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PERSONNAGES LÉGENDAIRES :



Le Père Noel :                                                                                              

 


Le nom de Noel viendrait du mot "Natalis" c'est à dire "Nativité" ("Nael Deu" = "Nativité de Dieu"); mais certains pensent qu'il pourrait provenir de "Neu Helle" qui signifiait "nouvelle clarté" en germanique. La même fête était également appelée "Nouveau Soleil" (= "Neos Helios" en grec) et "Soleil invaincu" (= "Sol invictus" en latin) par les Romains.
Ce sont les empereurs Aurélien, en 274, et Constantin, en 336, qui ont décidé d'adopter cette fête provenant du culte de Mithra (ce jour du Mithragan correspondait à la naissance de Mithra). A l'origine la date devait coîncider avec le solstice d'Hiver mais l'astronome Sosigène s'était trompé de 4 jours en créant le calendrier julien en 48 av.JC. C'est seulement en 325 que les Romains placeront correctement le solstice au 21 décembre, mais sans modifier la date de la fête correspondante.
Ce sera pour contrer cette fête paienne que les Chrétiens de Rome placeront plus tard la naissance de Jésus à cette date ("8 jours avant les calendes de janvier de Vénus") en 336 ou 354... date officielle en occident à partir du concile de 381.

Mais au début, les Chrétiens ignoraient la date de naissance de Jésus.
Ainsi Clément d'Alexandrie (150-215), dans ses "Stromates 1;21,8", expliquait que sa naissance correspondrait, selon les auteurs, au 20 mai, au 19-21 avril ou au 17 novembre.
Selon Hippolytos Jésus serait né un 2 avril. Origène (vers 250) placait sa naissance au 5 Tammouz (en Juin). Et selon le "De Pascha Computus" du pseudo-Cyprien (au 3ème siècle), Jésus serait né un 28 mars (plus tard on préfèrera en faire sa date de conception).
Selon Clément d'Alexandrie, dans ses "Stromates 1;21,146" dit que les gnostiques de Basilide (vers 85-145) fixaient son baptème au 6 ou 10 janvier.

Vers l'an 204, Hippolyte de Rome écrit le premier que Jésus serait né un 25 décembre.
Par la suite ce sera cependant le 6 janvier qui sera choisi par Épiphane de Salamine (315-403), dans son "Panarion", comme date officielle de naissance de Jésus.
Epiphane disait cependant que cette fête (appelée "Epiphanie") était d'origine païenne :
"Il est arrivé et il arrive encore bien d'autres choses comme soutien et témoignage de ce fait, je veux dire de la naissance du Christ. Car les chefs du culte des idoles (…) font une très grande fête en cette même nuit de l'Épiphanie (…) Et quand on leur demande ce qu'est ce mystère, ils répondent : Aujourd'hui, à cette heure, Koré, c'est-à-dire la vierge a enfanté l'Aion (= Dyonisos ?)."
Effectivement, Massala, au 1er siècle av.JC, disait bien qu'il existait une fête d'Aion (qu'il identifiait à Janus) le 5 janvier.      

Dans son "Panarion", Epiphane expliquait cependant que dans l'Empire romain occidental une tradition d'origine païenne plaçait plutôt la naissance de Jésus lors du 25 décembre (on en connait la célébration depuis au moins l'année 336 dans un calendrier de Rome) :
"Christ est né le six de janvier, treize jours après le solstice d'hiver. Les païens célèbrent ce jour (…) le 25 décembre, appelé chez les Romains Saturnales, chez les Égyptiens Kronia, chez les Alexandrins Kikellia."
Plus tard cette date sera peu à peu adoptée dans l'Empire romain oriental en remplacement du 6 janvier qui ne désignera plus que la date de sa conception, de son baptême et de l'adoration des mâges (Ainsi, Jean Chrysostome, lorsqu'il est allé à Antioche en 386, a dit que la fête du 25 décembre n'y était manifeste que depuis 10 ans).
Saint Augustin (354 – 430) disait à ce propos :
"Car Jésus est censé avoir été conçu le 25 Mars, jour où il a également souffert; de sorte que le sein de la Vierge, dans lequel il a été conçu, où personne ne fut engendré parmi les mortels, correspond à la nouvelle fosse où il a été enterré, dans laquelle aucun homme n'a jamais été déposé, ni avant lui ni depuis. Mais il est né, selon la tradition, le 25 Décembre".

