CHRISTIANISME :



Bouddha, un saint chrétien ?                                                                     

 

 

Lorsque l'origine bouddhiste de la légende de Barlaam et Josaphat fut identifiée formellement en 1860, par les deux érudits Labourlaye et Liebrecht, indépendamment l'un de l'autre, tous les spécialistes ont surtout vu les éléments positifs : valeurs spirituelles communes aux diverses religions, mérites de l'ascétisme.

Le culte de saint Josaphat n'est pas très développé de nos jours, et c'est surtout le récit de sa vie qui reste lu dans les milieux monastiques. Cependant, il figure toujours au calendrier, à la date du 26 août chez les grecs orthodoxes, à celle du 19 novembre chez les slaves orthodoxes (avec Varlaam, son père spirituel) et à celle du 29 octobre chez les catholique (le 2 avril étant réservé à son maître Barlaam).

L'histoire de ce saint n'est en fait, selon les spécialistes, que la vie christianisée du Bouddha Gautama Sakyamuni.

Le nom de Josaphat pourrait venir du sanskrit Bouddha ("l'éveillé") ou de "Buddhacarita" ou de "Bôdhisattva" (désignant une sorte de saint bouddhiste n'ayant plus besoin de se réincarner). Il serait devenu "Bodisaf" en iranien, "Budasf" en Syrien, "Budasaf" ou "yudasaf" en arabe, "Iodasaph" en géorgien, "Ioasaph" en grec puis "Iosaphat" ou "Josaphat" en latin.
Son maitre serait devenu "Bilawhar" en Syrie, "Balawhar" (Balauhar) en arabe, "Balahvar" en Géorgie, "Barlaa" en Grèce, "Barlaam" en Occident et "Varlaam" en Russie.
Quand à sa ville de Kapilavastu, elle devient Shawilâbatt en arabe et Cholaït en géorgien.

Pour assurer le passage de cette histoire du sanscrit au latin, il a existé plusieurs versions qui ont servi d'intermédiaire :

-Le livre "Qisa Shazada Yuzasaph wo hakim Balauhar" ("Histoire du Prince Yuzasaph / Budasaf et du Philosophe Balauhar") en ourdou (qui semble identifier Yuzasaph avec Jésus).

-Le texte écrit par un iranien chrétien en pehlevi au 5ème ou 6ème siècle.

-Le texte écrit au monastère de Saint-Sabba, e? n Palestine, par un moine hellénophone du nom de Jean Damascène (650 à 749).

-Le texte du 8e ou IXe siècle en arabe d'Iraq de tradition ismaëlite et appelé "Kitab Bilawhar wa Yudasaf" ou "Livre de Bilawhar et Budasf". Ce texte dit aussi qu'Il y a deux traditions bouddhistes. L'une polythéiste et mondaine, l'autre, monothéiste et ascétique. C'est la seconde qui est la bonne. Le Bouddha transmet le message de Dieu comme d'autres prophètes l'ont fait en d'autres temps.

-Le texte iranien manichéen de Tourfan parlant de "Bylawhar et Bwdysaf" (M 581,
M 613, M 9010)

-Le texte géorgien, le "Balavariani", également du IXe siècle mais postérieur à la version arabe, parle de Balahvar et Iodasaph.

-Le texte grec du XIe siècle, attribué à Euthyme l'Hagiorite, moine géorgien ayant recopié une version syriaque ou arabe.

-Pour l'Occident, toutes les versions actuelles proviennent de la version latine, effectuée en 1048-49 au monastère des Amalfitains de l’Athos à partir de la rédaction grecque.
Elle s'intitule « Histoire de Barlaam et de Josaphat rapportée à Jérusalem du fond de l'Ethiopie par un vénérable moine du monastère de Saint-Saba et traduite en grec par le saint homme Eufimius » (dans les textes médiévaux, il y a une confusion fréquente entre l'Ethiopie et les Indes). On notera qu'Eufimius (Euthyme l'Hagiorite) était abasgien d'origine, c'est-à-dire de Géorgie Occidentale.

