Les
Amazones :
Selon les mythes grecs, les Amazones étaient un peuple
de guerrières descendant du Dieu de la guerre Arès
et de la Nymphe Harmonie. On placait leur royaume sur les
rives du Thermodon, dans le nord-est de l'Anatolie.
Le plus ancienne narration sur les Amazones
se trouve dans l’Iliade d'Homère (chant III,
vers 185-190 ; chant IV, vers 811-815) : Priam y parle d'une
armée de Troyens, de Phrygiens et d'Otréens,
rassemblée sur les bords du Sangarios, dans le but
de repousser les Amazones.
Dans les légendes, on prétendait
qu'elles avaient jadis envahi les cotes d'Eolie et d'Ionie
et qu'elles avaient fondé Ephèse, Smyrne, Kymê
(Cumes), Myrina, Paphos et Sinopè. Elles auraient également
tenté d'envahir l'Attique du temps de Thésée.
Le problème c'est que les habitant
de l'Anatolie ne semblent pas avoir connu ces Amazones.
Ainsi les textes hittites indiquent que le nord-est de l'Anatolie
était habité par les Hayasas, un peuple sans
rapport avec des femmes guerrières.
A la fin de l'empire hittite, vers 1200 av.JC, de nouveaux
venus s'installeront dans la région : les Mushkis /
Mosques / Mossynèques. Mais ceux-ci ne ressemblaient
pas non plus à des femmes guerrières. A noter
cependant, en passant, que c'est eux qui imposeront leur langue
aux Hayasas et les repousseront vers l'est où ils deviendront
les ancêtres des Arméniens.
Lorsque les Grecs fondèrent leur colonie
de Thémiscyre vers l'embouchure du Thermodon, ils n'y
rencontrèrent que des Mosques et non pas les Amazones
de leurs légendes. Il leurs fallut donc expliquer où
celles-ci étaient passées.
Les Grecs prétendient que les Sarmates
(Scythes Sauromates vivant au nord du Caucase, dans la Russie
méridionale), chez qui les femmes participaient aux
guerres, étaient nés de la fusion d'un groupe
de Scythes avec des Amazones migrant vers le nord.
Hérodote (483-420 av.JC), dans son "Histoires,
IV, 110-117", fut le premier à en parler :
"... Lorsque les Grecs eurent
combattu contre les Amazones, que les Scythes appellent Aiorpatas,
nom que les Grecs rendent en leur langue par celui d'Androctones
(qui tuent des hommes), car 'aior', en scythe, signifie un
homme, et 'pata' veut dire tuer ; quand ils eurent, dis-je,
combattu contre elles, et qu'ils eurent remporté la
victoire sur les bords du Thermodon, on raconte qu'ils emmenèrent
avec eux, dans trois vaisseaux, toutes celles qu'ils avaient
pu faire prisonnières. Lorsqu'on fut en pleine mer,
elles attaquèrent leurs vainqueurs et les taillèrent
en pièces. Mais, comme elles n'entendaient rien à
la manoeuvre des vaisseaux et qu'elles ne savaient pas faire
usage du gouvernail, des voiles et des rames, après
qu'elles eurent tué les hommes, elles se laissèrent
aller au gré des flots et des vents, et abordèrent
à Cremnes, sur le Palus-Maeotis (Mer d'azov). Cremnes
est du pays des Scythes libres. Les Amazones, étant
descendues de leurs vaisseaux en cet endroit, avancèrent
par le milieu des terres habitées ; et, s'étant
emparées du premier haras qu'elles rencontrèrent
sur leur route, elles montèrent à cheval, et
pillèrent les terres des Scythes.
Les Scythes ne pouvaient deviner qui étaient ces ennemis,
dont ils ne connaissaient ni le langage ni l'habit; ils ignoraient
aussi de quelle nation ils étaient, et, dans leur surprise,
ils n'imaginaient pas d'où ils venaient. Trompés
par l'uniformité de leur taille, ils les prirent d'abord
pour des hommes, et, dans cette idée, ils leur livrèrent
bataille. Mais ils reconnurent, par les morts restés
en leur pouvoir après le combat, que c'étaient
des femmes. Ils résolurent, dans un conseil tenu à
ce sujet, de n'en plus tuer aucune ; mais de leur envoyer
les plus jeunes d'entre eux en aussi grand nombre qu'ils conjecturaient
qu'elles pouvaient être, avec ordre d'asseoir leur camp
près de celui des Amazones, de faire les mêmes
choses qu'ils leur verraient faire, de ne pas combattre quand
même elles les attaqueraient, mais de prendre la fuite,
et de s'approcher et de camper près d'elles lorsqu'elles
cesseraient de les poursuivre. Les Scythes prirent cette résolution,
parce qu'ils voulaient avoir des enfants de ces femmes belliqueuses.
