Le
mythe de Cthulhu :
Le
créateur du Mythe littéraire de Cthulhu est
Howard Phillips Lovecraft, né en 1890 à Providence
aux
Etats-Unis. C'était un écrivain influencé
par Edgar Poe, Ambrose Bierce, Arthur Machen, Robert Chambers,
Burroughs, Nathanaël Hawthorne et surtout Lord Dunsany.
Il avait choisi les meilleurs éléments dans
l'œuvre de ses maîtres littéraires pour
les mélanger en un style personnel assez gothique ...
un style qui, à son tour, avait suscité de nombreux
admirateurs et beaucoup d'imitateurs.
Son écriture, assez gothique, était dans une
zone incertaine entre l'horreur et la science-fiction : une
région qu'il appelait "l'horreur cosmique".
Cet auteur serait tombé dans l’oubli s’il
n’avait pas été soutenu par un petit cercle
de fidèles qui s'appliquèrent à faire
connaître ses oeuvres. On reconnait cependant maintenant
qu'il a rénové la littérature de l’étrange
et les structures de l’épouvante en créant
ce qu'on a voulu appeler le "conte d'horreur matérialiste"
ou le "fantastique cosmique". Il était donc
l'inventeur d'un nouveau style littéraire, d'une nouvelle
façon d'aborder les choses, d'un nouveau paradigme
culturel ... d'un nouveau mythe moderne.
Lui-même disait ceci à propos de ses écrits
:
"Toutes mes histoires sont basées sur le principe
fondamental que les lois communes, les intérêts
humains et leurs émotions n'ont pas de valeur ni d'importance
dans l'ensemble du vaste cosmos."
On peut tenter de retracer la chronologie des différentes
étapes de l'élaboration de ce mythe dans l'esprit
de Lovecraft, ainsi que celles de leur transformation dans
l'esprit de ses continuateurs :
- 1919 :
H.P.Lovecraft cite pour la première fois le nom d'Azathoth
dans des note personnelles contenant des idées pour des
récits à développer.
Il écrit :
"- Azathoth, nom hideux"
et
"- Un pèlerinage terrible pour chercher le trône
du Sultan Azathoth, le suprême démon noir".
- 1920
:
H.P.Lovecraft écrit
"Celephais".
Il y parle pour la première fois du plateau de Leng
et d'un mystérieux personnage au masque jaune (probablement
emprunté au "Roi en Jaune", livre de R. W.
Chambers) :
"Il vit beaucoups de merveilles, et une fois il échappa
de justesse au grand-prêtre, qu'on ne peut décrire,
qui porte un masque de soie jaune sur le visage et vit seul
dans un monastère de pierres préhistoriques,
sur le plateau désertique et glacé de Leng."
Ceux-ci apparaitront
à nouveau dans des oeuvres ultérieures...
- Janvier 1921 :
H.P.Lovecraft sort de sa "période dunsanyenne"
(1918-1921) où il subissait l'influence des histoires
poétiques de Dunsany, et se recentre vers des textes
mélangeant l'horreur et la science-fiction.
Il écrit "La Cité sans nom"(The Nameless
City) où il parle pour la première fois des écrits
d'Abdul Alhazred, un Arabe dément :
"C'est d'elle (la cité sans nom) qu'avait rêvé
une nuit Abdul Alhazred, le poète fou, avant de composer
ces vers énigmatique :
N'est pas mort pour toujours celui qui dort dans l'énernel,
Mais d'étranges éons rendent la Mort mortelle".
Ces vers seront souvent cités à nouveau dans
les récits ultérieurs de Lovecraft.
- 14 Août 1921 :
H.P.Lovecraft écrit "Les autres dieux" (The
Other Gods).
Il y est cité pour la première fois la ville de
Kadath où vivent les dieux de la Terre. Celle-ci apparaitra
à nouveau dans des oeuvres ultérieures :
"... Kadath (située) dans un désert glacé
qu'aucun homme ne traverse."
- 14 Décembre 1921 :
Dans une lettre à Reinhardt Kleiner, H.P. Lovecraft décrit
"le cauchemar la plus réaliste et horrible que j'ai
vécu depuis l'âge de dix ans". Il y cite pour
la première fois le nom de Nyarlathotep.
Dans ce rêve, il recevait une lettre de son ami Samuel
Loveman disant ceci :
"Ne manquez pas de voir Nyarlathotep, s'il arrive à
la Providence. Il est horrible, horrible au-delà de tout
ce que vous pouvez imaginer, mais merveilleux. Il hante chacune
de mes heures. Je reste frissonnant de tout ce qu'il a montré."
Lovecraft a laissé sur ce rêve les commentaires
suivants :
"Je n'avais jamais entendu le nom de Nyarlathotep avant,
mais semblais en comprendre le sens. Nyarlathotep est une sorte
de showman itinérant ou de conférencier qui a
fait des exposés dans des salles publiques et suscité
une peur généralisée. Ses expositions se
composaient de deux parties : d'abord une horrible video (éventuellement
prophétique), et plus tard quelques expériences
extraordinaires avec des appareils scientifiques et électriques.
Quand j'ai reçu la lettre, il me semblait me rappeler
que Nyarlathotep était déjà à Providence...
Il me sembla me rappeler que des personnes m'avaient chuchoté
leur crainte de ses horreurs, et m'avaient averti de ne pas
aller près de lui. Mais la lettre de rêve Loveman
me décida...
Quand j'ai quitté la maison, j'ai vu des foules d'hommes
traversant la nuit, avec des chuchotements effarés et
allant dans une même direction. Je suis allé avec
eux, peureux mais désireux de voir et d'entendre le grand,
l'obscur, l'ineffable Nyarlathotep. Aprés quoi le rêve
suivit presque exactement le déroulement de l'histoire
ci-jointe, sauf qu'il n'alla pas tout à fait aussi loin..."
Ce "texte ci-joint" c'est "Nyarlahotep",
développant ce qui avait été vu dans le
rêve :
"... Et c'est alors que Nyarlathotep est sorti d'Égypte.
Qui il était, nul ne pouvait le dire, mais il était
du vieux sang indigène et ressemblait à un pharaon.
Les fellahs se mirent à genoux quand ils le virent, et
pourtant ils n'osaient pas dire pourquoi. Il disait être
sorti de l'obscurité après une attente de vingt-sept
siècles, et prétendait avoir reçu des messages
provenant de l'extérieur de cette planète. Dans
les terres de la civilisation est venu Nyarlathotep, basané,
mince, et sinistre, achetant des instruments étranges
en verre et en métal pour les combiner en des instruments
encore plus mystérieux. Il a beaucoup parlé de
sciences, d'électricité et de psychologie, et
a donné des preuves de sa puissance qui ont laissé
ses spectateurs sans voix, lui conférant une extraordinaire
popularité. Les hommes se recommandaient d'aller voir
Nyarlatolep et frissonnaient. Mais là ou allait Nyarlatolep,
tout s’évanouissait ; car l'aube se levait emplie
de cris cauchemardesques."
- Juin 1922 :
H.P.Lovecraft commence à écrire un roman appelé
"Azathoth".
Celui-ci restera inachevé mais il nous en est resté
un fragment inséré dans un recueil de poêmes
en 1929-1930 (voir plus loin...).
On considère que ce projet de roman sera la source ultérieure
du livre "The Dream-Quest of Unknown Kadath".
- Septembre 1922 (ou Octobre 1921 ?) :
H.P.Lovecraft écrit "Le molosse" (The hound)
où il parle pour la première fois du vieux grimoire
écrit par Abdul Alhazred. Il s'agit du "Necronomicon"
:
"... la chose (une statue de chien ailé) dont
il est question dans le nécronomicon, l'ouvrage interdit
de l'Arabe dément Abdul Alhazred, le symbole spirituel
et spectral du culte nécrophage de l'inaccessible Leng,
au coeur de l'Asie centrale."
Ce livre sera souvent cité dans les récits ultérieurs
en tant que référence contenant des informations
sur les "Grands Anciens" et autres entités
démoniaques.
- Aout 1923 :
H.P.Lovecraft écrit "Les rats dans les murs"
(The Rats in the Walls) où il reparle de Nyarlathotep
:
"... ces cavernes grimaçantes du centre de la
terre où Nyarlathotep, le dieu fou sans visage, hurle
aveuglément au son de deux flûtistes idiots et
amorphes."
- Aout - Septembre 1926 :
H.P.Lovecraft écrit "L'appel de Cthulhu"
(The Call Of Cthulhu).
Ce livre est considéré comme le texte fondateur
du "mythe de Cthulu" (mais Lovecraft préférait
désigner ce mythe par "Yog-Sothoteries").
Le monstrueux Cthulu apparait ici pour la première
fois. Le texte le décrit ainsi, d'après une
statuette :
"... Cela semblait être une sorte de monstre,
ou un symbole représentant un monstre, une forme que
seul un malade mental pourrait concevoir. Si je relate que
mon extravagante imagination a produit des images simultanées
d'une pieuvre, d'un dragon et d'une caricature humaine, je
ne serais pas infidèle à l’esprit de cette
chose. Une tête pulpeuse, faite de tentacules, surmontée
d'un corps grotesque, muni d'ailes rudimentaires (...) Cela
représentait un monstre vaguement anthropoïde,
mais avec une tête de pieuvre, faite de nombreuses tentacules,
et un corps caoutchouteux. De prodigieuses griffes sur les
pattes avants et arrières, ainsi que de longues et
fines ailes. Cette chose surnaturelle, douée, apparemment,
d'une terrible malveillance, était quelque peu boursouflée..."
( Voir une représentation de Cthulhu par Lovecraft
: ICI )
Le texte explique que Cthulu faisait partie des créatures
extraterrestres appelées "Grands anciens"
/ "Vénérables Anciens" :
"Dans des âges incroyablement reculés,
d'autres êtres avaient régné sur la Terre.
Ils habitaient dans de grandes cités dont on trouvait
encore des vestiges sur certaines îles du Pacifiquee,
sous forme de pierres cyclopéennes. Ils étaient
tous morts bien avant l'arrivée des hommes, mais certaines
pratiques magiques pourraient les faire revivre quand les
étoiles occuperaient à nouveau une position
propice dans le cycle de l'éternité. Ils étaient
venus eux-mêmes des étoiles et avaient apporté
leurs images avec eux. Ces Grands Anciens de se composaient
pas de chair et de sang. Ils avaient une forme, comme le prouvait
l'abominable effigie façonnée sur une autre
planète, mais cette forme n'était pas faite
de matière. Quand les étoiles occuperaient une
position propice, ils pouvaient plonger d'un monde à
un autre à travers le ciel; quand elles étaient
disposées selon un ordre défavorable, ils ne
pouvaient plus vivre. Néanmoins, même s'ils ne
vivaient plus à l'heure actuelle, ils ne mourraient
jamais. Ils gisaient tous dans leurs demeures de pierre de
la grande cité de R'lyeh, conservée par les
sortilèges du puissant Cthulhu en prévision
d'une résurrection glorieuse, le jour où les
étoiles et la terre seraient prêtes une fois
de plus à les recevoir."
Les adorateurs de Cthulhu, qui attendent son retour à
la vie, le célèbrent régulièrement
par une formule qui reviendra souvent dans les textes de Lovecraft
:
"Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn."
Ce qui signifie : "Dans sa demeure de R'lyeh, le
défunt Cthulhu attend en rêvant" ou
"N'est pas mort ce qui à jamais dort et au
cours des siècles peut mourir même la Mort".
Cette ville de R'lyeh, engloutie dans le Pacifique, et où
Cthulu attend endormi, est positionnée ainsi par Lovecraft
: 47°9'S 126°43'W / -47.15, -126.717 (d'autres versions donnent : 47°9'S 120°43'W, 47°3'S 126°43'W ou 47°9'S 123°43'W)
Plus tard, August Derleth placera la cité à
49°51'S 128°34'W / -49.85, -128.567 dans sa nouvelle
"L'île noire".
