PERSONNAGES LÉGENDAIRES :



Le mythe de Cthulhu :                                                                                    

 

Le créateur du Mythe littéraire de Cthulhu est Howard Phillips Lovecraft, né en 1890 à Providence aux
Etats-Unis. C'était un écrivain influencé par Edgar Poe, Ambrose Bierce, Arthur Machen, Robert Chambers, Burroughs, Nathanaël Hawthorne et surtout Lord Dunsany. Il avait choisi les meilleurs éléments dans l'œuvre de ses maîtres littéraires pour les mélanger en un style personnel assez gothique ... un style qui, à son tour, avait suscité de nombreux admirateurs et beaucoup d'imitateurs.
Son écriture, assez gothique, était dans une zone incertaine entre l'horreur et la science-fiction : une région qu'il appelait "l'horreur cosmique".

Cet auteur serait tombé dans l’oubli s’il n’avait pas été soutenu par un petit cercle de fidèles qui s'appliquèrent à faire connaître ses oeuvres. On reconnait cependant maintenant qu'il a rénové la littérature de l’étrange et les structures de l’épouvante en créant ce qu'on a voulu appeler le "conte d'horreur matérialiste" ou le "fantastique cosmique". Il était donc l'inventeur d'un nouveau style littéraire, d'une nouvelle façon d'aborder les choses, d'un nouveau paradigme culturel ... d'un nouveau mythe moderne.
Lui-même disait ceci à propos de ses écrits :

"Toutes mes histoires sont basées sur le principe fondamental que les lois communes, les intérêts humains et leurs émotions n'ont pas de valeur ni d'importance dans l'ensemble du vaste cosmos."

On peut tenter de retracer la chronologie des différentes étapes de l'élaboration de ce mythe dans l'esprit de Lovecraft, ainsi que celles de leur transformation dans l'esprit de ses continuateurs :


- 1919 :

H.P.Lovecraft cite pour la première fois le nom d'Azathoth dans des note personnelles contenant des idées pour des récits à développer.

Il écrit :

"- Azathoth, nom hideux"
et
"- Un pèlerinage terrible pour chercher le trône du Sultan Azathoth, le suprême démon noir".


- 1920 :

H.P.Lovecraft écrit "Celephais".

Il y parle pour la première fois du plateau de Leng et d'un mystérieux personnage au masque jaune (probablement emprunté au "Roi en Jaune", livre de R. W. Chambers) :

"Il vit beaucoups de merveilles, et une fois il échappa de justesse au grand-prêtre, qu'on ne peut décrire, qui porte un masque de soie jaune sur le visage et vit seul dans un monastère de pierres préhistoriques, sur le plateau désertique et glacé de Leng."

Ceux-ci apparaitront à nouveau dans des oeuvres ultérieures...



- Janvier 1921 :

H.P.Lovecraft sort de sa "période dunsanyenne" (1918-1921) où il subissait l'influence des histoires poétiques de Dunsany, et se recentre vers des textes mélangeant l'horreur et la science-fiction.

Il écrit "La Cité sans nom"(The Nameless City) où il parle pour la première fois des écrits d'Abdul Alhazred, un Arabe dément :

"C'est d'elle (la cité sans nom) qu'avait rêvé une nuit Abdul Alhazred, le poète fou, avant de composer ces vers énigmatique :
N'est pas mort pour toujours celui qui dort dans l'énernel, Mais d'étranges éons rendent la Mort mortelle".


Ces vers seront souvent cités à nouveau dans les récits ultérieurs de Lovecraft.


 
- 14 Août 1921 :

H.P.Lovecraft écrit "Les autres dieux" (The Other Gods).

Il y est cité pour la première fois la ville de Kadath où vivent les dieux de la Terre. Celle-ci apparaitra à nouveau dans des oeuvres ultérieures :

"... Kadath (située) dans un désert glacé qu'aucun homme ne traverse."


 
- 14 Décembre 1921 :

Dans une lettre à Reinhardt Kleiner, H.P. Lovecraft décrit "le cauchemar la plus réaliste et horrible que j'ai vécu depuis l'âge de dix ans". Il y cite pour la première fois le nom de Nyarlathotep.
Dans ce rêve, il recevait une lettre de son ami Samuel Loveman disant ceci :

"Ne manquez pas de voir Nyarlathotep, s'il arrive à la Providence. Il est horrible, horrible au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer, mais merveilleux. Il hante chacune de mes heures. Je reste frissonnant de tout ce qu'il a montré."


Lovecraft a laissé sur ce rêve les commentaires suivants :

"Je n'avais jamais entendu le nom de Nyarlathotep avant, mais semblais en comprendre le sens. Nyarlathotep est une sorte de showman itinérant ou de conférencier qui a fait des exposés dans des salles publiques et suscité une peur généralisée. Ses expositions se composaient de deux parties : d'abord une horrible video (éventuellement prophétique), et plus tard quelques expériences extraordinaires avec des appareils scientifiques et électriques. Quand j'ai reçu la lettre, il me semblait me rappeler que Nyarlathotep était déjà à Providence... Il me sembla me rappeler que des personnes m'avaient chuchoté leur crainte de ses horreurs, et m'avaient averti de ne pas aller près de lui. Mais la lettre de rêve Loveman me décida...
Quand j'ai quitté la maison, j'ai vu des foules d'hommes traversant la nuit, avec des chuchotements effarés et allant dans une même direction. Je suis allé avec eux, peureux mais désireux de voir et d'entendre le grand, l'obscur, l'ineffable Nyarlathotep. Aprés quoi le rêve suivit presque exactement le déroulement de l'histoire ci-jointe, sauf qu'il n'alla pas tout à fait aussi loin..."


Ce "texte ci-joint" c'est "Nyarlahotep", développant ce qui avait été vu dans le rêve :

"... Et c'est alors que Nyarlathotep est sorti d'Égypte. Qui il était, nul ne pouvait le dire, mais il était du vieux sang indigène et ressemblait à un pharaon. Les fellahs se mirent à genoux quand ils le virent, et pourtant ils n'osaient pas dire pourquoi. Il disait être sorti de l'obscurité après une attente de vingt-sept siècles, et prétendait avoir reçu des messages provenant de l'extérieur de cette planète. Dans les terres de la civilisation est venu Nyarlathotep, basané, mince, et sinistre, achetant des instruments étranges en verre et en métal pour les combiner en des instruments encore plus mystérieux. Il a beaucoup parlé de sciences, d'électricité et de psychologie, et a donné des preuves de sa puissance qui ont laissé ses spectateurs sans voix, lui conférant une extraordinaire popularité. Les hommes se recommandaient d'aller voir Nyarlatolep et frissonnaient. Mais là ou allait Nyarlatolep, tout s’évanouissait ; car l'aube se levait emplie de cris cauchemardesques."


 
- Juin 1922 :

H.P.Lovecraft commence à écrire un roman appelé "Azathoth".
Celui-ci restera inachevé mais il nous en est resté un fragment inséré dans un recueil de poêmes en 1929-1930 (voir plus loin...).
On considère que ce projet de roman sera la source ultérieure du livre "The Dream-Quest of Unknown Kadath".

 
- Septembre 1922 (ou Octobre 1921 ?) :

H.P.Lovecraft écrit "Le molosse" (The hound) où il parle pour la première fois du vieux grimoire écrit par Abdul Alhazred. Il s'agit du "Necronomicon" :

"... la chose (une statue de chien ailé) dont il est question dans le nécronomicon, l'ouvrage interdit de l'Arabe dément Abdul Alhazred, le symbole spirituel et spectral du culte nécrophage de l'inaccessible Leng, au coeur de l'Asie centrale."

Ce livre sera souvent cité dans les récits ultérieurs en tant que référence contenant des informations sur les "Grands Anciens" et autres entités démoniaques.


 
- Aout 1923 :

H.P.Lovecraft écrit "Les rats dans les murs" (The Rats in the Walls) où il reparle de Nyarlathotep :

"... ces cavernes grimaçantes du centre de la terre où Nyarlathotep, le dieu fou sans visage, hurle aveuglément au son de deux flûtistes idiots et amorphes."


 
- Aout - Septembre 1926 :

H.P.Lovecraft écrit "L'appel de Cthulhu" (The Call Of Cthulhu).
Ce livre est considéré comme le texte fondateur du "mythe de Cthulu" (mais Lovecraft préférait désigner ce mythe par "Yog-Sothoteries").

Le monstrueux Cthulu apparait ici pour la première fois. Le texte le décrit ainsi, d'après une statuette :

"... Cela semblait être une sorte de monstre, ou un symbole représentant un monstre, une forme que seul un malade mental pourrait concevoir. Si je relate que mon extravagante imagination a produit des images simultanées d'une pieuvre, d'un dragon et d'une caricature humaine, je ne serais pas infidèle à l’esprit de cette chose. Une tête pulpeuse, faite de tentacules, surmontée d'un corps grotesque, muni d'ailes rudimentaires (...) Cela représentait un monstre vaguement anthropoïde, mais avec une tête de pieuvre, faite de nombreuses tentacules, et un corps caoutchouteux. De prodigieuses griffes sur les pattes avants et arrières, ainsi que de longues et fines ailes. Cette chose surnaturelle, douée, apparemment, d'une terrible malveillance, était quelque peu boursouflée..."

( Voir une représentation de Cthulhu par Lovecraft : ICI )

Le texte explique que Cthulu faisait partie des créatures extraterrestres appelées "Grands anciens" / "Vénérables Anciens" :

"Dans des âges incroyablement reculés, d'autres êtres avaient régné sur la Terre. Ils habitaient dans de grandes cités dont on trouvait encore des vestiges sur certaines îles du Pacifiquee, sous forme de pierres cyclopéennes. Ils étaient tous morts bien avant l'arrivée des hommes, mais certaines pratiques magiques pourraient les faire revivre quand les étoiles occuperaient à nouveau une position propice dans le cycle de l'éternité. Ils étaient venus eux-mêmes des étoiles et avaient apporté leurs images avec eux. Ces Grands Anciens de se composaient pas de chair et de sang. Ils avaient une forme, comme le prouvait l'abominable effigie façonnée sur une autre planète, mais cette forme n'était pas faite de matière. Quand les étoiles occuperaient une position propice, ils pouvaient plonger d'un monde à un autre à travers le ciel; quand elles étaient disposées selon un ordre défavorable, ils ne pouvaient plus vivre. Néanmoins, même s'ils ne vivaient plus à l'heure actuelle, ils ne mourraient jamais. Ils gisaient tous dans leurs demeures de pierre de la grande cité de R'lyeh, conservée par les sortilèges du puissant Cthulhu en prévision d'une résurrection glorieuse, le jour où les étoiles et la terre seraient prêtes une fois de plus à les recevoir."

Les adorateurs de Cthulhu, qui attendent son retour à la vie, le célèbrent régulièrement par une formule qui reviendra souvent dans les textes de Lovecraft :

"Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn." Ce qui signifie : "Dans sa demeure de R'lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant" ou "N'est pas mort ce qui à jamais dort et au cours des siècles peut mourir même la Mort".

