PERSONNAGES LÉGENDAIRES :



Les vampires :                                                                                       

 


Dans les traditions du monde entiers on trouve des créatures ressemblant aux vampires, bien que leurs descriptions puissent se montrer parfois assez différentes. On peut toutefois se baser sur la convergence de trois caractéristiques pour les ranger dans un même groupe :
- Les vampires sont des morts vivants, comme les zombies. Parfois il s'agit d'un cadavre qu'une âme tourmentée refuse de quitter, parfois il s'agit d'un cadavre sans âme qui se trouve possédé et animé par un démon.
- Les vampires sont des parasites se nourissant de l'énergie vitale des humains pour maintenir leur existance. Cette énergie vitale pouvant être représentée, selon les cultures, par le sang, le souffle, l'énergie sexuelle, etc ... Parfois aussi ils sont des sortes d'ogres se nourissant directement des cadavres ou des êtres vivants.
- Les vampires peuvent se transformer en animaux divers. Parfois en loups, comme les Loups-garous, mais le plus souvent en chauve-souris..

On remarquera que le thème du sang servant à nourrir ou revivifier les morts est trés ancien. On le trouve déja, par exemple, dans la cérémonie de Nekyia (sacrifice pour l'invocation des morts) évoqué dans l'Odyssée d'Homère :
"C'est le bosquet de la déesse Perséphone et c'est aussi l'entrée du royaume des ombres. Tu devras t'avancer tout seul et trouver un endroit isolé où tu creuseras un trou et sacrifieras aux morts un bélier et une brebis noirs. L'odeur du sang des bêtes immolées fera sortir les ombres des défunts et ils te demanderont à boire. Mais tu les en empêcheras avec ton épée et ne leur permettras de s'approcher que lorsque tu auras obtenu l'augure de Tirésias."

Voici une synthèse sur tous les vampires et créatures proches dont on retrouve la trace dans les différentes traditions :


 
Les "Mâcheurs"

Selon les croyances allemandes, le "Mâcheur" ("Manducator" en latin, "Nachzehrer" en allemand).était un mort-vivant qu'on pouvait entendre mâcher dans son tombeau. On pensait que, pour survivre, ces "Mâcheurs" en étaient réduits à manger leur suaire, puis à se dévorer eux-mêmes.
Lorsqu'ils n'avaient plus rien à manger, ils pouvaient même ronger la terre pour sortir de leur tombe et aller dévorer d'autres cadavres ... ou des humains vivants (principalement les membres de leur famille). Mais il ne semble pas qu'ils sucaient le sang. 
Le bruit de leur mastication ressemblant à des grognements de porcs, les Slaves Kachoubes croyaient que les "Mâcheurs" étaient capables de se transformer en cet animal. On pensait aussi qu'ils pouvaient provoquer des épidémiees de peste.
Pour les mettre hors d'état de nuire, on bloquait parfois la machoire des cadavres afin de les empécher de mâcher. C'est ainsi que les archéologues ont retrouvé un tel cadavre, avec une brique dans la bouche, dans une tombe vénitienne datant de la peste de 1576. On pouvait aussi tuer ces créatures en les brûlant ou en leurs coupant la tête.
Selon les traditions, c'était les hommes tués dans un accident, les suicidés et les premiers morts dans une épidémie de peste qui risquaient le plus de devenir des "Mâcheurs".

En 1370, l’abbé Neplach d’Opatowitz relata que vers 1345, dans le village de Lewin Klodzki en Silésie, une sorcière appelée Brodka Duchacz se serait transformée en "Mâcheur" aprés sa mort.
Ce cas fut décrit en 1625 par Hajek de Libotscha dans son "Chronique de Bohème" :
"... elle avait dévoré la moitié du voile qu’elle avait sur la tête et qu’on tira tout ensanglanté de sa gorge.  On lui planta dans la poitrine un pieu de chêne et du sang jaillit de son corps, comme d’un bœuf, puis on l’ensevelit de nouveau. Peu de temps après, elle se montra de nouveau, bien plus souvent qu’auparavant, terrifiant et tuant les gens, et elle piétinait ceux qu’elle avait occis. Pour cette raison, elle fut derechef déterrée par le même homme qui découvrit qu’elle avait retiré de son corps le pieu qu’on y avait planté et qu’elle le tenait dans ses mains. On la sortit du tombeau et on la brûla avec le pieu, puis on jeta les cendres dans la tombe que l’on referma. Pendant plusieurs jours on a vu un tourbillon de vent là où on l’incinéra."

En 1486, dans le "Malleus maleficarum", Jacques Sprenger et Henry Institoris racontèrent une affaire de "Mâcheur" ayant eu lieu en Rhénanie :
"L’un de nous, Inquisiteurs, trouva une ville quasiment vidée de ses habitants par la mort. Par ailleurs, le bruit courait qu’une femme enterrée avait petit à petit mangé son linceul et que l’épidémie ne pourrait cesser tant qu’elle ne l’aurait pas dévoré en entier et ne l’aurait pas digéré. Prévôt et maire de la ville creusant la tombe trouvèrent presque la moitié du linceul engagée dans la bouche, la gorge et l’estomac et déjà digérée. Devant ce spectacle, le prévôt tira son épée et coupant la tête, la jeta hors de la fosse. Aussitôt la peste cessa."

En 1517, les Annales de la ville de Wroclaw,en Silésie, citeront un autre cas de "Mâcheur" :
"De la Saint-Michel à la Saint-André moururent deux mille personnes environ. Pendant ce temps, un pâtre fut enterré avec ses habits à Gross-Mochbar ; il les a dévorés et a produit le bruit de mâchoires d’une truie. On l’a donc déterré et trouvé ses habits ensanglantés dans sa bouche ; on lui a tranché la tête avec  une bêche et on a jeté son chef hors du cimetière, alors la mortalité a pris fin."

En 1572, à Lossen, près de Brieg, un autre cas encore est décrit :
"...les paysans et la commune ont autorisé l’exhumation d’une femme qui avait été une damnée sorcière et était morte ; elle mâchait dans sa tombe si bien qu’on l’entendait de loin. On lui a tranché la tête avec une bêche et enterré le tout à part. Elle avait dévoré son linceul."

En 1679, dans son "Dissertatio historica philosophica de Masticatione Mortuorum", Philip Rohr (Rehrius) lanca l'hypthèse que les "Mâcheurs" étaient des cadavres possédés par des démons.

En 1728, Ranfl écrit également au sujet des "Mâcheurs" :
"Pendant les épidémies de peste, le diable au fond des tombeaux, se livre à d'horribles jeux; on constate alors que les morts, surtout les femmes, font avec leurs lèvres une sorte de grognement semblable à celui du porc quand il se repait; ces grognements, parrait-il, ont la propriété de répandre au loin la contagion; aussitôt qu'ils se font entendre, la peste redouble de violence."

En 1820, les Slaves Cachoubes croyaient encore que les enfants nés coiffés pouvaient devenir des macheurs aprés leur mort. Ces créatures dévoraient leurs mains, leurs pieds et leur linceuil puis sortaient de leur tombe pour aller dévorer leurs proches.

Par la suite, ces "Mâcheurs" seront peu à peu confondus avec les "vampires", leurs homologues suceurs de sang issus des pays slaves.

On remarquera cependant que chez les Slaves de Russie, on trouve les "Vieszcys / Vieszays / Vieszoys"; ce sont des "Mâcheurs" qui se rongent les mains et les pieds dans leur tombe et qui aiment faire des farces aux vivants.

A noter que chez les Slaves Wendes d'Allemagne du nord-est, il existe un type spécial de "Macheurs" : les "Doppelsaugers" ou "Dubbelsugers" ("Double-suceurs"). Ceux-ci semblent être obsédés par les seins : Dans leur tombe ils machent leurs propres seins, ou se faufilent dehors pour aller dévorer les seins des vivants.


Les Vampires slaves / Vampires proprement dits

Le mot "Vampire" provient des langues slaves. On trouve ainsi "vampir" en serbe, "vapir" ou "vupir" en bulgare, "upir" en croate, tchèque, et slovaque, "upyr" en russe, "upior" en ukrainien, "upar" en biellorusse, "upier" en polonais, "opyr" dans les Carpates, "upor" en cachoube, "uber" en Turquie du nord, etc....

Ces vampires slaves sont capables de se transformer en chauve-souris et, la plupart du temps, ils ne prélèvaient pas le sang de leurs victimes avec leurs dents mais avec un dard placé sous leur langue. (Les Bulgares parlent des "Oburs" qui n'ont qu'une seule narine et qui sucent le sang de leurs victimes grace à un dard placé au bout de leur longue langue rétractile.)
La transformation d'un homme en vampire aprés sa mort peut être due à plusieurs causes. Les principales décrites sont le suicide, la pratique de la sorcellerie, une inhumation dépourvue des rites chrétiens et l'enjambement du cadavre par un chat.
Pour détruire ces vampires, les méthodes traditionnelles sont : La décapitation, la crémation et le pieu de bois enfoncé dans son coeur.

En 1718, en Hongrie, une enquète officielle fut faite sur le cas de Michael Casparek, un habitant de Liptov qui serait devenu un vampire aprés sa mort.

En 1721, Gabriel Rzaczynski écrivit le livre "Historia naturalis curiosa regni Poloniae" (Histoire Naturelle des curiosités du Royaume de Pologne) où il confond déja les "Upiers" (vampires slaves) avec les "Mâcheurs" :
"J’ai souvent entendu dire par des témoins dignes de foi que l’on a trouvé des cadavres qui sont non
seulement restés longtemps incorrompus, souples et rouges, mais aussi qui remuaient la bouche, la langue et les yeux, qui avaient avalé leur linceul et même dévoré des parties de leur propre corps. Entre-temps s’est répandue la nouvelle d’un tel cadavre qui est sorti de son tumulus, a erré par les carrefours et devant les maisons, se montrant tantôt à celui-ci, tantôt à celui-là, attaquant plus d’un pour l’étrangler. S’il s’agit du cadavre d’un homme, les gens le nomment upier, de celui d’une femme, upierzyca.
"
Leur nom aurait signifié, selon lui,"corps emplumé, léger, se mouvant avec agilité".

En 1725, un officier impérial autrichien, publie un rapport dans le "Wienerische Diarium"; Il y rapporte le cas de Peter Plogojowitz (Petar Blagojevic), un Serbe qui serait devenu un "vampyr" (vampire) étrangleur et suceur de sang aprés sa mort la même année.

En 1728, l'écrivain allemand Michael Ranft (1700-1774) écrit alors l'ouvrage "De masticatione mortuorum in tumulis"  ("De la mastication des morts dans leurs tombeaux") où il décrit les vampires (vampyris) en les identifiant avec les "mâcheurs".occidentaux :Il y raconte que "L’opinion veut que la mastication des morts coïncide avec les périodes de peste."

En 1732 le médecin militaire autrichien Flyckinger publie une nouvelle étude sur le cas d'Arnold Paole, un Serbe qui serait revenus devenu un vampire aprés sa mort en 1727 :
"... vingt ou trente jours après sa mort, des gens se plaignirent que le nommé Arnold Paole venait les tourmenter et qu'il avait fait mourir quatre personnes. Pour mettre fin à ce danger, le Heiduque conseilla aux habitants de déterrer le vampire ..."
" ... Conformément à leurs coutumes, ils lui ont transpercé le coeur d’un pieu ; il a alors émis un soupir bien perceptible et a saigné. Sur ce, ils ont incinéré le corps le même jour et jeté ses cendres dans le tombeau.
"

Ces cas de vampirisme seront rapportés par le "Mercure de France" dés 1732 et par la revue franco-hollandaise "Le Glaneur", puis par le "London Journal". Le mot serbe "vampir" commencera alors à se répendre dans toute l'Europe occidentale.