Les jeunes gens suivirent ces ordres : les Amazones, ayant
reconnu qu'ils n'étaient pas venus pour leur faire
du mal, les laissèrent tranquilles. Cependant les deux
camps s'approchaient tous les jours de plus en plus. Les jeunes
Scythes n'avaient, comme les Amazones, que leurs armes et
leurs chevaux, et vivaient, comme elles, de leur chasse et
du butin qu'ils pouvaient enlever.
Vers l'heure de midi, les Amazones s'éloignaient du
camp, seules ou deux à deux, pour satisfaire aux bcsoins
de la nature. Les Scythes, s'en étant aperçus,
firent la même chose. Un d'entre eux s'approcha d'une
de ces Amazones isolées, et celle-ci, loin de le repousser,
lui accorda ses faveurs. Comme elle ne pouvait lui parler,
parce qu'ils ne s'entendaient pas l'un et l'autre, elle lui
dit par signes de revenir le lendemain au même endroit
avec un de ses compagnons, et qu'elle amènerait aussi
une de ses compagnes. Le jeune Scythe, de retour au camp,
y raconta son aventure ; et le jour suivant il revint avec
un autre Scythe au même endroit, oit il trouva l'Amazone,
qui l'attendait avec une de ses compagnes.
Les autres jeunes gens, instruits de celte aventure, apprivoisèrent
aussi le reste des Amazones ; et, ayant ensuite réuni
les deux camps, ils demeurèrent ensemble, et chacun
prit pour femme celle dont il avait eu d'abord les faveurs.
Ces jeunes gens ne pouvaient apprendre la langue de leurs
compagnes; mais les Amazones apprirent celle de leurs maris
; et, lorsqu'ils commencèrent à s'entendre,
les Scythes leur parlèrent ainsi : 'Nous avons des
parents, nous avons des biens ; menons une autre vie : réunissons-nous
au reste des Scythes, et vivons avec eux. Nous n'aurons jamais
d'autres femmes que vous.'
À cela, les Amazones répondirent : 'Nous ne
saurions demeurer avec les femmes de chez vous ; car nos habitudes
ne sont pas les mêmes que les leurs. Nous, nous tirons
de l'arc, nous lançons le javelot, nous montons à
cheval ; nous n'avons pas appris de travaux féminins
; les femmes de chez vous ne font rien de ce que nous avons
dit, elles s'occupent à des travaux féminins,
restant dans les chariots, sans aller à la chasse ou
nulle part ailleurs. Nous ne pourrions donc nous accorder
avec elles. Mais si vous voulez nous avoir pour femmes, et
montrer de la justice, allez trouver vos pères, demandez-leur
la partie de leurs biens qui vous appartient ; revenez après
l'avoir reçue, et nous vivrons en notre particulier.'
Les jeunes Scythes, persuadés, firent ce que souhaitaient
leurs femmes ; et, lorsqu'ils eurent recueilli la portion
de leur patrimoine qui leur revenait, ils les rejoignirent.
Alors elles leur parlèrent ainsi : 'Après vous
avoir privés de vos pères, et après les
dégâts que nous avons faits sur vos terres, nous
en craindrions les suites s'il nous fallait demeurer dans
ce pays ; mais, puisque vous voulez bien nous prendre pour
femmes, sortons-en tous d'un commun accord, et allons nous
établir au delà du Tanaïs.'
Les jeunes Scythes y consentirent. ils passèrent le
Tanaïs ; et, ayant marché trois jours à
l'est, et autant depuis le Palus-Maeotis vers le nord, ils
arrivèrent dans le pays qu'ils habitent encore maintenant,
et oit ils fixèrent leur demeure. De là vient
que les femmes des Sauromates ont conservé leurs anciennes
coutumes : elles montent à cheval, et vont à
la chasse, tantôt seules et tantôt avec leurs
maris. Elles les accompagnent aussi à la guerre, et
portent les mêmes habits qu'eux.
