gshenrab Mibo(-che) / Dmura, le
fondateur de la religion Bön (ou plus exactement "Yungdrung-Bön"),
vers16017 av.JC (selon la chronologie traditionnelle des Bon-pos).
Son père était Gyalbon Thodkar du clan Mu et
sa mère était Yochi Gyalzhedma.
Mais certains pensent que Tönpa Shenrab n'aurait été qu'un
Iranien zoroastrien venu de l'ouest à une date bien plus tardive.
En effet, des textes indiquent qu'Olmo-lungring faisait alors
partie du Tazig c'est à dire de la Perse ou du Tadjikistan
(selon les Thibétain, le Tazig serait devenu un immense
empire à l'époque de son roi Gyerwer). Ce nom
d'Olmo-lungring pourrait être rapproché de la ville d'Olmaliq,
située en Ouzbekistan mais qui appartenait jadis au
Tzadjikistan. Quand à Alexandra
David-Neel, qui a étudié les croyances thibétaines,
elle pensait que Shambala / Olmo-lungring se trouvait à
Balkh en Afghanistan, ce qui nous ramène dans la même
région.
1800 ans aprés Tönpa Shenrab,
selon la tradition des Bon-pos, Mucho Demdrug (un de ses successeurs)
aurait envoyé six disciples pour enseigner la religion
Bön aux peuples voisins : Mutsha Trahe (et Guhuli Paraya)
aux Perses Tadjiks du Tazig, Hulu Paleg aux Thibétains Sum-pas
(Thibet du nord), Lhadag Nagdro aux Indiens, Legtang Mangpo
aux Chinois, Sertog Chejam (Sertok Chezam) aux Phroms (Mongols)
et Trithog Pasha au Thibétains du Shang-Shoung (Thibet occidental).
C'est dans ce pays de Shang-Shoung que cette religion arriva
à s'implanter le plus durablement.
Le dictionnaire tibéto-shanshun raconte ceci : "Le
faiseur de miracles Esses / Eshe vint alors du pays de Shanshun-Mar". Ce personnage a un nom que certain ont essayé de rapprocher
de Jésus ... mais en fait nous avons plutôt affaire
ici à Zhutrul Yeshi, un grand maître du Tagzig
qui a fondé un système monastique Bön et
a propagé sa pratique dans le Shang-Shoung vers 1196
av.JC (selon la chronologie traditionnelle Bön).
Chez les Thibétains, Olmo-lungring se confond souvent avec
le royaume de "Shang-Shoung" (Zhang Zhung ou Zan-Zun en thibétain
et Yangtong ou Xiangxiong en chinois), un état situé
dans l'ouest du Thibet, prés du mont Kaïlas. Cependant,
selon le Zermig (livre thibétain du 11ème siècle
ap.JC), le Shan-Shoung n'est pas le même pays qu'Olmo-lungring
: il ne fait qu'imiter son organisation car c'est de là
qu'il avait recu sa religion et sa culture. Il est donc probable
que le mont Kailas, situé prés de la capitale
du Shang-Shoung, ne soit qu'une
transposition idéalisée du mont mont Yungdrung
Gutseg, situé prés de la capitale d'Olmo-lungring,
bien plus au nord-ouest.
Il est dit que cette montagne (le Kaïlas confondu avec
le Yungdrung Gutseg) est la source de quatre fleuves : le
Narazara à l'est, le Pakshi (Pakshu) au nord, le Gyim Shang
(ou Mashang) à l'ouest et le Sindhu (Indus) au sud. Ces fleuves
sortent de 4 gargouilles : un lion des neiges à l'est, un
cheval au nord, un paon à l'ouest et un éléphant au sud. Ce
mont correspond bien au Kaïlas car celui-ci la source du Brahmapoutre,
de l'Indus, du Sutlej et du Gange (ou du Karnali).
Selon les textes thibétains,
le centre du Shang-Shoung se trouvait au nord de Shambhala
ou du pays des Mons, à l'est de U-rgyan (Oddiyana),
au nord-ouest de la Chine, à l'ouest de Tsari-Tsakong,
au nord-est des démons cannibales hérétiques,
au sud-est du continent des Dakinis (fées cosmiques),
au sud-ouest du Kache (Cachemire) et au sud du Tagzig. Selon
d'autres textes, il se trouvait à l'est d'Olmo'iling
/ Olmo-ling (ancien nom d'Olmo-lungring) et de Mu, à
l'ouest de Gya, au nord du pays des Muns (Mons / Monpas),
au nord-ouest de Jang (Nanchao ?), au sud de Saledalphran
et au sud-ouest des Hors du Thibet neigeux.
Selon l'archéologie, le Shang-Shoung semble avoir été
unifié par des peuples de langue iranienne, peut-être
venus du Turkestan ou de l'Afghanistan, à l'âge
du bronze ou du fer (vers le VII-VIème siècle
av.JC ?).