Dans le livre "Voyage de trois gentlemen anglais de Venice à Hamburg" (écrit en 1734, publié en 1745) il est dit que les "vampyres" sont des êtres possédés par un mauvais esprit et qu'on les trouve en Serbie, Banat, Pologne, Lithuanie et Russie.

En 1748, Heinrich Augustin von Ossenfelder écrit un poème intitulé "Der Vampyr".

En 1746-1749 Dom Augustin Calmet (1672-1757) écrit le livre "Vampires de la Hongrie et de ses alentours" où il décrit leurs méfaits :
"... Dans ce siècle, une nouvelle scène s'offre à nos yeux depuis environ soixante ans dans la Hongrie, la Moravie, la Silésie, la Pologne ; on voit, dit-on, des hommes morts depuis plusieurs années, ou du moins depuis plusieurs mois, revenir, parler, marcher, infester les villages, maltraiter les hommes et les animaux, sucer le sang de leurs proches , les rendre malades et enfin leur causer la mort ; en sorte qu'on ne peut se délivrer de leurs dangereuses visites et de leurs infestations, qu'en les exhumant, les empalant, leur coupant la tête, leur arrachants le nom d' 'oupires', ou 'vampires' ..."
Cet ouvrage a cependant encore tendace à confondre les vampires avec les "mâcheurs" :
"Les mémoires publiques des années 1693 et 1694 parlent des oupires ou vampires ou revenants, qui se voient en Pologne et surtout en Russie. Ils paraissent depuis midi jusquà minuit et viennent sucer le sang des hommes ou des animaux vivants en si grande abondance, que quelquefois il leur sort par la bouche ; par le nez et principalement par les oreilles ; et que le cadavre nage dans son sang répandu dans son cercueil. On dit qu'il a une espèce de faim, qui lui fait manger le linge qu''il trouve autour de lui. Ce 'redivive' ('revenant, mort-vivant') ou 'oupire' ('vampire') sorti de son tombeau, ou en démon sous sa figure, va la nuit embrasser et serrer violemment ses proches ou ses amis et leur suce le sang, jusquà les affaiblir, les exténuer et leur causer enfin la mort..."

En 1751, Augustin Calmet écrit le "Traité des apparitions" où il dit que les vampires ont la peau pâle ou violacée. C'est un changement car, avant, on les décrivait plutôt comme rougeatres, gorgés de sang.

En 1760, dans son "Dictionnaire philosophique", Voltaire écrit un article sur les vampires :
"... Ces vampires étaient des morts qui sortaient la nuit de leurs cimetières pour venir sucer le sang des vivants, soit à la gorge ou au ventre, après quoi ils allaient se remettre dans leurs fosses. Les vivants sucés maigrissaient, palissaient, tombaient en consomption; et les morts suceurs engraissaient, prenaient des couleurs vermeilles, étaient tout a fait appétissants. C’était en Pologne, en Hongrie, en Silésie, en Moravie, en Autriche, en Lorraine, que les morts faisaient cette bonne chère. On n’entendait point parler de vampires à Londres, ni même à Paris...".

En 1764, Horace Walpole écrit le "Chateau d'Otrante" qui marque le début de la mode des romans gothiques.

En 1774, les chauves-souris commencent à être appelées "vampires", par analogie.

Les romanciers gothiques s'emparent ensuite du sujet :
Goethe (1749-1832) écrit  "La fiancée de Corinthe".en 1797.
John Stagg écrit le roman "Vampyre" en 1810.
John William Polidori (1795-1821) écrit le roman "The Vampyre, a tale" en 1819 (d'aprés un brouillon de Byron datant de 1816), popularisant ainsi ces créatures dans la littérature romantique fantastique. Pour la première fois le"s vampires sont représentés pâles et séduisants et non plus bestiaux, rougeatres et couverts de haillons. Cependant ils sont décrits comme des dévoreurs et non comme des buveurs de sang.
P.Mérimée écrit le roman "Varney le vampir" en 1827.

En 1854, dans son livre "Transcaucasie : esquisses des nations et des races situées entre la Mer Noire et la Mer Caspienne", le baron August von Haxthausen décrit un vampire ayant vécu jadis en Arménie :
"Dans une caverne de cette région vivait jadis un vampire, nommé "Dakhanavar (ou Dashanavar)", qui ne supportait pas que quiconque pénétrât dans ces montagnes ou en dénombrât les vallées. Toute personne qui s’y essayait voyait durant la nuit son sang sucé par ce monstre, depuis la plante de ses pieds, jusqu’à ce qu’il meure."

En 1871, Joseph Sheridan Le Fanu (1814-1873) dépeint un vampire féminin (un "upyre") dans son livre "Carmilla". Cette créature est décrite comme pouvant se transformer en chat, en chauve-souris ou en loup.

En 1885, dans un article appelé "Superstitions de Transylvanie", Emily Gerard (1849-1905) emploie pour la première fois le mot "nosferatu", prétendant que celui-ci désigne les vampires en roumain :
"... Il y a deux sortes de vampires, les vivants et les morts. Le vampire vivant est, en général, la progéniture illégitime de deux personnes illégitimes mais même un pedigree sans tâche ne protégera personne contre l'intrusion d'un vampire au sein de la famille, puisque toute personne tuée par un nosferatu deviendra un vampire après la mort et continuera à sucer le sang de gens innocents jusqu'à ce qu'il soit exorcisé, soit en ouvrant la tombe de la personne suspectée et en enfonçant un pieu dans le corps, soit en tirant une balle dans le cercueil. Dans les cas très difficiles, on recommande aussi de couper la tête et de la remettre dans le cercueil avec la bouche pleine d'ail, ou encore de retirer le cœur et de le brûler en répandant les cendres sur la tombe..."
... Pourtant, en réalité, ce mot semble bien ne pas exister dans la langue roumaine. Certains pensent cependant qu'il pourrait être la déformation du mot grec "nosophoros" qui signifie "porteur de peste".

En 1897 Bram Stoker (1847-1912) écrit le roman "Dracula", qui deviendra une référence sur ce thème. Pour la première fois on apprend que les wampyrs (vampires) n'ont ni ombre ni reflet, qu'ils peuvent se transformer en loups ou en chauves-souris, qu'ils ne peuvent pas entrer dans une maison s'ils n'y ont pas été invités, et qu'ils fuient l'ail et les crucifix. La lumière du jour, cependant, ne fait que les affaiblir mais ne les tue pas. Pour se débarasser d'eux il faut les décapiter ou utiliser un pieux ou une balle bénite. Bizarrement le héro de ce livre, Dracula, s'inspire d'un personnage historique réel : Vlad III Basarab, surnommé "Vlad Dracul" (Vlad le dragon) ou "Vlad Tepes" (Vlad l'empaleur). C'était un voïvode cruel ayant régné sur la Valachie de 1456 à 1462. Selon l'auteur, ce personnage serait devenu un vampire aprés sa mort. (Selon les Moldaves, les vampires sont des êtres possédés par un mauvais esprit appelé "drakul").
A noter aussi que ce livre plagie plusieurs passages du "Capitaine vampire", un ouvrage écrit par Marie Nizet en 1879. Il reprend aussi le mot "nosferatu" comme synonyme de "vampire".

Par la suite, le cinéma s'intéressera également aux vampires; Ainsi seront produits les films "Nosferatu, une symphonie de la terreur", en 1922, par Friedrich Murnau (qui introduit le thème du vampire Orlock pouvant être tué par la lumière du jour) et "Dracula", en 1931, par Tod Browning (qui introduit une dimension plus érotique dans le personnage). Ces oeuvres permettront de fixer, dans l'esprit du public, l'images moderne des vampires occidentaux : Ceux-ci seront désormais décrits comme élégants, pâles et blafards et non plus bestiaux, rouges et sanguins comme leurs ancêtres des pays slaves.

Mais d'autres régions du monde semblent avoir connu également des créatures ressemblant aux vampires suceurs de sang ...

Ainsi, pour les anciens Mésopotamiens, les Enfers étaient habités par des "Akhkharus / Dimme-khabs" buveurs de sang.

Chez les Juifs, on parle des "Estries" qui sont des vampires incorporels qui boivent surtout le sang des enfants.

Au Pérou, les "Pumapmicucs / Canchus" sont des vampires qui boivent le sang des gens endormis alors que les "Pishtacos" sont des vampires se nourissant de la graisse de leurs victimes.

Au Portugal et Brésil les vampires sont appelés "Luisons / Lobisons / Libishomens". Ce nom signifie en fait "Hommes-loups"; il devait donc servir, à l'origine, à désigner plutôt des sortes de loups-garous. Ces créatures sont décrites comme petites et velues et leur morsure transforme les femmes en nymphomanes.

En Amérique du sud sont connus aussi les "Hommes-moustiques" qui piquent leurs victimes avec leur long nez.

A Porto-Rico, vers 1992, sont apparus également les "Chupacabras" ("Suceurs de chèvres"), vampires de forme bestiale qui s'attaquent au bétail. On les a ensuite vus en Amérique du sud, au Mexique et dans le sud des USA (à la Martinique, on les appelle "Lentikris"). Certains prétendent qu'ils sont d'origine extra-terrestre ... mais en étudiant le cadavre d'un Chupacabra, on s'est rendu compte qu'on avait affaire à un canidé dépourvu de poils car atteint de la galle sarcoptique.

Les Ashantis d'Afrique parlent aussi des "Asasabonsams / Asasabonsams". Ce sont des vampires arboricoles de forme humaine ayant des crochets à la place des pieds pour attraper les gens qui passent. (il est possible qu'ils aient six bras). Ils sucent le sang de leurs victimes en les mordant au pouce avec leurs dents de fer.

Les Mintiras de la péninsule malaise connaissent un démon de l'eau qui, lui aussi, suce le sang en mordant les pouces ou les orteils des hommes.

En Australie on parle des "Yarumaybawbos", des nains rouges et velus qui sucent le sang de leurs victimes grace à leurs mains et leurs pieds.

En Chine on connait également des créatures ressemblant aux Vampires; ce sont les "Jiang-shihs" ("Jiang-jis / Kiang-shihs / Chiang-shihs" = "Cadavres raides"), appelés "Gang-shis" en coréen et "Kyon-shis" en japonais. Ce sont des morts-vivants issus d'hommes suicidés, décédés de mort violente, dont le corps n'a pas été enterré convenablement selon les rites, ou dont le cercueil a été enjambé par un chat (ou touché par son souffle). Leur "Hun" / "Houen" (âme supérieure, céleste et rationnelle) s'envole alors au ciel, mais leur "P'o" (âme inférieure, terrestre et instinctive) refuse de descendre se dissoudre dans le sol et continue d'habiter et d'animer le cadavre. Celui-ci sort donc de sa tombe et attaque les vivants de manière bestiale, leurs arrachant la tête et les membres pour s'emparer de leur souffle vital "ki" (ils sont également norris par la lumière lunaire). On dit que ces "Jiang-shihs" gardent leurs bras raides, tendus en avant, qu'ils ne peuvent avancer que par bonds et qu'ils sont incapables de traverser une eau courante. Il semble aussi qu'ils soient aveugles et qu'ils ne percoivent leurs victimes que par le bruit de leur respiration. Avec le temps ils évoluent et deviennent capables de voler dans les airs et de se transformer en loups.