Etrangement
ce lieu est trés proche du "point Nemo"
(48°50'S 123°20'W ), nom donné au pôle
maritime d'inaccessibilité, c'est-à-dire
le point de l'océan le plus éloigné
de toute terre émergée. Par une coincidence
étrange, c'est près de là également
(autour de 50° S 100° W) que fut détecté
un son gigantesque et encore énigmatique, le bloop.
Le bloop est le nom donné à un son d’ultra-basse
fréquence détecté à plusieurs
reprises durant l’été 1997. L’origine
de ce son demeure inconnue mais certains pensent qu'on
pourrait l'attribuer à un animal gigantesque, plus
grand que la baleine bleue. |
A noter que les adorateurs de Cthulhu (les humains qui attendent
son retour) prétendent être aidés dans
leur culte par des créatures mystérieuses appelées
"Ceux des ailes noires" :
"... Tous nièrent avoir pris part aux meurtres
rituels, perpétrés, affirmèrent-ils,
par Ceux des-Ailes-Noires ..."
- 1926 :
H. P. Lovecraft écrit ''L'étrange maison haute
dans la brume'' (The Strange High House in the Mist).
Le dieu Nodens, "Seigneur du Grand Abîme" y
est cité pour la première fois. Il a l'apparence
d'un vieillard chenu à la barbe grise :
"Sur le dos des dauphins se balançait un vaste
coquillage à l'intérieur duquel il y avait la
forme grise et terrible du primitif Nodens, le maître
du grand gouffre."
A noter qu'à l'origine Nodens était un dieu celtique,
appelé "Nuada" en irlande.
- Novembre 1926 :
H.P.Lovecraft écrit "L'affaire Charles Dexter Ward"
Le terrible Yog-Sothoth's y apparait pour la première
fois. Il est décrit comme une créature démoniaque
ressemblant à un conglomérat de bulles brillantes.
Son nom est évoqué dans plusieurs formules :
"Y’AI’NG’ NGAH
YOG - SOTHOTH
H’EE - L’GEB
FAl THRODOG
UAAAH !"
"OGTHROD AI’F
GEB’L — EE’H
YOG – SOTHOTH
’NGAH’NG AI’Y
ZHRO !"
- Novembre 1926-1927 :
H.P.Lovecraft écrit "A la recherche de Kadath l'inconnue"
("The Dream-Quest of Unknown Kadath")
La cité de kadath et une entité mystérieuse
appelée "Celui qu'on n'a pas besoin de nommer"
y sont évoquées :
"Quand Barzai le Sage escalada l’Hatheg-Kla pour
voir les Grands Anciens danser et hurler au clair de lune, au-dessus
des nuées, il ne revint jamais. Les Autres Dieux se trouvaient
là et ils avaient fait ce que l’on attendait d’eux.
Zenig d’Aphorat voulut atteindre Kadath, la cité
inconnue du désert glacé, et son crâne est
aujourd’hui enchâssé sur l’anneau passé
au petit doigt de Celui que je n’ai point besoin de nommer."
Il est dit que Kadath se trouve sur le plateau de Leng, là
où vit un personnage mystérieux portant un masque
jaune. (Certains ont cherché à identifier ce dernier
avec "Celui qu'on n'a pas besoin de nommer". Cependant
on peut plutôt penser qu'il a été copié
par Lovecraft dans une oeuvre de Robert W. Chambers : "Le
roi en jaune") :
"(Leng est) le lieu le plus affreux et le plus mal
famé, (...) où se trouve le monastère préhistorique
où vit en solitaire l'indescriptible Grand Prêtre
qui porte sur son visage un masque de soie jaune."
(...)
"... et là ... était une figure vêtue
de soie jaune avec du rouge et portant un masque jaune soie
sur son visage. En ce qui concerne l'homme aux yeux bridés,
il fait des signes avec ses mains, et le rôdeur de l'ombre
répond en levant une horrible flûte d'ivoire dans
ses pattes couvertes de soie et émet d'étranges
sons sous son masque de soie fluide."
Lovecraft mentionne aussi Azathoth en tant que démon
suprême du chaos, ainsi que Nyarlathotep en tant que son
messager :
"En dehors de l'univers ordonné, là où
est le fléau amorphe, d'une confusion sans limite, blasphémant
et bouillonnant au centre de toute infinité - le sultan
Azathoth, le demon sans frontières, nom qu'aucunes lèvres
n'osent prononcer à haute voix ; qui grignote, affamé,
dans d'inconcevables chambres obscures, au delà du temps,
sous le rythme étouffé et exaspérant d’infâmes
tambours accompagnés de la plainte légère,
monotone, de flûtes maudites ; suivies du martèlement
détestable de la lente danse, maladroite et absurde des
ultimes dieux gigantesques, l'aveugle, le muet, le ténébreux,
ainsi que d'autres dieux insensés, dont l’âme,
le messager, n'est autre que le chaos rampant, Nyarlatolep."
Nyarlathotep apparait ici sous la forme d'un pharaon vivant
à Kadath, mais aussi sous celle du messager des êtres
démoniaques appelés "Grands Anciens".
Les plus terribles de ces derniers étant appelés
"Les Autres Dieux" et leur chef étant le "sultan
des démons" (Azathoth) :
"Il savait qu’il n’était pas au-delà
des pouvoirs d’un mortel de tenir tête aux Grands
Anciens, et il s’en était remis à la chance
pour éviter que les Autres Dieux et Nyarlathotep, le
chaos rampant, ne viennent les épauler en cet instant
crucial, comme ils l’avaient si souvent fait lorsque des
hommes cherchaient à débusquer les dieux de la
Terre jusque dans leurs résidences ou sur leurs montagnes."
(...)
"Alors, avançant d’un pas majestueux dans
la vaste allée qui séparait les deux colonnes,
apparut un personnage mince et de haute taille, avec le visage
juvénile d’un pharaon de l’Antiquité
; sa robe aux couleurs chatoyantes était gaie et il était
coiffé d’un pschent en or qui luisait de sa propre
lumière. La présence royale s’approcha de
Carter ; dans son port fier et ses traits élégants
transparaissait le magnétisme d’un dieu noir ou
d’un archange déchu, et dans ses yeux s’embusquait
l’étincelle indolente d’un caractère
capricieux. Il parla, et dans sa voix suave pointait la musique
insensée des ondes du Léthé (...)
Randolph Carter, dit la voix, tu es venu t’adresser aux
Grands Anciens que les hommes n’ont pas le droit de voir.
Des guetteurs l’ont rapporté aux Autres Dieux,
qui ont grondé alors qu’ils se dandinaient en désordre
au son des minces flûtes, dans les ténèbres
du vide suprême où rêve le sultan des démons
dont nulle lèvre n’ose prononcer le nom (...)
Dirige-toi sur Véga dans la nuit, mais détourne-toi
en entendant le chant. N’oublie pas cette recommandation,
de peur que d’inconcevables horreurs ne t’aspirent
dans l’abîme de la folie hurlante. Souviens-toi
des Autres Dieux ; ils sont puissants, sans esprit et terrifiants,
et ils rôdent dans le vide extérieur. Ce sont là
des dieux qu’il vaut mieux fuir (...)
Prie l’espace tout entier de ne jamais me rencontrer sous
mes mille autres formes. Adieu, Randolph Carter, et prends garde
; car je suis Nyarlathotep, le Chaos Rampant !"
Lovecraft cite cependant une divinité favorable aux humains,
Nodens, dont c'est la 2ème apparition. Ce sera l'unique
divinité secourable qui apparaitra dans son oeuvre :
"Avec son escorte hideuse, il avait même songé
à défier les Autres Dieux s’il le fallait,
sachant que les goules n’ont pas de maître et que
les faméliques de la nuit obéissent non à
Nyarlathotep, mais à Nodens chargé de siècles.
(...)
"Des cris déchirèrent l’éther
tandis que des rubans de lumière repoussaient les démons
venus de l’extérieur. Et Nodens le chenu poussa
un hurlement de triomphe quand Nyarlathotep, talonnant sa proie,
s’arrêta, confondu, devant un flamboiement qui flétrit
ses informes horreurs chasseresses et les changea en poussière
grise."
Sont évoquées également des créatures
appelées "Bholes" qui vivent dans la vallée
de Pnath :
"Maintenant Carter savait de source certaine qu'il
était dans la vallée de Pnath, où rampent
et creusent des Bholes énormes, mais il ne savait pas
à quoi s'attendre, parce que personne n'a jamais vu un
Bhole, ni même deviné ce qu'une telle chose peut
être. Les Bholes ne sont connus que par le sombre bruissement
qu'ils font parmi les montagnes d'os et par la bave gluante
qu'ils laissent quand ils passent en se tortillant. Ils ne peuvent
pas être vus, car ils rampent seulement dans l'obscurité."
- 1926
- 1927 :
H.P.Lovecraft écrit
"Epouvante
et surnaturel en littérature" (Supernatural Horror
In Literature).
Il y explique ceci au sujet du "Signe Jaune", livre
écrit par Robert W. Chambers en 1895 :
"... ce talisman est bien le signe jaune sans nom
transmis par la secte maudite d'Hastur à partir de
la primordiale Carcosa ... "
Ce "signe jaune" , Hastur et Carcosa seront plus
tard repris par Lovecraft et intégrés dans une
de ses histoires ...
- 1927 (?) :
H.P.Lovecraft écrit "L'histoire du Nécronomicon".
On y apprend ceci :
"Son titre original est Al Azif. Azif étant
le nom que les Arabes donnaient au bruit émis par des
insectes qu'on entend la nuit et qui est censé être
le hurlement des démons..."
En réalité le mot 'azif désigne l'ambiance
sonore du désert, le sifflement du vent notamment, qui
est assimilée aux cris des djinns dans les anciennes
croyances arabes.
Lovecraft écrit également celà :
"Composé par Abdul Alhazred, un poète
fou de Sanaá, au Yémen, dont on dit qu’il
fleurissait à l’époque des califes Omeyyades,
vers 700 ap. J.C. Il visita les ruines de Babylone et les souterrains
secrets de Memphis, et passa dix ans seul dans le grand désert
au sud de l’Arabie, le Rub al-Khali ou « Espace
Vide » des anciens arabes, et le désert 'Dahna'
ou 'Cramoisi' des arabes modernes, que l’on croit peuplé
d’esprits protecteurs maléfiques et de monstres
de mort. Sur ce désert, bien des merveilles étranges
et incroyables sont racontées par ceux qui prétendent
y avoir pénétré. Dans ses dernières
années, Alhazred vécut à Damas, où
le Nécronomicon (Al Azif) a été écrit,
et sur sa mort définitive ou sa disparition (738 ap.
J.C.), bien des choses abominables et contradictoires ont été
racontées. Ibn Khallikan (biographe du XIIeme siècle)
dit qu’il fut saisi en plein jour par un monstre invisible
et horriblement dévoré devant un grand nombre
de témoins glacés d’effroi. Sur sa folie,
on raconte beaucoup de choses. Il prétendait avoir vu
la fabuleuse Irem, la Cité des Piliers, et avoir trouvé
sous les ruines d’une certaine ville sans nom du désert
les annales bouleversantes et les secrets d’une race plus
vieille que l’humanité. Il fut un musulman peu
fervent et vénérait des entités inconnues
qu’il appelait Yog-Sothoth et Cthulhu..."