Les Sauromates font usage de la langue scythe ; mais, depuis
leur origine, ils ne l'ont jamais parlée avec pureté,
parce que les Amazones ne la savaient qu'imparfaitement. Quant
aux mariages, ils ont réglé qu'une fille ne
se marie pas avant d’avoir tué un ennemi. Aussi
certaines meurent et vieillissent sans avoir été
mariées, faute de pouvoir remplir cette mission.
Bizarrement Eschyle (526-456 av. J.C) décrit
le mouvement inverse : Les Amazones seraient venues de la
Scythie (sud-Russie) ou du Caucase pour aller s'installer
sur le fleuve Thermodon.
Quand à Strabon (58 av.JC-21 ap.JC),
dans sa "Géographie, XI, V, 1-4", il fait
s'installer les Amazones dans les Monts Cérauniens
à l'ouest de la Caspienne :
"1. Suivant certains historiens,
la nation des Amazones, elle aussi, habite les montagnes situées
au-dessus de l'Albanie (l'Albanie du Caucase). Il est vrai
de dire que Théophane, qui fait autorité comme
ayant accompagné Pompée dans toutes ses guerres
et visité personnellement l'Albanie, place entre les
Amazones et les Albanis deux nations d'origine scythique,
les Gèles et les Lèges, indiquant même
le cours du Mermadalis comme ligne de démarcation entre
les possessions de ce dernier peuple et celles des Amazones
; mais d'autres auteurs, et notamment Métrodore de
Scepsis et Hypsicrate qui connaissaient aussi tout ce pays
à merveille, assurent que les Amazones sont limitrophes
des Gargaréens et occupent les dernières pentes
du versant septentrional de la partie de la chaîne du
Caucase connue sous le nom de monts Cérauniens.
(...)
il y a, du reste, deux mois de l'année, les deux mois
de printemps, qui font exception à leur vie solitaire,
vu qu'elles se transportent alors sur le sommet de la montagne
qui sépare leur territoire de celui des Gargaréens
et où les Gargaréens, en vertu d'une ancienne
convention, sont tenus de se rendre aussi pour célébrer
en grande pompe un sacrifice commun et pour s'unir ensuite
à elles charnellement, mais à l'unique fin de
procréer des enfants, ce qui fait que l'acte s'accomplit
sans choix, dans l'obscurité et au hasard des accouplements
et qu'aussitôt qu'ils les ont rendues grosses les Gargaréens
les renvoient ; que des fruits nés de ces unions les
Amazones ne gardent avec elles que les filles, tandis que
les enfants mâles, sans exception, sont portés
aux Gargaréens pour être élevés
parmi eux ; mais qu'il n'est aucun Gargaréen qui n'admette
avec empressement dans sa maison un enfant dont il peut se
croire le père, vu la nature mystérieuse de
l'union à laquelle cet enfant doit la vie.
2. Le Mermodas qui se précipite du haut des montagnes
à la manière d'un torrent traverse le territoire
des Amazones et toute la Sirakène, ainsi que les déserts
intermédiaires, pour aller se jeter dans le Moeotis.
Quant aux Gargaréens, si l'on en croit la tradition,
ils seraient partis de Thémiscyre en compagnie des
Amazones remontant avec elles depuis la côte de l'Euxin
jusque dans la contrée que nous décrivons actuellement,
mais ils n'auraient pas tardé à se séparer
d'elles et leur auraient même fait la guerre avec l'aide
de Thraces et d'Eubéens que leurs courses aventureuses
avaient amenés de ce côté ; seulement,
cette guerre n'aurait pas eu de suite et se serait bientôt
terminée par un traité conclu aux conditions
que nous avons marquées plus haut, de telle sorte que
les deux nations n'auraient plus eu de commerce ensemble qu'en
vue d'avoir des enfants, vivant à part cela dans une
complète indépendance l'une de l'autre.