Cette ville de R'lyeh, engloutie dans le Pacifique, et où Cthulu attend endormi, est positionnée ainsi par Lovecraft : 47°9'S 126°43'W / -47.15, -126.717 (d'autres versions donnent : 47°9'S 120°43'W, 47°3'S 126°43'W ou 47°9'S 123°43'W)
Plus tard, August Derleth placera la cité à 49°51'S 128°34'W / -49.85, -128.567 dans sa nouvelle "L'île noire".

Etrangement ce lieu est trés proche du "point Nemo" (48°50'S 123°20'W ), nom donné au pôle maritime d'inaccessibilité, c'est-à-dire le point de l'océan le plus éloigné de toute terre émergée. Par une coincidence étrange, c'est près de là également (autour de 50° S 100° W) que fut détecté un son gigantesque et encore énigmatique, le bloop.
Le bloop est le nom donné à un son d’ultra-basse fréquence détecté à plusieurs reprises durant l’été 1997. L’origine de ce son demeure inconnue mais certains pensent qu'on pourrait l'attribuer à un animal gigantesque, plus grand que la baleine bleue.


A noter que les adorateurs de Cthulhu (les humains qui attendent son retour) prétendent être aidés dans leur culte par des créatures mystérieuses appelées "Ceux des ailes noires" :

"... Tous nièrent avoir pris part aux meurtres rituels, perpétrés, affirmèrent-ils, par Ceux des-Ailes-Noires ..."


 
- 1926 :

H. P. Lovecraft écrit ''L'étrange maison haute dans la brume'' (The Strange High House in the Mist).

Le dieu Nodens, "Seigneur du Grand Abîme" y est cité pour la première fois. Il a l'apparence d'un vieillard chenu à la barbe grise :

"Sur le dos des dauphins se balançait un vaste coquillage à l'intérieur duquel il y avait la forme grise et terrible du primitif Nodens, le maître du grand gouffre."

A noter qu'à l'origine Nodens était un dieu celtique, appelé "Nuada" en irlande.


 
- Novembre 1926 :

H.P.Lovecraft écrit "L'affaire Charles Dexter Ward"

Le terrible Yog-Sothoth's y apparait pour la première fois. Il est décrit comme une créature démoniaque ressemblant à un conglomérat de bulles brillantes.
Son nom est évoqué dans plusieurs formules :

"Y’AI’NG’ NGAH
YOG - SOTHOTH
H’EE - L’GEB
FAl THRODOG
UAAAH !"

"OGTHROD AI’F
GEB’L — EE’H
YOG – SOTHOTH
’NGAH’NG AI’Y
ZHRO !"



 
- Novembre 1926-1927 :

H.P.Lovecraft écrit "A la recherche de Kadath l'inconnue" ("The Dream-Quest of Unknown Kadath")

La cité de kadath et une entité mystérieuse appelée "Celui qu'on n'a pas besoin de nommer" y sont évoquées :

"Quand Barzai le Sage escalada l’Hatheg-Kla pour voir les Grands Anciens danser et hurler au clair de lune, au-dessus des nuées, il ne revint jamais. Les Autres Dieux se trouvaient là et ils avaient fait ce que l’on attendait d’eux. Zenig d’Aphorat voulut atteindre Kadath, la cité inconnue du désert glacé, et son crâne est aujourd’hui enchâssé sur l’anneau passé au petit doigt de Celui que je n’ai point besoin de nommer."

Il est dit que Kadath se trouve sur le plateau de Leng, là où vit un personnage mystérieux portant un masque jaune. (Certains ont cherché à identifier ce dernier avec "Celui qu'on n'a pas besoin de nommer". Cependant on peut plutôt penser qu'il a été copié par Lovecraft dans une oeuvre de Robert W. Chambers : "Le roi en jaune") :

"(Leng est) le lieu le plus affreux et le plus mal famé, (...) où se trouve le monastère préhistorique où vit en solitaire l'indescriptible Grand Prêtre qui porte sur son visage un masque de soie jaune."
(...)
"... et là ... était une figure vêtue de soie jaune avec du rouge et portant un masque jaune soie sur son visage. En ce qui concerne l'homme aux yeux bridés, il fait des signes avec ses mains, et le rôdeur de l'ombre répond en levant une horrible flûte d'ivoire dans ses pattes couvertes de soie et émet d'étranges sons sous son masque de soie fluide."


Lovecraft mentionne aussi Azathoth en tant que démon suprême du chaos, ainsi que Nyarlathotep en tant que son messager :

"En dehors de l'univers ordonné, là où est le fléau amorphe, d'une confusion sans limite, blasphémant et bouillonnant au centre de toute infinité - le sultan Azathoth, le demon sans frontières, nom qu'aucunes lèvres n'osent prononcer à haute voix ; qui grignote, affamé, dans d'inconcevables chambres obscures, au delà du temps, sous le rythme étouffé et exaspérant d’infâmes tambours accompagnés de la plainte légère, monotone, de flûtes maudites ; suivies du martèlement détestable de la lente danse, maladroite et absurde des ultimes dieux gigantesques, l'aveugle, le muet, le ténébreux, ainsi que d'autres dieux insensés, dont l’âme, le messager, n'est autre que le chaos rampant, Nyarlatolep."

Nyarlathotep apparait ici sous la forme d'un pharaon vivant à Kadath, mais aussi sous celle du messager des êtres démoniaques appelés "Grands Anciens". Les plus terribles de ces derniers étant appelés "Les Autres Dieux" et leur chef étant le "sultan des démons" (Azathoth) :

"Il savait qu’il n’était pas au-delà des pouvoirs d’un mortel de tenir tête aux Grands Anciens, et il s’en était remis à la chance pour éviter que les Autres Dieux et Nyarlathotep, le chaos rampant, ne viennent les épauler en cet instant crucial, comme ils l’avaient si souvent fait lorsque des hommes cherchaient à débusquer les dieux de la Terre jusque dans leurs résidences ou sur leurs montagnes."
(...)
"Alors, avançant d’un pas majestueux dans la vaste allée qui séparait les deux colonnes, apparut un personnage mince et de haute taille, avec le visage juvénile d’un pharaon de l’Antiquité ; sa robe aux couleurs chatoyantes était gaie et il était coiffé d’un pschent en or qui luisait de sa propre lumière. La présence royale s’approcha de Carter ; dans son port fier et ses traits élégants transparaissait le magnétisme d’un dieu noir ou d’un archange déchu, et dans ses yeux s’embusquait l’étincelle indolente d’un caractère capricieux. Il parla, et dans sa voix suave pointait la musique insensée des ondes du Léthé (...)
Randolph Carter, dit la voix, tu es venu t’adresser aux Grands Anciens que les hommes n’ont pas le droit de voir. Des guetteurs l’ont rapporté aux Autres Dieux, qui ont grondé alors qu’ils se dandinaient en désordre au son des minces flûtes, dans les ténèbres du vide suprême où rêve le sultan des démons dont nulle lèvre n’ose prononcer le nom (...)
Dirige-toi sur Véga dans la nuit, mais détourne-toi en entendant le chant. N’oublie pas cette recommandation, de peur que d’inconcevables horreurs ne t’aspirent dans l’abîme de la folie hurlante. Souviens-toi des Autres Dieux ; ils sont puissants, sans esprit et terrifiants, et ils rôdent dans le vide extérieur. Ce sont là des dieux qu’il vaut mieux fuir (...)
Prie l’espace tout entier de ne jamais me rencontrer sous mes mille autres formes. Adieu, Randolph Carter, et prends garde ; car je suis Nyarlathotep, le Chaos Rampant !"


Lovecraft cite cependant une divinité favorable aux humains, Nodens, dont c'est la 2ème apparition. Ce sera l'unique divinité secourable qui apparaitra dans son oeuvre :

"Avec son escorte hideuse, il avait même songé à défier les Autres Dieux s’il le fallait, sachant que les goules n’ont pas de maître et que les faméliques de la nuit obéissent non à Nyarlathotep, mais à Nodens chargé de siècles.
(...)
"Des cris déchirèrent l’éther tandis que des rubans de lumière repoussaient les démons venus de l’extérieur. Et Nodens le chenu poussa un hurlement de triomphe quand Nyarlathotep, talonnant sa proie, s’arrêta, confondu, devant un flamboiement qui flétrit ses informes horreurs chasseresses et les changea en poussière grise."


Sont évoquées également des créatures appelées "Bholes" qui vivent dans la vallée de Pnath :

"Maintenant Carter savait de source certaine qu'il était dans la vallée de Pnath, où rampent et creusent des Bholes énormes, mais il ne savait pas à quoi s'attendre, parce que personne n'a jamais vu un Bhole, ni même deviné ce qu'une telle chose peut être. Les Bholes ne sont connus que par le sombre bruissement qu'ils font parmi les montagnes d'os et par la bave gluante qu'ils laissent quand ils passent en se tortillant. Ils ne peuvent pas être vus, car ils rampent seulement dans l'obscurité."


- 1926 - 1927 :

H.P.Lovecraft écrit "Epouvante et surnaturel en littérature" (Supernatural Horror In Literature).

Il y explique ceci au sujet du "Signe Jaune", livre écrit par Robert W. Chambers en 1895 :

"... ce talisman est bien le signe jaune sans nom transmis par la secte maudite d'Hastur à partir de la primordiale Carcosa ... "

Ce "signe jaune" , Hastur et Carcosa seront plus tard repris par Lovecraft et intégrés dans une de ses histoires ...



- 1927 (?) :

H.P.Lovecraft écrit "L'histoire du Nécronomicon".

On y apprend ceci :

"Son titre original est Al Azif. Azif étant le nom que les Arabes donnaient au bruit émis par des insectes qu'on entend la nuit et qui est censé être le hurlement des démons..."

En réalité le mot 'azif désigne l'ambiance sonore du désert, le sifflement du vent notamment, qui est assimilée aux cris des djinns dans les anciennes croyances arabes.

Lovecraft écrit également celà :

"Composé par Abdul Alhazred, un poète fou de Sanaá, au Yémen, dont on dit qu’il fleurissait à l’époque des califes Omeyyades, vers 700 ap. J.C. Il visita les ruines de Babylone et les souterrains secrets de Memphis, et passa dix ans seul dans le grand désert au sud de l’Arabie, le Rub al-Khali ou « Espace Vide » des anciens arabes, et le désert 'Dahna' ou 'Cramoisi' des arabes modernes, que l’on croit peuplé d’esprits protecteurs maléfiques et de monstres de mort. Sur ce désert, bien des merveilles étranges et incroyables sont racontées par ceux qui prétendent y avoir pénétré. Dans ses dernières années, Alhazred vécut à Damas, où le Nécronomicon (Al Azif) a été écrit, et sur sa mort définitive ou sa disparition (738 ap. J.C.), bien des choses abominables et contradictoires ont été racontées. Ibn Khallikan (biographe du XIIeme siècle) dit qu’il fut saisi en plein jour par un monstre invisible et horriblement dévoré devant un grand nombre de témoins glacés d’effroi. Sur sa folie, on raconte beaucoup de choses. Il prétendait avoir vu la fabuleuse Irem, la Cité des Piliers, et avoir trouvé sous les ruines d’une certaine ville sans nom du désert les annales bouleversantes et les secrets d’une race plus vieille que l’humanité. Il fut un musulman peu fervent et vénérait des entités inconnues qu’il appelait Yog-Sothoth et Cthulhu..."