Un scholiaste du XIIe siècle expliquera ainsi l'adoption de cette date :
"La raison pour laquelle les Pères ont transféré ladite solennité du 6 janvier au 25 décembre est, dit-on, la suivante. C'était la coutume des païens de célébrer ce même jour du 25 décembre la naissance du soleil. Pour relever la solennité, ils avaient l'habitude d'allumer des feux et ils invitaient même le peuple chrétien à prendre part à ces rites. Lorsque donc les Docteurs remarquèrent que les chrétiens se laissaient entraîner à cette coutume, ils décidèrent de célébrer le même jour la fête de la vraie naissance et le 6 janvier, ils firent célébrer l'Epiphanie."

La "Mère Noel" :

Ce nom de "Neu Helle" rappelle aussi le nom de la "Mère Noel" paienne qui lui était associée chez les Germains : Perahta Holda ("Esprit lumineux").

Du mot "Holda" dérive Hulda / Holde / Holle / Hulle / Olé en Allemagne du nord (Thuringe, Franconie, Basse Saxe), la forme "Hudana" étant déja connue aux Pays bas à l'époque romaine. En basse Saxe on l'appelait aussi Frekke, nom dérivant de "Frigga", nom de la femme du dieu Odin / Wotan. D'ailleurs au Mecklembourg on l'appelait aussi Frau Gauden / Gaude / Gode / Gaue / Wode ... c'est à dire "Madame Wotan / Odin". En Allemagne du nord et en Thuringe, cette déesse venait la nuit du 19 janvier (puis du 6 janvier dans le nouveau calendrier, ou même à Noel) pour protéger les animaux et les âmes des enfants morts ou pas encore nés (appelés "Grillons"). On disait aussi que c'était des cigognes appartenant à Holda qui apportaient sur Terre les âmes des enfants devant s'incarner (Un conte d'Andersen re-popularisera cette légende au XIXème siècle)
Holda était représentée sous deux formes : Une vieille femme ou une jeune femme en robe blanche comme la neige. On dit aussi qu'elle était la patronne des fileuses et des tisserandes. Un texte écrit vers 1236-1250 raconte que des gens mettaient la table, à Noël, pour Frau Holda (Madame Holda) qui est la "reine du ciel" (titre que les Chrétiens accordent aussi à la vierge Marie).
Dans la Hesse on l'appelait "Frau Holle" (Dame Hollé) et on disait qu'elle venait inspecter les fileuses entre Noel et l'Epiphanie. Un conte de Grimm provenant de la Hesse et du Hanovre prétend que c'est cette Dame Hollé / Hulda qui créait la neige en secouant ses édredons de plumes.
En Islande elle était appelée Hulda / Huldr, la bien-aimée d'Odin, et en Suède elle était Huldmoder ("mère Huld"). En Norvège et au Danemark elle était Hulla / Huldra / Heldra / Huldre, la nymphe blanche des forêts, qui apparait comme une jeune femme habillée de bleu avec un voile blanc, ou comme une vieille femme habillée en gris qui recueille les enfants morts sans baptème.
Elle était la maitresse des Huldus ou Huldres, sortes d'elfes ou de nymphes portant une queue à qui on faisait des offrandes de nourriture entre le 25 décembre et le 6 janvier. Berthold de Ratisbonne (1210-1272) leurs donnait le nom de "Hulden" (= "Bienveillantes") et les opposait aux "Unhulden" (= "Malveillantes"). A la même époque, Albert von Halberstadt parlait des "Wazzerholdes" c'est à dire des "Holdes de l'eau", sortes d'Ondines.