3. L'Histoire, au reste, en ce qui concerne les Amazones,
offre quelque chose de singulier : tandis qu'en général
les historiens se montrent soigneux de bien séparer
ce qui est du domaine de la Fable (et par là ils entendent
toute tradition par trop ancienne, toute tradition mensongère
et merveilleuse) de ce qui appartient à l'Histoire,
l'Histoire devant pour toutes les époques, anciennes
ou récentes, chercher uniquement le vrai sans jamais
admettre le merveilleux, si ce n'est dans des cas fort rares,
en ce qui concerne les Amazones, toutes les histoires, aussi
bien celles d'à présent que celles du temps
jadis, ne nous offrent que récits merveilleux, traditions
absurdes et invraisemblables. Qui pourra jamais croire, en
effet, que des femmes seules, sans hommes, aient jamais pu
se perpétuer à l'état d'armée,
de cité ou de nation, et non seulement se perpétuer,
mais s'engager dans des expéditions en règle
contre les nations étrangères, arriver ainsi
de conquête en conquête à s'emparer du
pays connu aujourd'hui sous le nom d'Ionie et franchir qui
plus est la mer pour porter toutes leurs forces jusqu'en Attique
? Autant vaudrait prétendre que les hommes de ce temps-là
étaient des femmes et les femmes des hommes. N'est-ce
pas là cependant ce que nos plus récents historiens
nous disent des Amazones ? Et ce qui rend la chose encore
plus singulière c'est que les plus anciennes traditions
relatives aux Amazones sont encore moins inadmissibles que
tout ce qu'il a plu à nos modernes historiens de débiter
à leur sujet.
4. A la rigueur en effet on peut admettre que certaines villes,
telles qu'Ephèse, Smyrne, Cymé et Myriné,
aient dû leur origine et leur nom à des Amazones
dont les tombeaux sont encore debout et dont tel autre monument
nous rappelle encore le souvenir ; on peut à la rigueur
admettre que, comme le marquent toutes ces anciennes traditions,
les Amazones aient eu pour demeure primitive Thémiscyre
avec les plaines du Thermodon et les montagnes environnantes
et que plus tard elles en aient été expulsées
par la force des armes. Sur leur demeure actuelle, en revanche,
nous n'avons que de rares témoignages, que des allégations
sans preuves et sans vraisemblance. (...)"
Hérodote (483-420 av.JC), dans son
"Histoire, Livre IV, 180" décrit un autre
groupe de femmes guerrières vivant au Maghreb :
"... Immédiatement après
les Machlyes, on trouve les Auséens. Ces deux nations
habitent autour du lac Tritonis ; mais elles sont séparées
par le fleuve Triton. Les Machlyes laissent croître
leurs cheveux sur le derrière de la tête, et
les Auséens sur le devant. Dans une fête que
ces peuples célèbrent tous les ans en l'honneur
de Minerve, les filles, partagées en deux troupes,
se battent les unes contre les autres à coups de pierres
et de bâtons. Elles disent que ces rites ont été
institués par leurs pères en l'honneur de la
déesse née dans leur pays, que nous appelons
Minerve ; et elles donnent le nom de fausses vierges à
celles qui meurent de leurs blessures. Mais, avant que de
cesser le combat, elles revêtent d'une armure complète
à la grecque celle qui, de l'aveu de toutes, s'est
le plus distinguée ; et, lui ayant mis aussi sur la
tête un casque à la corinthienne, elles la font
monter sur un char, et la promènent autour du lac.
Je ne sais de quelle façon ils armaient autrefois leurs
filles, avant que les Grecs eussent établi des colonies
autour d'eux. Je pense cependant que c'était à
la manière des Egyptiens. Je suis en effet d'avis que
le bouclier et le casque sont venus d'Egypte chez les Grecs.
Ils prétendent que Minerve est fille de Neptune et
de la nymphe du lac Tritonis, et qu'ayant eu quelque sujet
de plainte contre son père, elle se donna à
Jupiter, qui l'adopta pour sa fille. Les femmes sont en commun
chez ces peuples ; elles ne demeurent point avec les hommes,
et ceux-ci les voient à la manière des bêtes.
Les enfants sont élevés par leurs mères
: quand ils sont grands, on les mène à l'assemblée
que les hommes tiennent tous les trois mois. Celui à
qui un enfant ressemble passe pour en être le père."
Diodore de Sicile (1er siècle av.JC), dans
son 3ème livre, se base sur ce texte pour écrire
une autre histoire sur les Amazones, les assimilant avec les
guerrière Auséennes et Zauèces d'Hérodote.:
Il les fait provenir du lac Tritonis (l'actuel Chott Djerid
en Tunisie) :
"XXVII. Des Amazones d'Afrique.