Les "Appeleurs" et "Broucolaques":

Les "Appeleurs" sont des morts-vivants qui sortent de leur tombe pour effrayer et tourmenter les vivants. ils ont le terrible pouvoir de faire mourir qui ils veulent simplement en l'appelant par son nom.
Divers histoires les concernant ont été contées au cours des siècles en Europe, les plus anciennes connues ayant eu lieu en France et en Angleterre...

Déja en 1031, lors du second concile de Limoges, l'évêque de Cahors avait présenté un témoignage sur une sorte de mort-vivant :
"Un chevalier de notre diocèse, ayant été tué dans l'excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l'absolution : je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte; il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l'assistance des prêtres, dans une église dédiée à St-Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans marque qui prouvât qu'on y avait touché. Les gentilshommes qui l'avaient enterré n'y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé; ils l'enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d'une énorme quantité de terre et de pierres. le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu'il parût qu'on y eût travaillé. la même chose arriva cinq fois. Enfin, ils enterrèrent l'excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane; ce qui remplit les seigneurs voisins d'une si grande terreur qu'ils vinrent tous demander la paix."

Dans son livre "De Nugis Curialium" (vers 1181-1193), Gautier Map (1140 - 1208) a rapporté une affaire de mort-vivant appeleur ayant eu lieu au Pays de Galles :
"Guillaume Laudun, soldat anglais, homme connu pour sa grande force et son courage, alla trouver Gilbert Foliot, qui était alors Evêque de Hereford, mais qui est maintenant Evêque de Londres, et lui dit : 'Monseigneur, je viens vous demander conseil. Un certain malfaiteur gallois est mort récemment à mon domicile. C'était un homme qui affirmait ne croire en rien, et après un intervalle de quatre nuits, il est revenu chaque nuit et n'a pas manqué à chaque occasion d'appeler nominalement d'un ton sévère l'un de ses anciens voisins. Dès qu'il les appelle, ils tombent malade et meurent au bout de trois jours, si bien que, maintenant, il n'en reste plus beaucoup'
L'Evêque, qui était tout à fait stupéfait, répondit : 'Le Seigneur a peut-être donné à l'esprit mauvais de ce misérable gredin le pouvoir de se réveiller et de faire marcher son corps mort. Il faut cependant exhumer le cadavre et l'égorger tout en aspergeant d'eau bénite le corps et la tombe et, cela étant fait, l'enterrer de nouveau.' Ce qui fut dit fut fait, mais néanmoins les survivants étaient tourmentés et attaqués par l'esprit errant. Il arriva alors qu'une certaine nuit, tandis qu'il n'y avait plus beaucoup de survivants, le nom de Guillaume lui-même fut appelé trois fois. Mais lui, étant courageux, actif et perspicace, sortit de chez lui en courant, brandissant son épée dégainée. Le démon s'enfuit, mais il le poursuivit jusqu'à sa tombe et, alors qu'il s'y allongeait, il sépara proprement la tête du corps d'un coup d'épée. A partir de ce moment précis, la persécution que les gens subissaient de la part de ce vagabond démoniaque cessa et depuis lors ni William lui-même ni quiconque parmi les autres n'a subi aucun mal.
"

En 1196, dans son livre "Historia Rerum Anglicarum", William of Neewburgh (Guillaume de Newbury, 1136-1208 ou 1208), raconta une autre affaire de mort-vivant appeleur. Ici, la créature (un prêtre décédé qui ne s'était jamais montré trés religieux) ne tue pas les gens mais se contente de les effrayer par ses cris :
"... il apparut soudain dans la chambre à coucher, au chevet même de la dame dont il avait été l'aumônier, poussant des cris extrêmement perçants et des gémissements à fendre l'âme. Cela s'étant reproduit plus d'une fois, elle fut presque folle de frayeur, redoutant qu'un terrible danger pût lui arriver..."

A noter que Guillaume de Newbury désigne ces morts-vivants sous le nom de "cadaver sanguisugus" (tout comme Gautier Map). Cela semble indiquer qu'on les considérait comme des "sangsues", des suceurs de sang. Pourtant aucun texte de cette époque ne les décrit dans cette activité. Il se pourrait, toutefois que ce terme serve seulement à les décrire comme des "cadavres gorgés de sang", ces morts-vivants apparaissant, en effet, rouges et gonflés, comme pleins de sang, lorsqu'on ouvrait leur tombe.
Guillaume de Newbury affirme aussi, pour la première fois, que les épidémies sont émanées de leur corps pourissant.

Des créatures semblables étaient connues dans l'est de l'europe : les vrykolaks en Russie, les vyrkolaks / vârkolaks / vâlkolaks en Bulgarie, les volkolaks / brucolaques en Macédoine, les vukodlaks en Serbie, Bosnie-Herzégovine, Montenegro, Croatie et Dalmatie, les varkolakas en Albanie, les vrykolakas en Grèce et les vârcolacs en Roumanie.
Ce mot deviendra vroucolaques en francais (vers la fin du XVIIe siècle) puis broucolaques.

En fait ce mot vient du slave "vulkolak" (vâlk-dlaka) et signifie "fourrure de loups". Il désignait à l'origine des sortes de loups-garous, mais, avec le temps, il servira à désigner des morts-vivants semblables aux "Appeleurs" des Occidentaux. En Grèce, cependant, le mot "Vorvolaka" sert encore à désigner un cadavre possédé par l'esprit d'un loup et qui se lève pour se nourrir de sang ou même d'énergie vitale. En Bulgarie aussi ce nom peut désigner un vampire en forme de loup, un "vampire-garou" en quelque sorte (en Hongrie on les appelle "Farkaskoldois"). Et au Montenegro il désigne un vampire capable de se transformer en loup à la pleine lune.

On dit qu'il existe plusieurs causes possibles à la transformation d'un homme en broucolaque : le suicide, la mort violente, l'inhumation incorrecte, l'excommunication de l'église et l'enjambement du cadavre par un chat. Les Grecs disent que ces créatures peuvent aussi transmettre des maladies, étrangler les gens ou leurs jeter des pierres.
Pour se débarasser d'eux, il est d'usage de les clouer dans leur cercueil, de leurs couper la tête, de les couper en morceaux, de brûler leur corps ou de les exorciser. On remarquer que ces méthodes ressemblent à celles employées pour détruire les vampires.

En 1414, leur existance fut reconnue officiellement par Sigismond (1368-1437), roi de Hongrie et empereur du Saint-Empire lors d'un concile.

En 1645, dans son livre "De quorundam Graecorum Opinationibus", Léon Allatius écrivait ceci à leur sujet :
"Les vrykolakas sont les corps d'hommes de vie mauvaise et immorale, très souvent de quelqu'un qui fut excommunié par son évêque. De tels corps ne se décomposent pas après avoir été enterrés, comme ceux d'autres hommes morts et ne tombent pas en poussière : la peau devient tendue comme celle d'un tambour et lorsqu'on la frappe rend le même son (...) Dans un tel corps, le diable rentre et sort de la tombe. Si quelqu'un répond à ses questions, il meurt le lendemain."

Vers 1706, dans son livre "Magia posthuma", Charles Ferdinand de Schertz a rapporté une histoire d'"Appeleur" ou de Broucolaques : Un pâtre de Bohême serait reparu aprés son enterrement, et toute personne qu'il appelait en mourrait dans les huit jours.

En 1718, dans son livre "Un Voyage au Levant " le voyageur français Joseph Pitton de Tournefort raconte l'histoire d'un vrykolaka présumé sur l'île de Mykonos en 1701 :
".. L'homme, dont nous allons raconter l'histoire, était un paysan de Mycone, d'un naturel chagrin et querelleur, circonstance qu'il faut remarquer dans de pareils sujets; il fut tué à la campagne, on ne sait par qui, ni comment. Deux jours après qu'on l'eut inhumé dans une chapelle de la ville, le bruit courut qu'on le voyait la nuit se promener à grands pas, et qu'il venait dans les maisons renverser les meubles, éteindre les lampes, embrasser les gens par-derrière, et faire mille petits tours d'espiègle. On ne fit qu'en rire d'abord; mais l'affaire devient sérieuse, lorsque les plus honnêtes gens commencèrent à se plaindre. (...) Ils étaient sans cesse à brailler "Vroucalacas", dans la chapelle et dans la place: C'est le nom qu'ils donnent à ces prétendus Redivivis (revenants / morts-vivants) ..."

En 1760, Voltaire écrit un article sur eux dans son "Dictionnaire philosophique" :
"...Les Grecs sont persuadés que ces morts sont sorciers; ils les appellent broucolacas ou vroucolacas, selon qu’ils prononcent la seconde lettre de l’alphabet. Ces morts grecs vont dans les maisons sucer le sang des petits enfants, manger le souper des pères et mères, boire leur vin, et casser tous les meubles. On ne peut les mettre à la raison qu’en les brûlant, quand on les attrape. Mais il faut avoir la précaution de ne les mettre au feu qu’après leur avoir arraché le coeur..."

En 1818, dans son "Dictionnaire infernal", Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy (1793-1887) en donne la définition suivante :
"Nom que les Grecs donnent à leurs vampires ou spectres d'excommuniés. Ils sont persuadés que ces excommuniés ne peuvent pourrir dans leur tombeau, qu'ils apparaissent la nuit comme le jour, et qu'il est très dangereux de les rencontrer."

Dans son livre "Histoire des Sciences Occultes depuis l'antiquité jusqu'a nos jours", Auguste Debay (1802-1890) en dit ceci :
"Les Grecs modernes croient, sur la foi du prêtre, qu'il arrive, parfois, que les cadavres des personnes excommuniées sont animés par des démons qui le servent de leurs organes pour boire, manger, parler, etc.; le nom de Broncolakas a été donné à ces fantômes. Il est de tout nécessité, pour rompre le charme, d'éventrer le revenant, de lui arracher le coeur, qu'on coupe en trois morceaux; puis il faut l'enterrer avec force signes de croix."

En 1883, le "Dictionnaire de conversation" explique ceci :
"Les Grecs appelaient de ce nom les cadavres des personnes excommuniées, qu’ils disaient être possédées du démon, et dont celui-ci était censé ranimer les organes à certaines heures de la nuit pour les faire servir à ses desseins. Ils disaient que, pour empêcher cette profanation de la mort, et pour paralyser l’oeuvre du démon, il fallait inhumer les brucolaques qui étaient suspectés d’être sous son influence, leur arracher le coeur, le mettre en pièces et les ensevelir de nouveau après cette opération..."

Actuellement, le nom des vrykolakas / broucolaques devient de plus en plus un synonyme de "vampire" en Grèce et Yougoslavie occidentale (Déja en 1861, dans son roman "Le vampire du val de grace", Leon Gozlan appellait sa créature un "brucolaque".