Voici un résumé du texte "Saints Barlaam et Josaphat" rapporté par Jean Damascène :

Comme l’Inde entière était pleine de chrétiens et de moines, il s'éleva un roi puissant, nommé Avennir, qui persécuta beaucoup les chrétiens, mais particulièrement les moines.
Jusque-là le roi n'avait point encore d'enfants, mais il lui en naquit un très beau qui fut nommé Josaphat. Le roi réunit alors une multitude infinie pour sacrifier aux dieux à l’occasion de la naissance de son fils : il convoqua soixante astrologues auprès desquels il s'informa avec soin de ce qui devait arriver à cet enfant. Tous lui répondirent qu'il serait grand en puissance et en richesses; mais le plus sage d'entre eux dit : « Cet enfant, ô roi, ne régnera pas dans ton royaume, mais dans un autre incomparablement meilleur : car la religion chrétienne que tu persécutes sera, je pense, celle qu'il pratiquera:.» Or, il ne parla pas ainsi de lui-même, mais par l’inspiration de Dieu.

En l’entendant, le roi resta tout stupéfait; il fit construire à l’écart dans la ville lin palais magnifique pour servir d'habitation à son fils et y mit avec lui des jeunes gens d'une grande beauté, en leur ordonnant de ne, pas, prononcer devant Josaphat les noms de mort, de vieillesse, d'infirmité, de pauvreté, ni de rien qui pût lui causer de la tristesse; mais de rie lui mettre sous les yeux que des sujets agréables, en sorte que son esprit., tout occupé de plaisirs, ne pût penser rien des choses à venir. S'il arrivait que l’un de ceux qui le servaient vint à être malade, aussitôt le roi donnait l’ordre de le mettre dehors, et de le remplacer par un autre en bonne santé. Il commanda encore qu'on ne lui fît aucune mention du Christ.

Le fils du roi, qui était élevé dans le palais, parvint à l’âge adulte et fut complètement instruit dans toute sorte de science. Mais étonné de ce que son père l’eût ainsi renfermé, il interrogea, en particulier, à ce sujet, un de ses serviteurs les plus intimes, et lui dit que, ne pouvant sortir du palais, il était dans une position tellement triste que le boire et le manger lui paraissaient insipides. Le père, qui apprit cela, en fut chagriné. Cependant, il fit préparer pour son fils des chevaux bien dressés, et disposant sur ses devants des groupes pour l’applaudir, il prit toutes les mesures afin qu'il ne rencontrât aucun objet désagréable.

Un jour que le jeune homme s'avançait ainsi équipé, un lépreux et un aveugle se rencontrèrent sur son passage. En les voyant, il fut saisi et s'informa de ce qu'ils avaient, qui ils étaient ; ses officiers lui dirent « Ce sont des maladies dont souffrent les hommes. » « Cela, reprit-il, arrive-t-il ordinairement à tout homme? » Ils lui dirent que non: il leur demanda encore : « On connaît donc ceux qui doivent souffrir ainsi ou bien cela vient-il à quelqu'un indistinctement ? » Ils répondirent : « Qui peut savoir ce qui doit arriver aux hommes? » Il resta alors tout inquiet d'un spectacle si inaccoutumé. Une autre fois, il rencontra un vieillard dont la figure était couverte de rides, le dos courbé et dont les dents tombées lui permettaient à peine de balbutier. Il en fut stupéfait, et voulut connaître la cause de ce prodige. Quand il eut appris que cela était venu à la suite d'un grand nombre d'années, il dit : « Et comment finira-t-il? » Ils lui répondirent: « Par la mort. » Et il dit : « La mort atteint-elle tous les hommes ou seulement quelques-uns ? » Or, quand il eut appris que tous doivent mourir, il demanda : « Et après combien d'années ceci arrive-t-il ?» « La vieillesse, lui. répondit-on, arrive à quatre-vingts ou à cent ans, ensuite vient la mort. » Le jeune homme, ruminant fréquemment ces faits à part soi, était dans une profonde désolation ; cependant, en la présence de son père, il, affectait la joie, et il désirait beaucoup être fixé et instruit sur ces sortes de choses.

Or, un moine d'une réputation consommée, nommé Barlaam, qui habitait dans le désert de la terre de Sennaar, connut, par révélation, ce qui se passait autour du fils du roi ; alors, prenant le costume d'un marchand, il vint à la capitale d'Avennir et, s'étant rendu auprès du précepteur du- fils du prince, il lui parla ainsi : « Je suis marchand, et j'ai à vendre une pierre précieuse qui donné la lumière aux aveugles, ouvre les oreilles des sourds, fait parler les muets, et communique la sagesse aux insensés. — Conduis-moi donc au fils du roi, et je la lui donnerai. » Le précepteur annonça donc ces choses au fils du roi, auprès duquel il le conduisit aussitôt.