... C'est ici le lieu de parler des Amazones d'Afrique, car
ceux-là se trompent qui croient qu'il n'y en a jamais
eu d'autres que celles qui ont demeuré dans le royaume
de Pont le long du fleuve Thermodoon. Il est certain, au contraire,
que les Amazones de l'Afrique sont plus anciennes que les
autres et les ont surpassées par leurs exploits. Je
suis bien persuadé que leur histoire paraîtra
nouvelle et inouïe à la plupart des lecteurs,
car cette nation a été entièrement éteinte
plusieurs siècles avant la guerre de Troie, au lieu
que les Amazones du fleuve Thermodoon fleurissaient encore
pendant cette guerre. Ainsi il n'est pas étonnant que
ces dernières soient plus connues et se soient pour
ainsi dire emparées de la gloire des premières
que le long espace de temps a fait entièrement oublier.
Pour moi, ayant trouvé que plusieurs poètes
ou historiens dont quelques-uns mêmes sont modernes,
ont fait mention des Amazones de l'Afrique, j'exposerai en
abrégé leurs exploits les plus remarquables
en suivant les traces de Dionysius qui a écrit l'histoire
des Argonautes et de Bacchus, et qui rapporte ce qui s'est
passé de plus mémorable dans l'antiquité
la plus reculée. Il y a eu en Afrique plusieurs nations
de femmes recommandables par leur valeur. Chacun sait que
la nation des Gorgones, contre lesquelles on dit que Persée
combattit, a été extrêmement courageuse
et on en a une preuve certaine en ce que ce fils de Jupiter,
qui était alors le plus vaillant des Grecs, regarda
comme un très grand exploit la guerre qu'il leur avait
faite. Mais les Amazones dont il s'agit maintenant paraîtront
bien supérieures aux Gorgones. Vers les extrémités
de la terre et à l'occident de l'Afrique habite une
nation gouvernée par des femmes, dont la manière
de vivre est toute différente de la nôtre, car
la coutume est là que les femmes aillent à la
guerre, et elles doivent servir un certain espace de temps
en conservant leur virginité. Quand ce temps est passé
elles épousent des hommes pour en avoir des enfants,
mais elles exercent les magistratures et les charges publiques.
Les hommes passent toute leur vie dans la maison, comme font
ici nos femmes et ils ne travaillent qu'aux affaires domestiques,
car on a soin de les éloigner de toutes les fonctions
qui pourraient relever leur courage. Dès que ces Amazones
sont accouchées, elles remettent l'enfant qui vient
de naître entre les mains des hommes qui le nourrissent
de lait et d'autres aliments convenables à son âge.
Si cet enfant est une fille, on lui brûle les mamelles
de peur que dans la suite du temps, elles ne viennent à
s'élever, ce qu'elles regardent comme une incommodité
dans les combats et c'est là la raison du nom d'Amazones
que les Grecs leur ont donné. On prétend qu'elles
habitaient une île appelée Hespérie parce
qu'elle est située au couchant du lac Tritonide. Ce
lac prend, dit- on, son nom d'un fleuve appelé Triton,
qui s'y décharge. Il est dans le voisinage de l'Éthiopie
au pied de la plus haute montagne de ce pays-là, que
les Grecs appellent Atlas et qui domine sur l'océan.
L'île Hespérie est fort grande et elle porte
plusieurs arbres qui fournissent des fruits aux habitants.
Ils se nourrissent aussi du lait et de la chair de leurs chèvres
et de leurs brebis dont ils ont de grands troupeaux, mais
l'usage du blé leur est entièrement inconnu.
Les Amazones, portées par leur inclination à
faire la guerre, soumirent d'abord à leurs armes toutes
les villes de cette île, excepté une seule qu'on
appelait Méné et qu'on regardait comme sacrée.
Elle était habitée par des Éthiopiens
Ichtyophages, et il en sortait des exhalaisons enflammées.
On y trouvait aussi quantité de pierres précieuses
comme des escarboucles, des sardoines et des émeraudes.
Ayant soumis ensuite les Numides et les autres nations africaines
qui leur étaient voisines, elles bâtirent sur
le lac Tritonide une ville qui fut appelée Cherronèse
à cause de sa figure. Ces succès les encourageant
à de plus grandes entreprises, elles parcoururent plusieurs
parties du monde. Les premiers peuples qu'elles attaquèrent
furent, dit-on, les Atlantes.