Des entités comparables sont connues sous le nom de "Trottevieilles" dans le Jura et en Haute Saône. Ce sont des vieilles femmes portant des cornes de cerfs qui sortent des bois à Noêl pour récompenser les enfants sages et punir les enfants désobéissants (Au printemps on les appelle les "Trottejeunes").
Comme elles sont trois, on peut les rapprocher des Fées et des "Matrones", déesses celtiques des accouchements et du destin. Bède le vénérable (673-735) racontait qu'en Grande-Bretagne, Noêl s'appelait "Mödranith / Modranect / Modranicht" (la "nuit des mères"), et qu'on y laissait de la nourriture pour les morts et pour les trois "Matrones". Et en Autriche, la nuit de Noel s'appelle encore parfois "MütterNacht" à dire "La nuit des mères".
De même en 1066, dans le "Decretum", Burchard de Worms racontait que des femmes préparaient des tables d'offrandes pour les trois Parques (divinités du destin). Selon lui, des femmes se dédoublaient également la nuit pour aller chevaucher les bêtes sauvages avec Holda ... légende qui sera à l'origine, plus tard, à la croyance au sabat des sorcières avec le Diable.
En Scandinavie, les trois Matres ou les trois Parques portaient le nom de "Dises". Mais on ignore quand avait lieu leur fête appelée "Disablot" (offrandes aux Dises).

Mais les Trottevieilles, de par leur nom, dérivaient d'anciennes démones : les "drudes-vieilles". On disait que les drudes (= "piétineuses") étaient des créatures s'assayant sur les gens endormis pour les oppresser et induire ainsi une paralysie nocturne. De même, dans le canton de Vaud, en Rhône-Alpe, dans le Jura, le Périgord, la Provence, le Lot et Garonne et le Médoc, on connaissait la Chauchevieille (= "Vieille piétineuse") qui en faisait autant. Cela les rapprochait des Cauque-mares (= "Mares piétineuses", d'ou dérive le mot "cauchemar"). Les "Mares" étaient des démones nocturnes et les anglais en ont fait "nigth-mare" (= " la Mare de la nuit") que certains traduisent faussement par "la cavale de la nuit".

Du mot "Perahta" ("lumineuse") dérive Perchta en Alsace et Allemagne du sud, Berchta / Berchteln en Bavière, Suisse, Souabe, Autriche et Tyrol (sa fête est le 2 ou le 6Janvier), Pehta baba' en Slovénie, et Bertha dans le Jura et en Angleterre (Son nom était de la même racine que celui de la déesse celtique Brigid). Dans le Haut Adige, elle était appelée "Berta" et on disait qu'elle passait à l'Epiphanie ou à la Saint Martin.
Cette déesse était la patronne des fileuses et elle se déplacait (parfois en compagnie de Wotan) avec une troupe d'enfants morts avant d'être baptisés. On la représentait sous la forme d'une vieille femme en noir ou d'une jeune fille en blanc. Déja au 10ème siècle on trouvait des allusion à cette "Dame Berchta", une fileuse habillée en blanc.
Dans le Jura bernois et vers le Lac Léman elle était appelée "la reine Berthe" et elle protégeait les animaux et les elfes. Et elle avait des pattes d'oie ou de cygne à la place des pieds. De la dérivent les légendes de la Reine Pédauque ("pattes d'oie") à Toulouse, de Berthe Pedauque en Espagne, de Berthe au grand pied en France ou de la reine fileuse Berthe de Souabe. Dans les contes, elle deviendra la "Mère l''oie".
On raconte aussi que Perchta venait récompenser les bons enfants et punir les mauvais entre le 24 décembre et le 6 janvier ("BershtenTag", le nom de l'Epiphanie en Allemand, dérive de son nom : "le jour de Berchta"). Parfois elle éventrait les gens mauvais et remplissait leurs ventre avec des pierres et de la paille. Vers 1350, le livre "Miroir des consciences" racontait qu'on faisait des offrandes de nourritures à "Percht" : "Pèchent aussi ceux qui, la nuit de l’épiphanie, laissent sur la table nourriture et boissons afin que tout leur sourît dans l’année et qu’ils aient de la chance en toute chose (…) donc pèchent aussi ceux qui offrent de la nourriture à Percht …". Mais en 1439 et 1468, en Bavière, l'église a condamné la coutume qui voulait qu'on laisse de la nourriture pour ''Fraw Percht" (Madame Perchta) lors de son passage.
Ce personnage existait également sous le nom de "Berchthold" qui fait la synthèse entre Berchta et Holda.