Après avoir été introduit et reçu avec respect, Barlaam lui dit : « Prince, en ne ? faisant pas attention à l’apparence extérieure, vous avez bien agi. Alors, il se mit à parler longuement sur la création du monde, la chute de l’homme, l’incarnation du Fils de Dieu, sa passion et sa résurrection. Après quoi, il s'étendit sur le jour du jugement, sur ce qui serait accordé aux bons et aux méchants ; puis il s'éleva avec force contre ceux qui servent les idoles, et il apporta, en preuve de leur impertinence, l’exemple suivant :
« Un archer avait pris un petit oiseau qu'on appelle rossignol, et voulait le tuer, quand le rossignol parla et dit à l’archer : « A quoi bon me tuer? tu ne sauras remplir ton estomac de ma chair ; mais si tu voulais me lâcher, je te donnerais trois avis, qui pourront t'être fort utiles, si tu les mets soigneusement en pratique. » Cet homme, stupéfait d'entendre parler un oiseau, promit de le lâcher s'il lui faisait connaître ces trois avis. Alors, l’oiseau lui dit : « Ne cherche jamais à entreprendre une chose impossible ; ne te chagrine pas de la perte d'une chose que tu ne saurais recouvrer ; n'ajoute jamais foi à une parole incroyable. Observe ces trois recommandations, et tu t'en trouveras bien. » Alors, l’archer lâcha le rossignol, ainsi qu'il l’avait promis.

Or, le rossignol dit en s'envolant dans les airs : « Malheur à toi, ô homme ! tu as reçu un mauvais conseil, et tu as perdu aujourd'hui un grand trésor, car il y, a dans mes entrailles une perle qui l’emporte en grosseur sur un oeuf d'autruche. » Quand l’archer entendit cela, il fut fort triste d'avoir lâché le rossignol, et il tâchait de le reprendre en disant : « Viens dans ma maison, je serai très bon à ton égard ; je te renverrai avec honneur. » Le rossignol lui répondit: « C'est maintenant que je suis certain que tu es un fou, puisque tu ne retires aucun profit des conseils que je t'ai donnés; car tu le désoles de m’avoir perdu et de ne pouvoir me reprendre, puis tu essaies de me ravoir, quand tu ne peux pas suivre ma route; en outre, tu as cru qu'il y avait une grosse perle dans mes entrailles, quand en tout je ne suis pas si gros qu'un oeuf d'autruche. » Ils sont insensés comme cet archer, ceux qui mettent leur confiance dans les idoles, puisqu'ils adorent l’ouvrage de leurs mains, et ils appellent leurs gardiens ceux qu'ils gardent eux-mêmes. Alors, il commença à discuter longuement sur les plaisirs et les vanités du monde, en appuyant ses paroles de plusieurs exemples.

Il continua ainsi : « Ceux qui aiment le monde sont semblables à quelqu'un qui a trois amis. Il aime le premier plus que soi, le second autant que soi, et le troisième moins que soi et comme rien. Se trouvant donc en un grand danger, et cité par le roi, il court au premier, lui demande aide, en lui rappelant combien il le chérit. Celui-ci lui répond : « Je ne sais qui tu es ; j'ai d'autres amis avec lesquels je dois faire aujourd'hui une partie de plaisir ; je les aurai toujours pour amis; cependant voici deux petits morceaux d'étoffe, pour que tu aies de quoi travailler.» Alors il s'en alla tout confus trouver son second ami et lui demanda aide comme à l’autre; or, il reçut cette réponse: « Je n'ai pas le temps de m’occuper de ton débat; je suis accablé de soucis nombreux, cependant je ferai quelques pas pour t'accompagner jusqu'à la porte du palais, et aussitôt je reviendrai chez moi m’occuper de mes propres affaires. »