Lovecraft y cite également "Le Roi en Jaune", livre écrit par Robert W. Chambers et qui semble l'avoir marqué :

"L'ouvrage, rigoureusement interdit par la plupart des gouvernements de la planète, ainsi que par toutes les organisations religieuses, est donc peu connu du grand public. On dit que les rumeurs auxquelles il a donné naissance ont fourni à R. W. Chambers l'idée de son premier roman, Le Roi en Jaune."

En fait, c'est plutôt le contraire : C'est le "Roi en jaune", terrible livre interdit (mais fictif), qui a donné l'idée du "Nécronomicon".


 
- 1927- 1928 :

H.P.Lovecraft et et Adolphe de Castro écrivent "Le dernier test" ("The Last Test").


Le nom de Shub-Niggurath y apparait pour la première fois. C'est aparemment une divinité qui était adorée au Yémen, conjointement avec les entités Nug et Yeb :

"J'ai parlé au Yémen, avec un vieil homme qui était revenue du désert de Crimson désert. Il avait vu Irem, la Ville des piliers, et avait participé à des cérémonies dans les sanctuaires souterrains de Nug et Yeb. Ia ! Shub-Niggurath ! "


 
- 1928 :

H.P.Lovecraft et Zealia Bishop écrivent "La malédiction de Yig" ("The Curse of Yig") .
Une sorte de dieu-serpent y apparait sous le nom de Yig.


 
- Juillet-Août 1928 :

H.P.Lovecraft écrit "L'abomination de Dunwich".

Yog-Sothoth y apparait comme étant le gardien de la porte retenant les Grands Anciens (probablement les créatures citées dans "L'appel de Cthulhu"). Shub-Niggurath et Cthulhu y apparaissent également :

"Les Anciens ont été, les Anciens sont encore, les Anciens seront toujours. Non point dans les espaces connus de nous, mais entre ces espaces. Primordiaux, sans dimensions, puissants et sereins, ils sont invisibles à nos yeux. Yog-sothoth connaît le portail. Il est le portail. Yog-sothoth est la clef et le gardien du portail. Passé, présent, futur, tous sont Yog-Sothoth. Il sait quand les Anciens ont surgi, et quand ils surgiront de nouveau. Il sait quelles terres ils ont parcourus et quelles terres parcourront à nouveau, et pourquoi nul ne peut arrêter leur avancée (...) dans les déserts glacés, Kadath les a connus, mais quel homme a jamais connu Kadath ? Le désert de glace du sud et les îles englouties de l'océan renferment des pierres où leur sceau est gravé, mais qui a jamais vu la profonde cité prisonnière du gel ou la tour hermétiquement close longtemps ornée de guirlandes d'algues et de bernacles ? Le Grand Cthulu est leur cousin et il ne les discerne qu'imparfaitement. Ia ! Shub-Niggurath ! Vous les connaitrez comme une immonde abomination. Leur main vous étreint la gorge et vous ne les voyez pas; et leur demeure ne fait qu'un avec votre seuil bien protégé. Yog-Sothoth est la clé et la porte par laquelle ls sphères se rencontreront. L'homme règne à présent où ils régnaient jadis; ils régneront bientôt où l'homme règne à présent."

Yog-Sothoth semble être le père de la créature monstrueuse apparaissant dans l'histoire :

"Plus grosse qu'une grange... toute faite de cordes qui se tortillent ... elle est faite comme un oeuf de poule plus grosse que je ne pourrai dire, avec des dousaines de jambees pareilles à des tonneaux, qui se plient en deux quand elle marche ... il n'y a rien de solide la-dedans, c'est comme de la gelée et c'est fait de cordes qui se tortillent les unes contre les autres... il y a des gros yeux saillants tout partout ... et dix ou vingt bouches ou trompes qui dépassent de tous les cotés, grosses comme des tuyaux de poêle, et qui se balancent, s'ouvrent et se mettent bout à bout ... toutes grises avec des anneaux bleus ou violets..."


 
- Novembre-Décembre 1929 :

H.P.Lovecraft et Zealia Bishop écrivent "La butte" ("The Mound").

Cthulu apparait ici sous la forme "Tulu" :

"Je ne pouvais pas alors identifier la figure à tête de poulpe à la chose qu'on retrouvait sur la plupart des cartouches ornés, et que le manuscrit appelait 'Tulu'. Récemment je l'ai associée, et les légendes dans le manuscrit aussi, avec le monstrueux Cthulhu du folklore, une horreur qui s'est infiltrée en venant des étoiles alors que la terre était encore jeune, à demi-formée."

Shub-Niggurath est également cité :

“Ils sont plus vieux que la terre, et sont venus ici d'ailleurs. Ils savent ce que vous pensez et peuvent vous faire savoir ce qu'ils pensent. Ils sont mi-hommes, mi-fantômes. Ils ont franchi la frontière pour prendre forme à nouveau, encore et encore, et nous sommes tous leurs descendants, les enfants de Tulu - toujours représenté en or- de monstrueuse bêtes à demi-humaines, des esclaves morts. Folie ! Ia ! Shub-Niggurath !"


Azathoth et Nyarlathotep sont cités aussi :

"Là-bas, avant qu'il n'y ait des êtres vivants. Plus âgés que les dinosaures. Ce sont toujours les mêmes, ils sont seulement plus faible mais jamais mort (...) Les mêmes êtres mi-hommes, mi-fantômes, des morts qui marchent et travaillent. Oh, ces bêtes, ces demi-humains aux maisons et aux villes en or ! Vieux, vieux, vieux, plus vieux que le temps, des étoiles sont descendus le Grand Tulu, Azathoth et Nyarlathotep. Ils attendent ..."

Yig apparait également :

"Ils adoraient Yig, le grand père des serpents, et Tulu, l'entité à tête de poulpe qui les avait amené en traversant les étoiles. On apaisait ces deux monstruosités hideuse par des sacrifices humains offerts d'une façon très curieuse..."

Le dieu Tsathoggua y apparait pour la première fois. Il est décrit comme un être ressemblant à un crapaud, venu du monde souterrain de N'kaï (En fait Lovecraft a emprunté cet être au livre "Le conte de Satampra Zeiros" écrit par Clark Ashton Smith en 1929) :

"C'est un simple temple de basalte, abandonné et sans la moindre gravure, n'abritant qu'un piédestal en onyx... Une imitation de certains temples, décrits dans les caves de Zin, érigé pour recueillir une terrifiante et sombre idole-crapaud, que l'on trouve dans les mondes rouges et surnommée Tsathoggua dans les manuscrits yothiques. Il fut, en son temps, un dieu puissant et largement vénéré, et ce fut suite à son adoption par le peuple K’n-yan que son nom fut donné à la cite qui devint plus tard la plus puissante de la région. Les légendes Yothiques racontent qu'il est venu d'un mystérieux univers intérieur sous le monde rouge, un sombre royaume privé de lumière, où vivent des êtres aux sens étonnants, qui connurent jadis de grandes civilisations et de puissants dieux. Cela avant même l'apparition des premiers reptiles de Yoth.
Beaucoup d'images de Tsathoggua existaient à Yoth, et on a pensé qu'elles provenaient du monde noir intérieure, et les archéologues Yothiques estimaient qu'elles représentaient la race éteinte de ce royaume. Le royaume noir appelé N'kai dans les manuscrits Yothiques avait été exploré de manière aussi approfondie que possible par ces archéologues, et ses auges de pierre singulière ou ses terriers avaient suscité des spéculations infinies.
Lorsque les hommes de K'n-yan ont découvert le monde rouge intérieur et déchiffré ses manuscrits étranges, ils ont repris le culte de Tsathoggua et ramené toutes les images effroyables de ce crapaud à la terre de la lumière bleue pour les loger dans les sanctuaires de Yoth. (...) Ce culte prospéra jusqu'à presque rivaliser avec les anciens cultes de Yig et de Tulu..."


Les cultes de Shub-Niggurath et de "Celui-que-l'on-ne-doit-pas-nommer" semblent avoir ensuite supplanté celui de Tsathoggua :

"Nous avons découvert un temple abandonné dédié Tsathoggua, mais il avait été transformé en mausolée de Shub-Niggurath, la mère et l’épouse de Celui-que-l'on-ne-doit-pas-nommer. Cette déesse ressemblait à une astarte sophistiquée, et son culte frappait les pieux catholiques, pour être extrêmement odieux."


 
- Fin 1929 - Janvier 1930 :

H.P.Lovecraft écrit "Les champignons de Yuggoth" ("Fungi of Yuggoth"), un recueil de poêmes.

Le poème 20 s'appelle "Les gants de la nuit". On y parle pour la première fois des "Shoggoths" mais sans préciser ce qu'ils sont :

"... descendant les profonds abysses cachant de fétides lacs,
Où les shoggoths haletants étaient plongés en un douteux sommeil,..."


Le poême 21 s'appelle "Nyarlathotep". Il s'inspire visiblement du rêve que Lovecraft avait fait en 1920 :

"Et en dernier en la profonde Égypte vint
L’étrange Etre noir devant lequel les fellahs s’inclinaient,
Silencieux, énigmatique, maigre et profondément fier
Et drapé de vêtements rouges comme les feux du soleil couchant,
Des créatures se pressaient autour, frénétiques et à ses ordres,
Mais ne pouvant dire ce qu’elles avaient entendu,
Alors qu’au travers des nations se propageaient ses mots
d’émerveillement
Les bêtes sauvages le suivaient et lui léchaient les mains.
Bientôt du fond de la mer commença une naissance pernicieuse
Terres oubliés aux clochers envahis par les mauvaises herbes et aux flêches dorées,
Le sol en était crevassé, et de folles aurores descendaient
Sur les tremblantes citadelles des hommes.
Alors, écrasant la moisissure comme par jeu
Le chaos idiot souffla sur la Terre, la renvoyant à la poussière."

Le poème 22 s'appelle "Azathoth" et correspond probablement à ce qu'il reste du livre avorté de Lovecraft en 1922 :

"Au-delà de l’espace connu le démon m’attendait,
Passés les lumineux fragments de notre place
Jusqu’à l’endroit où ni temps ni matière n’étaient,
Mais seulement le chaos, sans forme ni réelle composition,
Là était le seigneur de Tout dans les ténèbres emprisonné,
Les choses qu’il rêvait mais qui ne pouvaient être comprises
Comme des choses chauves-souris virevoltaient et voltigeaient
En d’idiots tourbillons que des vaporeuses lumières bousculaient.
Elles dansaient follement depuis les hauteurs, couinant faiblement,
Au son de monstrueuses flûtes lancées en d’infernaux rythmes,
Et les combinaisons sans but de leurs incessantes vagues
Donnaient au fragile cosmos sa loi éternelle.
'Je suis son messager', disait le démon
Et comme par mépris il frappait le menton de son maître."



 
- 1930 :

H.P.Lovecraft écrit "Celui qui chuchotait dans les ténèbres" ("The Whisperer in Darkness").

Azathoth, démon du chaos, y est évoqué à nouveau dans un passage :

"Je frémis d'horreur en entendant la description du monstrueux chaos nucléaire au-delà de l'espace angulaire que le Nécronomicon voile miséricordieusement sous le nom d'Azathoth."

