La conversion de l'empereur Constantin :
L'empereur Constantin le grand (280-337) passe pour être celui qui a permis au christianisme de se développer dans l'Empire romain. Par l'édit de Milan, en 313, en effet, il a fait cesser les persécutions et a donné la liberté religieuse aux Chrétiens.
Bien que le texte exact de cet édit ne nous soit pas parvenu, il existe une lettre dont le contenu était proche.
Dans son livre « De mortibus persecutorum (De la mort des persécuteurs) 48 », Lactance en donne cette version :
"Etant heureusement réunis à Milan, moi Constantin Auguste et moi Licinius Auguste, ayant en vue tout ce qui intéresse l'unité et la sécurité publiques, nous pensons que, parmi les autres décisions profitables à la plupart des hommes, il faut en premier lieu placer celles qui concernent le respect dû à la divinité et ainsi donner aux chrétiens, comme à tous, la liberté de pouvoir suivre la religion que chacun voudrait, en sorte que ce qu'il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice à nous-mêmes et à tous ceux qui sont placés sous notre autorité » Rescrit de Milan, 313, selon Lactance, La mort des persécuteurs : « Moi, Constantin Auguste, ainsi que moi, Licinius Auguste, réunis heureusement à Milan pour discuter de tous les problèmes relatifs à la sécurité et au bien public, nous avons cru devoir régler en tout premier lieu, entre autres dispositions de nature à assurer, selon nous, le bien de la majorité, celles sur lesquelles repose le respect de la divinité, c'est-à-dire, donner aux chrétiens comme à tous, la liberté et la possibilité de suivre la religion de leur choix, afin que tout ce qu'il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice à nous-mêmes et à tous ceux qui se trouvent sous notre autorité."
Et dans son "Histoire ecclésiastique", Eusèbe de Césarée en donne une version très proche :
"Nous avons décidé d'accorder aux chrétiens et à tous les autres le libre choix de suivre la religion qu'ils voudraient, de telle sorte que ce qu'il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant à nous, et à tous ceux qui vivent sous notre autorité. Il nous a paru que c'était un système très bon et très raisonnable de ne refuser à aucun de nos sujets, qu'il soit chrétien ou qu'il appartienne à un autre culte, le droit de suivre la religion qui lui convient le mieux (…) nous laissons aux chrétiens la liberté la plus complète et la plus absolue de pratique du culte; et, puisque nous l'accordons aux chrétiens (…) les autres doivent posséder le même droit."
A Rome Constantin a fait construire les basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les-murs. En Palestine il a envoyé sa mère Hélène retrouver la croix de la crucifixion ainsi que le tombeau de Jésus sur lequel il a fait construire l'église du Saint sépulcre. Il a instauré la semaine de sept jours et fixé la naissance de Jésus à Noël. Il a présidé le conseil de Nicée, en 325, où fut condamnée la doctrine arienne qui prétendait que Jésus était inférieur à Dieu.
Les textes écrits par Constantin prouvent d'ailleurs sa tolérance envers toutes les religions mais aussi sa préférence pour le christianisme :
"Ce que chacun a vu et compris, qu'il l'utilise, si possible, pour aider autrui, mais si c'est impossible, qu'il s'abstienne. C'est une chose d'accueillir librement le combat pour l'immortalité, c'en est une autre de l'imposer avec des sanctions." (Constantin, Lettre 15, 19)
"C'est un seul Dieu que nous adorons tous par son nom et dont nous croyons qu'il existe." (Constantin, Lettre 18, 1)
"Pour parler avec précision, il y a un seul Dieu qui prend soin de toutes choses et les a prévues et qui, par son Verbe, a mis en ordre toutes choses, mais 'le Verbe lui-même étant Dieu' est aussi fils de Dieu." (Constantin, Discours, 9, 4)
"Allez-vous en donc, impies, cela vous est permis parce que votre péché est incorrigible, allez aux égorgements des victimes sacrées, aux festins, aux fêtes, aux beuveries, en prétendant accomplir un culte alors qu'en réalité vous vous adonnez à l'intempérance et aux plaisirs." (Constantin, Discours, 10, 7)
Pour tout ce qu'il a fait, Constantin passe pour avoir été un bon chrétien et il a même été canonisé (ainsi que sa mère) après sa mort.