Alors triste et le désespoir dans l’âme, il alla trouver son troisième ami, et se présentant devant lui, la tête basse, il lui dit : « Je ne sais comment te parlez, car je ne t'ai pas aimé ainsi que je le devais: mais plongé dans la tribulation et privé de mes amis, je te prie de venir à mon aide et de recevoir mes excuses. » Or, ce troisième lui dit avec un visage riant : « Certainement je te reconnais pour un ami très cher, et me souviens du service que tu m’as rendu, bien qu'il fût léger : je vais aller, en avant, chez le roi auprès duquel j'interviendrai en ta faveur, afin qu'il ne te livre pas entre les mains de tes ennemis. » Le premier ami, c'est la possession des richesses pour lesquelles l’homme est exposé à bien des dangers : or, quand arrive le moment de la mort, il n'en reçoit rien que quelques mauvais lambeaux pour s'ensevelir. Le second, c'est ta femme, ce sont les enfants, les parents, qui vont seulement jusqu'à ta tombe et qui reviennent, aussitôt après, vaquer à leurs affaires. Le troisième ami, c'est la foi, l’espérance et la charité, et encore l’aumône, puis toutes les autres bonnes oeuvres, qui, au moment où nous quittons notre corps, peuvent aller en avant, intervenir pour nous auprès de Dieu, et nous délivrer de nos ennemis qui sont les démons. »

Barlaam ayant donc parfaitement instruit le fils du roi, celui-ci voulut quitter son père pour suivre le saint. Il dit : « Dites-moi, mon père, quel âge avez-vous, et où virez-vous? parce que je ne veux jamais me séparer de vous. » « J'ai quarante-cinq an, répondit Barlaam, et je demeure dans les déserts de la terre de Sennaar. » Josaphat lui dit : « Vous me paraissez avoir plus de soixante-dix ans. » Barlaam reprit : « Si vous cherchez à savoir le nombre exact de mes années depuis ma naissance, vous ne vous êtes point trompé; mais je ne compte pas pour ma vie, toutes celles que j'ai dépensées dans les vanités du monde. Alors l’homme intérieur était mort et je n'appellerai jamais les années de mort des années de vie. » Or, comme Josaphat voulait l’accompagner au désert, Barlaam lui dit : « Si vous faites cela, je serai privé de votre présence, et serai la cause que mes frères seront persécutés. Attendez que les circonstances soient favorables, alors vous viendrez me trouver. » Barlaam baptisa donc le fils du roi, puis après l’avoir instruit complètement dans la foi, il l’embrassa et il retourna au lieu où il habitait.

Quand le roi eut appris que son fils avait été fait chrétien, il fut en proie à une grande douleur et ui dit : « Mon fils, vous m’avez jeté dans un profond chagrin, vous avez déshonoré mes cheveux blancs, et vous m’avez privé de la lumière de mes yeux. Pourquoi, mon fils, vous être comporté ainsi, et avoir ab? andonné le culte de mes dieux? » Josaphat répondit : « Ce sont les ténèbres que j'ai fui, mon père; j'ai couru à la lumière, j'ai abandonné l’erreur, et j'ai connu la vérité. Ne prenez pas une peine inutile, car jamais vous ne pourrez me faire renier le Christ. De même qu'il vous. est impossible de toucher de la main les hauteurs du ciel, et de dessécher une mer profonde, sachez qu'il en sera de même de ce que j'avance. » Alors le roi dit « Et quel est donc l’auteur de tous les malheurs qui fondent sur moi, si ce n'est moi-même, qui, pour toi, ai fait des choses merveilleuses comme jamais père n'en a fait à son fils ? C'est la perversité de ta volonté et ton entêtement effréné qui t'a fait rêver tout cela pour abréger mes jours. » Le roi le quitta en colère.

Un mage, du nom de Théodas, apprenant ce qui se passait, vint trouver le roi, et lui promit de faire rentrer sou fils sous ses lois. Le roi lui dit : « Si tu fais cela, je t'érige une statue d'or, à laquelle j'offrirai des sacrifices comme à nos dieux. » Théodas lui dit : « Eloigne de ton fils tous les hommes, fais entrer chez lui de belles femmes bien parées, afin qu'elles soient toujours avec lui, qu'elles le servent, qu'elles s'entretiennent, et qu'elles demeurent avec lui, alors, j'enverrai vers lui un de mes esprits, qui l’enflammera pour les plaisirs : il n'y a rien en effet de plus séducteur pour les jeunes gens que l’aspect des femmes. Eh bien, continua le mage, ne comptes pas pouvoir vaincre ton fils par aucun autre moyen que celui-là.