Ici apparaissent pour la première fois les Mi-gos, des extratrerrestres originaires de Yuggoth (Pluton). Etant décrits comme mi-crustacés, mi-champignons, c'est peut-être eux qui étaient évoqués dans le titre du recueil de poêmes "Les champignons de Yuggoth". Un passage nous les représente :

"Ces choses rosâtres mesuraient environ 5 pieds de long; leurs corps de crustacés étaient affublés de larges nageoires dorsales, où d'ailes membraneuses, avec plusieurs paires de membres articulés, une espèce d'ellipsoîde couvert d'une multitude de courtes antennes leur tenait lieu de tête.
(...)
En fait, la plupart des rumeurs avaient plusieurs points en commun; affirmants que ces créatures ressemblaient à de gros crabes rouges clairs, muni de nombreuses pattes, ainsi que de deux ailes membraneuses dans le dos.
(.....)
Ils tiennent du végétal plus que de l'animal (si on peut appliquer ces termes à la matière qui les compose). Leur structure est sensiblement fongoïde mais la présence de chlorophylle et d'un curieux système nutritif les différencie totalement des champignons cormophytiques. En réalité ils sont faits d'une matière inconnue de nous, dont les électrons ont une vitesse de vibration différente."


Ici, ce sont ces créatures extraterrestres qui sont identifiées aux "Anciens" :

"En ce qui concerne la nature de ces derniers, les explications différaient. généralement on les appelait 'Ceux-là' ou encore 'les Anciens', bien qu'il eût existé d'autres noms locaux."

Ces créatures sont dites avoir connu Cthulhu et Tsathoggua :

"Ils sont arrivés avant la fin de la fabuleuse époque de Cthulu et ils se rappellent la cité de R'lyeh qui émergeait alors au-dessus des eaux.
(...)
Ils ont également été sous terre - il y a des ouvertures dont les hommes ne savent rien - certaines se trouvent dans les collines du Vermont - de grands mondes inconnus gisent là bas. K'n-yan la bleue, Yoth la rouge, et l'obscure N’kai, dénuée de lumière. C'est de cette dernière cité que vint Tsathoggua - vous savez, cette creature batracienne, mentionnée dans les manuscrits Pnakotiques, le Necronomicon et le cycle mythologique de Commotion, préservé par le grand prêtre atlante Klarkash-ton."


Ces êtres étaient appelés "Ceux des ailes noires" par les Indiens Pennacooks. Celà les idéntifierait donc aux étranges créatures qui étaient en contact avec les adorateurs de Cthulhu dans le texte "L'appel de Cthulhu" :

"Ils enseignaient que Ceux-des-ailes-noires venaient de la grande Ourse..."

Ces créatures semblent également avoir vénéré ou adoré tous les êtres démoniaques et les "Grands Anciens" cités dans les autres oeuvres de Lovecraft :

"Loués à jamais soient le grand Cthulhu, Tsathoggua et Celui que l'on ne doit pas nommer ! Que retentissent à jamais leurs louanges et que soit accordée l'abondance au Bouc noir des forêts ! Iä! Shub-Niggurath ! Le Bouc aux mille chevreaux !
(...)
A Nyarlahotep, le puissant messager, tout doit être rapporté. Et il prendra la ressemblance des hommes, le masque de cire et la robe qui dissimule, et il descendra du monde des sept soleils pour se moquer...."


C'est la seule et unique fois que le nom d'Hastur apparait chez Lovecraft, cité au milieu d'une liste mélangeant des noms de "Grands Anciens" et des noms géographiques :

"Je lus des noms et des termes que j'avais déjà entendu ailleurs et que je savais avoir trait aux mystères les plus hideux : Je me suis retrouvé confronté à des noms et à des termes que j'avais entendu ailleurs, faisant référence à des choses hideuses - Yuggoth, le grand Cthulhu, Tsathoggua, Yog-Sothoth, R’lyeh, Nyarlathotep, Azathoth, Hastur, Yian, Leng, le lac de Hali, Bethmoora, le signe jaune, L’mur-Kathulos, Bran, et le Magnum Innominandum ("Le grand qui ne doit pas être nommé") et je me suis sentit aspiré par des eons sans noms et d'inconcevables dimensions, vers des mondes d'une essence plus ancienne et plus lointaine, que l'auteur dément du Necronomicon n'avait que vaguement pressentis."

A noter que Hastur et "Celui qui ne doit pas être nommé" sont écrits séparément dans cette liste. Celà dément l'opinion de certains qui voudraient identifier ces deux entités.
Un autre passage relie cependant le Hastur de Lovecraft avec le "signe jaune" :

"Il existe tout un culte d'hommes maléfiques (un homme de votre érudition mystique comprendra lorsque je ferais le lien avec Hastur et le signe jaune) dévoué à la chasse de ces créatures, les blessant, au nom des monstrueuses puissances des autres dimensions."

En fait le nom d'Hastur, le "lac de Hali" ainsi que le "Signe jaune" (qu'on peut rapporter au prêtre au masque jaune décrit dans "A la recherche de Kadath l'inconnue") ont été repris par Lovecraft à une oeuvre de Robert W. Chambers (1895) : "Le roi en jaune", un recueil de nouvelles fantastiques.

Dans ce recueil, la nouvelle "La cour du dragon" fait apparaitre le terrible "Roi en Jaune". La cité de Carcosa est également citée. Elle est proche du lac de Hali, là où on l'on peut voir des étoiles noires dans le ciel :

"Je levai mes yeux vers cette lueur infinie, et vis les étoiles noires suspendues dans le ciel ; et le vent humide du lac de Hali vint glacer mon visage.
Alors, très loin, par-delà les vagues de nuages qui roulaient sur des lieues et des lieues, je vis la lune ruisselante d'écume et plus loin encore, derrière la lune, s'élevaient les tours de Carcosa. (...)
Et, sombrant dans l'abîme, j'entendis le Roi en Jaune qui chuchotait à mon âme : 'C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant !'"

Dans la nouvelle "Le réparateur de réputation", on voit que Carcosa et le lac de Hali se trouvent sur une autre planète accompagnée de deux soleils :

"... je ne peux pas oublier Carcosa où le ciel est parsemé d'étoiles noires, où l'ombre des pensées des hommes s'allonge dans l'après-midi, où les soleils jumeaux s'enfoncent dans le lac de Hali, et mon esprit sera toujours hanté par le souvenir du Masque Blême."

Dans la "Chanson de Cassilda", on voit que cette planète possède également deux lunes :

"Au long du lac se brisent les vagues de nuages
Les deux soleils jumeaux meurent sur ses rivages
Et les ombres s'allongent
Sur Carcosa
Si étrange est la nuit sous les étoiles noires
Si étranges les lunes qui tournent au ciel du soir
Mais plus étrange encore
Est Carcosa."


Le nom "Hastur" est cité, mais il n'est pas clair de savoir ce que ce mot désigne.

Dans la nouvelle "Le Masque", Hastur est un astre, ainsi que le prouve ce passage :

"Je pensai aussi au Roi en Jaune, enveloppé des couleurs fantastiques de son manteau en lambeaux, et au cri désespéré de Cassilda : 'Pas sur nous, Ô Roi, pas sur nous !'. Je luttais fiévreusement pour chasser ces idées mais je vis le lac de Hali, fluide et vierge, sans un souffle de vent pour l'agiter, et je vis les tours de Carcosa derrière la lune. Aldébaran, les Hyades, Alar, Hastur défilaient à travers les nuages qui flottaient et bruissaient comme les haillons festonnés du Roi en Jaune."

Dans la nouvelle "Le Réparateur de réputations", il semble être également un astre ainsi que le suggère le passage suivant :

"Il mentionna l'établissement de la dynastie à Carcosa, les lacs qui relient Hastur, Aldébaran et le mystère des Hyades. Il parla de Cassilda et de Camilla et explora les profondeurs nébuleuses de Demhe et du lac de Hali. 'Les haillons festonnés du Roi en Jaune doivent dissimuler Yhtill pour toujours', murmura-t-il, mais je ne crois pas que Vance l'entendit. Ensuite il fit suivre à Vance, petit à petit, les ramifications de la famille impériale jusqu'à Uoht et Thale, de Naotalba et du Fantôme de la Vérité jusqu'à Aldones, puis repoussant le manuscrit et les notes, il commença à raconter la prodigieuse histoire du Dernier des Rois.."

Peut-être que Alar et Hastur sont les noms des deux lunes de cette planète ?

Mais d'autres passages de la même nouvelle semblent indiquer qu'Hastur est un membre de la dynastie des rois jaunes de Carcosa (dont l'emblême est le Signe jaune) :

"Je lui montrai les milliers de noms que M. Wilde avait rassemblés : chacun de ces hommes avait reçu le Signe Jaune, qu'aucun être humain vivant n'ose dédaigner. La ville, l'état, le pays entier étaient prèts à se soulever et à trembler devant le Masque Blême. Le temps était venu, le peuple devait apprendre à connaitre le fils d'Hastur et le monde entier devait s'incliner devant les étoiles noires qui brillent au ciel de Carcosa.
(...)
Puis je revêtis la robe de soie blanche, brodée du Signe Jaune, et posai la couronne sur ma tête. Enfin j'étais Roi, Roi de par mon droit en Hastur, Roi parce que je connaissais les mystères des Hyades et que mon esprit avait sondé les profondeurs du lac de Hali. J'étais Roi !"

Dans la nouvelle "Le Signe Jaune", Hastur semble également être une personne (encore que rien ne s'oppose à ce que ce soit un astre), ainsi que le suggère ce passage :

"Nous continuâmes à parler sans voir les ombres qui tombaient et elle me suppliait de jeter cette broche d'onyx noir qui, nous le savions maintenant, portait le Signe Jaune. Je ne sais pas pourquoi je refusai et même aujourd'hui, alors que j'écris cette confession depuis ma chambre, je donnerais cher pour savoir ce qui m'a empèché d'arracher le Signe jaune de ma poitrine et de le jeter au feu. Je suis sûr qu'au fond de moi je désirais le faire, et pourtant c'est en vain que Tessie m'en supplia. La nuit tomba et les heures continuaient à s'écouler mais nous parlions toujours du Roi et du Masque Blafard, et minuit sonna aux clochers de la ville noyée de brume. Nous parlions de Hastur et de Cassilda alors qu'au-dehors le brouillard tourbillonnait aux fenêtres, tout comme des vagues de nuages roulent et se brisent sur les rivages de Hali."

Dans la nouvelle "La Demoiselle d'Ys", Hastur n'est plus que le nom d'un fauconnier :

"'Voici mes piqueurs', dit la jeune fille, se tournant vers moi d'un air plein de dignité. 'Raoul est un bon fauconnier ; un jour je le ferai grand veneur. Quant à Hastur, il est incomparable'."

L'interprétation de James Blish et Robert M. Price, selon laquelle Hastur est une ville située au bord du lac de Hali, ne repose donc sur aucun fondement.

En fait, Robert W. Chambers avait lui-même repris Hastur, Hali, Alar et Carcosa dans "Can such things be" ("De telles choses sont-elles possibles ?", 1893), un recueil de nouvelles d'Ambrose Bierce.

Dans la nouvelle "La Mort de Halpin Frayser", écrite par Bierce, on trouve une citation d'un certain Hali (un écrivain arabe ?) concernant les morts-vivants.

Dans la nouvelle "Un Habitant de Carcosa", on trouve une citation du même Hali concernant les revenants. Et Alar, un homme mort, y apercoit Aldébaran et les Hyades dans le ciel bien qu'on soit en plein jour, et il découvre sa propre tombe près des vestiges de Carcosa.