Lovecraft y cite
également "Le Roi en Jaune", livre écrit
par Robert W. Chambers et qui semble l'avoir marqué
:
"L'ouvrage,
rigoureusement interdit par la plupart des gouvernements de
la planète, ainsi que par toutes les organisations
religieuses, est donc peu connu du grand public. On dit que
les rumeurs auxquelles il a donné naissance ont fourni
à R. W. Chambers l'idée de son premier roman,
Le Roi en Jaune."
En fait, c'est
plutôt le contraire : C'est le "Roi en jaune",
terrible livre interdit (mais fictif), qui a donné
l'idée du "Nécronomicon".
- 1927- 1928 :
H.P.Lovecraft et et Adolphe de Castro écrivent "Le
dernier test" ("The Last Test").
Le nom de Shub-Niggurath y apparait pour la première
fois. C'est aparemment une divinité qui était
adorée au Yémen, conjointement avec les entités
Nug et Yeb :
"J'ai parlé au Yémen, avec un vieil homme
qui était revenue du désert de Crimson désert.
Il avait vu Irem, la Ville des piliers, et avait participé
à des cérémonies dans les sanctuaires souterrains
de Nug et Yeb. Ia ! Shub-Niggurath ! "
- 1928 :
H.P.Lovecraft et Zealia Bishop écrivent "La malédiction
de Yig" ("The Curse of Yig") .
Une sorte de dieu-serpent y apparait sous le nom de Yig.
- Juillet-Août 1928 :
H.P.Lovecraft écrit "L'abomination de Dunwich".
Yog-Sothoth y apparait comme étant le gardien de la porte
retenant les Grands Anciens (probablement les créatures
citées dans "L'appel de Cthulhu"). Shub-Niggurath
et Cthulhu y apparaissent également :
"Les Anciens ont été, les Anciens sont
encore, les Anciens seront toujours. Non point dans les espaces
connus de nous, mais entre ces espaces. Primordiaux, sans dimensions,
puissants et sereins, ils sont invisibles à nos yeux.
Yog-sothoth connaît le portail. Il est le portail. Yog-sothoth
est la clef et le gardien du portail. Passé, présent,
futur, tous sont Yog-Sothoth. Il sait quand les Anciens ont
surgi, et quand ils surgiront de nouveau. Il sait quelles terres
ils ont parcourus et quelles terres parcourront à nouveau,
et pourquoi nul ne peut arrêter leur avancée (...)
dans les déserts glacés, Kadath les a connus,
mais quel homme a jamais connu Kadath ? Le désert de
glace du sud et les îles englouties de l'océan
renferment des pierres où leur sceau est gravé,
mais qui a jamais vu la profonde cité prisonnière
du gel ou la tour hermétiquement close longtemps ornée
de guirlandes d'algues et de bernacles ? Le Grand Cthulu est
leur cousin et il ne les discerne qu'imparfaitement. Ia ! Shub-Niggurath
! Vous les connaitrez comme une immonde abomination. Leur main
vous étreint la gorge et vous ne les voyez pas; et leur
demeure ne fait qu'un avec votre seuil bien protégé.
Yog-Sothoth est la clé et la porte par laquelle ls sphères
se rencontreront. L'homme règne à présent
où ils régnaient jadis; ils régneront bientôt
où l'homme règne à présent."
Yog-Sothoth semble être le père de la créature
monstrueuse apparaissant dans l'histoire :
"Plus grosse qu'une grange... toute faite de cordes
qui se tortillent ... elle est faite comme un oeuf de poule
plus grosse que je ne pourrai dire, avec des dousaines de jambees
pareilles à des tonneaux, qui se plient en deux quand
elle marche ... il n'y a rien de solide la-dedans, c'est comme
de la gelée et c'est fait de cordes qui se tortillent
les unes contre les autres... il y a des gros yeux saillants
tout partout ... et dix ou vingt bouches ou trompes qui dépassent
de tous les cotés, grosses comme des tuyaux de poêle,
et qui se balancent, s'ouvrent et se mettent bout à bout
... toutes grises avec des anneaux bleus ou violets..."
- Novembre-Décembre 1929 :
H.P.Lovecraft et Zealia Bishop écrivent "La butte"
("The Mound").
Cthulu apparait ici sous la forme "Tulu" :
"Je ne pouvais pas alors identifier la figure à
tête de poulpe à la chose qu'on retrouvait sur
la plupart des cartouches ornés, et que le manuscrit
appelait 'Tulu'. Récemment je l'ai associée, et
les légendes dans le manuscrit aussi, avec le monstrueux
Cthulhu du folklore, une horreur qui s'est infiltrée
en venant des étoiles alors que la terre était
encore jeune, à demi-formée."
Shub-Niggurath est également cité :
“Ils sont plus vieux que la terre, et sont venus ici d'ailleurs.
Ils savent ce que vous pensez et peuvent vous faire savoir ce
qu'ils pensent. Ils sont mi-hommes, mi-fantômes. Ils ont
franchi la frontière pour prendre forme à nouveau,
encore et encore, et nous sommes tous leurs descendants, les
enfants de Tulu - toujours représenté en or- de
monstrueuse bêtes à demi-humaines, des esclaves
morts. Folie ! Ia ! Shub-Niggurath !"
Azathoth et Nyarlathotep sont cités aussi :
"Là-bas, avant qu'il n'y ait des êtres
vivants. Plus âgés que les dinosaures. Ce sont
toujours les mêmes, ils sont seulement plus faible mais
jamais mort (...) Les mêmes êtres mi-hommes, mi-fantômes,
des morts qui marchent et travaillent. Oh, ces bêtes,
ces demi-humains aux maisons et aux villes en or ! Vieux, vieux,
vieux, plus vieux que le temps, des étoiles sont descendus
le Grand Tulu, Azathoth et Nyarlathotep. Ils attendent ..."
Yig apparait également :
"Ils adoraient Yig, le grand père des serpents,
et Tulu, l'entité à tête de poulpe qui les
avait amené en traversant les étoiles. On apaisait
ces deux monstruosités hideuse par des sacrifices humains
offerts d'une façon très curieuse..."
Le dieu Tsathoggua y apparait pour la première fois.
Il est décrit comme un être ressemblant à
un crapaud, venu du monde souterrain de N'kaï (En fait
Lovecraft a emprunté cet être au livre "Le
conte de Satampra Zeiros" écrit par Clark Ashton
Smith en 1929) :
"C'est un simple temple de basalte, abandonné
et sans la moindre gravure, n'abritant qu'un piédestal
en onyx... Une imitation de certains temples, décrits
dans les caves de Zin, érigé pour recueillir une
terrifiante et sombre idole-crapaud, que l'on trouve dans les
mondes rouges et surnommée Tsathoggua dans les manuscrits
yothiques. Il fut, en son temps, un dieu puissant et largement
vénéré, et ce fut suite à son adoption
par le peuple K’n-yan que son nom fut donné à
la cite qui devint plus tard la plus puissante de la région.
Les légendes Yothiques racontent qu'il est venu d'un
mystérieux univers intérieur sous le monde rouge,
un sombre royaume privé de lumière, où
vivent des êtres aux sens étonnants, qui connurent
jadis de grandes civilisations et de puissants dieux. Cela avant
même l'apparition des premiers reptiles de Yoth.
Beaucoup d'images de Tsathoggua existaient à Yoth, et
on a pensé qu'elles provenaient du monde noir intérieure,
et les archéologues Yothiques estimaient qu'elles représentaient
la race éteinte de ce royaume. Le royaume noir appelé
N'kai dans les manuscrits Yothiques avait été
exploré de manière aussi approfondie que possible
par ces archéologues, et ses auges de pierre singulière
ou ses terriers avaient suscité des spéculations
infinies.
Lorsque les hommes de K'n-yan ont découvert le monde
rouge intérieur et déchiffré ses manuscrits
étranges, ils ont repris le culte de Tsathoggua et ramené
toutes les images effroyables de ce crapaud à la terre
de la lumière bleue pour les loger dans les sanctuaires
de Yoth. (...) Ce culte prospéra jusqu'à presque
rivaliser avec les anciens cultes de Yig et de Tulu..."
Les cultes de Shub-Niggurath et de "Celui-que-l'on-ne-doit-pas-nommer"
semblent avoir ensuite supplanté celui de Tsathoggua
:
"Nous avons découvert un temple abandonné
dédié Tsathoggua, mais il avait été
transformé en mausolée de Shub-Niggurath, la mère
et l’épouse de Celui-que-l'on-ne-doit-pas-nommer.
Cette déesse ressemblait à une astarte sophistiquée,
et son culte frappait les pieux catholiques, pour être
extrêmement odieux."
- Fin 1929 - Janvier 1930 :
H.P.Lovecraft écrit "Les champignons de Yuggoth"
("Fungi of Yuggoth"), un recueil de poêmes.
Le poème 20 s'appelle "Les gants de la nuit".
On y parle pour la première fois des "Shoggoths"
mais sans préciser ce qu'ils sont :
"... descendant les profonds abysses cachant de fétides
lacs,
Où les shoggoths haletants étaient plongés
en un douteux sommeil,..."
Le poême 21 s'appelle "Nyarlathotep". Il s'inspire
visiblement du rêve que Lovecraft avait fait en 1920 :
"Et en dernier en la profonde Égypte vint
L’étrange Etre noir devant lequel les fellahs s’inclinaient,
Silencieux, énigmatique, maigre et profondément
fier
Et drapé de vêtements rouges comme les feux du
soleil couchant,
Des créatures se pressaient autour, frénétiques
et à ses ordres,
Mais ne pouvant dire ce qu’elles avaient entendu,
Alors qu’au travers des nations se propageaient ses mots
d’émerveillement
Les bêtes sauvages le suivaient et lui léchaient
les mains.
Bientôt du fond de la mer commença une naissance
pernicieuse
Terres oubliés aux clochers envahis par les mauvaises
herbes et aux flêches dorées,
Le sol en était crevassé, et de folles aurores
descendaient
Sur les tremblantes citadelles des hommes.
Alors, écrasant la moisissure comme par jeu
Le chaos idiot souffla sur la Terre, la renvoyant à la
poussière."
Le poème 22 s'appelle "Azathoth" et correspond
probablement à ce qu'il reste du livre avorté
de Lovecraft en 1922 :
"Au-delà de l’espace connu le démon
m’attendait,
Passés les lumineux fragments de notre place
Jusqu’à l’endroit où ni temps ni matière
n’étaient,
Mais seulement le chaos, sans forme ni réelle composition,
Là était le seigneur de Tout dans les ténèbres
emprisonné,
Les choses qu’il rêvait mais qui ne pouvaient être
comprises
Comme des choses chauves-souris virevoltaient et voltigeaient
En d’idiots tourbillons que des vaporeuses lumières
bousculaient.
Elles dansaient follement depuis les hauteurs, couinant faiblement,
Au son de monstrueuses flûtes lancées en d’infernaux
rythmes,
Et les combinaisons sans but de leurs incessantes vagues
Donnaient au fragile cosmos sa loi éternelle.
'Je suis son messager', disait le démon
Et comme par mépris il frappait le menton de son maître."
- 1930 :
H.P.Lovecraft écrit "Celui qui chuchotait dans les
ténèbres" ("The Whisperer in Darkness").
Azathoth, démon du chaos, y est évoqué
à nouveau dans un passage :
"Je frémis d'horreur en entendant la description
du monstrueux chaos nucléaire au-delà de l'espace
angulaire que le Nécronomicon voile miséricordieusement
sous le nom d'Azathoth."
Ici apparaissent pour la première fois les Mi-gos, des
extratrerrestres originaires de Yuggoth (Pluton). Etant décrits
comme mi-crustacés, mi-champignons, c'est peut-être
eux qui étaient évoqués dans le titre du
recueil de poêmes "Les champignons de Yuggoth".