Le roi congédia donc tous ceux qui étaient attachés au service de son fils, et lui donna pour société de belles jeunes filles qui le provoquaient. à chaque instant au péché : il ne lui laissa personne autre à voir, avec qui parler, et manger. Or; un malin esprit, envoyé parle mage, s'empara du jeune homme et alluma au dedans de lui un foyer ardent; qui enflammait son coeur intérieurement en même temps que les jeunes filles excitaient à l’extérieur des ardeurs étranges. En se sentant tourmenté avec une pare? ille violence, Josaphat était troublé, mais il se recommanda à Dieu qui lui envoya de la consolation ; alors toute tentation disparut.
Théodas, avec le roi, alla trouver Josaphat dans l’espoir de pouvoir le persuader; mais le mage fut pris par celui qu'il voulait prendre. Il fut converti par Josaphat, reçut le baptême et vécut d'une manière édifiante.

Le roi, au désespoir, céda à son fils, de l’avis de ses courtisans, la moitié de son royaume. Or, bien que Josaphat désirât de toute son âme vivre dans le désert, néanmoins pour l’extension de la foi, il se chargea du gouvernement pour un temps; et dans les villes, il érigea des temples et des croix : il convertit tout son peuple à J.-C. Le père, enfin, se rendant aux raisons et aux exhortations de son fils, reçut la foi du Christ avec le baptême, puis abandonnant tout le royaume à Josaphat, il s'appliqua aux oeuvres de miséricorde, après quoi, il termina dignement sa vie.

P our Josaphat, plusieurs fois il avait nommé Barachias pour régner en sa place, avec l’intention de s'enfuir, mais toujours le peuple le retenait. Enfin il réussit à s'évader et comme il se dirigeait vers le désert, il donna à un. pauvre ses vêtements royaux et se contenta des plus pauvres habits. Mais le diable lui tendait une infinité d'embûches : quelquefois, en effet, il se jetait sur lui avec une épée nue et le menaçait de le frapper, s'il ne se désistait de sa résolution ; d'autres fois, il lui apparaissait sous la forme de bêtes féroces, en grinçant des dents et poussant des mugissements horribles. Mais Josaphat disait : « Le Seigneur est mon soutien et je ne craindrai point ce qu'une créature pourra me faire » (Ps. CXVII). Il passa donc deux ans à errer dans le désert sans pouvoir trouver Barlaam.

Enfin, il découvrit une caverne à la porte de laquelle il dit Bénissez, père, bénissez. » Barlaam reconnut sa voix et courut dehors: alors ils s'embrassèrent l’un et l’autre avec la plus grande effusion et se tenaient si étroitement serrés qu'ils ne pouvaient se séparer. Josap? hat, raconta alors à Barlaam tout ce qui lui était arrivé, celui-ci rendit à Dieu d'immenses actions de grâces. Josaphat demeura là de nombreuses années, se livrant aux pratiques de la vertu et d'une abstinence étonnante. Enfin Barlaam, parvenu au terme de ses jours, reposa en paix. Josaphat qui avait quitté son royaume à l’âge de vingt-cinq ans, se soumit aux labeurs de la vie érémitique pendant trente-cinq ans ; alors orné d'une multitude de vertus, il reposa en paix et fut enseveli à côté de Barlaam. Le roi Barachias, qui l’apprit, vint avec une armée nombreuse à leur tombeau où il prit leurs corps avec respect et en fit la translation dans sa capitale. Il s'opéra beaucoup de miracles à leur sépulture.


On peut comparer aisément cette histoire avec celle du Bouddha :

A sa naissance, le jeune Bouddha Siddartha Sakyamuni reçut une prophétie. Il serait grand roi ou grand maître spirituel. Son père était un souverain aimé et respecté mais souhaitait également avoir son fils comme héritier du royaume. Pour forcer le destin, il confina son fils dans l'atmosphère paradisiaque du palais. Tout serviteur âgé ou malade était chassé du palais. Seuls les raffinements sensuels et artistiques étaient admis. Un jour cependant, Siddartha s'évada et fit quatre rencontres capitales. Tout d'abord un vieillard, un malade puis un cadavre. Ainsi la vie était également en but aux souffrances. Elle avait donc une fin !!! Une quatrième rencontre lui offrit heureusement une perspective de solution. Celle d'un moine dont la sérénité semblait impossible à troubler. Siddartha s'échappa du palais et poursuivit sa quête. Ayant fait l'expérience de l'ascétisme puis ayant choisi la voie du milieu, il découvrit enfin, par la méditation, les quatre nobles vérités. Il devint l'Eveillé, le Bouddha et commença à enseigner.
Cette trame narrative (extraite du "Buddhacarita" texte sanscrit écrit par Asvaghosha au IIe siècle) est exactement celle que l'on peut identifier en lisant l'histoire de Saint-Josaphat.