Selon les Thibétains, Tönpa Shenrab était sous la protection du roi Khriwer Sergyi Byarucan.
C'était ce dernier qui avait unifié les 18 tribus
du Shang-Shoung et fondé un empire en soumettant les
peuples des environs. Il faisait partie du clan des Hos, originaire
du Tazig-Olmo-lungring (les six clans régnants au Tazig-Olmo-lungring
étant les Hos, les Shags, les Pos, les Gyas, les Nyans
et les Tos / Mus).
C'est ce royaume (ou empire) de
Shang-Shoung qui aurait civilisé les Thibétains de Lhassa.
Mais par la suite, les rois de Lhassa (dynastie Yarlung) ont
fondé l'empire Tou-Fan et ont annexé le Shang-Shoung
en 644, aprés la mort de Ligmincha (Ligmirya), son
dernier roi.
La capitale du Shang-Shoung s'appelait Khyunglung Nulkhar
(Khyung lung dngul mkhar), le "Palais argenté de la vallée
de Garuda". On remarquera que Khyunglung (prononcé "Khyun-lun"
en Thibétain) ressemble au mot chinois "Kun Lun". On remarquera
aussi que, selon le Zermig (livre de la religion Bön
datant du 14ème siècle ap.JC), cette ville s'identifie
avec "Shambhala". Khyunglung Nulkhar a d'ailleurs
été identifiée avec le village de Khyung-lung dans
la vallée de la Sutlej, au sud-ouest du mont Kaïlas / Kailash
(au Himachal Pradesh), par l'explorateur russe Iouri Zakharov. L'emplacement de l'ancien royaume
du Shang-Shoung a également été exploré par le français Michel
Peissel.
On confond parfois Shambhala avec "Xanadu". Mais c'est une méprise. Ce nom est une invention de Samuel Taylor Coleridge en 1797. Dans son poème "Kubla Khan" ce dernier appelait ainsi "Shangdu", la résidence de Kubilaï Khan, fondateur de la dynastie mongol des Yuan en Chine en 1280 :
"En Xanadu, Koubla Khan,
S'édifia un fastueux palais :
Là où l'Alphée, la rivière sacrée, se lançait,
Par des sombres abîmes insondables à l'homme,
Se lancer dans une mer sans soleil."
Ensuite, en Occident, le royaume de Shambhala
a donné naissance à la légende du pays d'Agartha.
Ce nom est apparu pour la première fois en 1873 dans le roman "Les fils de Dieu" écrit par Louis Jacolliot. Il est alors orthographié "Asgartha", probablement dérivé d'Asgard, nom du domaine des dieux dans la mythologie germanique. Ici, Asgartha désigne le lieu où siège le brahmatma, le brahmane suprême de la religion indouhiste.
En 1910, Alexandre Yves d'Alveydre écrit "Mission de l'Inde en Europe" où il fait de l'Agartha un royaume souterrain placé sous l'Himalaya.
En 1922, Ferdinand Ossendowski écrit "Le roi du monde" où il décrit l'Agartha comme le siège souterrain d'un personnage régnant secrètement sur notre planète. Il prétend que ce nom d'Agartha est trés connu dans toute l'Asie centrale ... ce qui n'est qu'une affabulation.
Ce royaume sera ensuite identifié par les new-ages occidentaux
avec celui situé à l'intérieur de la terre, cette dernière étant
creuse !
Ce mythe étrange était apparu avec Henri Gautier,
en 1721 : Selon celui-ci, la Terre était creuse comme
un ballon gonflé.
Ensuite John Symmer (1774-1829) avait repris cette idée, prétendant que la Terre creuse est composée de
5 sphères emboitées, un trou au Pôle permettant
de passer d'une sphère à l'autre.
Edgar Poe (1809-1849), dans son "Manuscrit trouvé
dans une bouteille" / "Les aventures d'Arthur Gordon
Pym", s'était inspiré de cette théorie
d'une terre interne accessible par le pôle.
Puis en 1908, Wilis Emerson a écrit "The smoky God". Il y fait de Shamballa un royaume
ne se trouvant plus au centre du monde mais au centre du globe
terrestre, c'est à dire dans le sous-sol.
Dans des écrits ultérieurs, il fera de Shamballa la capitale du royaume d'Agartha, fusionnant ainsi les deux mythes.
Et Edgar Rice Burroughs, dans son "Cycle de Pellucidar"
en 1914, décrira les aventures de Tarzan dans un monde
situé sous la croute terrestre, ce qui popularisera encore plus le mythe de la terre creuse.
Il est étonnant de voir comment, en partant d'un royaume située au sommet d'une montagne, les new-ages occidentaux l'ont transformé en
un royaume situé sous terre !
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