Dans la nouvelle "Haïta le berger", Hastur est le dieu des bergers, puissant mais bon.




- 7 novembre 1930 :

H.P.Lovecraft écrit une lettre à Clark Ashton Smith.

Il y cite pour la première fois le "Signe des Anciens" :

"Je vous remercie à nouveau pour le nom de Tsathoggua que j'utilise dans mon dernier récit, et en espérant voir d'autres produits de votre plume, j'y ajoute le Signe des Anciens et le Sceau de N'gah, donnés dans le Cycle Noir de Y'hu."

Et il dessine ce "Signe des Anciens" sous cette forme :



- Février - Mars 1931 :

H.P.Loveraft écrit "Les montagnes hallucinées" ( inspiré des "Aventures d’Arthur Gordon Pym" d'Edgar Poe, 1838).

Ici apparaissent encore les Grands Anciens / Vénérables Anciens. Mais cette fois ils sont identifiés à des extraterrestres crinoîdes, à la tête en forme d'étoile, ayant jadis vécu sur le plateau de Leng en Antarctique (Parfois on donne le nom de "Choses trés anciennes" à ces créatures pour les différencier des "Grands Anciens") :

"L’objet a huit pieds de long en tout. Le torse en tonneau de six pieds, à cinq arêtes, fait trois pieds et demi de diamètre au centre, un pied aux extrémités. Gris foncé, élastique et d’une très grande fermeté. Les ailes membraneuses de sept pieds, même couleur, trouvées repliées, sortent des sillons entre les arêtes. Armature tubulaire ou glandulaire gris clair, avec orifices au bout des ailes. Déployées, elles ont les bords en dents de scie. Autour de la région centrale, au milieu de chacune des saillies verticales en forme de douve, on trouve cinq organes gris clair, bras ou tentacules flexibles étroitement repliés contre le torse mais qui peuvent s’étendre jusqu’à une longueur de trois pieds. Tels les bras des crinoïdes primitifs. Chaque tige de trois pouces de diamètre se ramifie au bout de six pouces ecinsous-tiges, chacune se ramifiant aubout de huit pouces en cinq petits tentacules ouvrilles effilées, cequi donne pour chaque tige un total de vingt-cinq tentacules.
Au sommet du torse, un cou court et bulbeux, gris plus clair, avec des sortes de branchies, porte ce qui semble une tête jaunâtre en forme d’étoile de mer à cinq branches, couverte de cils drus de trois pouces, des diverses couleurs du prisme. Tête épaisse et gonflée d’environdeux pieds d’une pointe à l’autre, avec des tubes flexibles jaunâtres de trois pouces sortant au bout de chaque pointe. Au sommet, une fente, juste au centre, probablement un orifice respiratoire. Au bout de chaque tube, une expansion sphérique où unemembrane jaunâtre se replie sous le doigt, découvrant un globe vitreux d’un rouge iridescent, un œil évidemment. Cinq tubes rougeâtres un peu plus longs partent des angle sintérieurs de la tête en étoile et finissent en renflements, comme des sacs de même couleur qui, sous la pression, s’ouvrent sur des orifices en forme de calice de deux pouces de diamètre, bordés de sortes de dents blanches et aiguës. Tous ces tubes, cils et pointes de la tête en étoile de mer étroitement repliés; tubes et pointes collés au cou bulbeux et au torse.Surprenante souplesse en dépit de l’extrême fermeté.
Au bas du torse se trouvent des équivalents rudimentaires des dispositifs de la tête, mais aux fonctions différentes. Un pseudo-cou bulbeux gris clair, sans branchies, porte un organe verdâtre en étoile à cinq branches. Bras durs et musculeux de quatre pieds de long, s’amenuisant de sept pouces de diamètre à la base jusqu’à deux et demi environ à l’extrémité. À chaque pointe se rattache le petit côté d’un triangle membraneux verdâtre à cinq nervures de huit pouces de long et six de large au bout. C’est là la pagaie, l’aileron ou le pseudopode qui a laissé les empreintes sur les roches vieilles de mille millions à cinquante ou soixante millions d’années. Des angles intérieurs du dispositif en étoile sortent des tubes rougeâtres de deux pieds s’effilant de trois pouces de diamètre à la base jusqu’à un au bout. Orifices aux extrémités. Tous ces éléments coriaces comme du cuir mais extrêmement flexibles. Des bras de quatre pieds avec des palettes certainement utilisées pour une forme de locomotion, marine ou autre. Suggèrent, quand on les déplace, une puissance musculaire démesurée. Tous ces appendices trouvés étroitement repliés sur le pseudo-cou et à l’extrémité du torse comme ceux de l’autre bout.
Je ne puis encore trancher entre le domaine végétal et l’animal, mais les chances maintenant sont en faveur de l’animal. Il représente sans doute une révolution incroyablement poussée de radiolaire, sans avoir perdu certains de ses caractères primitifs. Rapprochements indiscutables avec les échinodermes malgré signes locaux contradictoires. La structure des ailes laisse perplexe étant donné l’habitat probablement marin, mais
elles pouvaient servir à la navigation. La symétrie est curieusement végétale, évoquant la structure de la plante selon l’axe haut-bas, plutôt que celle de l’animal dans l’axe avant-arrière..."
(...)
"Ils furent les créateurs et les tyrans de cette vie, et sans aucun doute les modèles des vieux mythes démoniaques auxquels font allusion les Manuscrits pnakotiques et le Necronomicon dans des textes épouvantables. Ils étaient les Grands Anciens qui s’étaient infiltrés depuis les étoiles sur la Terre encore jeune– ces êtres dont une évolution extraterrestre avait façonné la substance et dont les pouvoirs étaient tels que la planète n’en avait jamais connu."

Ces Crinoîdes auraient connu des affrontements avec les extraterrestres de Cthulhu, déjà cité :

"Une autre race – race terrestre d’êtres en forme de pieuvres, probablement la fabuleuse progéniture préhumaine de Cthulhu–commença bientôt à s’infiltrer du fond des infinis cosmiques, et déclencha une guerre monstrueuse qui, pour un temps, ramena tout à fait les Anciens à la mer – un coup terrible pour les colonies terrestres en plein développement. Plus tard on fit la paix et les nouveaux territoires furent attribués aux rejetons de Cthulhu tandis que les Anciens gardaient la mer et les anciennes terres. De nouvelles villes furent fondées à terre – la plus importante dans l’Antarctique car cette région du premier établissement était sacrée. Dès lors comme auparavant, l’Antarctique resta le centre de la civilisation des Anciens, et toutes les cités repérables qu’avaient édifiées ceux de Cthulhu furent anéanties. Puis soudain les terres du Pacifique sombrèrent de nouveau, entraînant avec elles la terrifiante ville de pierre de R’lyeh et toutes les pieuvres cosmiques, de sorte que les Anciens retrouvèrent leur suprématie sur la planète."

Ces Crinoîdes auraient également connu des affrontements avec les extraterrestres Mi-gos, déjà cités :

"Pendant l’époque jurassique, les Anciens rencontrèrent de nouvelles épreuves sous la forme d’une autre invasion de l’espace extérieur, cette fois de créatures mi-champignons, mi-crustacés, venant d’une planète qu’on peut identifier avec le lointain Pluton récemment découvert; les mêmes indiscutablement que celles qu’évoquent certaines légendes confidentielles du Nord, perpétuées dans l’Himalaya sous le nom de Mi-Go ou abominables hommes des neiges. Pour les combattre, les Anciens tentèrent, pour la première fois depuis leur arrivée sur Terre, une nouvelle sortie dans l’éther planétaire; mais en dépit de tous leurs préparatifs traditionnels, il ne leur fut plus possible de quitter l’atmosphère terrestre. Quel qu’ait été le vieux secret du voyage interplanétaire, il était maintenant perdu à jamais pour leur race. Finalement, lesMi-Go les repoussèrent de tous les territoires du Nord, sans rien pouvoir cependant contre ceux de la mer. Peu à peu commença le lent recul de l’antique race jusqu’à son habitat antarctique originel. Chose curieuse que l’on observait dans les représentations de batailles, les rejetons de Cthulhu aussi bien que les Mi-Go semblaient faits d’une matière plus différente encore de ce que nous connaissons que celle des Anciens. Capables de métamorphoses et de réintégrations interdites à leurs adversaires, ils devaient pourtant être issus de gouffres plus lointains de l’espace cosmique. Les Anciens, n’étaient leur résistance extraordinaire et leurs qualités vitales particulières, restaient strictement matériels et devaient avoir pris naissance à l’intérieur du continuum connu de l’espace-temps, tandis qu’on ne pouvait risquer que les suppositions les plus hasardeuses sur les sources premières des autres entités."

Le mot "Mi-go" aurait son origine dans le nom tibétain du Yeti. il se compose de "MI" (="homme") et de "GO" ou "GYO" (="rapide"). Par conséquent, il signifie "Créature semblable à l'homme se déplaçant rapidement".

Un Shoggoth, créature artificielle créée pour servir les Anciens, est également décrit :

"... son large front noir surgissant, colossal, du plus loin d’un souterrain sans bornes, constellé de lumières étrangement colorées et remplissant le prodigieux tunnel comme un piston remplit un cylindre (...) C’était une chose terrible, indescriptible, plus énorme qu’aucun train souterrain – une accumulation informe de bulles protoplasmiques, faiblement phosphorescente, couverte d’une myriade d’yeux éphémères, naissant et se défaisant comme des pustules de lumière verdâtre sur tout l’avant qui remplissait le tunnel et fonçait sur nous, écrasant les manchots affolés, en glissant sur le sol luisant qu’elle et ses pareils avaient balayé si férocement de toute poussière. Et toujours ce cri surnaturel, narquois : 'Tekeli-li ! Tekeli-li !' Nous nous rappelâmes enfin que les shoggoths démoniaques – qui tenaient des seuls Anciens la vie, la pensée et leurs structures d’organes malléables (...) n’avaient de voix que les accents imités de leurs maîtres disparus."

Le nom des Shoggoths vient d'un roman d'Edgar Rice Burroughs : "Au coeur de la Terre" (1914). Dans ce livre on trouve des hommes-gorilles, appelés "Sagoths", qui servent d'esclaves aux Mahars, des ptérosaures intelligents vivant sous Terre

D'autres créatures déjà citées dans les textes de Lovecrafr sont également citées :

"Je repensais aux mystérieux mythes primitifs qui m’avaient hanté si obstinément depuis ma première image de ce monde antarctique mort – celle du démoniaque plateau de Leng, des Mi-Go ou abominables hommes des neiges de l’Himalaya, des Manuscrits pnakotiques avec leurs implications préhumaines, du culte de Cthulhu, du Necronomicon, et des légendes hyperboréennes de l’informe Tsathoggua et du frai d’étoiles pire qu’informe, associé à cette semi-entité."