Mais qu'en est-il vraiment ?
Il semble bien qu'au début Constantin était, tout comme son père Constance Chlore, un adepte du dieu romain Apollon, identifié au dieu Sol Invictus (Soleil invaincu / Soleil invincible), ce dernier étant parfois identifié au dieu zoroastrien Mithra. On ne sait pas vraiment à quelle époque il s'est converti au christianisme.
Nommé auguste de la partie occidentale de l'Empire romain en 306, il a du partager ce territoire avec Maxence. Ce dernier régnait sur l'Italie et l'Afrique (Maghreb) alors que Constantin régnait sur la Gaule, l'Ibérie (Espagne) et la Bretagne (Angleterre). Et l'auguste Licinus régnait sur la partie orientale de l'empire romain.
Constantin avait donc du vaincre Maxence en 312 puis Licinus en 324 avant de devenir le seul maître de l'empire réunifié. Il fondera ensuite une nouvelle capitale, Constantinople, en 330, à l'emplacement de l'ancienne Byzance.
On a souvent dit que c'était lors de la bataille du pont Milvius, le 28 octobre 312, lorsqu'il a vaincu Maxence, que Constantin s'était tourné vers le christianisme. On possède plusieurs témoignages, plus ou moins romancés, sur ce qu'il s'est passé à cette occasion…
L'évèque Eusèbe de Césarée (265-339), dans son "Histoire ecclésiastique IX, 9, 1-7", a décrit les choses ainsi :
"Constantin (…), homme pieux fils d'un homme très pieux et très sage en tout, fut suscité par le roi souverain, Dieu de l'univers et Sauveur, contre les tyrans très impies (…). Après avoir invoqué comme allié dans ses prières le Dieu céleste et son Verbe, le Sauveur de tous, Jésus-Christ lui-même, il s'avance avec toute son armée, en promettant aux Romains la liberté qu'ils tiennent de leurs ancêtres. Quant à Maxence, il mettait sa confiance plutôt dans les procédés empruntés à la magie (…). L'empereur, qui s'était concilié l'alliance de Dieu, survient [...] ; afin qu'il ne soit pas forcé de combattre les Romains à cause du tyran, Dieu lui-même, comme avec des chaînes, tire le tyran très loin des portes de la ville."
Eusèbe donne plus de détails dans son livre "Vie de Constantin, Livre 1, chapitres 28-31" :
"Constantin implora la protection de ce Dieu, le pria de se faire connaître à lui, et de l'assister dans l'état où se trouvaient ses affaires. Pendant qu'il faisait cette prière, il eut une merveilleuse vision, et qui paraîtrait peut-être incroyable, si elle était rapportée par un autre. Mais personne ne doit faire difficulté de la croire, puisque ce Prince me l'a racontée lui-même longtemps depuis, lorsque j'ai eu l'honneur d'entrer dans ses bonnes grâces, et que l'événement en a confirmé la vérité. Un peu après midi, alors que le jour commençait seulement à décliner, il vit de ses yeux, dit-il, le trophée de la Croix (tropaion stauru) au-dessus du soleil, en plein ciel, formé de lumière, avec l'inscription 'Tu vaincra par ce signe (en toutoï nika / In hoc signo vinces)', et il fut extrêmement étonné de ce spectacle, de même que ses soldats qui le suivaient.
Il se demanda alors, dit-il, ce que pouvait être cette apparition. Tandis qu'il réfléchissait ainsi et agitait en lui-même beaucoup de pensées, la nuit tomba; et, plus tard, pendant son sommeil, le Christ, fils de Dieu, se présenta à lui avec le signe qu'il avait vu dans le ciel, et lui prescrivit de fabriquer une copie de ce signe qui lui était apparu dans le ciel et de recourir à son aide dans les combats.