Dans le "Thesaurus Pauperum", en 1468, Perchta / Perchtum / Percht est identifiée à Dame Abondance, appelée Dame Abonde / Domina Abundia ou Satia (= Satiété) par Guillaume d'Auvergne (1180-1249) et Dame Habonde dans le Roman de la Rose. Les gens lui laissaient des offrandes de nourriture pour la nuit de l'Epiphanie. Cette personnification de la fortune se déplacait avec une troupe de "dames de la nuit" habillées de blanc ("Matrones" ou "Matres") ou de sorcières estries.
"… ceux qui, la nuit, exposent ouverts des récipients remplis de nourriture et de boisson destinées aux dames qui doivent venir, Dame Abonde et Satia, que le vulgaire désigne communément et couramment du nom de Dame Percht ou Perchtum, cette dame venant avec sa troupe. Ceci, pour qu’elles trouvent ouverts tous objets tenant à la nourriture et à la boisson, afin que, par la suite, elles les remplissent et les accordent richement et en plus grande abondance. Beaucoup croient que c’est pendant les nuits saintes, entre la naissance de Jésus et la nuit de l’épiphanie, que ces dames, à la tête desquelles est dame Perchta, visitent leurs demeures. Nombreux sont ceux qui, au cours de ces nuits, exposent sur les tables pain, fromage, lait, viandes, œufs, vin, eau et denrées de cette sorte, de même que cuillers, plats, coupes, couteaux et autres objets semblables, en vue de la visite de dame Perchta et de sa troupe, pour qu’elles y trouvent agrément et que, par conséquent, elles soient propices à la prospérité de la demeure et à la conduite des affaires temporelles." (Thesaurus pauperum)

Elle pouvait aussi être identifiée avec Diane, la déesse des sorcières, ainsi que l'indiquait Johannes Praetorius (1630-1680) :
"La nuit de Noël, Diane passe avec son cortège furieux de guerriers."

En Italie elle était connue sous le nom de Bona Domina Richella (Bonne dame de la fortune) ou de Madona Oriente / Horiente / Horiens ("Dame de l'Orient"). La aussi elle venait visiter les maisons, la nuit, pour y chercher des offrandes de nourriture, accompagnée des âmes des morts. Au Tyrol et en Suisse, on parlait de Dame Fortune (Frawe Saelde / Salige) qui passait avec sa troupe (les "Salige Lutt" = "Bonnes gens"), poursuivie par le géant Wunderer. Et en Vénétie, il y avait la "Rododesa / Rodesa / Redosola (Rédemptrice)" qui venait avec ses 12 enfants à l'Epiphanie. A Venise même, on l'appelait la "Marantega".
En Suisse, Souabe et Slovénie elle était appelée "Frau Faste".

A Neuchâtel, au Jura et en Franche-Comté, Perchta prenait le nom de "Tante Arié" ou "Tante Ariette" (> Voir). Elle avait des pattes d'oie, des dents de fer, s'habillait en blanc et portait une couronne de diamants. Elle venait à Noel pour  donner des cadeaux aux enfants sages et punir les enfants désobéissants, mais il fallait qu'on laisse un peu de nourriture pour son âne Marion. Elle s'occupait aussi de récompenser ou punir les fileuses. En 1886, le pasteur Charles Roy en fit une "Madame Noel". Certains pensent que son nom "Arié" pourrait venir de son identification tardive avec la comtesse Henriette de Montfaucon-Montbéliard (1384-1444) qui était trés aimée du peuple. Tante Arié était également appelée "Rode" ou "Arode". Cela la rapproche de Arodia / Arada / Araja qui était la maitresse des sorcières et Italie (on la dira fille de Diane et de Lucifer).
Dans le Cantal, Berry et Périgord, une entité du même type, connue sous le nom de "Paulate", apportait des cadeaux à Noel. Et en Isère et Savoie, c'était une certaine Naroua / Narava (ou les Naroues / Narroves) qui venait pendant les "12 jours de Noel pour surveiller les fileuse et prendre de la nourriture pour les morts. Le nom des Naroues signifie peut-être "Noiraudes" ou "Sottes" ou alors provient de "Néréides" ou de "Neroves" (Néréides de Lithuanie). Cependant le nom des Naroues apparaissait déja dans un texte daté de 1561 et celles-ci étaient alors identifiées aux Parques (à noter que les Parques sont des désses du destin mais qu'elles sont également associées au filage tout comme Holda, Perchta, Arié, etc...).