Et Kadath est également mentionnée :

"Il y a peut-être une très réelle et monstrueuse signification dans les vieilles rumeurs pnakotiques à propos de Kadath dans le désert glacé.
(...)
Car cette ligne violette au loin ne pouvait être que les terribles montagnes du monde interdit – les plus hauts pics de la Terre et le centre du mal sur le globe ; abritant des horreurs sans nom et des secrets archéens ; fuies et invoquées par ceux qui craignaient d’en dévoiler l’essence ; que nul être vivant sur Terre n’avait foulées ; visitées de sinistres éclairs et projetant d’étranges lueurs par-dessus les plaines dans la nuit polaire – sans aucun doute archétype inconnu du redoutable Kadath dans le Désert Glacé au-delà du détestable Leng auquel font allusion des légendes primitives impies."


 
- Décembre 1931 :

H.P.Loveraft écrit "Le Cauchemar d'Innsmouth" (The Shadow over Innsmouth).

"Ceux des Profondeurs", des êtres mi-hommes mi-poissons (ou mi-batraciens) y sont décrits, qui semblent vénérer ou adorer Cthulhu :

"Y’ha-nthlei ne fut pas détruit quand les hommes de la surface de la terre firent exploser dans la mer leurs armes de mort. On n’a jamais pu détruire Ceux des Profondeurs, même si la magie paléogène des Anciens oubliés a pu parfois les tenir en échec. Pour le moment, ils se reposaient ; mais quelque jour, s’ils se souvenaient, ils monteraient à nouveau prélever le tribut que le Grand Cthulhu désirait ardemment."

Le "Signe des Anciens" est également décrit. il a maintenant la forme d'une croix gammée et sert de protection contre "Ceux des profondeurs" :

"... ils était parsemé de petites pierres, des sortes de talismans, avec dessus un symbole ressemblant à ce que vous appelez de nos jour une croix gammée. Probablement que c'était le signe des Anciens."

Les Shoggoths sont également mentionnés :

"Y-z-apportent des choses d’là d’où y viennent pour met’dans la ville – y font ça d’puis des années, et y ralentissent ces derniers temps. Les maisons au nord d’la rivière entre Water Street et Main Street a-z-en sont pleines de ces démons et de c’qu’y-z-ont apporté, et quand y s’ront prêts... J’vous dis, quand y s’ront prêts... Z’avez entendu parler d’un shoggoth ?"
(...)
"Tel fut le rêve dans lequel je vis un shoggoth pour la première fois, et ce spectacle me réveilla, hurlant d’épouvante."


 
- Janvier-Février 1932 :

H.P.Lovecraft écrit "La maison de la sorcière" (The Dreams in the Witch House).

Nyarlathotep (ou l'un de ses servants) y apparait sous les traits d'un homme noir :

"Il était la figure immémoriale de l'adjoint ou du messager des pouvoirs cachés et terrible - l'Homme Noir de la secte des sorcières, et le Nyarlathotep du Necronomicon."

Une description plus précise de cet homme noir se trouve ci-aprés :

"La mégère au sourire grimaçant étreignait toujours sa victime, et devant la table était assis un personnage que Gilman n’avait jamais vu – un homme grand, maigre, d’un noir d’encre mais sans aucun caractère négroïde ; totalement chauve et imberbe, il portait pour tout vêtement une robe informe d’une lourde étoffe noire. La table et le banc dissimulaient ses pieds, mais il devait être chaussé, car on entendait un bruit sec chaque fois qu’il changeait de position. L’homme ne parlait pas et ses traits minces et réguliers étaient absolument dépourvus d’expression. Il désignait seulement un livre d’une taille prodigieuse qui était ouvert sur la table, tandis que la mégère fourrait une énorme plume d’oie grise dans la main droite de Gilman."


Cet homme noir servait également Azathoth, le démon du chaos :

"Il devait, disait-elle, rencontrer l’Homme Noir et les accompagner tous devant le trône d’Azathoth au cœur de l’ultime Chaos. Il devait signer de son sang le livre d’Azathoth et adopter un nouveau nom secret à présent que ses recherches indépendantes étaient allées si loin. Ce qui l’empêchait de les suivre, elle, Brown Jenkin et les autres devant le trône du Chaos, où les flûtes au son maigre jouent avec indifférence, c’était qu’ayant vu le nom 'Azathoth' dans le Necronomicon, il le tenait pour un mal primordial dont l’horreur défiait toute description."
"... la spirale des noirs tourbillons de ce vide ultime du Chaos où règne l’indifférent Azathoth, sultan démoniaque."
"... l’insensé Azathoth, régnant sur l'espace et le temps, assis dans un curieux trône noir, au centre du chaos."


Shub-Niggurath est également cité, une fois de plus, dans une formule :

"Les prières contre le Chaos Rampant devenaient un hurlement d’inexplicable triomphe – des mondes d’une réalité sardonique venaient heurter les tourbillons du rêve fébrile – Iä ! Shub-Niggurath ! Le Bouc aux Mille Chevreaux..."

Les extraterrestres à la tête en forme d'étoile, déja vus dans "Les montagnes hallucinées", sont également présents ici, aparemment sur une planète située dans la constellation Argo. Une sculpture les représentant est décrite :

"Elles représentaient un corps strié en forme de tonneau portant de minces bras horizontaux divergeant comme les rayons d’une roue autour d’un anneau central, et des protubérances ou bulbes verticaux prolongeant le sommet et la base du tonneau. Chacune de ces protubérances était le moyeu d’un système de cinq longs bras plats effilés en triangle, disposés comme ceux d’une étoile de mer – presque horizontalement, mais légèrement incurvés à l’opposé du tonneau central."


 
- 12 juin 1932 :

Lovecraft fait la connaissance de Price.

- Octobre 1932 - 6 avril 1933 :


Lovecraft écrit "A travers les portes de la clé d'argent" (Through the Gates of the Silver Key) que Price lui avait demandé.

Ici encore est cité Yog-Sothoth :

"Il est le Tout-en-un et le Un-en-tout, un être illimité, pas simplement une chose du continuum d'espace-temps, mais l'allié de l'essence ultime animant toute existence (...)
Il était peut-être celui que certains cultes secrets de la Terre appelaient Yog-Sothoth en chuchotant, et qui a été une divinité sous d'autres noms; celui que les crustacés de Yuggoth adorait comme Celui de l'au-delà, et que les cerveaux vaporeux des lnébuleuses spirales connaissaient par un signe intraduisible."


Yog-Sothoth apparait également sous les traits de 'Umr au-Tawil, l'homme qui préside les salles intemporelles au-delà de la Porte de la Clé d'Argent :

"... tous ces êtres du monde des ténèbres sont de loin inférieurs de Celui qui garde la porte ; de Celui qui guidera l’imprudent par-delà l’univers dans l’abîme où gîtent des formes innommables toujours prêtes à dévorer. Celui-là, le très ancien, c’est 'Umr al-Tawil, nom que le scribe a traduit par 'Celui dont on a prolongé la vie'."

Cthulu est cité ici aussi, à nouveau :

"...le langage reproduit par ces hiéroglyphes n'est pas du naacal mais du r'lyehian, langue qui fut apportée sur Terre par la descendance de Cthulhu..."

Tsathoggua est cité également :

"... une de ces entités immémoriales qui ont habité la primitive Hyperborée et adoré le noir et changeant Tsathoggua après s'être enfuies de Kythanil, la double planète qui, autrefois, gravitait autour d'Arcturus."

Apparaissent aussi des créatures appelées "Dholes" vivant sur la planète Yaddith et que l'on peut identifier aux "Bholes" déjà cités dans "A la recherche de Kadath l'inconnue". Ces êtres ont probablement été empruntés aux "Dols" évoqués (mais non décrits) par Arthur Machen dans son livre "Le peuple blanc" (The white people, 1890) :

"Il y eut de hideux combats contre les Dholes blanchâtres et visqueux dans les tunnels primitifs qui criblent la planète."


 
- 21-24 Août 1933 :

H.P.Lovecraft finit d'écrire "La chose sur le seuil" / "Le monstre sur le seuil" (The Thing on the Doorstep).

Les Shoggoths sont cités à nouveau, ainsi que Shub-Niggurath :

"La fosse aux shoggoths ! Au bas des six mille marches… l’abomination des abominations… je ne voulais pas qu’elle m’y emmène, et c’est là que je me suis retrouvé… Iä ! Shub-Niggurath ! La forme s’est dressée au-dessus de l’autel et ils étaient cinq cent qui hurlaient… La Créature encapuchonnée a bêlé : 'Kamog ! Kamog !'… c’était le nom du vieil Ephraïm… J’étais là, en ce lieu où elle m’avait promis de ne pas m’emmener… Une minute auparavant, je me trouvais dans ma bibliothèque fermé à clé… et puis je me trouvais à cet endroit où elle était partie avec mon corps… dans cette fosse maudite où commence le royaume des ténèbres… J’ai vu un shoggoth… je l’ai vu changer de forme… Je ne peux pas supporter cela…"



 
- 1933 :

H.P.Lovecraft et Hazel Heald écrivent "Au-delà des éons" (Out of the Aeons).

On y trouve Shub-Niggurath, Nug, et Yeb, ainsi que Tsathoggua et Yig le dieu serpent. Shub-Niggurath est ici appelée "la Déesse Mère", et il est fait référence à "ses fils", vraisemblablement Nug et Yeb. (Alors que dans "Celui qui chuchotait dans les ténèbres" c'était un être masculin surnommé le "Seigneur des Bois").

Pour la première fois, apparait aussi une entité appelée "Ghatanothoa", une créature apportée semble-t-il par les extraterrestres Mi-gos de Yuggoth. (A noter que, plus tard, Lin Carter écrira le "Cycle des légendes Xothiques" où il fera de Ghatanothoa le fils de Cthulhu.) :

"... un continent disparu (...) auquel la légende a donné le nom de Mu, et que les tablettes anciennes dans la langue originelle Naacale disaient être florissant il ya 200000 ans, quand l'Europe abritait uniquement des entités hybrides, et que l'Hyperborée perdue connaissait alors le culte de Tsathoggua l'être amorphes et noir.
On a parlé d'un royaume ou une province appelée K'naa dans une terre très ancienne, où les premiers humains avaient trouvé des ruines monstrueuses laissées par ceux qui avaient habité là avant ; de vagues entités inconnues qui s'étaient infiltrées par les étoiles et avaient vécu leurs éons dans le monde naissant. K'naa était un lieu sacré, car en son sein les falaises de basalte sombre du mont Yaddith-Gho s'élevaient dans le ciel, surmontées d'une forteresse gigantesque de pierres cyclopéennes, infiniment plus vieille que l'humanité et construite par les extraterrestres de la planète noire Yuggoth, qui avaient colonisé la terre avant la naissance de la vie terrestre. Ces êtres de Yuggoth avaient péri des éons avant, mais ils avaient laissé derrière eux une chose vivante monstrueuse et terrible qui ne pourrait jamais mourir, leur dieu ou maître infernal, le démon Ghatanothoa, qui subsistait éternellement bien qu'invisible dans les cryptes sous cette forteresse du Yaddith-Gho. Aucune créature humaine n'a jamais escaladé le Yaddith-Gho et vu la forteresse blasphématoire excepté à distance
(...)
Ce fut dans l'Année de la Lune Rouge (estimé à 173148 av.JC par von Junzt) que le premier être humain a osé défier Ghatanothoa et sa menace sans nom.
Cet hérétique audacieux était T'yog, grand-prêtre de Shub-Niggurath et gardien du temple de cuivre de la Chèvre aux mille chevraux. T'yog avait longuement réfléchi sur les pouvoirs des différents dieux, et il avait eu des rêves étranges et des révélations touchant la vie de ce monde en ses débuts. En fin de compte il se sentait sûr que des dieux amicaux à l'homme pourraient être déployés contre les dieux hostiles, et croyait que Shub-Niggurath, Nug, et Yeb, ainsi que Yig le dieu serpent, étaient prêts à prendre parti pour l'homme contre la tyrannie et la présomption de Ghatanothoa."