Il se leva au petit matin et révéla son secret à ses amis. Ayant ensuite convoqué des ouvriers spécialistes de l'or et des pierres précieuses, il s'assied lui-même au milieu d'eux, leur explique la forme du signe et leur ordonne de le reproduire en or et en pierres précieuses. L'empereur, avec l'agrément de Dieu, nous permit un jour de le contempler…
J'ai vu l'Etendard que les Orfèvres firent par l'ordre de ce Prince, et il m'est aisé d'en décrire ici la figure. C'est comme une pique, couverte de lames d'or, qui a un travers en forme d'Antenne qui fait la croix. Il y a au haut de la pique une couronne enrichie d'or et de pierreries. Le nom de notre Sauveur est marqué sur cette couronne par les deux premières lettres; dont la seconde est un peu coupée. Les Empereurs ont porté depuis ces deux mêmes lettres sur leur casque. Il y a un voile de pourpre attaché au bois qui traverse la pique. Ce voile est de figure carrée, et couvert de perles, dont l'éclat donne de l'admiration. Comme la pique est fort haute elle a au bas du voile le portrait de l'Empereur et de ses enfants, fait en or jusques à demi-corps seulement. Constantin s'est toujours couvert dans la guerre, de cet Etendard comme d'un rempart, et en a fait faire d'autres semblables pour les porter dans toutes ses armées…"
Dans sa "Vie de Constantin, Livre 1, chapitre 37", Eusèbe ajoute ceci :
"La compassion que Constantin eut de leur misère lui mit les armes entre les mains contre celui qui en était l'auteur. Ayant imploré la protection de Dieu, et du Sauveur son Fils unique. Il fit marcher son armée sous l'Etendard de la crois à dessein de rétablir les Romains en possession de leur ancienne liberté. Maxence mettant sa confiance dans les illusions de la magie plutôt que dans l'affection de ses sujets, n'osa sortir de Rome. Mais il mit des garnisons dans toutes les Villes dont il avait opprimé la liberté, et plaça des troupes en embuscade sur les passages. Constantin dont Dieu favorisait l'entreprise força aisément toutes ces troupes, et entra jusques au cœur de l'Italie."
Mais Eusèbe raconte les faits 30 ans après qu'ils se soient passé, et son témoignage est indirect. En effet, étant évèque en Palestine, il se trouvait loin du théâtre des évènements. Et il semble bien qu'il n'ait approché Constantin qu'au plus quatre fois dans sa vie, lors des conciles.
Lactance (260-325), par contre, côtoyait directement Constantin car il était le précepteur de son fils Crispus. Les renseignements qu'il donne proviennent donc d'une source bien plus directe. Vers 318-321, dans son livre "De mortibus persecutorum (De la mort des persécuteurs) 44, 1-9" , il donne cette autre version des évènements où il n'est plus question d'une vision mais d'un simple rêve :
"La guerre civile était allumée entre Maxence et Constantin. Maxence demeurait à Rome, l'oracle lui ayant prédit sa ruine s'il en sortait. Mais il faisait la guerre par ses lieutenants. Ses forces étaient plus grandes que celles de ses ennemis ; car, outre la vieille armée de Maximien, qu'il avait débauchée du service de Sévère, la sienne était encore venue le joindre. On en vint souvent aux mains, et le parti de Maxence avait presque toujours l'avantage. Mais Constantin, résolu à tout ce qui en pourrait arriver, s'approcha de Rome, et campa au pont de Milvius. C'était le 6 des calendes de novembre (vingt-septième jour du mois d'octobre), jour auquel Maxence avait pris la pourpre, et où se terminaient les Quinquennales (5ème année de règne). Constantin, averti en songe de faire peindre sur les boucliers de ses soldats le signe adorable de la croix, et d'engager ensuite le combat, obéit, et fit peindre sur ses boucliers un X, avec le sommet recourbé (en accent circonflexe ?) qui signifie Jésus-Christ. Ses troupes fortifiées de cette armure céleste se préparèrent à la bataille."