A noter que les Hereros de Namibie semblent connaitre des êtres ressemblant aux "Appeleurs" : Les "Otgirurus". : Ces derniers ont la faculté de se transformer en chien et ils font mourir ceux qui répondent à leurs appels;


Les Cauquemares

En France, la (/le) Cauquemare (Coquemarre / Chauchemarre / Chaucemare / Chaussemare / Cauchemarre / Cochemare, d'ou dérive le mot "cauchemar") était une sorte de démone (puis de démon) qui pouvait s'assoir sur les gens endormis pour les oppresser et induire une paralysie nocturne.
On l'appelait également la "Chauche-vieille" ou "Cauque-vieille", ce qui signifie "Vieille opressante" (elle apparait déja sous sa forme d'agresseur nocturne dans un texte de 1543).

Quand au mot "Cauque-mare", en picard, il signifie "Mare opressante". La "Mare / Merrie", en hollandais, "Mart / Mahrt / Mahr" en allemand du nord, "Mara" en anglais, "Mara / Mare / Maren / Marh" en scandinave, "Mara / Mora / Zmora" en polonais, "Mura" en croate et morave, "Mara" en serbe, "Maras" en lithuanien, "Meris" en letton, et "Mora" en grec, était une démone nocturne issue de l'âme d'un enfant mort sans être baptisé. Chez les Lettons, Lithuaniens, Serbes et Roumains, elle deviendra une démone de la peste.
Son nom provenait peut-être de "Mara", la déesse de la terre des Baltes (appelée "Marzanne" en Pologne). Ou alors il s'apparente à "Mar / Mara", un démon tueur connu en Inde. En tout cas ce mot semble bien désigner la "mort" à l'origine.
Les anglais en ont fait la "Nigth-mare" (=" la Mare de la nuit") que certains traduisent faussement par "la cavale de la nuit". Ils en ont fait également la "Windu-maer / Wudu-maer", une sorte de Nymphe des bois.
La "Mora" (spectre ou  sorcière suceuse de sang) des anciens Slaves Tchèques vient du même mot.
En Roumanie, la "Moroi / Moraï" est une sorcière qui s'empare du sang des gens par magie.
Et en Valachie, les "Moroius" sont des chats, des lévriers, des femmes vêtues de blanc ou des flammes volantes qui agressent les passants.

L'Ynglinga saga de Snorri Sturluson (1179-1241) mentionnait déja les "Maras / Mares" :
"... Il fut pris d'une torpeur et se coucha pour dormir, mais il n'y avait pas longtemps qu'il dormait, qu'il hurla et dit que la Mara le foulait aux pieds. Ses hommes se précipitèrent pour l'aider ; mais lorsqu'ils lui saisissaient la tête, elle lui foulait les jambes de telle sorte qu'elles se brisaient presque, et lorsqu'ils lui saisissaient les jambes, elle lui étouffait la tête, si bien qu'il en mourut ."

Au XVème siècle, Martín Antonio Delrío disait ceci sur ce sujet :
"L'oppression toutefois, et quasi-suffocation ne provient pas toujours de la part de ces démons, aussi bien souvent d'une espèce de maladie mélancolique que les Flamands appellent Mare, les Français Coquemare et les Grecs Ephialtes, lorsque le malade a opinion d'un pesant fardeau sur la poitrine, ou d'un démon qui veut faire force à sa pudicité."

En France, ces créature étaient appelées "Apesarts / Appesarts / Appesards / Pesards" depuis au moins 1256. En Italie on les appelait "Pesuaroles / Peraroles". En Espagne c'était les "Pesadillas / Mampesades". En catalan c'était les "Pesantas" et en portugais c'était les "Pesadelos". En Allemagne on parlait des "Aufhockers" ("Appesarts") qui se jetaient sur les passants pour les écraser. Et il y avait les Luupainajas ("Presseurs d'os") en Estonie et les Païnaïas / Painajainens ("Fouleurs / Presseurs)" en Finlande.

En Autriche, Allemagne du sud, Italie et Slovénie, on connaissait les "Drudes / Drutes / Trudes / Truttes" ("Piétineuses") qui sont des femmes dont l'esprit se transforme la nuit, à cause d'une malédiction, en vieilles sorcières qui vont s'étendre sur le corps des dormeurs pour les écraser. Ces Drudes sont les mêmes créatures que les Mares puisqu'on les appelle aussi "Nachtmahrs" ce qui signifie "Mares de la nuit" (mot désignant les cauchemars en allemand). On les appelle "Schrattelis" en Suisse et "Trotte-vieilles / Cauche-vieilles" en France (ces dernières, cependant, ont évolué et sont devenues des sortes de gentilles "mères-Noel").
A noter que le nom des Drudes peut peut-être être rapproché de celui de "Madame Trude", une sorcière qui apparait dans un conte des frêres Grimm.
Et en Hongrie, les sorcières de Szeged (Segedin) sont comparables également aux Mares puisqu'on prétend qu'elles s'assoient sur la poitrine de leurs victimes jusqu'à ce que celles-ci ne puissent presque plus respirer, puis elles les transforment en chevaux volants.
En Allemagne du sud, les Drudes étaient parfois identifiées aux Wichtels qui sont, en fait, des Lutins domestiques.

En 1898, un prêtre de l'île de Crète a publié un texte où il confondait les "Vrykolakas / Broucolaques" avec les "Cauquemars"
" C'est une croyance populaire que la plupart des morts, ceux qui ont vécu de mauvaises vies ou qui ont été excommuniés deviennent des vrykolakes, c'est-à-dire qu'après la séparation de l'âme et du corps il entre dans celui-ci un mauvais esprit qui prend la place de l'âme (...) Une pratique courante du 'vrykolake est de s'asseoir sur ceux qui sont encore endormis. Par son grand poids il crée un sentiment angoissant d'oppression. Il y a grand danger que la victime meure, et qu'elle-même devienne un vrykolakas..."
Un tel "Vrykolake-Cauquemar" porte habituellement le nom de "Drumlike" sur l'île de Mykonos. Il se nourrit des cauchemars et de la peur de ses victimes.

Les Cauquemars peuvent être rapprochés des Faudoux / Fouloux / Foulons / Faudeurs de Bretagne, des Foulots de Savoie, des Foulets de l'Allier, des Fouleux de l'Isère, des Foulletous du Dauphiné et des Fouleurs du Loiret, du Loir et Cher, de l'Eure et Loir et de la Beauce qui sont des créatures vertes s'assayant sur la poitrine des gens. Et il y a aussi les Moustericks / Mac'heriks de Bretagne ("Fouleurs / Oppresseurs").

En Grèce orientale on parle aussi des "Ales" qui se comportent de la même facon. Leur nom dérive peut-être de celui des "Alus", d'anciens démons sumériens.

Dans la Grèce ancienne on connaissait (depuis au moins 525 av.JC) les "Ephialtès / Epialtos / Epicaltes" ("Qui se jette dessus"). Au début c'était des démons opresseurs, mais, plus tard, au 12ème siècle ap.JC, le mot "Epiolis / Epiolos" servira aussi à décrire la peste ou des simples mauvais rêves.
Actuellement on les appelle ces démons des "Moras, Vrahnas ou Varypnas".

En Catalogne on parle des "Pesantas" qui sont des gros chiens (ou chats) qui opressent et écrasent les gens, les étouffants et leurs donnant des cauchemars.

En Lettonie il y a les "Litunshs, Lietuvens ou Lietonis" qui sont issus d'enfants morts sans être baptisés, de sorcières ou de personnes ayant connu une mauvaise mort.

Aux Philippines, on a affaire aux "Batibats" ou "Bangungots" qui sont de grosses femmes issues des arbres abattus et qui se vengent en opressant les gens et leurs donnant des cauchemars.

Et on observe aussi les "Kanashibaris" étouffeurs du Japon. Dans ce pays, on pense également que les mauvais rêves sont produits par des esprits appelé "Bakous" ou "Mangeurs de rêves". Ces Bakous ont le visage d'un lion, le corps d'un cheval, la queue d'une vache, le toupet d'un rhinocéros, et les pieds d'un tigre.

En latin, les Cauquemars étaient appelés "Incubes" (Incubus = in-cubare = couché dessus). On disait qu'ils pesaient sur la poitrine de leurs victimes endormies pour les étouffer. Avec le temps on les confondra de plus en plus avec les esprits cornus des bois. Ainsi Pline (1er siècle ap.JC) identifiait les Faunes avec les Incubes romains et les Ephialtes grecs. Et Maurus Servius Honoratus (4ème siècle ap.JC) regroupait Pan avec les Faunes, les Incubes et les Ephialtes. Et à la même époque, St Augustin (354-430 ap.JC) identifiait les Incubes avec les Faunes et les Sylvains :
"Beaucoup assurent avoir expérimenté ou avoir entendu dire par ceux qui l’avaient expérimenté, que les sylvains et les faunes, que le vulgaire appelle incubes, se sont souvent présentés à des femmes et ont consommé l’union avec elles ; aussi vouloir le nier paraît l’imprudence."
A cause de l'aspect trés sexuel des Faunes et Satyres, les théologiens finiront par considérer les Incubes comme des démons violeurs de femmes. Leurs équivalents féminins seront les "succubes" (sub-cubare = couché dessous) qui s'unissent aux hommes endormis (terme créé vers la fin du XIIème siècle).
Selon Robert de Boron, le père de Merlin l'anchanteur était un incube du type "Anquibède", c'est à dire, un "Anguipède" ("pieds de serpent") ou un "Equipède" ("pieds de cheval").

En Mésopotamie antique, l'incube sexuel était appelé "Lila" en sumérien, "Lilû" en akkadien et "Lillal" en assyrien. Et la succube sexuel était appelée "Lilitu" (Lilith) en akkadien et "Kiel-Lillal" en assyrien.
Chez les Arabes le terme "al-jâthôm" désigne à la fois le cauchemar et le démon violeur de femmes.
Dans les Aurès, les incubes sont appelés "Ajennis" et les succubes sont appelées "Tajennits". Ils sont invisibles et ne se lient qu'à une seule victime.
Aux Antilles, les incubes sont appelés "Dorlis / Dorliis / Dorlisses". Ce sont des sorciers qui, la nuit, se transforment (Ils sont capables de se rendre invisibles ou de prendre une forme animale) pour violer aussi bien les hommes que les femmes.
A Dakar, au Senegal, il y a les Faru-rabs et les Thioro-rabs qui possèdent les hommes et les femmes pour les obséder sexuellement et les pousser à l'adultère et au divorce  (En Cote d'ivoire ils sont appelés "Maris de nuit")..
A Zanzibar, en Tanzanie, on connait aussi les "Popobawas" depuis, 1965. Ils ressemblent à des nains cyclopes munis d'oreilles pointues et d'ailes de chauve-souris. Ils paralysent et violent aussi bien les hommes que les femmes.
En Afrique du sud, les Zoulous connaissent les Tokoloshs, des nains velus violeurs.
Au Chili il y a les Traucos / Thraukos qui sont des nains violeurs vivant dans la forêt. Ils n'ont pas de pieds et leur regard peut être mortel.
En Roumanie, il y a également les "Zburators / Zmeus" ("Zmeoaicas" au féminin) qui sont des esprits séducteurs. Dans son livre "Descriptio Moldaviae", Dimitrie Cantemir (1714-1716) les décrit ainsi :
"Le zburator apparaît comme un fantôme, un beau jeune homme qui vient au milieu de la nuit visiter les femmes, surtout les jeunes mariées, et fait des choses indécentes avec elles, bien qu'il ne puisse être vu par personne, pas même par celles qu'il enlève." Il est dit aussi que leurs victimes dépérissent, comme si leur force vitale avait été pompée. Les Polonais les appellent "Latawiecs" et les Polésiens leurs donnent le nom de "Dux Zmejs" ou " "Dux Ljubovniks". Ce sont des serpents de feu volants.