Un passage nous les représente :
"Ces choses rosâtres mesuraient environ 5 pieds
de long; leurs corps de crustacés étaient affublés
de larges nageoires dorsales, où d'ailes membraneuses,
avec plusieurs paires de membres articulés, une espèce
d'ellipsoîde couvert d'une multitude de courtes antennes
leur tenait lieu de tête.
(...)
En fait, la plupart des rumeurs avaient plusieurs points en
commun; affirmants que ces créatures ressemblaient à
de gros crabes rouges clairs, muni de nombreuses pattes, ainsi
que de deux ailes membraneuses dans le dos.
(.....)
Ils tiennent du végétal plus que de l'animal (si
on peut appliquer ces termes à la matière qui
les compose). Leur structure est sensiblement fongoïde
mais la présence de chlorophylle et d'un curieux système
nutritif les différencie totalement des champignons cormophytiques.
En réalité ils sont faits d'une matière
inconnue de nous, dont les électrons ont une vitesse
de vibration différente."
Ici, ce sont ces créatures extraterrestres qui sont identifiées
aux "Anciens" :
"En ce qui concerne la nature de ces derniers, les
explications différaient. généralement
on les appelait 'Ceux-là' ou encore 'les Anciens', bien
qu'il eût existé d'autres noms locaux."
Ces créatures sont dites avoir connu Cthulhu et Tsathoggua
:
"Ils sont arrivés avant la fin de la fabuleuse
époque de Cthulu et ils se rappellent la cité
de R'lyeh qui émergeait alors au-dessus des eaux.
(...)
Ils ont également été sous terre - il y
a des ouvertures dont les hommes ne savent rien - certaines
se trouvent dans les collines du Vermont - de grands mondes
inconnus gisent là bas. K'n-yan la bleue, Yoth la rouge,
et l'obscure N’kai, dénuée de lumière.
C'est de cette dernière cité que vint Tsathoggua
- vous savez, cette creature batracienne, mentionnée
dans les manuscrits Pnakotiques, le Necronomicon et le cycle
mythologique de Commotion, préservé par le grand
prêtre atlante Klarkash-ton."
Ces êtres étaient appelés "Ceux des
ailes noires" par les Indiens Pennacooks. Celà les
idéntifierait donc aux étranges créatures
qui étaient en contact avec les adorateurs de Cthulhu
dans le texte "L'appel de Cthulhu" :
"Ils enseignaient que Ceux-des-ailes-noires venaient
de la grande Ourse..."
Ces créatures semblent également avoir vénéré
ou adoré tous les êtres démoniaques et les
"Grands Anciens" cités dans les autres oeuvres
de Lovecraft :
"Loués à jamais soient le grand Cthulhu,
Tsathoggua et Celui que l'on ne doit pas nommer ! Que retentissent
à jamais leurs louanges et que soit accordée l'abondance
au Bouc noir des forêts ! Iä! Shub-Niggurath ! Le
Bouc aux mille chevreaux !
(...)
A Nyarlahotep, le puissant messager, tout doit être rapporté.
Et il prendra la ressemblance des hommes, le masque de cire
et la robe qui dissimule, et il descendra du monde des sept
soleils pour se moquer...."
C'est la seule et unique fois que le nom d'Hastur apparait chez
Lovecraft, cité au milieu d'une liste mélangeant
des noms de "Grands Anciens" et des noms géographiques
:
"Je lus des noms et des termes que j'avais déjà
entendu ailleurs et que je savais avoir trait aux mystères
les plus hideux : Je me suis retrouvé confronté
à des noms et à des termes que j'avais entendu
ailleurs, faisant référence à des choses
hideuses - Yuggoth, le grand Cthulhu, Tsathoggua, Yog-Sothoth,
R’lyeh, Nyarlathotep, Azathoth, Hastur, Yian, Leng, le
lac de Hali, Bethmoora, le signe jaune, L’mur-Kathulos,
Bran, et le Magnum Innominandum ("Le grand qui ne doit
pas être nommé") et je me suis sentit aspiré
par des eons sans noms et d'inconcevables dimensions, vers des
mondes d'une essence plus ancienne et plus lointaine, que l'auteur
dément du Necronomicon n'avait que vaguement pressentis."
A noter que Hastur et "Celui qui ne doit pas être
nommé" sont écrits séparément
dans cette liste. Celà dément l'opinion de certains
qui voudraient identifier ces deux entités.
Un autre passage relie cependant le Hastur de Lovecraft avec
le "signe jaune" :
"Il existe tout un culte d'hommes maléfiques
(un homme de votre érudition mystique comprendra lorsque
je ferais le lien avec Hastur et le signe jaune) dévoué
à la chasse de ces créatures, les blessant, au
nom des monstrueuses puissances des autres dimensions."
En fait
le nom d'Hastur, le "lac de Hali" ainsi que
le "Signe jaune" (qu'on peut rapporter au
prêtre au masque jaune décrit dans "A
la recherche de Kadath l'inconnue") ont été
repris par Lovecraft à une oeuvre de Robert W.
Chambers (1895) : "Le roi en jaune", un recueil
de nouvelles fantastiques.
Dans ce recueil, la nouvelle "La cour du dragon"
fait apparaitre le terrible "Roi en Jaune".
La cité de Carcosa est également citée.
Elle est proche du lac de Hali, là où
on l'on peut voir des étoiles noires dans le
ciel :
"Je levai mes yeux vers cette lueur infinie,
et vis les étoiles noires suspendues dans le
ciel ; et le vent humide du lac de Hali vint glacer
mon visage.
Alors, très loin, par-delà les vagues
de nuages qui roulaient sur des lieues et des lieues,
je vis la lune ruisselante d'écume et plus
loin encore, derrière la lune, s'élevaient
les tours de Carcosa. (...)
Et, sombrant dans l'abîme, j'entendis le Roi en
Jaune qui chuchotait à mon âme :
'C'est une chose terrible que de tomber entre les mains
du Dieu vivant !'"
Dans la nouvelle
"Le réparateur de réputation",
on voit que Carcosa et le lac de Hali se trouvent sur
une autre planète accompagnée de deux
soleils :
"...
je ne peux pas oublier Carcosa où le ciel est
parsemé d'étoiles noires, où l'ombre
des pensées des hommes s'allonge dans l'après-midi,
où les soleils jumeaux s'enfoncent dans le lac
de Hali, et mon esprit sera toujours hanté par
le souvenir du Masque Blême."
Dans la "Chanson
de Cassilda", on voit que cette planète
possède également deux lunes :
"Au long du lac se brisent les vagues de nuages
Les deux soleils jumeaux meurent sur ses rivages
Et les ombres s'allongent
Sur Carcosa
Si étrange est la nuit sous les étoiles
noires
Si étranges les lunes qui tournent au ciel du
soir
Mais plus étrange encore
Est Carcosa."
Le nom "Hastur" est cité, mais il n'est
pas clair de savoir ce que ce mot désigne.
Dans la nouvelle "Le Masque", Hastur est un
astre, ainsi que le prouve ce passage :
"Je pensai aussi au Roi en Jaune, enveloppé
des couleurs fantastiques de son manteau en lambeaux,
et au cri désespéré de Cassilda
: 'Pas sur nous, Ô Roi, pas sur nous !'. Je luttais
fiévreusement pour chasser ces idées mais
je vis le lac de Hali, fluide et vierge, sans un souffle
de vent pour l'agiter, et je vis les tours de Carcosa
derrière la lune. Aldébaran, les Hyades,
Alar, Hastur défilaient à travers les
nuages qui flottaient et bruissaient comme les haillons
festonnés du Roi en Jaune."
Dans la nouvelle "Le Réparateur de réputations",
il semble être également un astre ainsi
que le suggère le passage suivant :
"Il mentionna l'établissement de la
dynastie à Carcosa, les lacs qui relient Hastur,
Aldébaran et le mystère des Hyades. Il
parla de Cassilda et de Camilla et explora les profondeurs
nébuleuses de Demhe et du lac de Hali. 'Les haillons
festonnés du Roi en Jaune doivent dissimuler
Yhtill pour toujours', murmura-t-il, mais je ne crois
pas que Vance l'entendit. Ensuite il fit suivre à
Vance, petit à petit, les ramifications de la
famille impériale jusqu'à Uoht et Thale,
de Naotalba et du Fantôme de la Vérité
jusqu'à Aldones, puis repoussant le manuscrit
et les notes, il commença à raconter la
prodigieuse histoire du Dernier des Rois.."
Peut-être
que Alar et Hastur sont les noms des deux lunes de cette
planète ?
Mais d'autres passages de la même nouvelle semblent
indiquer qu'Hastur est un membre de la dynastie des
rois jaunes de Carcosa (dont l'emblême est le
Signe jaune) :
"Je lui montrai les milliers de noms que M.
Wilde avait rassemblés : chacun de ces hommes
avait reçu le Signe Jaune, qu'aucun être
humain vivant n'ose dédaigner. La ville, l'état,
le pays entier étaient prèts à
se soulever et à trembler devant le Masque Blême.
Le temps était venu, le peuple devait apprendre
à connaitre le fils d'Hastur et le monde entier
devait s'incliner devant les étoiles noires qui
brillent au ciel de Carcosa.
(...)
Puis
je revêtis la robe de soie blanche, brodée
du Signe Jaune, et posai la couronne sur ma tête.
Enfin j'étais Roi, Roi de par mon droit en Hastur,
Roi parce que je connaissais les mystères des
Hyades et que mon esprit avait sondé les profondeurs
du lac de Hali. J'étais Roi !"
Dans la nouvelle "Le Signe Jaune", Hastur
semble également être une personne (encore
que rien ne s'oppose à ce que ce soit un astre),
ainsi que le suggère ce passage :
"Nous continuâmes à parler sans
voir les ombres qui tombaient et elle me suppliait de
jeter cette broche d'onyx noir qui, nous le savions
maintenant, portait le Signe Jaune. Je ne sais pas pourquoi
je refusai et même aujourd'hui, alors que j'écris
cette confession depuis ma chambre, je donnerais cher
pour savoir ce qui m'a empèché d'arracher
le Signe jaune de ma poitrine et de le jeter au feu.
Je suis sûr qu'au fond de moi je désirais
le faire, et pourtant c'est en vain que Tessie m'en
supplia. La nuit tomba et les heures continuaient à s'écouler
mais nous parlions toujours du Roi et du Masque Blafard,
et minuit sonna aux clochers de la ville noyée
de brume. Nous parlions de Hastur et de Cassilda alors
qu'au-dehors le brouillard tourbillonnait aux fenêtres,
tout comme des vagues de nuages roulent et se brisent
sur les rivages de Hali."
Dans la nouvelle "La Demoiselle d'Ys", Hastur
n'est plus que le nom d'un fauconnier :
"'Voici mes piqueurs', dit la jeune fille,
se tournant vers moi d'un air plein de dignité.
'Raoul est un bon fauconnier ; un jour je le ferai grand
veneur. Quant à Hastur, il est incomparable'."
L'interprétation de James Blish et Robert M.
Price, selon laquelle Hastur est une ville située
au bord du lac de Hali, ne repose donc sur aucun fondement.
En fait, Robert W. Chambers avait lui-même repris
Hastur, Hali, Alar et Carcosa dans "Can such things
be" ("De telles choses sont-elles possibles ?", 1893), un recueil de nouvelles d'Ambrose Bierce.
Dans la nouvelle "La Mort de Halpin Frayser", écrite par Bierce,
on trouve une citation d'un certain Hali (un écrivain
arabe ?) concernant les morts-vivants.
Dans la nouvelle "Un Habitant de Carcosa",
on trouve une citation du même Hali concernant
les revenants. Et Alar, un homme mort, y apercoit Aldébaran
et les Hyades dans le ciel bien qu'on soit en plein
jour, et il découvre sa propre tombe près
des vestiges de Carcosa.