Plus tard, Sozomène (400-450), dans son "Histoire ecclésiastique III" reprendra ce qu'Eusèbe avait raconté :
"Entre les événements par lesquels nous avons appris qu'il fut porté à embrasser la Religion Chrétienne, il y sur porté par la vue d'un signe qui lui parut dans le Ciel. Il y a apparence que quand il eut résolu de faire la guerre à Maxence, il commenta à en appréhender le succès, et à songer de qui il pourrait implorer la protection. Comme il avait l'esprit occupé de cette pensée, il vit dans le Ciel une Croix toute éclatante de lumière, et cette vue lui ayant donné de l'étonnement, les Anges de Dieu qui l'environnaient lui dirent : 'Constantin, remportez la victoire a la faveur de ce signe'. On dit même que Jésus Christ lui apparut, et que lui ayant montré l'Etendard de la Croix, il lui commanda d'en faire faire un semblable, et de s'en servir dans les combats pour vaincre ses ennemis. Eusèbe surnommé Pamphile assure qu'il lui a ouï raconter avec serment, qu'il avait vu sur le midi le trophée de la Croix tout brillant de lumière, avec cette inscription : 'Vainquez à la faveur de ce signe'. Les soldats à la tête desquels il marchait le virent aussi bien que lui, et comme il doutait de ce qu'il signifiait, il entendit une voix qui venait du Ciel. Jésus Christ lui apparut depuis durant son sommeil avec le même signe, et lui commanda d'en faire un semblable pour s'en servir dans ses armées."
Sozomène, dans l' "Histoire ecclésiastique I, 3-5, SC 306", raconte également ainsi :
"Selon la tradition, il arriva à Constantin bien des choses qui le persuadèrent de favoriser la doctrine des chrétiens, mais ce fut surtout le signe divin qui lui apparut. En effet après avoir pris la décision de combattre contre Maxence, il doutait en lui-même, comme il est naturel, de l'issue de la bataille et se demandait qui lui viendrait en aide. En ces soucis, il vit en songe le signe de la Croix qui brillait au ciel. Comme il était saisi de stupeur à cette vue, de saints anges, s'étant tenus près de lui, lui dirent : « Constantin, sois victorieux par ce signe. » On dit même que le Christ en personne lui apparut, lui montra le symbole de la Croix et lui recommanda d'en faire une imitation et de l'avoir dans les guerres comme un secours qui amènerait la victoire. Eusèbe de Pamphilie en tout cas affirme avoir entendu l'empereur lui-même dire sous la foi du serment que, dans l'après-midi, le soleil déjà déclinant, il avait vu dans le ciel, lui et les soldats avec lui, le trophée de la Croix, composé de lumière, et une inscription attachée à la Croix avec ces mots : 'Sois victorieux par ceci'. En effet, alors qu'il s'avançait quelque part avec son armée, ce prodige eut lieu durant la marche, et, tandis qu'il se demandait ce que c'était, la nuit survint. Durant son sommeil le Christ lui apparut avec le symbole qui s'était montré au ciel et lui recommanda d'en faire une imitation et d'en user comme d'un secours dans les batailles contre les ennemis..."
Selon la "Vie de Sylvestre", texte écrit peut-être par Arnobe le Jeune (400-450), la vision de Constantin n'aurait pas eu lieu avant la bataille contre Maxence mais lors d'une guerre contre les barbares du Danube (probablement des Sarmates) :
"Une grande foule de barbares s'était rassemblée sur le Danube, prête à la guerre contre Rome. On en informa le roi Constantin. Alors, rassemblant lui aussi une armée nombreuse, il partit à leur rencontre. Et il trouva ces gens qui avaient revendiqué le territoire de Rome et qui se trouvaient sur les rives du Danube. Mais voyant que leur foule était innombrable, il s'assombrit et éprouva une peur mortelle. Or, se présentant à lui pendant la nuit, un homme resplendissant le réveilla et lui dit : 'Constantin, sois sans crainte, mais regarde vers le ciel et vois'. Et, levant les yeux au ciel, il vit le signe de la croix du Christ, formée d'une lumière éclatante, où était gravée cette inscription : 'Par lui tu vaincras'. Ayant vu ce signe, le roi Constantin fit faire une image de la croix qu'il avait vue dans le ciel, et, se dressant, lança l'assaut contre les barbares, précédé du signe de la croix. Et se jetant avec son armée sur les barbares, il se mit à les massacrer le lendemain ; et les barbares effrayés prirent la fuite le long des rives du Danube, et un grand nombre périt ; et ce jour-là c'est par la vertu de la sainte croix que Dieu donna la victoire au roi Constantin.