Il n'est pas évident que les incubes et succubes puissent être classés parmi les vampires. En effet il n'est jamais dit clairement qu'ils se nourissent de l'énergie sexuelle de leurs victimes.
Et il en est de même des Cauquemars car il n'est jamais dit explicitement qu'elles se nourissent du souffle de leurs victimes étouffées.

Il en va autrement des "Alps", les équivalents masculins des "cauque-mares" en Allemagne. Le mot "Alp" désignait à l'origine les Elfes, mais par la suite il s'appliquera à des démons qui chevauchent la poitrine des dormeurs (hommes ou animaux) pour les étouffer. Ils peuvent aussi pénétrer les gens par la bouche (ou seulement y introduire leur trés longue langue) pour provoquer des cauchemars ("Alp-traum" = "rêve d'Alp" en allemand). Parfois aussi ils peuvent abuser des femmes endormies comme le font les incubes.
Ces Alps peuvent être considérés comme des vampires car ils se nourissent en sucant le lait des femmes ou le sang tiré des mamelons des hommes et des enfants.
On dit aussi qu'ils peuvent passer par les trous de serrures, se transformer en différents animaux et se rendre invisibles grace à leur chapeau magique ("Tarnkappe"). Ces Alps ont des origines diverses : Certains enfants morts peuvent devenir des Alps, mais des hommes vivants peuvent également se transformer temporairement en Alps, chaque nuit, sans même en avoir conscience, comme avec les Drudes.
Les Alps allemands ont peut-être un rapport avec les Alp-luachras irlandaises qui sont des fées aquatiques (mâles ou femelles) vivant en parasite à l'intérieur des gens et qui se nourissent du contenu de leur estomac.


Les Stryges

A l'origine "strix" ("striga" au pluriel) signifiait "chouette" en grec et latin. Mais ce mot pouvait aussi désigner des démones ailées, mi oiseaux mi-sorcières : les "stryges". Celles-ci enlevaient les nouveau-nés, leurs sucaient le sang ou en dévoraient les entrailles. Elles pouvaient aussi s'unir aux hommes pour prendre leurs forces vitales.
Ovide, au livre VI des Fastes écrit ceci sur elles :
"Il existe des oiseaux voraces, (...) à la grosse tête, aux yeux fixes, au bec aiguisé pour la rapine : leurs plumes sont blanches et leurs serres crochues. Ils volent la nuit et guettent les enfants qui têtent leur nourrice et blessent les corps qu'ils emportent dans leur nid. On dit qu'ils déchirent les entrailles gorgées du sang de la mère et qu'ils aiment à s'enivrer de leur sang. On les nomme stryges à cause du cri sinistre dont ils épouvantent la nuit."

Titinus, au 2ème siècle av.JC, disait que l'ail pouvait les faire fuir.
Les stryges étaient comparables aux Harpyes de la mythologies grecques, qui ont un corps d'oiseau et une tête de femme et qui volent les âmes et les enfants :
Elles étaient également comparables aux fatales sirènes de la mythologie grecque, celles-ci n'étant pas des femmes-poissons à l'origine mais des femmes-oiseaux.

Au IVème siècle, la loi salique indique que les anciens Francs croyaient encore aux stryges :
"Si une stryge a dévoré un homme et qu'elle en est convaincue, elle sera condamnée à payer 8000 deniers."
Plus tard, en 743, le Synode de Rome interdit qu'on leurs fasse des affrandes.
Et, en 789, les Francs essayèrent encore d'empécher les Saxons de croire aux stryges.

Par la suite le mot "stryge" donnera "strega" (=" sorcière") en Italien, "striga" (="chouette") en roumain, et "strigoaica" (="sorcière") en roumain.

Chez les Albanais actuels, les "Shtrigas" sont des sortes de sorcières-vampires. Souvent il s'agit de femmes décédées sans avoir pu avoir d'enfants, la frustration les fait donc sortir de leur tombe pour aller sucer le sang (ou la force vitale) des bébés. On dit qu'elles peuvent se transformer en insectes volants.

Au Montenegro, on les appelle "Veshtitzas". Ce sont des sorcières qui quittent leur corps, la nuit,. pour prendre possession d'un oiseau ou d'un insecte volant. Elles attaquent les enfants pour boire leur sang et manger leur cœur.

En Roumanie, à Krinck, un texte de 1672 appellait "Strigon" un mort vivant au visage rouge qui dévore ses voisins et frappe aux portes pour provoquer la mort des gens (comme les "Appeleurs" Broucolaques")

Chez les Roumains actuels, les "Strigois" sont des sortes de morts-vivants. Souvent il s'agit de personnes décédées avant de pouvoir se marier, la frustration les fait donc sortir de leur tombe pour agresser les gens et s'emparer de leur âme en l'aspirant. Les sorcières (surtout les "moroiis" qui s'emparent du sang des hommes par magie) peuvent aussi devenir des strigois aprés leur mort, ainsi que les personnes dont le cadavre a été enjambé par un chat. Pour empécher une telle transformation, il faut mettre de l'ail dans les cercueils.
On dit que les strigois ont deux coeurs (ou deux âmes), des cheveux rouges, et qu'ils peuvent se transformer en de nombreux animaux.. On prétend aussi que les "strigois vivants" (sorcières) et les "strigois morts" (vampires) se rencontrent pour s'unir la veille de la Saint-George (22 avril).
Pour se débarasser d'eux, les techniques traditionnelles sont les mêmes que pour les vampires : Percer leur coeur avec un pieu de bois, les brûler ou les décapiter.

En Toscane on connait aussi les "Stries" à deux coeurs qui boivent le sang des hommes et, aprés leur mort, deviennent des "Strigois" aux cheveux rouges.

Chez les Slaves actuels, les Strzygis / Strzygamis ("Strzygas / Strzygis" en polonais,"Strigons" en slovène) sont des sortes de vampires. Souvent il s'agit d'enfants morts-nés (ou morts trés jeunes) qui avaient deux coeurs et deux âmes. Aprés leur décés, l'une des deux âmes reste dans le corps pour continuer à l'animer, celui-ci sort alors de sa tombe pour aller se nourir du sang des vivants. On dit aussi que ces êtres peuvent prendre la forme d'une chouette et que leur regard tue.
Pour se débarasser d'eux, les techniques traditionnelles sont les mêmes que pour les vampires : Les transpercer, les brûler ou les décapiter. Il est d'ailleurs probable que les vampires slaves dérivent de ces créatures.

En Slovaquie on connait un autre type de créatures à deux coeurs et deux âmes : les "Nelapsis". Ce sont des morts-vivants qui sortent de leur tombe pour dévorer les vivants et boire leur sang. Ils sont également des propagateurs de la peste et peuvent tuer par la seule puissance de leur regard. On racontre qu'ils proviennent de la transformation de cadavres de criminels, de suicidés ou de sorciers.

On peut comparer toutes ces créatures aux "Bruxsas" du Portugal et aux "Brujas" du Mexique et de l'Amérique du sud. Ce sont des sorcières se transformant la nuit en chouettes, hibous ou chauves-souris pour attaquer les bébés et boire leur sang.

Les stryges peuvent aussi être comparées à la démone Lilith et à ses suivantes. Celle-ci, en effet, avait de nombreux points communs avec les stryges : Elle pouvait prendre l'aspect d'une chouette, elle était considérée comme une démone frustrée de n'avoir ni amant ni enfant et elles enlevait et tuait les bébés.

En Inde il y a aussi les "Baitals" qui sont des hommes-chauve-souris qui s'emparent les cadavres pour les réanimer. On pense qu'ils sont issus des âmes des personnes n'ayant pas été enterrées selon les rites.

Aux Philippines également on parle de créatures volantes appelées "Wakwaks / Wukwuks / Tiktiks./ Socsocs" (d'aprés son cri) qui sont classées dans le groupe des "Aswangs / Asuwangs" (sorcières, vampires "Unglus / Unglos", monstres et morts-vivants). Les Wakwaks sont en effet des sortes d'oiseaux nocturnes nécrophages ou vampires, appartenant peut-être à des sorcières. Ils peuvent ressembler à des hiboux, ou alors avoir des ailes de chauves-souris tranchantes.
On dit que si le bruit des ailes du Wakwak est fort, cela signifie qu'il est loin de vous, mais que s'il est faible, alors ce signifie qu'il est proche de vous et s'apprète à vous attaquer.
Aprés avoir dévoré un cadavre, le Wakwak le remplace par un simulacre en tronc de bananier. S'il attrape un homme vivant, il le déchire pour manger son coeur. La aussi il peut remplacer le cadavre par un mannequin végétal mais, dans ce cas, celui-ci aura une apparence de vie et sera capable de bouger pour retourner dans la maison de la victime ... mais il mourra quelques jours plus tard.

Chez les Zoulous et Xhosas d'Afrique du sud, on trouve aussi les "Impundulus / Izulus / Yezulus inyonis". Ce sont des êtres prenant la forme d'oiseaux noirs et blancs, de la taille d'un être humain, et pouvant diriger le tonnerre et les éclairs avec leurs ailes et leurs serres. Ces créatures sont souvent les serviteurs (et les amants) des sorcières. Ils peuvent en effet prendre l'aspect d'un jeune homme beau pour séduire les femmes et leurs prendre leur sang dont ils ont grand appétit.


Les Lamies :

Dans l'Antiquité Lamia était une mortelle qui avait été transformée en monstre par la déessee Héra. On affirme souvent qu'elle était devenue une femme à queue de serpent (version popularisée par un poème de John Keats en 1819) mais Diodore de Sicile disait seulement que son visage était devenu diforme. Dérivant de son nom, les "Lamies" étaient des démones dévoreuses d'enfants. Elles étaient aussi des nécrophages hantant les cimetières, et des encorceleuses séduisant les jeunes hommes pour les manger ou pour sucer leur sang (on les appelle alors "Empuses"), ce qui les rapproche des vampires classiques.

Dans "De Mirabilibus (Livre des Merveilles)",  Phlégon de Tralles (2ème siècle ap.JC) les décrit ainsi :

"Les Lamies etaient Esprits et Spectres feminins. Toutefois Dion Chrysostome dit que c'etaient des animaux habitant en l'Afrique la plus éloignée et la plus deserte. Depuis la face jusques au nombril en bas, elles etaient parfaitement bien formées et proportionnées de beauté, de corpulence et de membres qu'aucun peintre, tant expert fut-il, n'eut su assez bien les exprimer de son pinceau. Elles découvraient leur gorge albatrine, leur poitrine et leurs beaux tétins, et attiraient ainsi les hommes et les mangeaient (...). Dion dit que ces diables-femmes, après avoir attiré à elles par leur douceur ceux qui étaient beaux, elles les engraissaient et lorsqu'ils étaient gras elles les tuaient pour sucer leur sang duquel elles étaient merveilleusement friandes."