Dans la nouvelle "Haïta le berger", Hastur
est le dieu des bergers, puissant mais bon.
|
- 7 novembre 1930 :
H.P.Lovecraft écrit une lettre à Clark Ashton
Smith.
Il y cite pour la première
fois le "Signe des Anciens" :
"Je vous
remercie à nouveau pour le nom de Tsathoggua que j'utilise
dans mon dernier récit, et en espérant voir
d'autres produits de votre plume, j'y ajoute le Signe des
Anciens et le Sceau de N'gah, donnés dans le Cycle
Noir de Y'hu."
Et il dessine ce
"Signe des Anciens" sous cette forme :
- Février - Mars 1931 :
H.P.Loveraft écrit "Les montagnes hallucinées"
( inspiré des "Aventures d’Arthur Gordon Pym"
d'Edgar Poe, 1838).
Ici apparaissent encore les Grands Anciens / Vénérables
Anciens. Mais cette fois ils sont identifiés à
des extraterrestres crinoîdes, à la tête
en forme d'étoile, ayant jadis vécu sur le plateau
de Leng en Antarctique (Parfois on donne le nom de "Choses
trés anciennes" à ces créatures pour
les différencier des "Grands Anciens") :
"L’objet a huit pieds de long en tout. Le torse
en tonneau de six pieds, à cinq arêtes, fait trois
pieds et demi de diamètre au centre, un pied aux extrémités.
Gris foncé, élastique et d’une très
grande fermeté. Les ailes membraneuses de sept pieds,
même couleur, trouvées repliées, sortent
des sillons entre les arêtes. Armature tubulaire ou glandulaire
gris clair, avec orifices au bout des ailes. Déployées,
elles ont les bords en dents de scie. Autour de la région
centrale, au milieu de chacune des saillies verticales en forme
de douve, on trouve cinq organes gris clair, bras ou tentacules
flexibles étroitement repliés contre le torse
mais qui peuvent s’étendre jusqu’à
une longueur de trois pieds. Tels les bras des crinoïdes
primitifs. Chaque tige de trois pouces de diamètre se
ramifie au bout de six pouces ecinsous-tiges, chacune se ramifiant
aubout de huit pouces en cinq petits tentacules ouvrilles effilées,
cequi donne pour chaque tige un total de vingt-cinq tentacules.
Au sommet du torse, un cou court et bulbeux, gris plus clair,
avec des sortes de branchies, porte ce qui semble une tête
jaunâtre en forme d’étoile de mer à
cinq branches, couverte de cils drus de trois pouces, des diverses
couleurs du prisme. Tête épaisse et gonflée
d’environdeux pieds d’une pointe à l’autre,
avec des tubes flexibles jaunâtres de trois pouces sortant
au bout de chaque pointe. Au sommet, une fente, juste au centre,
probablement un orifice respiratoire. Au bout de chaque tube,
une expansion sphérique où unemembrane jaunâtre
se replie sous le doigt, découvrant un globe vitreux
d’un rouge iridescent, un œil évidemment.
Cinq tubes rougeâtres un peu plus longs partent des angle
sintérieurs de la tête en étoile et finissent
en renflements, comme des sacs de même couleur qui, sous
la pression, s’ouvrent sur des orifices en forme de calice
de deux pouces de diamètre, bordés de sortes de
dents blanches et aiguës. Tous ces tubes, cils et pointes
de la tête en étoile de mer étroitement
repliés; tubes et pointes collés au cou bulbeux
et au torse.Surprenante souplesse en dépit de l’extrême
fermeté.
Au bas du torse se trouvent des équivalents rudimentaires
des dispositifs de la tête, mais aux fonctions différentes.
Un pseudo-cou bulbeux gris clair, sans branchies, porte un organe
verdâtre en étoile à cinq branches. Bras
durs et musculeux de quatre pieds de long, s’amenuisant
de sept pouces de diamètre à la base jusqu’à
deux et demi environ à l’extrémité.
À chaque pointe se rattache le petit côté
d’un triangle membraneux verdâtre à cinq
nervures de huit pouces de long et six de large au bout. C’est
là la pagaie, l’aileron ou le pseudopode qui a
laissé les empreintes sur les roches vieilles de mille
millions à cinquante ou soixante millions d’années.
Des angles intérieurs du dispositif en étoile
sortent des tubes rougeâtres de deux pieds s’effilant
de trois pouces de diamètre à la base jusqu’à
un au bout. Orifices aux extrémités. Tous ces
éléments coriaces comme du cuir mais extrêmement
flexibles. Des bras de quatre pieds avec des palettes certainement
utilisées pour une forme de locomotion, marine ou autre.
Suggèrent, quand on les déplace, une puissance
musculaire démesurée. Tous ces appendices trouvés
étroitement repliés sur le pseudo-cou et à
l’extrémité du torse comme ceux de l’autre
bout.
Je ne puis encore trancher entre le domaine végétal
et l’animal, mais les chances maintenant sont en faveur
de l’animal. Il représente sans doute une révolution
incroyablement poussée de radiolaire, sans avoir perdu
certains de ses caractères primitifs. Rapprochements
indiscutables avec les échinodermes malgré signes
locaux contradictoires. La structure des ailes laisse perplexe
étant donné l’habitat probablement marin,
mais
elles pouvaient servir à la navigation. La symétrie
est curieusement végétale, évoquant la
structure de la plante selon l’axe haut-bas, plutôt
que celle de l’animal dans l’axe avant-arrière..."
(...)
"Ils furent les créateurs et les tyrans de cette
vie, et sans aucun doute les modèles des vieux mythes
démoniaques auxquels font allusion les Manuscrits pnakotiques
et le Necronomicon dans des textes épouvantables. Ils
étaient les Grands Anciens qui s’étaient
infiltrés depuis les étoiles sur la Terre encore
jeune– ces êtres dont une évolution extraterrestre
avait façonné la substance et dont les pouvoirs
étaient tels que la planète n’en avait jamais
connu."
Ces Crinoîdes auraient connu des affrontements avec les
extraterrestres de Cthulhu, déjà cité :
"Une autre race – race terrestre d’êtres
en forme de pieuvres, probablement la fabuleuse progéniture
préhumaine de Cthulhu–commença bientôt
à s’infiltrer du fond des infinis cosmiques, et
déclencha une guerre monstrueuse qui, pour un temps,
ramena tout à fait les Anciens à la mer –
un coup terrible pour les colonies terrestres en plein développement.
Plus tard on fit la paix et les nouveaux territoires furent
attribués aux rejetons de Cthulhu tandis que les Anciens
gardaient la mer et les anciennes terres. De nouvelles villes
furent fondées à terre – la plus importante
dans l’Antarctique car cette région du premier
établissement était sacrée. Dès
lors comme auparavant, l’Antarctique resta le centre de
la civilisation des Anciens, et toutes les cités repérables
qu’avaient édifiées ceux de Cthulhu furent
anéanties. Puis soudain les terres du Pacifique sombrèrent
de nouveau, entraînant avec elles la terrifiante ville
de pierre de R’lyeh et toutes les pieuvres cosmiques,
de sorte que les Anciens retrouvèrent leur suprématie
sur la planète."
Ces Crinoîdes auraient également connu des affrontements
avec les extraterrestres Mi-gos, déjà cités
:
"Pendant l’époque jurassique, les Anciens
rencontrèrent de nouvelles épreuves sous la forme
d’une autre invasion de l’espace extérieur,
cette fois de créatures mi-champignons, mi-crustacés,
venant d’une planète qu’on peut identifier
avec le lointain Pluton récemment découvert; les
mêmes indiscutablement que celles qu’évoquent
certaines légendes confidentielles du Nord, perpétuées
dans l’Himalaya sous le nom de Mi-Go ou abominables hommes
des neiges. Pour les combattre, les Anciens tentèrent,
pour la première fois depuis leur arrivée sur
Terre, une nouvelle sortie dans l’éther planétaire;
mais en dépit de tous leurs préparatifs traditionnels,
il ne leur fut plus possible de quitter l’atmosphère
terrestre. Quel qu’ait été le vieux secret
du voyage interplanétaire, il était maintenant
perdu à jamais pour leur race. Finalement, lesMi-Go les
repoussèrent de tous les territoires du Nord, sans rien
pouvoir cependant contre ceux de la mer. Peu à peu commença
le lent recul de l’antique race jusqu’à son
habitat antarctique originel. Chose curieuse que l’on
observait dans les représentations de batailles, les
rejetons de Cthulhu aussi bien que les Mi-Go semblaient faits
d’une matière plus différente encore de
ce que nous connaissons que celle des Anciens. Capables de métamorphoses
et de réintégrations interdites à leurs
adversaires, ils devaient pourtant être issus de gouffres
plus lointains de l’espace cosmique. Les Anciens, n’étaient
leur résistance extraordinaire et leurs qualités
vitales particulières, restaient strictement matériels
et devaient avoir pris naissance à l’intérieur
du continuum connu de l’espace-temps, tandis qu’on
ne pouvait risquer que les suppositions les plus hasardeuses
sur les sources premières des autres entités."
Le mot "Mi-go"
aurait son origine dans le nom tibétain du Yeti.
il se compose de "MI" (="homme") et
de "GO" ou "GYO" (="rapide").
Par conséquent, il signifie "Créature
semblable à l'homme se déplaçant
rapidement". |
Un Shoggoth, créature
artificielle créée pour servir les Anciens,
est également décrit :
"... son large front noir surgissant, colossal, du
plus loin d’un souterrain sans bornes, constellé
de lumières étrangement colorées et remplissant
le prodigieux tunnel comme un piston remplit un cylindre (...)
C’était une chose terrible, indescriptible, plus
énorme qu’aucun train souterrain – une
accumulation informe de bulles protoplasmiques, faiblement
phosphorescente, couverte d’une myriade d’yeux
éphémères, naissant et se défaisant
comme des pustules de lumière verdâtre sur tout
l’avant qui remplissait le tunnel et fonçait
sur nous, écrasant les manchots affolés, en
glissant sur le sol luisant qu’elle et ses pareils avaient
balayé si férocement de toute poussière.
Et toujours ce cri surnaturel, narquois : 'Tekeli-li ! Tekeli-li
!' Nous nous rappelâmes enfin que les shoggoths démoniaques
– qui tenaient des seuls Anciens la vie, la pensée
et leurs structures d’organes malléables (...)
n’avaient de voix que les accents imités de leurs
maîtres disparus."
Le nom des
Shoggoths vient d'un roman d'Edgar Rice Burroughs : "Au
coeur de la Terre" (1914). Dans ce livre on trouve
des hommes-gorilles, appelés "Sagoths",
qui servent d'esclaves aux Mahars, des ptérosaures
intelligents vivant sous Terre |
D'autres créatures
déjà citées dans les textes de Lovecrafr
sont également citées :
"Je repensais aux mystérieux mythes primitifs
qui m’avaient hanté si obstinément depuis
ma première image de ce monde antarctique mort –
celle du démoniaque plateau de Leng, des Mi-Go ou abominables
hommes des neiges de l’Himalaya, des Manuscrits pnakotiques
avec leurs implications préhumaines, du culte de Cthulhu,
du Necronomicon, et des légendes hyperboréennes
de l’informe Tsathoggua et du frai d’étoiles
pire qu’informe, associé à cette semi-entité."
Et Kadath est également mentionnée :
"Il y a peut-être une très réelle
et monstrueuse signification dans les vieilles rumeurs pnakotiques
à propos de Kadath dans le désert glacé.
(...)