Or, Constantin, de retour dans sa ville, convoqua tous les prêtres de tous les dieux et idoles, et il leur demandait à qui appartenait ou ce que représentait ce signe de la croix, et ils étaient incapables de le lui dire. Mais certains d'entre eux lui donnèrent une réponse, disant : 'C'est le signe du Dieu céleste.' A ces mots, quelques chrétiens qui étaient là à cette époque vinrent trouver le roi et lui annoncèrent le mystère de la Trinité et l'arrivée du Fils de Dieu, comment il était né et avait été crucifié et était ressuscité le troisième jour. Or le roi Constantin, envoyant un messager auprès d'Eusèbe, évêque de la ville de Rome, le fit venir à lui ; Eusèbe l'instruisit de la foi des chrétiens et de tous ses mystères, et il le baptisa au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, et il le confirma dans la foi du Christ. Constantin fit construire partout des églises et détruire les temples des idoles."
Cependant il semble bien que tous ces textes ne soient qu'une "récupération chrétienne" des évènements. En fait, ils ne sont qu'une déformation d'un évènement qui avait des traits initialement beaucoup plus païen.
C'est ainsi qu'on a conservé un panégyrique prononcé à Trêves en 309 ou 310 par le rhéteur gaulois Eumène (260-311) en l'honneur de Constantin :
"Le lendemain du jour où la nouvelle de ces mouvements avait accéléré votre marche, on vous apprit que l'agitation était calmée, et que la tranquillité était revenue au point où vous l'aviez laissée auparavant. La fortune le réglait ainsi, afin que le succès de vos entreprises vous avertit d'accomplir les promesses que vous aviez faites aux Dieux immortels, et vous rappelât ce souvenir dans le lieu même où vous auriez pu détourner vos pas pour aller visiter le plus beau temple de l'univers, et le Dieu lui-même qui s'est montré visiblement à vous, lorsque vous êtes arrivé dans ce pays. Car, je le crois, ô Constantin ! vous avez vu votre Apollon, avec la victoire qui l'accompagne, vous offrir des couronnes de laurier, dont chacune renferme un présage de trente années : tel est le nombre qui sert à supputer l'âge des hommes, et il est juste que votre existence se prolonge au-delà de la vieillesse de Nestor. Et que dis-je : Je crois? oui, vous l'avez vu, et vous vous êtes reconnu sous les traits de celui à qui les poètes, dans leurs chants divins, ont annoncé l'empire du monde entier. L'accomplissement de cet oracle est arrivé et se vérifie dans un empereur qui possède, comme Apollon, la jeunesse, la sève épanouie de la joie, la bienveillance active et une beauté incomparable. C'est donc avec raison que vous avez orné nos augustes temples d'offrandes si riches qu'elles font oublier les anciennes. Aussi il me semble que tous ces temples réclament votre présence, et surtout notre Apollon, dont les eaux brûlantes punissent les parjures, crime que vous devez spécialement détester."
Le lieu où Constantin prétend avoir vu le dieu Apollon semble bien être le sanctuaire de Grand (dans les Vosges), dédié au dieu gallo-romain Apollon-Grannus. (C'est d'ailleurs dans les ruines de ce sanctuaire qu'on a retrouvé un intéressant zodiaque en bois représentant les 12 signes chaldéens et les 36 décans d'origine égyptienne).