Dans la "Vie d'Apollonius de Tyane" (en 217) Philostrate  décrit deux rencontres avec une Empouse :

"...Ainsi, comme ils marchaient par un beau clair de lune, une Empuse leur apparut, prenant tantôt une forme, tantôt une autre, et quelquefois devenant tout à fait invisible. Apollonius, sachant ce que c'était, chargea d'imprécations ce fantôme, et dit à ses compagnons d'en faire autant : c'était là, selon lui, le véritable préservatif contre de telles apparitions. Et en effet, le fantôme s'enfuit en poussant des cris aigus comme font les spectres." (Livre 2;4)

"... Connaissez-vous les jardins de Tantale, qui sont et ne sont pas? — Oui, mais seulement par Homère car nous ne sommes pas descendus dans le Tartare. Eh bien ! tout ce que vous voyez ici est la même chose : il n'y a ici nulle réalité, tout n'est qu'apparence. Voulez-vous que je me fasse mieux comprendre? La charmante épousée est une de ces 'Empuses', que le peuple appelle 'Lamies' ou 'Mormolyces'.  Elles aiment beaucoup l'amour, mais encore plus la chair humaine : elles allèchent par la volupté ceux qu'elles veulent dévorer. 'Indigne calomnie!' s'écria la prétendue Phénicienne, et elle parut indignée de tout ce qu'elle venait d'entendre, et s'emporta contre les philosophes, qu'elle taxa de cerveaux creux. Tout d'un coup, les coupes d'or et les vases qu'on avait crus d'argent s'évanouirent, tout disparut, on ne vit plus ni échansons, ni cuisiniers, ni aucun des autres serviteurs : les paroles d'Apollonius avaient dissipé le prestige; alors le fantôme se mit à pleurer et supplia Apollonius de ne pas le mettre a la torture pour lui faire avouer ce qu'il était. Mais, comme Apollonius le pressait et ne voulait pas le lâcher, le fantôme finit par reconnaître qu'il  était une Empuse, qu'il avait voulu gorger Ménippe de plaisirs pour le dévorer ensuite, et qu'il avait coutume de se nourrir ainsi de beaux jeunes gens parce qu'ils ont le sang très frais."(Livre 4;25)

Plus tard, les Lamies deviendront des femmes-dragons : Les Lamjas de Macédoine, les Lamjes d'Albanie, les Lamnjas de Serbie et les Lamias de Hongrie.

Alfred Michiels (1813-1892) identifiait les Lamies aux Fées d'Ecosse les plus méchantes :

"Les Lamies écossaise enlèvent surtout des enfants, et c’est ce qui a rendu ces fées en général si redoutables en nos contrées."

Ces Lamies ou Fées écossaises portent le nom de "Baobbans Siths" / "Baobhans Sidhes" / "Bavanshees" / "Baavans Shees" (= "Dames-Fées"), de "Glaistigs" / "Glaestigs" ("Lutins d'eau"), de "Maighdeans Uaines" ("Dames vertes") ou de "Dames blanches". On dit qu'elles portent une robe verte cachant leurs pieds en forme de sabots de chèvres et qu'elles peuvent prendre l'aspect de loups. On prétend aussi que, trés belles, elles séduisent les jeunes hommes et les font danser jusqu'à la mort afin de se repaitre de leur sang. La présence d'objet de fer passe pour les éloigner efficacement.
Dans l'ile de Man on les appelle "Lhiannans Shees" ("Amantes-Fées") et en Irlande elles sont appelées "Leanans Sidhes", "Deargs Dues" ou "Leanashes" ("Amantes-Fées"). On dit qu'elles s'attachent aux poètes, en leurs servant de muses, pour leurs sucer non pas le sang mais l'énergie vitale, de qui induit leur mort prématurée.
Ces créatures sont considérées comme des Fées utilisant les dolmens pour passer dans notre monde, mais elles peuvent aussi être décrites comme des mortes sortant de leur tombe pour se venger des vivants.

On peut essayer de les rapprocher des "Banshees" d'Angleterre, des "Beans Sidhes" d'Irlande et des "Beans Shidhs" (= "Dames des dolmens") ou "Beans Nighes" (="Lavandières") d'Ecosse ainsi que des "Lavandières de la nuit" de France, Suisse et Portugal. Celles-ci passent leur temps à laver du linge ensanglanté et leurs cris déchirants prédisent la mort. On dit aussi qu'elles peuvent prendre l'aspect de corbeaux ou de corneilles. Mais, en fait, il est probable qu'elles dérivent d'anciennes divinités celtiques emportant les morts, semblables aux Walkyries germaniques.

En Arménie on connait aussi les "Nbangs" qui sont des sortes de sirènes qui cherchent à noyer les hommes afin de boire leur sang.

Des créatures semblables aux lamies sont également connues en inde : les "Churels" ou "Churails" (ou "Jakhins / Jakhais / Mukais / Nagulais / Alvantins"). Celles-ci peuvent apparaître comme de belles femmes, mortes-vivantes, qui séduisent les jeunes hommes et les maintiennent captifs pour les vider de leur sang ou de leurs forces vitales, jusqu'à les transformer prématurément en vieillards. On prétend qu'elles descendent de femmes mortes en couche et qu'elles cherchent à se venger des hommes, les tenant respensables de leur décés.

En Inde sont connues aussi les "Chedipes" ("Prostituées") qui sont des sorcières nues capables de chevaucher des tigres ou même de se transformer en tigres pendant la nuit. On dit qu'elles endorment les hommes en les hypnotisant puis qu'elles les violent ou leurs tirent le sang en leurs mordant le gros orteil.

En Inde encore , les "Punyaiamas" ("Race pure") sont des vieilles femmes cannibales. On dit qu'elles passent un long fil magique par la cheminée des maisons, celui-ci leurs sert à sucer à distance le sang des femmes endormies.
En Annam, on dit que la même créature passe un de ses longs cheveux par les cheminées afin d'induire des rêves érotiques chez les hommes. Aprés les avoir ainsi séduits, elle peut les approcher pour boire leur sang;

A Java ont connait les "Sundals Bolongs"; ce sont des femmes-vampires, habillées en blanc, qui séduisent les jeunes hommes pour les vider de leur sang. On dit qu'elles sont issues de jeunes filles suicidées.

En Malaisie on parle aussi les "Pontianaks / Kuntilanaks / Matianaks / Boentianaks", qui sont des mortes-vivantes descendant de femmes mortes en couches. Durant le jour elles logent dans des bananiers, mais la nuit elles en sortent pour se mettre en chasse. Elles se déplacent sous la forme de hiboux ou apparaissent sous les traits de belles jeunes filles pour attirer les hommes; Elles tuent alors leurs victimes en les éventrant avec leurs griffes et dévorent leurs intestins. Ou alors elles éventrent les femmes enceintes pour manger leur foétus. Elles peuvent aussi arracher le sexe des hommes pour sucer leur sang. En Malaisie on les appelle "Langsuirs / Langsuyars" et on dit qu'elles portent une robe verte et qu'elles peuvent se transformer en oiseaux de nuit.. On prétend aussi qu'elles sucent le sang de leurs victimes (surtout des bébés) en utilisant un trou placé à l'arrière de leur cou (si on parvient à boucher ce trou, elles redeviennent des femmes normales).
On remarquera que leur aptitude à se transformer en oiseaux de nuit rapproche ces créatures des stryges.

Notons que le Pontianak est parfois considéré comme l'enfant du Langsuir ou comme une créature dérivant d'un bébé mort-né. Ou alors, inversement, c'est le Langsuir qui peut être considéré comme l'enfant du Pontianak. On a alors affaire à une sorte de bébé-vampire.
Aux Philippines, justement, on pense que de tels enfants morts-nés (ou des enfants de femmes mortes en couches) peuvent devenir des "Tiyanaks / Impaktos" qui sucent le sang des gens pendant leur sommeil. Dans ll'île de Mindoroon dit aussi qu'ils peuvent se transformer en oisaux noirs.

Au Thibet, on parlait aussi des démons chasseurs de souffles vitaux. Dans son livre "Mystiques et magiciens du Thibet", Alexandra David-Neel en parle ainsi :

"Tandis, croient les Tibétains, que certains de ces personnages diaboliques vivent en vagabonds, toujours à l'affut et ravissent eux-mêmes le 'souffle' des vivants, il en est d'autres qui se sont fixés en certains endroits et qui se contentent de se faire apporter les souffles qui s'échappent des mourants. Certains individus, hommes ou femmes, se chargent de cette tâche, mais sans en avoir conscience, opérant dans un état de transe.Se bornent-ils à ce rôle passif, n'extirpent-ils pas le souffle avant l'heure fatale ? Nul ne le sait, comme nul ne connait avec certitude les 'porteurs de souffle". Eux-même ignorent, en général, à quels actes ils se livrent avec leur 'double' pendant leurs périodes de transe. Un groupe célèbre de ces mangeurs de 'souffles', ou plutôt de mangeuses, car il s'agit ici de démons féminins, a élu domicile dans le monastère historique de Samyé, au sud de Lhassa (...) Une classe particulière de gens, connus pour effectuer cette besogne, se chargent de transporter les ougs (souffles vitaux) depuis l'endroit où gît le corps qu'ils ont délaissé, jusqu'à Samyé. Il faut comprendre que l'individu opère ce transport inconsciemment, pendant son sommeil, ou bien en état de transe, sans le secours de son corps matériel et sans quitter son logis. Il ne garde pas, non plus, aucun souvenir de ses voyages (...) Pourquoi ces ougs sont apportés à Samyé est expliqué par le fait que ces démons femelles dénommées 'singdongmas' (faces de lions) ont élu résidence à Samyé."

Dans "Magie d'amour et magie noire", Alexandra David-Neel ajoute ceci :

"Il arrive, dit-on, que des filles-démons, des 'sindongmas', se donnent, par jeu, à des amants de race humaine, puis les torturent et les dévorent."

Et au Mexique on trouvait aussi les "Cihuateteos / Ciuteoteos / Civateteos". Cétait des esprits de bébés morts-nés ou de femmes mortes en couches. Leur visage était celui d'un squelette et leurs mains étaient des griffes d'aigle. Elles enlevaient ou tuaient les enfants, et séduisaient les hommes avant de les rendre fous.


Les "Têtes-volantes" :

Les "Têtes-volantes" sont des sortes de vampires d'Extrême-Orient. Elles portent le nom de "Nukekubis" ("Cou détachable") en japonais, "Krasue" en thailandais, "Aps" en cambodgien, "Phi-Kasus" en laotien, "Leyaks" en balinais, et "Penanggalans / Penanggals" ("Qui se détache") en malais. Ce sont des sorcières qui ont fait un pacte avec le diable pour acquérir des pouvoirs surnaturels. Pendant le jour elles ressemblent à des femmes normales, mais la nuit leur tête se détache et s'envole, emportant une partie des entrailles, à la recherche de proies humaines. Ces têtes hurlent pour terroriser leurs victimes et les mordent avec leurs dents pointues pour sucer leur sang et dévorer leur chair. Si, à son retour de chasse, une telle tête ne peut pas retrouver son corps avant le lever du soleil, alors elle ne pourra pas s'y rattacher et elle en mourra rapidement.

Aux Philippines on parle des "Manananggals" ("Qui se sépare") qui sont des femme capables de se couper en deux au niveau du torse. Leur partie supérieure s'envole alors, utilisant des ailes de chauves-souris, et part s'attaquer aux femmes endormies. Ces créatures utilisent alors leur longue langue rétractable (ou une sorte de trompe) pour sucer le sang de leurs victimes ou celui des foétus dans lleur utérus. Si on empèche la partie supérieure et la partie inférieure de ces êtres de se rejoindre, ceux-ci pourront pas survivre au lever du soleil.