Car cette ligne violette au loin ne pouvait être que
les terribles montagnes du monde interdit – les plus
hauts pics de la Terre et le centre du mal sur le globe ;
abritant des horreurs sans nom et des secrets archéens
; fuies et invoquées par ceux qui craignaient d’en
dévoiler l’essence ; que nul être vivant
sur Terre n’avait foulées ; visitées de
sinistres éclairs et projetant d’étranges
lueurs par-dessus les plaines dans la nuit polaire –
sans aucun doute archétype inconnu du redoutable Kadath
dans le Désert Glacé au-delà du détestable
Leng auquel font allusion des légendes primitives impies."
- Décembre 1931 :
H.P.Loveraft écrit "Le Cauchemar d'Innsmouth"
(The Shadow over Innsmouth).
"Ceux des Profondeurs", des êtres mi-hommes
mi-poissons (ou mi-batraciens) y sont décrits, qui
semblent vénérer ou adorer Cthulhu :
"Y’ha-nthlei ne fut pas détruit quand
les hommes de la surface de la terre firent exploser dans
la mer leurs armes de mort. On n’a jamais pu détruire
Ceux des Profondeurs, même si la magie paléogène
des Anciens oubliés a pu parfois les tenir en échec.
Pour le moment, ils se reposaient ; mais quelque jour, s’ils
se souvenaient, ils monteraient à nouveau prélever
le tribut que le Grand Cthulhu désirait ardemment."
Le "Signe
des Anciens" est également décrit. il a
maintenant la forme d'une croix gammée et sert de protection
contre "Ceux des profondeurs" :
"...
ils était parsemé de petites pierres, des sortes
de talismans, avec dessus un symbole ressemblant à
ce que vous appelez de nos jour une croix gammée. Probablement
que c'était le signe des Anciens."
Les Shoggoths sont également mentionnés :
"Y-z-apportent des choses d’là d’où
y viennent pour met’dans la ville – y font ça
d’puis des années, et y ralentissent ces derniers
temps. Les maisons au nord d’la rivière entre
Water Street et Main Street a-z-en sont pleines de ces démons
et de c’qu’y-z-ont apporté, et quand y
s’ront prêts... J’vous dis, quand y s’ront
prêts... Z’avez entendu parler d’un shoggoth
?"
(...)
"Tel fut le rêve dans lequel je vis un shoggoth
pour la première fois, et ce spectacle me réveilla,
hurlant d’épouvante."
- Janvier-Février 1932 :
H.P.Lovecraft écrit "La maison de la sorcière"
(The Dreams in the Witch House).
Nyarlathotep (ou l'un de ses servants) y apparait sous les traits
d'un homme noir :
"Il était la figure immémoriale de l'adjoint
ou du messager des pouvoirs cachés et terrible - l'Homme
Noir de la secte des sorcières, et le Nyarlathotep du
Necronomicon."
Une description plus précise de cet homme noir se trouve
ci-aprés :
"La mégère au sourire grimaçant étreignait
toujours sa victime, et devant la table était assis un
personnage que Gilman n’avait jamais vu – un homme
grand, maigre, d’un noir d’encre mais sans aucun
caractère négroïde ; totalement chauve et
imberbe, il portait pour tout vêtement une robe informe
d’une lourde étoffe noire. La table et le banc
dissimulaient ses pieds, mais il devait être chaussé,
car on entendait un bruit sec chaque fois qu’il changeait
de position. L’homme ne parlait pas et ses traits minces
et réguliers étaient absolument dépourvus
d’expression. Il désignait seulement un livre d’une
taille prodigieuse qui était ouvert sur la table, tandis
que la mégère fourrait une énorme plume
d’oie grise dans la main droite de Gilman."
Cet homme noir servait également Azathoth, le démon
du chaos :
"Il devait, disait-elle, rencontrer l’Homme Noir
et les accompagner tous devant le trône d’Azathoth
au cœur de l’ultime Chaos. Il devait signer de son
sang le livre d’Azathoth et adopter un nouveau nom secret
à présent que ses recherches indépendantes
étaient allées si loin. Ce qui l’empêchait
de les suivre, elle, Brown Jenkin et les autres devant le trône
du Chaos, où les flûtes au son maigre jouent avec
indifférence, c’était qu’ayant vu
le nom 'Azathoth' dans le Necronomicon, il le tenait pour un
mal primordial dont l’horreur défiait toute description."
"... la spirale des noirs tourbillons de ce vide ultime
du Chaos où règne l’indifférent Azathoth,
sultan démoniaque."
"... l’insensé Azathoth, régnant sur
l'espace et le temps, assis dans un curieux trône noir,
au centre du chaos."
Shub-Niggurath est également cité, une fois de
plus, dans une formule :
"Les prières contre le Chaos Rampant devenaient
un hurlement d’inexplicable triomphe – des mondes
d’une réalité sardonique venaient heurter
les tourbillons du rêve fébrile – Iä
! Shub-Niggurath ! Le Bouc aux Mille Chevreaux..."
Les extraterrestres à la tête en forme d'étoile,
déja vus dans "Les montagnes hallucinées",
sont également présents ici, aparemment sur une
planète située dans la constellation Argo. Une
sculpture les représentant est décrite :
"Elles représentaient un corps strié
en forme de tonneau portant de minces bras horizontaux divergeant
comme les rayons d’une roue autour d’un anneau central,
et des protubérances ou bulbes verticaux prolongeant
le sommet et la base du tonneau. Chacune de ces protubérances
était le moyeu d’un système de cinq longs
bras plats effilés en triangle, disposés comme
ceux d’une étoile de mer – presque horizontalement,
mais légèrement incurvés à l’opposé
du tonneau central."
- 12 juin 1932 :
Lovecraft fait la connaissance de Price.
- Octobre 1932 - 6 avril 1933 :
Lovecraft écrit "A travers les portes de la clé
d'argent" (Through the Gates of the Silver Key) que Price
lui avait demandé.
Ici encore est cité Yog-Sothoth :
"Il est le Tout-en-un et le Un-en-tout, un être
illimité, pas simplement une chose du continuum d'espace-temps,
mais l'allié de l'essence ultime animant toute existence
(...)
Il était peut-être celui que certains cultes secrets
de la Terre appelaient Yog-Sothoth en chuchotant, et qui a été
une divinité sous d'autres noms; celui que les crustacés
de Yuggoth adorait comme Celui de l'au-delà, et que les
cerveaux vaporeux des lnébuleuses spirales connaissaient
par un signe intraduisible."
Yog-Sothoth apparait également sous les traits de 'Umr
au-Tawil, l'homme qui préside les salles intemporelles
au-delà de la Porte de la Clé d'Argent :
"... tous ces êtres du monde des ténèbres
sont de loin inférieurs de Celui qui garde la porte ;
de Celui qui guidera l’imprudent par-delà l’univers
dans l’abîme où gîtent des formes innommables
toujours prêtes à dévorer. Celui-là,
le très ancien, c’est 'Umr al-Tawil, nom que le
scribe a traduit par 'Celui dont on a prolongé la vie'."
Cthulu est cité ici aussi, à nouveau :
"...le langage reproduit par ces hiéroglyphes
n'est pas du naacal mais du r'lyehian, langue qui fut apportée
sur Terre par la descendance de Cthulhu..."
Tsathoggua est cité également :
"... une de ces entités immémoriales
qui ont habité la primitive Hyperborée et adoré
le noir et changeant Tsathoggua après s'être enfuies
de Kythanil, la double planète qui, autrefois, gravitait
autour d'Arcturus."
Apparaissent aussi des créatures appelées "Dholes"
vivant sur la planète Yaddith et que l'on peut identifier
aux "Bholes" déjà cités dans
"A la recherche de Kadath l'inconnue". Ces êtres
ont probablement été empruntés aux "Dols"
évoqués (mais non décrits) par Arthur Machen
dans son livre "Le peuple blanc" (The white people,
1890) :
"Il y eut de hideux combats contre les Dholes blanchâtres
et visqueux dans les tunnels primitifs qui criblent la planète."
- 21-24 Août 1933 :
H.P.Lovecraft finit d'écrire "La chose sur le seuil"
/ "Le monstre sur le seuil" (The Thing on the Doorstep).
Les Shoggoths sont cités à nouveau, ainsi que
Shub-Niggurath :
"La fosse aux shoggoths ! Au bas des six mille marches…
l’abomination des abominations… je ne voulais pas
qu’elle m’y emmène, et c’est là
que je me suis retrouvé… Iä ! Shub-Niggurath
! La forme s’est dressée au-dessus de l’autel
et ils étaient cinq cent qui hurlaient… La Créature
encapuchonnée a bêlé : 'Kamog ! Kamog !'…
c’était le nom du vieil Ephraïm… J’étais
là, en ce lieu où elle m’avait promis de
ne pas m’emmener… Une minute auparavant, je me trouvais
dans ma bibliothèque fermé à clé…
et puis je me trouvais à cet endroit où elle était
partie avec mon corps… dans cette fosse maudite où
commence le royaume des ténèbres… J’ai
vu un shoggoth… je l’ai vu changer de forme…
Je ne peux pas supporter cela…"
- 1933 :
H.P.Lovecraft et Hazel Heald écrivent "Au-delà
des éons" (Out of the Aeons).
On y trouve Shub-Niggurath, Nug, et Yeb, ainsi que Tsathoggua
et Yig le dieu serpent. Shub-Niggurath est ici appelée
"la Déesse Mère", et il est fait référence
à "ses fils", vraisemblablement Nug et Yeb.
(Alors que dans "Celui qui chuchotait dans les ténèbres"
c'était un être masculin surnommé le "Seigneur
des Bois").
Pour la première fois, apparait aussi une entité
appelée "Ghatanothoa", une créature
apportée semble-t-il par les extraterrestres Mi-gos de
Yuggoth. (A noter que, plus tard, Lin Carter écrira le
"Cycle des légendes Xothiques" où il
fera de Ghatanothoa le fils de Cthulhu.) :
"... un continent disparu (...) auquel la légende
a donné le nom de Mu, et que les tablettes anciennes
dans la langue originelle Naacale disaient être florissant
il ya 200000 ans, quand l'Europe abritait uniquement des entités
hybrides, et que l'Hyperborée perdue connaissait alors
le culte de Tsathoggua l'être amorphes et noir.
On a parlé d'un royaume ou une province appelée
K'naa dans une terre très ancienne, où les premiers
humains avaient trouvé des ruines monstrueuses laissées
par ceux qui avaient habité là avant ; de vagues
entités inconnues qui s'étaient infiltrées
par les étoiles et avaient vécu leurs éons
dans le monde naissant. K'naa était un lieu sacré,
car en son sein les falaises de basalte sombre du mont Yaddith-Gho
s'élevaient dans le ciel, surmontées d'une forteresse
gigantesque de pierres cyclopéennes, infiniment plus
vieille que l'humanité et construite par les extraterrestres
de la planète noire Yuggoth, qui avaient colonisé
la terre avant la naissance de la vie terrestre. Ces êtres
de Yuggoth avaient péri des éons avant, mais ils
avaient laissé derrière eux une chose vivante
monstrueuse et terrible qui ne pourrait jamais mourir, leur
dieu ou maître infernal, le démon Ghatanothoa,
qui subsistait éternellement bien qu'invisible dans les
cryptes sous cette forteresse du Yaddith-Gho. Aucune créature
humaine n'a jamais escaladé le Yaddith-Gho et vu la forteresse
blasphématoire excepté à distance
(...)
Ce fut dans l'Année de la Lune Rouge (estimé à
173148 av.JC par von Junzt) que le premier être humain
a osé défier Ghatanothoa et sa menace sans nom.