Ils étaient les mieux policés de toute l'Afrique
et habitaient un pays riche et rempli de grandes villes. Ils
prétendent que c'est sur les côtes maritimes
de leur pays que les dieux ont pris naissance, et cela s'accorde
assez avec ce que les Grecs en racontent ; nous en parlerons
plus bas. Myrine, reine des Amazones, assembla contre eux
une armée de trente mille femmes d'infanterie et de
deux mille de cavalerie, car l'exercice du cheval était
aussi en recommandation chez ces femmes à cause de
son utilité dans la guerre. Elles portaient pour armes
défensives des dépouilles de serpents,
l'Afrique en produit d'une grosseur qui passe toute croyance.
Leurs armes offensives étaient des épées,
des lances et des arcs. Elles se servaient fort adroitement
de ces dernières armes, non seulement contre ceux qui
leur résistaient, mais aussi contre ceux qui les poursuivaient
dans leur fuite. Ayant fait une irruption dans le pays des
Atlantides, elles vainquirent d'abord en bataille rangée
les habitants de la ville de Cercène, et étant
entrées dans cette place pêle-mêle avec
les fuyards, elles s'en rendirent maîtresses. Elles
traitèrent ce peuple avec beaucoup d'inhumanité
afin de jeter la terreur dans l'âme de leurs voisins,
car elles passèrent au fil de l'épée
tous les hommes qui avaient atteint l'âge de puberté
et elles réduisirent en servitude les femmes et les
enfants ; après quoi, elles démolirent la ville.
Le désastre des Cercéniens s'étant divulgué
dans tout le pays, le reste des Atlantes en fut si épouvanté
que tous, d'un commun accord, rendirent leurs villes et promirent
de faire ce qu'on leur ordonnerait. La reine Myrine les traita
avec beaucoup de douceur. Elle leur accorda son amitié
et en la place de la ville qu'elle avait détruite,
elle en fit bâtir une autre à laquelle elle fit
porter son nom. Elle la peupla des prisonniers qu'elle avait
faits dans ses conquêtes et des gens du pays qui voulurent
y demeurer. Cependant les Atlantes lui apportant des présents
magnifiques et lui décernant toutes sortes d'honneurs,
elle reçut avec plaisir ces marques de leur affection
et leur promit de les protéger.
XXVIII. Les Gorgones autres femmes guerrières vaincues
par les Amazones.
En effet, comme ils étaient souvent attaqués
par les Gorgones, cette autre nation de femmes qui étaient
leurs voisines et qui tâchaient d'égaler en tout
les Amazones, la reine Myrine voulut bien les aller combattre
dans leur pays à la prière des Atlantes. Les
Gorgones s'étant rangées en bataille, le combat
fut opiniâtre, mais enfin les Amazones ayant eu le dessus,
elles passèrent au fil de l'épée quantité
de leurs ennemies et n'en prirent guère moins de trois
mille prisonnières. Le reste s'étant sauvé
dans les bois, Myrine qui voulait abolir entièrement
cette nation, commanda qu'on y mît le feu. Mais ce dessein
n'ayant pas réussi, elle se retira sur les frontières
du pays des Gorgones. Cependant, comme les Amazones faisaient
la garde avec négligence à cause de leurs succès,
leurs prisonnières s'étant saisies de leurs
épées lorsqu'elles dormaient, en égorgèrent
un grand nombre. Mais enfin étant accablées
par les Amazones qui se mirent bientôt en défense,
elles furent toutes tuées après une résistance
très vigoureuse. Myrine fit brûler les corps
de ses compagnes mortes sur trois bûchers et elle fit
élever trois grands tombeaux qui s'appellent encore
aujourd'hui les tombeaux des Amazones. Les Gorgones s'étant
relevées dans la fuite, furent attaquées encore
une fois par Persée fils de Jupiter ; Méduse
était alors leur reine. Mais enfin cette nation et
celle des Amazones furent détruites l'une et l'autre
par Hercule lorsqu'étant passé dans l'Occident,
il planta une colonne dans l'Afrique, ne pouvant souffrir
après tant de bienfaits que le genre humain avait reçus
de lui qu'il y eût une nation gouvernée par des
femmes. On dit que le lac Tritonide a entièrement disparu
par la rupture de tout le terrain qui le séparait de
l'océan.