En Chine du sud on connaissait les "Fei-teous" dont la tête se détachait et se déplacait en employant ses grandes oreilles comme des ailes.

Au japon on parlait des "Nukekubis" (ou "Hitôbans") depuis le 14 ème ou 15ème siècle. Ceux-ci pouvaient détacher leur tête, cette dernière étant parfois reliée au torse par une corde. Il est possibla aussi que c'était leur âme qui quittait leur corps en prenant la forme d'une tête volante. Au 17ème siècle, ces créatures deviendront des "Rokurokubis", dont la tête ne se sépare pas du corps, mais se promène au long d'un trés long cou capable de s'allonger d'une manière démesurée. Cette tête étant capable de prendre un aspect horrible pour terroriser ses victimes.

Etrangement on connait des créatures semblables en Amérique du sud : Chez les Araucans / Mapuches, des sorciers sont capables de se transformer en "Chonchons" en s'enduisant la gorge de crême magique les nuits sans lune. Leur tête peut alors se détacher de leur corps, se couvre de plumes, et s'envole avec ses oreilles transformées en ailes pour boire le sang des hommes endormis.

Dans le Tlaxala, au Mexique, des créatures semblables sont connues également : les "Tlahuelpuchis". Ce sont des femmes qui, à cause d'une malédiction, peuvent se transformer en oiseaux (ou, parfois, en d'autres animaux) pour aller sucer le sang des enfants durant la nuit. On dit que, pour prendre leur forme animale, ils doivent détacher la partie supérieure de leur corps : elle seule se métamorphose et s'envole alors qu'ils laissent leurs jambes derrière eux. Sous leur forme animale, ils sont phosphorescents. Ils peuvent aussi s'infiltrer sous les portes et fenêtres, ou par les trous de serrure sous la forme d'un brouillard lumineux. Ensuite ils hypnotisent leurs victimes pour les réduire à l'impuissance.


Les boules lumineuses volantes :

Les "Soucougnes" des Peuls d'Afrique, les "Soucougnans / Soucriants / Volants / Loogaroos" des Antilles, Caraïbes et Louisiane, les "Asimans" du Dahomey et les "Asemas" du Surinam sont des sorcières qui ont signé au pacte avec le diable pour acquérir des pouvoirs magiques. Elles sont capables ainsi de se transformer en boules de feu lorsqu'elles enlèvent leur peau, cette forme leurs permettant de voler et d'entrer dans les maisons en passant par le moindre interstice. Elles s'emparent alors du sang des enfants ou des hommes endormis pour l'offrir au diable. Si ces créatures ne peuvent pas rapporter de sang, c'est leur propre sang que le diable exigera en paiement. Et si elles ne peuvent pas récupérer leur peau lors de leur retour, alors elles ne pourront pas survivre.
Quand aux "Tlaciques" des indiens Nahuatls du Mexique, ils peuvent aussi bien se transformer en boules de lumière qu'en dindons.
Les "Obayifos" qu'on trouve chez les Ashantis du Ghana sont un peu différents : ils émettent une lumière phosphorescente seulement par leurs aisselles et leur anus.


Les "Esprits-animaux" :

En extrême-orient sont connus des "esprits-animaux" disposant de pouvoirs magiques et menant parfois des activités vampiriques. En Chine on les appelle des "Yaos" et au Japon ils sont connus sous le nom de "Yôkais" ("Monstres") ou "Mononokes" ("Choses étranges"). Les plus connus sont le renard, le chat et le blaireau.
On remarquera que, dans l'astrologie chinoise, notre constellation du scorpion correspond au signe du lapin (ou chat). Hors celui-ci, dans le zodiaque lunaire, est divisé en trois subdivisions : le blaireau, le chat (ou lapin) et le renard. Cela montre combien, pour les orientaux, ces trois animaux ont des caractéristiques communes.

En Chine on dit que si un renard ("Hu") atteint l'âge de 50 ans, il peut tenter d'acquérir des pouvoirs magiques en pratiquant un rituel spécial : Il doit se prosterner un grand nombre de fois face à l'étoile polaire (ou face à la pleine lune, ou face au soleil levant, selon les versions) avec un crâne en équilibre sur la tête, sans le faire tomber. S'il y parvient, alors il devient capable de se transformer en femme ... mais tout en gardant sa queue de renard. On l'appelle alors un "Huli-jing / Huli-tsing" ("Renard-esprit / Renard-femme") en chinois et "kitsune" en japonais. Elle hante alors les abords des cimetières, tentant de séduire les jeunes hommes pour vampiriser leur énergie sexuelle yang, ce qui lui permet d'allonger sa vie (les Coréens affirme qu'elle leurs dévore aussi le coeur ou le foie). Arrivée à l'âge de 100 ans, la femme-renard acquiert de nouveaux pouvoirs : Elle peut alors se transformer en jeune fille au charme irrésistible capable d'envouter tous les hommes. Elle les maintient également dans un état de ravissement et les coupe du reste du monde pour continuer à les vampiriser tranquillement jusqu'à épuisement. Si elle parvient à atteindre l'âge de 1000 ans, elle se transforme en "Tien-hu" ("Céleste renard") appelé "Kumi-ho" en coréen et "Ten-ko" en japonais. Une telle créature porte aussi le nom de "Jiu-wei-hu" ("Renard  à neuf queues") ou "Hu-xiang" ("Renard immortel"). Certains prétendent aussi que lorsqu'il atteint 10000 ans, un renard peut devenir une "âme démoniaque gobeuse de cadavre".
Au Japon on divise ces esprits-renards en deux types : Les bons "Myobus" qui servent Inari, la déesse du riz, et les mauvais "Nogitsunes" qui restent sauvages.

Vers 324 ap.JC, l'écrivain Kuo Pu disait ceci à ce sujet :
"À l'âge de cinquante ans, un renard peut se transformer en femme, à l'âge de cent, il peut se transformer en une belle jeune fille ou en un homme qui séduit les femmes; il peut alors tout savoir sur ce qui se passe dans un rayon d'un millier de lis, il peut aussi ensorceler les gens, les égarer et leurs faire perdre leurs esprits. À l'âge de mille ans, il peut communiquer avec le ciel et devenir un renard céleste."

Et dans son poème"La renarde des vieux cimetières", Bai Juyi (772-846) écrivait ceci :
"Quand un esprit renard est devenu vieux, dans une tombe à l'abandon,
Il se transforme en une femme à la mine engageante.
Son poil se fait chignon, son museau visage poudré,
Sa longue queue se change en robe cramoisie et traînante.
Puis, à pas lents, elle hante les rues désertes du village,
Et aux approches de la nuit, choisissant un lieu écarté,
Tantôt elle chante et danse, et tantôt pleure tristement,
Sans hausser l’arc de son sourcil, sans lever son joli visage,
Quand tout à coup elle se met à sourire, quelle joie !
Alors c’est à peine s’il se trouve un homme pour n’être pas séduit…
Dès lors, tout en la renarde respirera l’amour et la séduction. La femme sera jeune, en pleine santé, délicate, souriante, intelligente, timide, musicienne et chanteuse, douce et enjouée."

Quelques textes sur les esprits-renards :
La figure littéraire de la Renarde en Chine (Thèse en pdf, par Geneviève Chan Pit Chu)
Histoires de renards chinois (Divers contes chinois).
Histoires de renards japonais (Divers contes japonais).

Au Japon, si un chat ("Neko") atteint l'âge de 13 ans tout en pesant plus de 4 kg et en ayant une longue queue, il peut devenir un "Bake-neko" ("Chat monstrueux"). Il est alors capable de marcher debout, de manger nimporte quoi, de lancer des boules de feu et de prendre une apparence humaine. Il peut même essayer de tuer son maitre pour usurper sa place. Dans la légende du "Chat-vampire de Nabeshima", on voit ainsi une telle créature absorber le sang d'une femme et usurper ensuite son identité, afin de séduire l'homme amoureux de la jeune fille. On dit aussi que s'il saute au-dessus d'un cadavre, celui-ci peut se transformer en mort-vivant.  S'il atteint l'âge de 100 ans, sa queue se dédouble et il prend alors le nom de "Neko-mata" ("Chat fourchu"). Il augmente alors son pouvoir de réveiller les morts et d'en faire ses esclaves. Il devient également capable de posséder les humains.

Au Japon, le blaireau est appelé "Mujina". Farceur, il s'amuse à effrayer les humains en se transformant en "Noppera-bô", un humain sans visage.

Au Japon, le "Tanuki" est un "chien viverrin", mais le mot est parfois traduit faussement par "blaireau". Il est vrai cependant que, dans certains dialectes japonais, les mots désignant le blaireau et le chien viverrin sont interchangeables. Il est même possible que le mot ait désigné à l'origine un chat sauvage.
Le Tanuki passe pour être jovial, farceur, trompeur mais naïf. Et on dit qu'il peut se transformer en nimporte quoi en posant une feuille (de lotus ?) sur sa tête et en prononcant une formule magique.

En Inde, chez les Oraons, on trouve aussi les "Chordevas" qui sont des sorcières transformées en chats-vampires mangeurs d'âmes. Il leurs suffit de lécher les lèvres d'une personne pour que celle-ci décède peu après.


Les "Thérianthropes" ("Hommes-fauves") :

Les "Lycanthropes" ("hommes-loups" en grec) sont des hommes qui, à cause d'une malédiction, se transforment en loups chaque nuit (ou seulement les nuits de pleine lune) pour attaquer les gens. Les Biellorusses et Ukrainiens prétendent qu'aprés leur mort ils se transformeront en vampires.

Hérodote (484 - 425 av.JC) est le premier à avoir décrit des Lycanthropes dans son livre "Histoire, IV, CV). Selon lui on les observait dans le pays des Neures (probablement du coté de l'actuelle Roumanie) :
"... Il parait que ces peuples sont des enchanteurs. En effet, s’il faut en croire les Scythes et les Grecs établis en Scythie, chaque Neure se change une fois par an en loup pour quelques jours, et reprend ensuite sa première forme."

Les Romains appelaient  ces hommes-loups des "Varios" ou "Versipelles", ce qui signifie "Changeurs de peau".

Dans son Satyricon, LXII  Pétrone (12/17-66 ap.jC) raconte une histoire de Versipelle :
"... C’était un soldat, brave comme Pluton. Nous nous mettons en route au premier chant du coq (la lune brillait, et on y voyait clair comme en plein midi). Chemin faisant, nous nous trouvâmes parmi des tombeaux. Soudain, voilà mon homme qui se met à conjurer les astres ; moi, je m’assieds, et je fredonne un air, en comptant les étoiles. Puis, m’étant retourné vers mon compagnon, je le vis se dépouiller de tous ses habits, qu’il déposa sur le bord de la route. Alors, la mort sur les lèvres, je restai immobile comme un cadavre. Mais jugez de mon effroi, quand je le vis pisser tout autour de ses habits, et, au même instant, se transformer en loup. Ne croyez pas que je plaisante ; je ne mentirais pas pour tout l’or du monde. Mais où donc en suis-je de mon récit ? m’y voici. Lorsqu’il fut loup, il se mit à hurler, et s’enfuit dans les bois. D’abord, je ne savais où j’étais ; ensuite, je m’approchai de ses habits pour les emporter : ils étaient changés en pierres.(...) Je reconnus alors que c’était un Versipelle ; et, à dater de ce jour, on m’aurait assommé plutôt que de me faire manger un morceau de pain avec lui."