Mais un autre rhéteur gaulois, Nazarius, a raconté une autre histoire encore, lors d'un panégyrique prononcé à Rome le 1er mars 321, devant les fils de Constantin. Dans cette version, Constantin aurait rencontré une armée céleste de soldats lumineux (donc d'origine solaire) conduits par son père, Constance Chlore divinisé :
"Enfin, toutes les bouches redisent dans les Gaules que des armées apparurent, qui se flattaient d'avoir été envoyées par les dieux. Bien que les êtres célestes ne tombent point d'ordinaire sous les yeux des hommes, parce que la substance simple et immatérielle d'une nature subtile échappe à notre vue grossière et aveugle, là pourtant tes auxiliaires consentirent à se laisser voir et entendre, et ils ne se dérobèrent au contact des regards mortels qu'après avoir porté témoignage de tes mérites. Mais quelle était, dit-on, leur beauté ! Quelle était la vigueur de leur corps ! La grosseur de leurs membres ! La promptitude de leurs résolutions ! Il flambait je ne sais quel feu redoutable sur leurs boucliers étincelants et leurs armes célestes brillaient d'une lumière terrifiante. Tels ils étaient venus pour attester qu'ils étaient à toi. Et voici leurs paroles et les propos qu'ils tenaient à qui les écoutait : 'C'est Constantin que nous cherchons, c'est à Constantin que nous allons porter secours'. Oui, les divinités ont aussi leur amour-propre et les habitants du ciel eux aussi sont accessibles à la vanité. Ces êtres descendus du ciel, ces envoyés des dieux étaient fiers de combattre pour toi. A leur tête marchait, je crois, ton père Constance qui, abandonnant à un fils plus grand que lui les triomphes terrestres, élevé désormais au rang des dieux, conduisait des expéditions divines. Et c'est encore une riche récompense de ta piété que Constance, bien qu'admis au ciel, ait senti que, grâce à toi, il devenait encore plus grand. Et celui qui désormais pouvait sur d'autres répandre ses services a vu tes services à toi rejaillir sur lui-même (…) Ces exploits accomplis toujours dans l'intérêt public avec tant de vigueur et de succès, sans que jamais ta vaillance ait tremblé, ta clairvoyance hésité, ta fortune chancelé, ont suffisamment prouvé, selon moi, que la protection continuelle d'une puissance bienveillante se manifeste en toi : ce n'est pas alors pour la première fois que te furent envoyées des armées célestes, mais c'est alors seulement qu'elles se révélèrent à notre intelligence."
Il est donc difficile de croire que Constantin se soit converti au christianisme après avoir été aidé par le Dieu des Chrétiens lors de la bataille du pont Milvius !
Les plus anciens témoignages, se basant sur les affirmations de Constantin, indiquent bien que c'était le dieu romain Apollon / Sol Invictus qui le soutenait.
D'ailleurs lorsqu'en 310-312, Constantin crée une nouvelle monnaie, le "solidus", les pièces sont ornées de l'effigie du dieu "Sol Invicto comiti" (Soleil invaincu compagnon).
En 313, une médaille tirée à l'occasion de la victoire sur Maxence représente les portraits accolés de Constantin et du dieu Sol. Constantin porte la couronne laurée des vainqueurs et Sol la couronne radiée, les rayons de cette couronne symbolisant les raies de lumière du soleil incandescent.
Mais, en 315, une pièce le représente lui-même avec un casque orné d'un petit chrisme, le symbole que, selon la légende, le Dieu des Chrétiens lui avait demandé d'arborer sur ses enseignes (labanum).
Le chrisme est un monogramme constitué des deux premières lettres du nom du Christ en grec : le XHI (CH) et le RHO (R). Le XHI ressemble à un X latin et le RHO ressemble à un P latin : ☧
Avant Constantin ce symbole existait déjà mais sous une forme différente : Il s'écrivait avec un IOTA (i) et un KHI (r) et signifiait « chreston / chrêsimon » c'est à dire « bon, utile » pour marquer les marchandises de bonne qualité.
En 320 ou 321 une pièce représente Constantin couronné par le dieu solaire avec la légende "Soli invitcto comiti" (Soleil invaincu compagnon).
En 321, Constantin fait du Dimanche le jour du repos… hors ce jour est le jour dédié au dieu du Soleil.
En 325 , une pièce représente "Sol Comes Augusti nostri" (le Soleil, compagnon de notre Auguste).
C'est seulement à partir de 326 que les représentations et le nom de Sol deviennent rares sur les pièces, comme si Constantin prenait peu à peu ses distances avec le culte solaire et se rapprochait petit à petit du christianisme.