Cet hérétique audacieux était T'yog, grand-prêtre
de Shub-Niggurath et gardien du temple de cuivre de la Chèvre
aux mille chevraux. T'yog avait longuement réfléchi
sur les pouvoirs des différents dieux, et il avait eu
des rêves étranges et des révélations
touchant la vie de ce monde en ses débuts. En fin de
compte il se sentait sûr que des dieux amicaux à
l'homme pourraient être déployés contre
les dieux hostiles, et croyait que Shub-Niggurath, Nug, et Yeb,
ainsi que Yig le dieu serpent, étaient prêts à
prendre parti pour l'homme contre la tyrannie et la présomption
de Ghatanothoa."
- 1933 :
Lovecraft et Hazeal Headd écrivent "L'Horreur dans
le musée".
Tsathoggua y est à nouveau décrit :
"Le noir Tsathoggua apparait sous la forme d'un crapaud
avancant de manière sinueuse avec des centaines de pieds
rudimentaires."
1933 :
Lovecraft et Hazeal Headd écrivent "La mort ailée"
(Winged Death).
Tsathoggua y est à nouveau cité, ainsi que Cthulhu
:
"C'étaient des repaires ou des avant-postes
des pêcheurs d'ailleurs - quel que soit le sens de ces
mots - et des dieux malfaisants Tsathoggua et Cthulhu."
- 14 août 1934 :
H.P.Lovecraft écrit une lettre à W.F. Anger où
il confesse que ni le Necronomicon, ni Abdul al-Hazred, son
auteur, n'ont existé.
... Celà n'empéchera pas de nombreux lecteurs
naïfs de continuer à rechercher ce livre dans les
bibliothèques comme s'il existait vraiment.
- 24 février 1935 :
H.P.Lovecraft achève d'écrire "Dans l'abîme
du temps" (The Shadow Out of Time).
Y sont décrits des extra-terrestres de forme conique
ayant jadis vécu sur terre. On les appelait "la
Grand-Race" :
"Ceux de la Grand-Race étaient d’immenses
cônes striés de dix pieds de haut, avec une tête
et d’autres organes fixés à des membres
extensibles d’un pied d’épaisseur partant
du sommet.
Ils s’exprimaient en faisant claquer ou frotter d’énormes
pattes ou pinces qui prolongeaient deux de leurs quatre membres,
et se déplaçaient en dilatant et contractant une
couche visqueuse qui recouvrait leur base de dix pieds de large.
(...)
On eût dit d’énormes cônes iridescents
de dix pieds de haut et autant de large à la base, faits
d’une
substance striée, squameuse et semi-élastique.
De leur sommet partaient quatre membres cylindriques flexibles,
chacun d’un pied d’épaisseur, de la même
substance ridée que les cônes eux- mêmes.
Ces membres se contractaient parfois jusqu’à presque
disparaître, ou s’allongeaient à l’extrême,
atteignant quelquefois dix pieds. Deux se terminaient par de
grosses griffes ou pinces.
Au bout d’un troisième se trouvaient quatre appendices
rouges en forme de trompette. Le quatrième portait un
globe jaunâtre, irrégulier, d’environ deux
pieds de diamètre, où s’alignaient trois
grands yeux noirs le long de la circonférence centrale.
Cette tête était surmontée de quatre minces
tiges grises avec des excroissances pareilles à des fleurs,
tandis que de sa face inférieure pendaient huit antennes
ou tentacules verdâtres. La large base du cône central
était bordée d’une matière grise,
caoutchouteuse, qui par dilatation et contraction successives
assurait le déplacement de l’entité tout
entière.
(...)
Ces êtres ne possédaient que deux des sens que
nous connaissons : la vue et l’ouïe, cette dernière
ayant pour organes les excroissances en forme de fleurs situées
sur la tête, au bout de tiges grises. Ils avaient beaucoup
d’autres sens, incompréhensibles – et de
toute façon peu utilisables par les esprits étrangers
captifs qui habitaient leurs corps. Leurs trois yeux étaient
placés de manière à leur assurer un champ
visuel plus étendu que la normale. Leur sang était
une espèce de liquide vert foncé, très
épais. Ils n’avaient pas de sexe, mais se reproduisaient
au moyen de germes ou spores groupés à leur base,
qui ne pouvaient se développer que sous l’eau.
On utilisait de grands bassins peu profonds pour la culture
de leurs jeunes – qu’on élevait toutefois
en nombre très limité en raison de la longévité
des individus : l’âge moyen étant de quatre
ou cinq mille ans."
Les "Anciens" à la tête en forme d'étoile
sont à nouveau cités :
"Les guerres, civiles pour la plupart depuis les derniers
millénaires, mais menées parfois contre des envahisseurs
reptiliens ou octopodes, ou encore contre les Anciens ailés,
à la tête en étoile, concentrés dans
l’Antarctique, étaient peu fréquentes mais
terriblement dévastatrices."
Des polypes extra-terrestres sont également mentionnés.
On pourrait peut-être les identifier aux créatures
de Cthulhu :
"Selon ces bribes d’information, l’objet
de cette peur était une horrible race ancienne d’entités
tout à fait extraterrestres, à demi polypes qui,
venant à travers l’espace d’univers infiniment
lointains, avait soumis la terre et trois autres planètes
du système solaire voici environ six cents millions d’années.
Elles
n’étaient matérielles qu’en partie
– suivant notre conception de la matière –
et leur type de conscience ainsi que leurs moyens de perception
étaient radicalement différents de ceux des organismes
terrestres. Leurs sens, par exemple, ne comportaient pas celui
de la vue, leur monde mental se composant d’un étrange
réseau d’impressions non visuelles.
(...)
Elles étaient néanmoins suffisamment matérielles
pour utiliser des instruments de matière normale dans
les régions cosmiques où elles en trouvaient et
il leur fallait un logement – encore qu’il fût
d’un genre très particulier. Bien que leurs sens
puissent pénétrer les obstacles matériels,
leur substance en était incapable et certaines formes
d’énergie électrique pouvaient les détruire
entièrement. Elles avaient la faculté de se déplacer
dans l’air, malgré l’absence d’ailes
ou de quelque autre organe visible de lévitation... Lorsque
ces créatures étaient arrivées sur la terre,
elles avaient construit de puissantes cités basaltiques
de tours sans fenêtres, et exercé d’affreux
ravages sur les êtres vivants qu’elles avaient rencontrés.
C’est alors que les esprits de la Grand-Race s’étaient
élancés à travers le vide, depuis cet obscur
monde transgalactique connu sous le nom de Yith dans les inquiétants
et contestables fragments de poterie d’Eltdown. Les nouveaux
venus, grâce aux engins qu’ils avaient créés,
n’eurent aucune peine à vaincre les rapaces entités
et à les refouler dans ces cavernes au cœur de la
terre qu’elles avaient déjà reliées
à leurs demeures et commencé à habiter."
D'autres créatures, tirées des divers livres de
Lovecraft, sont également citées :
"Parmi les esprits terrestres, il y en avait de la
race semi-végétale, ailée, à la
tête en étoile, de l’Antarctique paléogène
; un du peuple reptilien de la Valusia des légendes ;
trois sectateurs hyperboréens de Tsathoggua, des préhumains
couverts de fourrure ; un des très abominables Tcho-Tchos..."
- Novembre 1935 :
H.P.Lovecraft écrit "Celui qui hantait les ténèbres"
(The haunter of the dark) en réponse au livre "Le
Rôdeur des étoiles" de Robert Bloch.
Azathoth apparait une fois de plus :
"Il songea aux antiques légendes de l’Ultime
Chaos, au centre duquel trône le dieu aveugle et stupide
Azathoth, Maître de Toutes Choses, entouré d’une
horde de danseurs aveugles et informes, bercé par le
chant monotone d’une flûte démoniaque."
Ici encore les "Anciens" sont cités, et ils
sembles identifiés aux extraterrestres Mi-gos de Yuggoth
(Pluton)et non aux crinoïdes à la tête en
forme d'étoile :
"Il parle très souvent du Trapézohèdre
étincelant qu’il définit comme une fenêtre
ouverte sur le temps et l’espace, et dont il retrace l’histoire
jusqu’à l’époque où il fut
façonné sur la sinistre planète Yuggoth,
avant que les Anciens l’aient apporté sur la Terre.
Il fut recueilli et placé dans sa curieuse boîte
par les habitants crinoïdes de l’Antarctique, avant
de passer entre les mains des hommes-serpents de Valusia. Des
milliers de siècles plus tard, les premiers êtres
humains le contemplèrent dans le pays de Lemuria..."
Nyarlathotep apparait ici aussi :
"De quoi ai-je peur ? N’est-ce pas un avatar
de Nyarlathotep qui, dans la mystérieuse Khem, prit la
forme d’un homme ? Je me rappelle Yuggoth, et aussi Shaggaï,
et le vide ultime des planètes noires..."
Yog-Sothoth est également évoqué ainsi
qu'une monstrueuse créature (noire, ailée, munie
d'un œil triple de couleur rouge et ne supportant aucune
lumière) qui pourrait être un avatar de Nyarlathotep
:
"Je la vois... elle vient par ici... forme gigantesque...
ailes noires... Yog-Sothoth, sauve-moi !... L'oeil brûlant
aux trois lobes !"
- 15 mars 1937 :
H.P Lovecraft décède du cancer.
August Derleth sera ensuite le continuateur de Lovecraft.
Admirateur, correspondant et exécuteur testamentaire
de Lovecraft, il oeuvrera toute sa vie pour faire connaître
les écrits de ce dernier. Pour celà il fondera
la maison d’édition Arkham House en 1939 avec
Donald Wandrei.
Il travaillera aussi à combler toutes les contradictions
dans l'oeuvre de son maître et essaiera de structurer
celle-ci en un système cohérent auquel il appliquera
le terme "Mythe de Cthulhu". Pour se faire il écrira
de nouveaux textes inspirés de Lovecraft, propageant
ainsi le mythe ... ou plutôt sa vision personnelle du
mythe.
Derleth écrira ceci au sujet de ce mythe :
"Il serait erroné de penser que le Mythe de
Cthulhu ait été délibérément
projeté dans l'oeuvre de Lovecraft. Tout indique au
contraire qu'il n'y avait pas la moindre intention d'élaborer
pareil mythe jusqu'à ce qu'il se dégage dans
son oeuvre, ce qui explique d'ailleurs les incohérences
que l'on peut trouver d'un récit à l'autre."
Un exemple de ces incohérences est la localisation
du plateau de Leng selon Lovecraft :
Dans "Le Molosse" il est situé en Asie centrale,
dans "Celephais" et "A la recherche de Kadath
l'inconnue" il se trouve dans le Monde du rêve,
et dans "Les Montagnes Hallucinées" il est
en Antarctique.
Derleth reprendra les créatures de Lovecraft ...
Selon lui, Hastur (qu'il identifie avec "Celui qu'on
ne doit pas nommer") serait emprisonné sous les
eaux du Lac noir de Hali, près de la ville de Carcosa,
sur une planète du système des Hyades.
Dans l' "Ombre venue de l'espace" il explique ceci
:
"La Grand' Race avait pris son essor vers l'espace.
elle était d'abord allée sur la planète
Jupiter, puis plus loin, jusqu'à cet astre qu'ils occupaient
aujourd'hui. c'était une étoile noire du Taureau.
Ils y vivaient sans cesse sur le qui-vive, redoutant une invasion
de ceux qui habitent près du lac de Hali. C'est là
qu'était banni Hastur des Anciens ..."
Selon Derleth, dans "La trace de Cthulhu", Hastur serait le demi-frère de Cthulhu.
Dans "La fenêtre à pignon", il le décrit
ainsi :
"... A l'arrière-plan était un lac
profond. Hali ? Au bout de cinq minutes, l'eau commence à
frissonner en frissonner en cercles concentriques, comme si
quelque chose montait en surface. Face vers l'intérieur.