Dans son "Histoire naturelle, Volume 6", Pline l'ancien (23-79 ap.JC) raconte ceci au chapitre 34; 22 ("De lupis. Unde fabula versipellis" = "Des loups ; d'où vient le mot proverbial de versipelles") :
"Que des hommes se changent en loup, puis reviennent à leur première forme, c'est un conte qu'il faut hardiment refuser de croire, à moins qu'on ne veuille se résigner à adopter aveuglément toutes les fables que l'expérience de tant de siècles a réfutées. J'indiquerai néanmoins l'origine de cette opinion , tellement arrêtée dans le peuple, que le nom de versipelle est devenu une espèce d'imprécation. Evanthe, écrivain grec assez estimé, rapporte, d'après des auteurs arcadiens, que, dans la famille d'un certain Anthus , on choisit au sort un individu que l'on conduit au bord d'un étang de ce pays. Là, il suspend ses habits à un chêne, passe l'eau à la nage, gagne les déserts, où il est transformé en loup, et vit avec les autres loups pendant neuf ans. S'il est resté pendant tout ce temps sans voir un homme, il revient à l'étang, le repasse et redevient ce qu'il était, sauf qu'il a vieilli de neuf années. Fabius ajoute qu'il retrouve ses mêmes habits."

Giraud de Barri (Gérald Barry) rapporte une histoire semblable en Irlande au 12ème siècle : Une malédiction frappait le royaume le Leinster tous les sept ans et un couple de villageois se trouvait changé en loup. S’ils survivaient pendant les sept ans, ils retrouvaient leur forme humaine et rentraient chez eux, un autre couple était alors maudit à leur place.

Ces êtres portent le nom de "Vargúlfrs / Varulfurs" en scandinave, "Werewolfs " en anglais, "Weerwolfs" en néerlandais, "Werwolfs" en allemand et *Wariwulf / Werwolf" en  ancien francique, ce qui signifie "Hommes-loups".
Ce mot est ensuite devenu "Varrous" dans le Cotentin, "Leus-Warous" en picard et "Leuls-Garouls / Leus-Garous" en ancien francais. De la viennent nos actuels "Loups Garous".

En Finlande on les appelle "Vironsusis" et on estime que leur état est du à un sort envoyé par des sorcières.

En Lituanie on les appelle "Vilkolakis / Vilkatlakis" et "Vilkatis / Vilkacis / Vilkatas / Vilkatis" en Lettonie. Ce sont soit des hommes transformés en loups, soit des âmes humaines possédant des loups.

Dans les pays slaves, on les appelaient "Volkodlaks / Vrykolaks / Vurdalaks" ("Poils de loups") en russe, "Vovkulaks / Vurdalaks" en ukrainien, "Vaukalaks" en biélorusse, "Vukodlaks" en serbe et croate, "Wilkolak" en polonais, "Vilkodlaks" en tchèque, "Vurkolaks / Vyrkolaks / vârkolaks / vâlkolaks" en bulgare, et "Volkolaks / Brucolaques" en Macédonien; Ce mot deviendra "Vîrcolacs / Vârcolacs" en roumain et "Vrykolakas" en grec. Cependant, avec le temps, ce mot servira à désigner non plus un homme-loup mais une sorte de mort-vivant ou de vampire.

En Roumanie on parle aussi des "Pricolicis / Procolicis / Pryccolitchs" qui sont des morts-vivants vampiriques en forme de loups, de grands chiens ou de hyènes. Selon certains ils seraient des canidés possédés par une âme humaine mauvaise.

Dans la région Schaumberg, on connait également les "Boxenwolfs / Buxenwolfs" qui sont des hommes capables de se transformer en loups grace à une ceinture magique offerte par le diable.

En Afrique existent des créatures comparables, adaptées au climat local : ce sont des sorciers capables de se transformer en hyène, en chacal, en léopard, ou en lion.


Autres créatures vampiriques :

Chez les Ewés du Ghana et du Togo, les "Adzes" sont des créatures vampiriques ayant la forme d'une luciole sucant le sang des enfants endormis. Elles peuvent aussi transmettre des maladies et posséder leurs victimes, les transformant ainsi en sorciers attirant le malheur sur leur entourage. Si on les capture, elles prennent la forme d'un homme bossu armé d'une serre qui essaiera de tuer ses ravisseurs pour leurs prendre le sang, le cœur et le foie.

Chez les Mandés d'Afrique, on parle des Soubaches-Nindiés. Ce sont des sorciers capables, lors de leur sommeil, d'éjecter leur âme sous la forme d'une étincelle invisible. Ils vont alors s'attaquer aux membres de leur famille endormis, les membres des autres familles leurs étantt interdits, sauf autorisation spéciale d'un autre Soubache. Ils commencent par tirer le "Ni" (énergie vitale) de leur victime hors de son corps et lui donnent la forme d'un boeuf. Au bout d'un certain temps, ils égorgent ce boeuf afin de le dévorer, entrainant ainsi la mort de la victime. Les Niaguas, des créatures plus puissantes que les Soubaches, tentent parfois de les empécher de tuers leurs proies, mais ils se laissent trop facilement acheter pour vraiment être une gène pour eux.

Dans le sud du Chili sont connus les "Peuchens / PeuchenIls / Pihuchens / Pihuichens / Piguchen / Piwuchens", des serpents volant suceurs de sang (à distance) qui possèdent un regard hypnotique paralyseur.


Les Morts-vivants non clairement vampiriques :

Les "Draugs" ou "Aptrgangs" sont des morts-vivants scandinaves. Ils peuvent se transformer en un amas de fumée pour se faufiler hors de leur tombe pour errer ensuite, sous la forme d'un cadavre en décomposition, en véhiculant des maladies. Ils agressent les vivants, cherchant à les écraser pour ensuite les dévorer (ou boire leur sang ?). On dit qu'ils ont une force herculéenne, qu'ils peuvent devenir gigantesques et trés lourds, qu'ils peuvent se changer en animaux et qu'ils possèdent des pouvoirs magiques divers ("trollskap"). Leur regard, en particulier, fait tellement peur qu'il peut rendre fou nimporte qui. Pour se débarasser d'eux, les méthodes traditionnelles sont de leurs couper la tête, de brûler leur corps et de jeter leurs cendres à la mer.
Dans "Gesta Danorum" et dans la "Saga d'Egil"et d'"Asmund le tueur de Berserkir" (début du 13ème siècle), Saxo Grammaticus décrivait déja des morts affamés attaquants les vivants. Et ces derniers ripostaient en ouvrant leur tombes, en les décapitant et en les transpercant d'un pieu.
L'archéologie confirme en effet que les anciens Scandinaves fixaient les morts dans leurs tombe à l'aide d'un pieu; Et la "Saga d'Eric le Rouge" dit qu'au Groenland on procédait ainsi quand le prêtre était absent et ne pouvait bénir la tombe.
Vers 1007, encore, Burchard de Worms décrivait le sort réservé aux bébés morts avant d'être baptisés : "... elles emportent son cadavre dans un lieu secret et lui transpercent le corps d'un bâton. Elles affirment que si elles ne le faisaient point, l'enfant reviendrait et pourrait faire du mal à bien des gens (...) Si une femme n'arrive pas à mettre son enfant au monde et meurt dans les douleurs, dans le tombeau même, on transperce la mère et le petit avec un bâton en les clouant au sol "

Les "Vétâlas" (ou "Baitalas"), en Inde, sont des esprits mauvais ou des âmes en peine coincées entre le monde des vivants et le monde des morts. Ils hantent les cimetières et cherchent à s'introduire dans les cadavres pour les animer, les transformant ainsi en morts-vivants. Au Thibet on les appelle "Ro-langs" (=''cadavres levés"). On prétend qu'ils peuvent se transformer en chauves-souris, qu'ils sont capables de connaitre le futur et que leur connaissance de la psychologie humaine en fait de redourables manipulateurs. Les "Vétalis" (Vetâlas femelles) peuvent également être employées pour participer à des rituels tantriques (yoga sexuel) bien que ce soit dangereux pour les humains.
Pour survivre, il n'est pas clair si les "Ro-langs" sont nécrophage, buveurs de sang, ou encore voleurs de souffle vital.

Les "Bhutas", en Inde, sont des âmes en peine coincées entre le monde des vivants et le monde des morts. Ces créatures sont issues de personnes mortes par accident, par suicide, par exécution ou aprés être devenues folles. Sans cesse affamés, ces "Bhutas" errent dans la nuit en essayant d'entrer dans des cadavres pour les animer et les transformer en morts-vivants. Ayant ainsi acquis un corps matériel, ils peuvent assouvir leur faim en mangeant des intestins et des excréments qu'ils trouvent dans les autres cadavres, mais ils peuvent aussi attaquer des hommes vivants pour les dévorer. On dit que ces "Buthas" sont également capables de se transformer en chauves-souris ou en hiboux, ce qui les rapproche des Stryges;

Dans le vaudou haîtien, les "Zombies" sont des cadavres animés par par la magie, des morts-vivants dénués de volonté propre et servant d'esclaves aux bokors (sorciers) qui les ont créé. On a émis l'hypothèse, toutefois, que ces "Zombies" ne seraient que des humains normaux (vivants) dont la personnalité aurait été annihilée par des drogues (Le plus célèbre cas d'homme ainsi "zombifié" par des sorciers est celui de Clairvius Narcisse).

Des morts-vivants sont connus aussi au Thibet. Dans son livre "Magie d'amour et magie noire", Alexandra David-Neel en dit ceci :

"Les Tibétains croient que le namchés (la conscience) c'est à dire l'individu lui-même, se sépare parfois du corps avant le moment de la mort apparente. Dés que ce namchés a quitté le corps, l'homme est en réalité mort, bien que son corps puisse encore continuer pendant un temps plus ou moins long à accomplir tous les actes physiques et mentaux habituels aux vivants. Lorsque survient la mort apparente, certains signes sont dit dénoter que le défun était dénué de namchés."


Les démons nécrophages non vampiriques :

Les "Goules / Ghûls" ("Saisisseuses") sont des démones nécrophages décrites par les musulmans arabes et perses. Leur première mension en Europe se trouve dans le roman "Vathek" écrit par William Beckford en 1786.  Ces créatures vivent dans les déserts sous la forme de hyènes, mais elles peuvent aussi apparaitre sous l'aspect de jolies femmes pour attirer les voyageurs et les dévorer. Elles gagnent alors le pouvoir de prendre les traits de leurs victimes. Mais le plus souvent, elles se contentent des cadavres des cimetières qu'elles déterrent pour les dévorer..
Dans l' "Histoire de Sidi Nouman" (parmi les "Milles et une nuits"), ces créatures sont décrites ainsi :
"... les goules des deux sexes sont des démons qui errent par le monde. Elles fréquentent en général les bâtisses en ruine, d'où elles s'échappent brusquement pour surprendre les voyageurs qu'elles tuent et dévorent. Si elles n'ont pas la chance d'en rencontrer, elles se rendent la nuit dans les nécropoles pour déterrer les morts et se nourrir de leur chair."

Leurs équivalents, en Inde, sont les "Pisachas" (="mangeur de viande crue"), qui sont des démons inférieurs, assoiffés de sang et de chair humaine, et des vecteurs d'épidémies.
A coté d'eux on trouve les "Rakshasas" qui sont des démons d'un type plus évolué et qui sont capables de prendre des formes multiples. Leurs proies favorites sont les enfants.