Selon Zozisme (460-520), justement, se serait au plus tôt en 326 seulement - mais certainement plus tard encore - que Constantin se serait converti au christianisme.
Mais peut-on dire de quel moment exact date la conversion de Constantin ?
Sozomène (400-450), dans son "Histoire ecclésiastique, livre V" la décrit ainsi :
"Je sais que les Païens ont accoutumé de dire que quand Constantin eût fait mourir quelques-uns de ses proches, et qu'il eût consenti au meurtre de Crispus son fils, il en conçut du regret, et demanda au Philosophe Sopatros qui enseignait dans l'école de Plotin, quel moyen il y avait d'expier ces crimes. Que Sopatros lui ayant répondu qu'il y en avait point, il trouva des Evêques qui lui promirent de les effacer par la pénitence, et par le baptême. Qu'ayant été fort satisfait de leur réponse, il avait admiré leur Religion, l'avait embrassée, et excité les autres à l'embrasser aussi bien que lui. Tout cela me semble avoir été inventé par ceux qui le plaisent à diffamer la piété Chrétienne."
Et dans le "livre I chap.3 tome.2", il raconte également ceci :
" ...Il fit alors venir des prêtres chrétiens qui lui vantèrent la commodité du christianisme qui, par son initiation au baptême, effaçait tous les crimes commis avant et admettait ensuite les coupables à la pénitence et au pardon."
Et Zozime (460-520), dans son "Histoire nouvelle, livre II, 29, 1-5", raconte les mêmes faits de cette façon :
"Lorsque tout le pouvoir fut aux mains de Constantin seul, il ne cacha désormais plus la méchanceté qui lui était naturelle, mais prit la liberté d'agir dans tous les domaines selon son bon plaisir ; il célébrait encore les rites ancestraux, non pas par respect, mais par intérêt ; c'est pourquoi il obéissait aussi aux devins, dont il avait éprouvé qu'ils avaient prédit la vérité au sujet de tout ce qui lui avait réussi. Lorsqu'il arriva à Rome tout plein de jactance, il crut nécessaire d'inaugurer son impiété dans ses propres lares. Comme il avait ces crimes sur la conscience (…), il alla trouver les prêtres et leur demanda des sacrifices expiatoires pour ses méfaits ; ceux-ci lui ayant répondu qu'il n'existait aucune sorte d'expiation assez efficace pour purifier de telles impiétés, un Égyptien, arrivé d'Espagne à Rome et devenu familier des femmes du palais, rencontra Constantin et lui assura que la croyance des chrétiens détruisait tout péché et comportait cette promesse que les impies qui s'y convertissaient étaient aussitôt lavés de tout crime. Constantin reçut cette assurance avec joie, embrassa cette nouvelle impiété, renonça à la religion de ses pères, et tint pour suspectes les prédictions des devins. Ce qui le porta à défendre ces prédictions, ce fut l'appréhension que l'on n'en fit de favorables à quelques autres contre lui, comme on lui en avait fait contre les autres."
Il semble donc que les païens soupçonnaient Constantin de s'être fait chrétien dans le seul but d'expier ses crimes.
On pense, en effet, qu'il ne fut baptisé que sur son lit de mort, en 337, par l'évèque Eusèbe de Nicomédie. Il est d'ailleurs étrange que cet évêque était de confession arienne car Constantin avait soutenu le concile de Nicée, en 325, où la doctrine arienne avait été déclarée hérétique.
Mais se faire baptiser en fin de vie avait, à cette époque, un aspect logique. On pensait, en effet, que le baptême effaçait tous les pêcher d'un coup. Il était donc intéressant de le faire juste avant de mourir.
On remarque que, pour la mort de Constantin, a été émise une pièce le représentant emporté au ciel dans un quadrige solaire … mais avec la main du Dieu chrétien sortant des nuages pour l'accueillir.
Les empereurs suivants utiliseront de plus en plus le chrisme pour décorer leurs monnaies, montrant la progression du christianisme dans l'Empire romain.
Il faudra, finalement, attendre l'année 380 pour que l'empereur Théodose, par l'édit de Salonique, fasse du christianisme la religion d'état et interdise les autres cultes.
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