 
- 1933 :

Lovecraft et Hazeal Headd écrivent "L'Horreur dans le musée".

Tsathoggua y est à nouveau décrit :

"Le noir Tsathoggua apparait sous la forme d'un crapaud avancant de manière sinueuse avec des centaines de pieds rudimentaires."


 
1933 :

Lovecraft et Hazeal Headd écrivent "La mort ailée" (Winged Death).

Tsathoggua y est à nouveau cité, ainsi que Cthulhu :

"C'étaient des repaires ou des avant-postes des pêcheurs d'ailleurs - quel que soit le sens de ces mots - et des dieux malfaisants Tsathoggua et Cthulhu."


 
- 14 août 1934 :

H.P.Lovecraft écrit une lettre à W.F. Anger où il confesse que ni le Necronomicon, ni Abdul al-Hazred, son auteur, n'ont existé.
... Celà n'empéchera pas de nombreux lecteurs naïfs de continuer à rechercher ce livre dans les bibliothèques comme s'il existait vraiment.

 
- 24 février 1935 :

H.P.Lovecraft achève d'écrire "Dans l'abîme du temps" (The Shadow Out of Time).

Y sont décrits des extra-terrestres de forme conique ayant jadis vécu sur terre. On les appelait "la Grand-Race" :

"Ceux de la Grand-Race étaient d’immenses cônes striés de dix pieds de haut, avec une tête et d’autres organes fixés à des membres extensibles d’un pied d’épaisseur partant du sommet.
Ils s’exprimaient en faisant claquer ou frotter d’énormes pattes ou pinces qui prolongeaient deux de leurs quatre membres, et se déplaçaient en dilatant et contractant une couche visqueuse qui recouvrait leur base de dix pieds de large.
(...)
On eût dit d’énormes cônes iridescents de dix pieds de haut et autant de large à la base, faits d’une
substance striée, squameuse et semi-élastique. De leur sommet partaient quatre membres cylindriques flexibles, chacun d’un pied d’épaisseur, de la même substance ridée que les cônes eux- mêmes. Ces membres se contractaient parfois jusqu’à presque disparaître, ou s’allongeaient à l’extrême, atteignant quelquefois dix pieds. Deux se terminaient par de grosses griffes ou pinces.
Au bout d’un troisième se trouvaient quatre appendices rouges en forme de trompette. Le quatrième portait un globe jaunâtre, irrégulier, d’environ deux pieds de diamètre, où s’alignaient trois grands yeux noirs le long de la circonférence centrale. Cette tête était surmontée de quatre minces tiges grises avec des excroissances pareilles à des fleurs, tandis que de sa face inférieure pendaient huit antennes ou tentacules verdâtres. La large base du cône central était bordée d’une matière grise, caoutchouteuse, qui par dilatation et contraction successives assurait le déplacement de l’entité tout entière.
(...)
Ces êtres ne possédaient que deux des sens que nous connaissons : la vue et l’ouïe, cette dernière ayant pour organes les excroissances en forme de fleurs situées sur la tête, au bout de tiges grises. Ils avaient beaucoup d’autres sens, incompréhensibles – et de toute façon peu utilisables par les esprits étrangers captifs qui habitaient leurs corps. Leurs trois yeux étaient placés de manière à leur assurer un champ visuel plus étendu que la normale. Leur sang était une espèce de liquide vert foncé, très épais. Ils n’avaient pas de sexe, mais se reproduisaient au moyen de germes ou spores groupés à leur base, qui ne pouvaient se développer que sous l’eau. On utilisait de grands bassins peu profonds pour la culture de leurs jeunes – qu’on élevait toutefois en nombre très limité en raison de la longévité des individus : l’âge moyen étant de quatre ou cinq mille ans."


Les "Anciens" à la tête en forme d'étoile sont à nouveau cités :

"Les guerres, civiles pour la plupart depuis les derniers millénaires, mais menées parfois contre des envahisseurs reptiliens ou octopodes, ou encore contre les Anciens ailés, à la tête en étoile, concentrés dans l’Antarctique, étaient peu fréquentes mais terriblement dévastatrices."

Des polypes extra-terrestres sont également mentionnés. On pourrait peut-être les identifier aux créatures de Cthulhu :

"Selon ces bribes d’information, l’objet de cette peur était une horrible race ancienne d’entités tout à fait extraterrestres, à demi polypes qui, venant à travers l’espace d’univers infiniment lointains, avait soumis la terre et trois autres planètes du système solaire voici environ six cents millions d’années. Elles
n’étaient matérielles qu’en partie – suivant notre conception de la matière – et leur type de conscience ainsi que leurs moyens de perception étaient radicalement différents de ceux des organismes terrestres. Leurs sens, par exemple, ne comportaient pas celui de la vue, leur monde mental se composant d’un étrange réseau d’impressions non visuelles.
(...)
Elles étaient néanmoins suffisamment matérielles pour utiliser des instruments de matière normale dans les régions cosmiques où elles en trouvaient et il leur fallait un logement – encore qu’il fût d’un genre très particulier. Bien que leurs sens puissent pénétrer les obstacles matériels, leur substance en était incapable et certaines formes d’énergie électrique pouvaient les détruire entièrement. Elles avaient la faculté de se déplacer dans l’air, malgré l’absence d’ailes ou de quelque autre organe visible de lévitation... Lorsque ces créatures étaient arrivées sur la terre, elles avaient construit de puissantes cités basaltiques de tours sans fenêtres, et exercé d’affreux ravages sur les êtres vivants qu’elles avaient rencontrés. C’est alors que les esprits de la Grand-Race s’étaient élancés à travers le vide, depuis cet obscur monde transgalactique connu sous le nom de Yith dans les inquiétants et contestables fragments de poterie d’Eltdown. Les nouveaux venus, grâce aux engins qu’ils avaient créés, n’eurent aucune peine à vaincre les rapaces entités et à les refouler dans ces cavernes au cœur de la terre qu’elles avaient déjà reliées à leurs demeures et commencé à habiter."

D'autres créatures, tirées des divers livres de Lovecraft, sont également citées :

"Parmi les esprits terrestres, il y en avait de la race semi-végétale, ailée, à la tête en étoile, de l’Antarctique paléogène ; un du peuple reptilien de la Valusia des légendes ; trois sectateurs hyperboréens de Tsathoggua, des préhumains couverts de fourrure ; un des très abominables Tcho-Tchos..."


 
- Novembre 1935 :

H.P.Lovecraft écrit "Celui qui hantait les ténèbres" (The haunter of the dark) en réponse au livre "Le Rôdeur des étoiles" de Robert Bloch.

Azathoth apparait une fois de plus :

"Il songea aux antiques légendes de l’Ultime Chaos, au centre duquel trône le dieu aveugle et stupide Azathoth, Maître de Toutes Choses, entouré d’une horde de danseurs aveugles et informes, bercé par le chant monotone d’une flûte démoniaque."


Ici encore les "Anciens" sont cités, et ils sembles identifiés aux extraterrestres Mi-gos de Yuggoth (Pluton)et non aux crinoïdes à la tête en forme d'étoile :

"Il parle très souvent du Trapézohèdre étincelant qu’il définit comme une fenêtre ouverte sur le temps et l’espace, et dont il retrace l’histoire jusqu’à l’époque où il fut façonné sur la sinistre planète Yuggoth, avant que les Anciens l’aient apporté sur la Terre. Il fut recueilli et placé dans sa curieuse boîte par les habitants crinoïdes de l’Antarctique, avant de passer entre les mains des hommes-serpents de Valusia. Des milliers de siècles plus tard, les premiers êtres humains le contemplèrent dans le pays de Lemuria..."

Nyarlathotep apparait ici aussi :

"De quoi ai-je peur ? N’est-ce pas un avatar de Nyarlathotep qui, dans la mystérieuse Khem, prit la forme d’un homme ? Je me rappelle Yuggoth, et aussi Shaggaï, et le vide ultime des planètes noires..."

Yog-Sothoth est également évoqué ainsi qu'une monstrueuse créature (noire, ailée, munie d'un œil triple de couleur rouge et ne supportant aucune lumière) qui pourrait être un avatar de Nyarlathotep :

"Je la vois... elle vient par ici... forme gigantesque... ailes noires... Yog-Sothoth, sauve-moi !... L'oeil brûlant aux trois lobes !"


 
- 15 mars 1937 :

H.P Lovecraft décède du cancer.


 
August Derleth sera ensuite le continuateur de Lovecraft.

Admirateur, correspondant et exécuteur testamentaire de Lovecraft, il oeuvrera toute sa vie pour faire connaître les écrits de ce dernier. Pour celà il fondera la maison d’édition Arkham House en 1939 avec Donald Wandrei.
Il travaillera aussi à combler toutes les contradictions dans l'oeuvre de son maître et essaiera de structurer celle-ci en un système cohérent auquel il appliquera le terme "Mythe de Cthulhu". Pour se faire il écrira de nouveaux textes inspirés de Lovecraft, propageant ainsi le mythe ... ou plutôt sa vision personnelle du mythe.

Derleth écrira ceci au sujet de ce mythe :

"Il serait erroné de penser que le Mythe de Cthulhu ait été délibérément projeté dans l'oeuvre de Lovecraft. Tout indique au contraire qu'il n'y avait pas la moindre intention d'élaborer pareil mythe jusqu'à ce qu'il se dégage dans son oeuvre, ce qui explique d'ailleurs les incohérences que l'on peut trouver d'un récit à l'autre."

Un exemple de ces incohérences est la localisation du plateau de Leng selon Lovecraft :
Dans "Le Molosse" il est situé en Asie centrale, dans "Celephais" et "A la recherche de Kadath l'inconnue" il se trouve dans le Monde du rêve, et dans "Les Montagnes Hallucinées" il est en Antarctique.

Derleth reprendra les créatures de Lovecraft ...

Selon lui, Hastur (qu'il identifie avec "Celui qu'on ne doit pas nommer") serait emprisonné sous les eaux du Lac noir de Hali, près de la ville de Carcosa, sur une planète du système des Hyades.
Dans l' "Ombre venue de l'espace" il explique ceci :

"La Grand' Race avait pris son essor vers l'espace. elle était d'abord allée sur la planète Jupiter, puis plus loin, jusqu'à cet astre qu'ils occupaient aujourd'hui. c'était une étoile noire du Taureau. Ils y vivaient sans cesse sur le qui-vive, redoutant une invasion de ceux qui habitent près du lac de Hali. C'est là qu'était banni Hastur des Anciens ..."

Selon Derleth, dans "La trace de Cthulhu", Hastur serait le demi-frère de Cthulhu. Dans "La fenêtre à pignon", il le décrit ainsi :

"... A l'arrière-plan était un lac profond. Hali ? Au bout de cinq minutes, l'eau commence à frissonner en frissonner en cercles concentriques, comme si quelque chose montait en surface. Face vers l'intérieur. Une créature titanesque, avec des tentacules, en forme de poulpe, mais dix fois plus grande que l'octopus appolyon de la côte occidentale. Ce qui lui servait de cou, diamètre facilement quarante-cinq mètres."