Une créature titanesque, avec des tentacules, en forme
de poulpe, mais dix fois plus grande que l'octopus appolyon
de la côte occidentale. Ce qui lui servait de cou, diamètre
facilement quarante-cinq mètres."
Selon Derleth, Nyarlathotep n'a pas la forme d'un pharaon.
Il apparait parfois sous la forme d'une énorme monstruosité
à laquelle un long tentacule rouge sang tient lieu
de visage.
Cette description s'inspirait d'un texte de Lovecraft ("la
chose dans la clarté lunaire", 24 novembre 1927)
tiré d'un de ses cauchemars (Cependant, Lovecraft n'avait
jamais prétendu que cette créature était
Nyarlathotep) :
"... il se mit à hurler à la lune.
(...) son visage n'était qu'un cône blanc terminé
par un tentacule rouge sang. (...) une chose au visage en
cône, qui levait la tête vers le ciel et hurlait
à la lune."
Dans l' "habitant de l'ombre", Derleth donne une
autre description de Nyarlathotep :
"... une gigantesque masse protoplasmique, un être
colossal dressé vers les étoiles, et dont la
véritable enveloppe physique allait et venait en un
flux constant; en outre, deux êtres moins imposants
l'encadraient : amorphes, eux aussi, ils tenaient des chalumeaux
ou des flûtes à l'aide d'appendices et jouaient
une musique démoniaque qui retentissait et était
reprise par l'écho à travers toute la forêt
qui nous entourait. Mais cette chose qui se dressait sur la
dalle, l'habitant de l'ombre, était l'horreur absolue;
de sa masse de chair amorphe jaillissaient à volonté
sous nos yeux des tentacules, des griffees, des mains, qui
se rétractaient ensuite; la masse elle-même diminuait
et s'enflait sans effort, et, à l'endroit où
se situait la tête et où l'on aurait du voir
se dessiner des traits, il n'y avait qu'une absence totale
de visage..."
Selon Derleth, Shub-Niggurath ressemble à une énorme
masse nuageuse en ébullition répandant une odeur
de putréfaction et dans laquelle on devine des pattes
de boucs, des gueules béantes et des tentacules visqueux.
Il est probable que des extensions de cette masse puissent
se matérialiser afin de former d'horribles rejetons
: les fameux "mille chevreaux"
Selon lui, dans "Le rôdeur devant le seuil"
(The lurker at the threshold), Yog-Sothoth ressemble à
ceci :
"De grands globes de lumière se massaient
vers l'ouverture, mais pas seulement eux, et les plus proches
globes éclataient, et la chair protoplasmique qui s'en
écoulait, noire, se rassemblait ensuite sous la forme
de l'horreur hideuse de l'espace extérieur, la tentaculaire
créature amorphe, le monstre sur le seuil dont le masque
est comme un amas de globes irisés, le mauvais Yog-Sothoth,
qui bouillonne comme un limon originel dans le chaos nucléaire
au-delà des avant-postes de l'espace et du temps !"
Derleth inventera aussi de nouvelles créatures comme
il le reconnait dans un texte de 1968 :
"Les Lloigors, Zhar, le peuple Tcho-Tcho, ithaqua
et Cthuga sont de mon invention."
Il empruntera également des créatures à
d'autres auteurs, comme par exemple Ubbo-Sathla, une invention
de Clark Ashton Smith.
Derleth tentera aussi d'organiser les "divinités"
du Mythe en les associant aux quatre éléments
(idée totalement étrangère à Lovecraft).
C'est celà qui l'obligera à inventer des créatures
supplémentaires.
Cthulhu devient alors une créature associée
à l'élément eau.
Shub-Niggurath et Nyarlathotep deviennent des créatures
associées à l'élément terre.
Hastur devient une créature associée à
l'élément air.
Cthuga devient une créature associée à
l'élément feu.
(Certains feront aussi de Yog-Sothoth une créature
associée à l'élément éther).
Pour Derleth, la terre s'oppose au feu et l'air à l'eau,
contrairement aux oppositions classiques des quatre éléments.
C'est à dire que, pour lui, Shub-Niggurath s'oppose
à Cthuga et Cthulhu s'oppose à Hastur, Les Grands
Anciens ayant la stupidité de passer leur temps à
s'affronter entre eux au lieu de s'unir pour essayer de vaincre
leurs ennemis communs.
A ce sujet, dans "La trace de Cthulhu" (The trail
of cthulhu), Derleth raconte ceci :
"L'être de feu Cthuga; l'être des eaux,
Cthulhu; les seigneurs de l'air, Lloigor, Hastur l'ineffable,
Zhar et Ithaqua; la créature de la terre, Nyarlathotep,
et d'autres, depuis longtemps chassés et emprisonnés
par les sortilèges des premiers dieux qui gravitent
autour de l'étoile Bételgeuse."
Derleth essaiera d'organiser une cosmogonie et une mythologie
cohérentes mais fort discutables car très éloignées
des visions de Lovecraft. Les conceptions de Derleth étant
différentes de celles de Lovecraft, il déforma
et trahit celles-ci en leurs intégrant le thème
chrétien et manichéen de la de lutte entre le
bien et le mal. C'est ainsi que, dans les livres de Derleth,
on parle d'une ancienne guerre entre les "Grands Anciens"
/ "Vénérables Anciens" (les méchants)
et les "Anciens Dieux" / "Dieux très
anciens" (les bons), des entités nouvelles inventées
par lui (parmi lesquelles ils intégrera Nodens). Vaincus,
les Grands Anciens avaient été refoulés
hors de notre monde tridimentionnel ... mais ils attendent
toujours le jour où ils pourront y revenir et y régner.
A ce sujet, dans ses livres "La trace de Cthulhu"
(The trail of cthulhu) et "Le rodeur devant le seuil"
(The lurker at the threshold), Derleth expose ce passage attribué
au Nécronomicon :
"Ubbo-Sathla est cette source oubliée d'où
vinrent ceux qui osèrent s'opposer aux Anciens Dieux
qui régnaient sur Xoth (Bételgeuse), les Grands
Anciens combatirent contre les Anciens Dieux; et ces Grands
Anciens étaient instruits par Azathoth, le dieu aveugle
et idiot, et par Yog-Sothoth qui est Un-en-Tout et Tout-en-Un
et pour qui les limites du temps et de l'espace n'existent
pas et dont les aspects sur terre sont 'Umr At-Tawil et les
Anciens. Les Grands Anciens rêvent depuis toujours de
ce temps à venir quand ils régneront à
nouveau sur la Terre et sur tout cet Univers dont elle fait
partie... Le grand Cthulhu se lèvera de R'lyeh; Hastur,
celui qu'on ne doit pas nommer, reviendra de la sombre étoile
qui est proche d'Aldébaran l'oeil rouge du taureau
dans les Hyades; Nyarlathotep mugira à jamais dans
l'obscurité qui est son domaine; Shub-niggurath, le
bouc noir aux mille chevraux se multipliera encore et recevra
soumission de tous les satyres, nymphes et lutins des bois
ainsi que du petit peuple, Lloigor, Zhar et Ithaqua chevaucheront
les espaces parmi les étoiles et ennobliront ceux qui
les servent, les Tcho-tchos; Cthuga exercera son pouvoir sur
Fomalhaut; Tsathogga viendra de N'kaï ... ils attendent
depuis toujours au portail."
Dans "La trace de Cthulhu" (The trail of cthulhu),
Derleth explique également ceci :
"Autrefois tout n'était qu'harmonie, mais,
par la suite, la révolte des Anciens -dont faisaient
partie cthulhu, le maître des eaux; Hastur, qui parcourait
les espaces interplanétaires avant son emprisonnement
dans le lac de Hali; Yog-Sothoth, le plus puissant des Anciens;
Ithaque, le dieu des vents, Tsathoggua et Shub-Niggurath,
dieux de la terre et de la fécondité; Nyarlathotep,
leur effroyable messager, et bien d'autres - s'acheva par
leur défaite et leur banissemnten divers endroit de
l'univers. De là, ils espèrent se dresser une
nouvelle fois contre les Premiers Dieux avec l'aide de leurs
serviteurs ..."
Derleth reprend
également le "Signe des Anciens" de Lovecraft
mais en le modifant. Il lui donne la forme d'une étoile
à cinq branches, le confondant ainsi avec le symbole
que les crinoïdes de l'Antarctique mettaient sur leurs
tombes dans le texte "Les montagnes hallucinées"
de Lovecraft.
De nombreux autres écrivains continueront l'oeuvre
de Lovecraft et Derleth, ou en subiront l'influence.
Parmi les premiers auteurs faisant partie des "écrivains
lovecraftiens", on peut citer : Robert Bloch, Robert
E Howard, Henry Kuttner (créateur de Nygotha), Frank
Belknap Long (créateur de Chaugnar Faugn), Clark Ashton
Smith (créateur de Tsathoggua et Atlach-Nacha).
Parmi les successeurs on trouvera John Ramsay Campbell (créateur
de Glaaki et Daoloth), Brian Lumley (créateur de Yibb-Tstll
et Shuddle-M'ell), E. Hoffmann Price, JV Shea, S King, J Wade,
C Wilson, Ambrose Bierce, Robert W. Chambers, James Wade,
etc...
Un exemple de cette continuation des mythes lovecraftiens
par des auteurs ultérieurs :
Dans son texte "Manuscrit trouvé dans une maison
abandonnée" (Notebook found in a deserted
house, 1951), Robert Bloch décrit l'un des "mille
chevraux" de Shub-Niggurath. (Il semble cependant confondre
ces créatures avec les "shoggoths" de Lovecraft)
:
"Sa bouche est comme des feuilles et le tout est
comme un arbre dans le vent, un arbre noir avec beaucoup de
branches, et tout un tas de racines se terminant en sabots.
(...) Quelque chose de sombre sur le chemin, quelque chose
qui n'était pas un arbre. Quelque chose de grand et
noir, tapi là à attendre, avec des bras noueux
qui se tordaient et se nouaient... Il gravit le versant de
la colline en rampant vers l'autel des sacrifices, et je reconnus
la chose noire de mes rêves; cette chose gélatineuse,
noueuse et vaseuse, en forme d'arbre, venue des bois. Elle
montait en rampant, s'appuyant sur ses sabots, sur ses bouches
et ses bras tordus. Et les hommes la saluèrent et se
tinrent en arrière, puis il sont allé vers l'autel
où se trouvait la chose se tortillant et hurlant."
Selon Lin Carter, Cthulhu aurait été un tyran chassé de Xoth (Fomalhaut) et il serait le pere de Ghatanothoa, Zoth-Ommog et Ythogtha. Lin Carter, dans son "Zoth-Ommog", a également voulu faire de Cthulhu et Hastur les rejetons de Yog. Kevin L O'Brien est allé plus loin en faisant d'Hastur et de Cthulhu les deux moitiés d'une entité coupée en deux par un Ancien Dieu !
Ensuite le mythe a été repris au cinéma,
en BD, dans des jeux videos, en musique, etc...
Les additions apportées au mythe par chaque auteurs
ont fini par rendre celui-ci de plus en plus touffu, compliqué
... et parfois même conventionnel et répétitif
... voire même ridicule.
Ce regard sur l'évolution du "Mythe de Cthulu",
créé par Lovecraft, modifié par Derleth
et popularisé par ses continuateurs, nous montre un
bon exemple de l'apparition des idées nouvelles, de
leurs transformation et de leur propagation dans les cerveaux
humain.
C'est ce qu'en mémétique on appelle la propagation
d'un groupe de "memes" dans nos esprits.
(A voir : Mystérieuse
statuette de la civilisation de l'indus (1200 av.JC) ressemblant
à Cthulhu : ICI)
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