En Bavière, Bohème, Slovénie et Croatie, Perchta s'identifie à Sainte Lucie sous le nom de "LutzelFrau" ("Dame Lucie") et elle passe le 13 décembre (c'est à dire à la Sainte Lucie). En Autriche elle est appelée "Lutzl" ou "la Dame du solstice" (dans l'ancien calendrier julien, la Sainte Lucie retombait le jour du solstice) et elle passe dans les maisons pour mendier des vivres pour sa troupe de défuns. En Italie du nord, Santa Lucia (Sainte Lucie) vient le 13 décembre avec son âne pour distribuer des cadeaux. Et en Suède, à la même date ("LusseNatt, la nuit de Lucie"), elle est honorée par des jeunes filles habillées de blanc et couronnées de bougies.
Ce jour on dit aussi qu'on peut voir les "Esprits de Lucie" (Lussens / Lussiners / Lussegubbers).
Le nom de Lucie montre bien qu'elle n'est que la christianisation d'une ancienne déesse de la lumière (Lux / Lucis = lumière).

En Allemagne du sud, Lucie apparait aussi sous la forme de la "Sorcière de Noel".
En Bourgogne elle est appelée la "Beuffenie"; elle apparait comme une sorcière qui apporte des cadeaux aux enfants et qui dirige leurs défilés masqués du 13 janvier.
En Italie on la connait sous le nom de Befana / Befania (dont le nom est une déformation d'"épiphanie"). Là aussi elle est une vieille sorcière vêtue de noir qui vient sur son balais pour apporter des cadeaux (ou des punitions) aux enfants dans la nuit du 5 au 6 janvier (ou le 19), en passant par la cheminée. La légende dit que c'est une femme qui était arrivée trop tard à la crèche pour assister à la naissance de Jésus. Et depuis elle erre dans le monde en s'occupant des enfants.
On raconte la même chose en Russie à propos de Baboushka ("Grand-mère"), une vieille femme qui apportait des cadeaux pendant la nuit de l'épiphanie ou du nouvel an, avant la révolution russe.
On notera que la Befana, en Italie, est ensuite brûlée en effigie, ce qui ressemble à la coutume nord-italienne de Giubiana, en fin janvier, où on brûle un mannequin en forme de sorcière symbolisant la vieille année.

En Vendée, Poitou, Saintonge, Angoumois, Limousin et dans l'île d'oléron, la période entourant le nouvel an voyait également le passage de la "Guillaneu / Guilloneu", une sorte de sorcière ou de fée chevauchant le cheval Mallet sans queue ni tête pour distribuer des cadeaux aux enfants. Ceux-ci passaient de maison en maison à la veille du jour de l'an ou de l'épiphanie afin de récolter un peu d'argent, tout en chantant sa chanson. Ils portaient une baguette appelée "aguilaneu" en normand et vendaient le produit de la quête au profit de la paroisse. Au XVIIIème siècle, l'abbé Jean-Baptiste Thiers d'Angers décrivait ainsi ces quêtes de l' Aguilaneu / Aguilanneuf / Haguilleneuf / Hoguihanneu / Aguillannées (rien à voir avec le "Au gui l'An neuf !" des druides) :
"Il se commettait autrefois quantité d'insolences dans les églises sous prétexte d'une quête qui s'y faisait les premiers jours de l'année, par des jeunes gens de l'un et l'autre sexe, et que l'on appelait L'Aguilanneuf".

De même, en Bretagne, vers Noel, les pauvres se réunissaient toutes les nuits pour quêter de village en village avec un vieux cheval tout en chantant. Au XVIe siècle, ces pauvres effectuaient même cette quête armés de bâtons, de fourches, de piques et d'épées pour rançonner les gens.
La Guillaneu devait son nom à une fête d'origine probablement celtique s'étendant du 31 Décembre au 1er Janvier et qui portait le nom de Hogmanay en Ecosse, d'Eginane en Bretagne, d'Aguignette en Normandie, d'Hoguinanno en Basse-Normandie, d'Aiguillants en Tourraine, de Guillaneu dans le Limousin, d'Aguillonne en Gascogne, et d'Aguinaldo (étrennes) en Castille.. En France de l'ouest, on l'appelait Oguilaneu puis Aguillanneuf puis "Au gui l'an neuf."
Albert Meyrac la décrivait ainsi en 1896 :
"On parcourait la forêt, les hommes déguisés en femmes, ou revêtus de peaux de bêtes, les femmes déguisées en hommes, et tous criant : 'Au gui l'an neuf ! au gui l'an neuf !', fêtes qui survécurent longtemps, très longtemps, au druidisme, plusieurs synodes attestant qu'au quinzième et seizième siècle, on célébrait toujours, dans maintes de nos campagnes françaises, 'les aguilaneuf', c'est à dire le renouveau de l'année, l'année nouvelle."
Au Quebec il en dérivera la Guignolée, collecte effectuée en fin d'année en faveur des personnes démunies.