Selon Derleth, Nyarlathotep n'a pas la forme d'un pharaon. Il apparait parfois sous la forme d'une énorme monstruosité à laquelle un long tentacule rouge sang tient lieu de visage.
Cette description s'inspirait d'un texte de Lovecraft ("la chose dans la clarté lunaire", 24 novembre 1927) tiré d'un de ses cauchemars (Cependant, Lovecraft n'avait jamais prétendu que cette créature était Nyarlathotep) :

"... il se mit à hurler à la lune. (...) son visage n'était qu'un cône blanc terminé par un tentacule rouge sang. (...) une chose au visage en cône, qui levait la tête vers le ciel et hurlait à la lune."

Dans l' "habitant de l'ombre", Derleth donne une autre description de Nyarlathotep :

"... une gigantesque masse protoplasmique, un être colossal dressé vers les étoiles, et dont la véritable enveloppe physique allait et venait en un flux constant; en outre, deux êtres moins imposants l'encadraient : amorphes, eux aussi, ils tenaient des chalumeaux ou des flûtes à l'aide d'appendices et jouaient une musique démoniaque qui retentissait et était reprise par l'écho à travers toute la forêt qui nous entourait. Mais cette chose qui se dressait sur la dalle, l'habitant de l'ombre, était l'horreur absolue; de sa masse de chair amorphe jaillissaient à volonté sous nos yeux des tentacules, des griffees, des mains, qui se rétractaient ensuite; la masse elle-même diminuait et s'enflait sans effort, et, à l'endroit où se situait la tête et où l'on aurait du voir se dessiner des traits, il n'y avait qu'une absence totale de visage..."

Selon Derleth, Shub-Niggurath ressemble à une énorme masse nuageuse en ébullition répandant une odeur de putréfaction et dans laquelle on devine des pattes de boucs, des gueules béantes et des tentacules visqueux. Il est probable que des extensions de cette masse puissent se matérialiser afin de former d'horribles rejetons : les fameux "mille chevreaux"

Selon lui, dans "Le rôdeur devant le seuil" (The lurker at the threshold), Yog-Sothoth ressemble à ceci :

"De grands globes de lumière se massaient vers l'ouverture, mais pas seulement eux, et les plus proches globes éclataient, et la chair protoplasmique qui s'en écoulait, noire, se rassemblait ensuite sous la forme de l'horreur hideuse de l'espace extérieur, la tentaculaire créature amorphe, le monstre sur le seuil dont le masque est comme un amas de globes irisés, le mauvais Yog-Sothoth, qui bouillonne comme un limon originel dans le chaos nucléaire au-delà des avant-postes de l'espace et du temps !"

Derleth inventera aussi de nouvelles créatures comme il le reconnait dans un texte de 1968 :

"Les Lloigors, Zhar, le peuple Tcho-Tcho, ithaqua et Cthuga sont de mon invention."

Il empruntera également des créatures à d'autres auteurs, comme par exemple Ubbo-Sathla, une invention de Clark Ashton Smith.

Derleth tentera aussi d'organiser les "divinités" du Mythe en les associant aux quatre éléments (idée totalement étrangère à Lovecraft). C'est celà qui l'obligera à inventer des créatures supplémentaires.
Cthulhu devient alors une créature associée à l'élément eau.
Shub-Niggurath et Nyarlathotep deviennent des créatures associées à l'élément terre.
Hastur devient une créature associée à l'élément air.
Cthuga devient une créature associée à l'élément feu.
(Certains feront aussi de Yog-Sothoth une créature associée à l'élément éther).

Pour Derleth, la terre s'oppose au feu et l'air à l'eau, contrairement aux oppositions classiques des quatre éléments. C'est à dire que, pour lui, Shub-Niggurath s'oppose à Cthuga et Cthulhu s'oppose à Hastur, Les Grands Anciens ayant la stupidité de passer leur temps à s'affronter entre eux au lieu de s'unir pour essayer de vaincre leurs ennemis communs.

A ce sujet, dans "La trace de Cthulhu" (The trail of cthulhu), Derleth raconte ceci :

"L'être de feu Cthuga; l'être des eaux, Cthulhu; les seigneurs de l'air, Lloigor, Hastur l'ineffable, Zhar et Ithaqua; la créature de la terre, Nyarlathotep, et d'autres, depuis longtemps chassés et emprisonnés par les sortilèges des premiers dieux qui gravitent autour de l'étoile Bételgeuse."

Derleth essaiera d'organiser une cosmogonie et une mythologie cohérentes mais fort discutables car très éloignées des visions de Lovecraft. Les conceptions de Derleth étant différentes de celles de Lovecraft, il déforma et trahit celles-ci en leurs intégrant le thème chrétien et manichéen de la de lutte entre le bien et le mal. C'est ainsi que, dans les livres de Derleth, on parle d'une ancienne guerre entre les "Grands Anciens" / "Vénérables Anciens" (les méchants) et les "Anciens Dieux" / "Dieux très anciens" (les bons), des entités nouvelles inventées par lui (parmi lesquelles ils intégrera Nodens). Vaincus, les Grands Anciens avaient été refoulés hors de notre monde tridimentionnel ... mais ils attendent toujours le jour où ils pourront y revenir et y régner.

A ce sujet, dans ses livres "La trace de Cthulhu" (The trail of cthulhu) et "Le rodeur devant le seuil" (The lurker at the threshold), Derleth expose ce passage attribué au Nécronomicon :

"Ubbo-Sathla est cette source oubliée d'où vinrent ceux qui osèrent s'opposer aux Anciens Dieux qui régnaient sur Xoth (Bételgeuse), les Grands Anciens combatirent contre les Anciens Dieux; et ces Grands Anciens étaient instruits par Azathoth, le dieu aveugle et idiot, et par Yog-Sothoth qui est Un-en-Tout et Tout-en-Un et pour qui les limites du temps et de l'espace n'existent pas et dont les aspects sur terre sont 'Umr At-Tawil et les Anciens. Les Grands Anciens rêvent depuis toujours de ce temps à venir quand ils régneront à nouveau sur la Terre et sur tout cet Univers dont elle fait partie... Le grand Cthulhu se lèvera de R'lyeh; Hastur, celui qu'on ne doit pas nommer, reviendra de la sombre étoile qui est proche d'Aldébaran l'oeil rouge du taureau dans les Hyades; Nyarlathotep mugira à jamais dans l'obscurité qui est son domaine; Shub-niggurath, le bouc noir aux mille chevraux se multipliera encore et recevra soumission de tous les satyres, nymphes et lutins des bois ainsi que du petit peuple, Lloigor, Zhar et Ithaqua chevaucheront les espaces parmi les étoiles et ennobliront ceux qui les servent, les Tcho-tchos; Cthuga exercera son pouvoir sur Fomalhaut; Tsathogga viendra de N'kaï ... ils attendent depuis toujours au portail."


Dans "La trace de Cthulhu" (The trail of cthulhu), Derleth explique également ceci :

"Autrefois tout n'était qu'harmonie, mais, par la suite, la révolte des Anciens -dont faisaient partie cthulhu, le maître des eaux; Hastur, qui parcourait les espaces interplanétaires avant son emprisonnement dans le lac de Hali; Yog-Sothoth, le plus puissant des Anciens; Ithaque, le dieu des vents, Tsathoggua et Shub-Niggurath, dieux de la terre et de la fécondité; Nyarlathotep, leur effroyable messager, et bien d'autres - s'acheva par leur défaite et leur banissemnten divers endroit de l'univers. De là, ils espèrent se dresser une nouvelle fois contre les Premiers Dieux avec l'aide de leurs serviteurs ..."

Derleth reprend également le "Signe des Anciens" de Lovecraft mais en le modifant. Il lui donne la forme d'une étoile à cinq branches, le confondant ainsi avec le symbole que les crinoïdes de l'Antarctique mettaient sur leurs tombes dans le texte "Les montagnes hallucinées" de Lovecraft.

De nombreux autres écrivains continueront l'oeuvre de Lovecraft et Derleth, ou en subiront l'influence.
Parmi les premiers auteurs faisant partie des "écrivains lovecraftiens", on peut citer : Robert Bloch, Robert E Howard, Henry Kuttner (créateur de Nygotha), Frank Belknap Long (créateur de Chaugnar Faugn), Clark Ashton Smith (créateur de Tsathoggua et Atlach-Nacha).
Parmi les successeurs on trouvera John Ramsay Campbell (créateur de Glaaki et Daoloth), Brian Lumley (créateur de Yibb-Tstll et Shuddle-M'ell), E. Hoffmann Price, JV Shea, S King, J Wade, C Wilson, Ambrose Bierce, Robert W. Chambers, James Wade, etc...

Un exemple de cette continuation des mythes lovecraftiens par des auteurs ultérieurs :
Dans son texte "Manuscrit trouvé dans une maison abandonnée" (Notebook found in a deserted house, 1951), Robert Bloch décrit l'un des "mille chevraux" de Shub-Niggurath. (Il semble cependant confondre ces créatures avec les "shoggoths" de Lovecraft) :

"Sa bouche est comme des feuilles et le tout est comme un arbre dans le vent, un arbre noir avec beaucoup de branches, et tout un tas de racines se terminant en sabots. (...) Quelque chose de sombre sur le chemin, quelque chose qui n'était pas un arbre. Quelque chose de grand et noir, tapi là à attendre, avec des bras noueux qui se tordaient et se nouaient... Il gravit le versant de la colline en rampant vers l'autel des sacrifices, et je reconnus la chose noire de mes rêves; cette chose gélatineuse, noueuse et vaseuse, en forme d'arbre, venue des bois. Elle montait en rampant, s'appuyant sur ses sabots, sur ses bouches et ses bras tordus. Et les hommes la saluèrent et se tinrent en arrière, puis il sont allé vers l'autel où se trouvait la chose se tortillant et hurlant."

Selon Lin Carter, Cthulhu aurait été un tyran chassé de Xoth (Fomalhaut) et il serait le pere de Ghatanothoa, Zoth-Ommog et Ythogtha. Lin Carter, dans son "Zoth-Ommog", a également voulu faire de Cthulhu et Hastur les rejetons de Yog. Kevin L O'Brien est allé plus loin en faisant d'Hastur et de Cthulhu les deux moitiés d'une entité coupée en deux par un Ancien Dieu !

Ensuite le mythe a été repris au cinéma, en BD, dans des jeux videos, en musique, etc...
Les additions apportées au mythe par chaque auteurs ont fini par rendre celui-ci de plus en plus touffu, compliqué ... et parfois même conventionnel et répétitif ... voire même ridicule.



Ce regard sur l'évolution du "Mythe de Cthulu", créé par Lovecraft, modifié par Derleth et popularisé par ses continuateurs, nous montre un bon exemple de l'apparition des idées nouvelles, de leurs transformation et de leur propagation dans les cerveaux humain.
C'est ce qu'en mémétique on appelle la propagation d'un groupe de "memes" dans nos esprits
.


 

(A voir : Mystérieuse statuette de la civilisation de l'indus (1200 av.JC) ressemblant à Cthulhu : ICI)