Myrina reine des Amazones d'Afrique :
Mais pour revenir à Myrine, après qu'elle eut
ravagé une grande partie de l'Afrique, elle entra dans
l'Égypte où elle lia amitié avec Horus,
fils d'Isis, qui gouvernait alors ce royaume. De là,
elle alla attaquer les Arabes et elle en extermina un très
grand nombre. Ensuite, elle soumit a son empire toute la Syrie,
les Ciliciens lui offrirent des présents et lui promirent
d'exécuter ses ordres. Myrine leur laissa la liberté
parce qu'ils étaient venus se rendre d'eux-mêmes.
C'est pour cela qu'on les appelle encore à présent
Éleuthéro-Ciliciens. Ayant dompté ensuite
les peuples qui habitent auprès du Mont Taurus et qui
sont recommandables par leur force et par leur courage, elle
entra dans la grande Phrygie et ayant parcouru avec son armée
plusieurs contrées maritimes, elle termina enfin cette
expédition au bord du fleuve Caïque. Elle choisit
ensuite dans les pays qu'elle avait conquis les lieux les
plus propres pour des villes et elle y en fit bâtir
de très grandes. Elle donna son nom à la principale
et voulut que les autres fussent appelées du nom des
premières femmes de son armée comme le
sont, par exemple, les villes de Cyme, de Pitane et de Priène
qui sont situées au bord de la mer, mais elle en fit
bâtir plusieurs autres dans la terre ferme. Elle fournit
aussi quelques îles et entre autres celle de Lesbos
où elle bâtit la ville qu'on appelle Mytilène
du nom de sa soeur qui commandait une partie de son armée.
Pendant qu'elle allait à d'autres îles, son vaisseau
fut battu de la tempête. Ayant fait un voeu à
la mère des dieux, elle fut jetée dans une île
déserte qu'elle consacra à la déesse,
suivant l'avertissement qu'elle en avait eu en songe ; elle
lui dressa des autels et lui institua des sacrifices. Elle
donna ensuite à cette île le nom de Samothrace
qui dans sa langue maternelle signifiait île sacrée.
Il y a pourtant des historiens qui prétendent que cette
île s'appelait d'abord Samos et que depuis elle fut
appelée Samothrace par les Thraces qui l'habitèrent.
On dit que quand les Amazones furent sorties de cette île,
la mère des dieux qui s'y plaisait y transporta pour
la peupler un grand nombre de gens et, entre autres, ses enfants
appelés les Corybantes. A l'égard de leur père,
il n'est connu que de ceux qui sont initiés aux mystères
qu'on y célèbre encore aujourd'hui, et que cette
déesse enseigna dès lors aux hommes dans un
temple dont elle fit un asile. Environ ce temps-là,
un certain Mopsus né en Thrace fut banni de son pays
par Lycurgue qui en était roi et s'étant fait
suivre par un assez grand parti, il se jeta dans le pays des
Amazones. Sipyle, Scythe de nation, banni de même de
sa patrie, se joignit à Mopsus dans cette guerre. Leurs
troupes réunies remportèrent la victoire. La
reine Myrine et la plupart de ses compagnes furent tuées
sur le champ de bataille. Ces étrangers les ayant attaquées
en d'autres rencontres, toujours avec succès, ce qui
resta de cette armée de femmes fut obligé de
revenir dans la Libye. Telle fut, dit-on, la fin de l'expédition
des Amazones. "
Peut-être peut-on rapprocher le nom des Amazones avec
le nom d' "Amazights" que se donnent dans cette
région les actuels Berbères descendants des
Lybiens. On notera d'ailleurs qu'avant les invasions musulmanes,
les femmes Berbères étaient trés libres
et pouvaient avoir des postes de commandement dans leurs tribus.
Etrangement, cette histoire des Amazones du Lac Tritonis
qui ont vaincu les derniers Atlantes ressemble à des
faits qui ont eu lieu au mésolithique dans cette même
région.
En effet, les Capsiens (ancètres des Berbères),
provenant des environs du lac Tritonis (Chott Djerid), ont
envahi tout le Magreb à cette époque, en soumettant
les Ibéromaurussiens qui l'habitaient. Ces derniers
étaient des Cro-magnoïdes et leurs derniers représentant
furent les Guanches des Canaries, disparus il y a seulement
quelques siècles, et dont les New-ages aiment bien
faire les descendants des Atlantes.
Coincidences ?
|