On peut penser que ces diverses "Mères Noël" ne sont devenues des donneuses de cadeaux que tardivement. A l'origine il semble bien, au contraire, que c'était à elles qu'on faisait des présent lors de leur passage. (> Voir)

La Chasse Sauvage :

Perchta ou Holle était aussi une fileuse et elle punissait les femmes paresseuses ou celles qui osaient filer dans les 12 jours fériés suivant Noel.
Ces 12 jours, entre Noel (25 décembre) et l'Epiphanie (6 janvier), avaient été officialisés comme période sacrée en 567 au concile de Tours. Mais en fait ils étaient eux aussi d'origine paienne et, encore actuellement, les Alsaciens les appellent "RauNächtes" (= Nuits sauvages). C'était pendant cette période que, selon les peuples germaniques d'Allemagne, Suède et Suisse, le dieu Wotan / Odin menait une chasse sauvage dans le ciel en compagnie de ses élus pour juger les hommes. Selon les régions, on l'appelait Wode, Waul, Waur ou Wuld. La première mention connue de cette chasse est dans le "Orderic Vitalis" écrit par Wachlin qui affirme l'avoir vue en Janvier 1092.

En Flandre cette chasse était nommée WoensWagen ("Chariot de Wotan"), HelleWagen ("Chariot de l'enfer") ou ZielWagen ("Chariot des âmes"). En Anjou, Poitou et Saintonge, on l'appelait aussi "Chasse-galerie" ou "Chasse-galière" ("galier" = cheval), chasse-galopine ou "cavale de la nuit" ... ce qui nous rapporte à nouveau au "nightmare" anglais. En Bretagne, Gascogne, Ille et Vilaine et Normandie, elle était connue sous le nom de "Chasse du roi Arthur". Et en Italie c'était la Caccia Morte ("Chasse des morts") ou la Caccia selvatica ("Chasse sauvage").

En Suisse et au Tyrol, on connaissait le "Chasseur sauvage" (Wilder Jäger) ou "Chasseur de l'Enfer" (Hell Jäger) qui passait à Noël. En Suisse allémanique on l'appelait le "Chasseur nocturne" (Nacht Jeger), le "Chasseur infernal" (Höllische Jeger), le "Chasseur diabolique" (Tüfflische Jeger) ou le "Türscht". Ce dernier passait à Noël avec une meute de chiens fantômes à trois pattes, ou avec une truie avec ses petits, en provoquant des tempêtes.

En Alsace, on parlait de la "Chasse sauvage" (Wütisch Heer") ou de l'"Armée furieuse" (Wûetten Hör). C'était une troupe de fantômes précédée par un personnage qui demandait aux mortels de s'écarter.
En Souabe on parlait de l'"Armée de Wotan" (Wuotis Heer) et en Thuringe de l'"Armée furieuse" qui sortait du mont Hörselberg / Mont de Vénus (où se trouvait le purgatoire et où vivait la déesse Vénus) "aux quatre temps de Noël" pour parcourir le pays, précédée par le "fidèle Eckart", l'esclave d'Odin / Wotan. Cette armée était composée de fantômes commandés par Dame Herodiade ou de femmes commandées par Dame Holle / Holda.
Pareillement, en Italie, on parlait de la cour de Diane, dont faisaient partie Aradia (Herodias / Hérodiade), ou Minerve. Et également Bensozia. Dans son Polycrate, Jean de Salisbury écrivait : " Ainsi, elles (les sorcières) affirment qu'une certaine Noctiluca (ou Nocticula) ou Hérodiade, convoque, comme souveraine de la nuit, des assemblées nocturnes où les assistants festoient, se livrent à toutes sortes de pratiques et où les uns sont châtiés, les autres récompensés, selon leurs mérites."

En Alsace et Souabe on disait que la mère Holle / Holda  accompagnait cette chasse (la "BerchTold") avec une nuée de fantômes (probablement confondait-on la mère Holle avec Hel, la déesse germanique des enfers). On l'appelait aussi Frie, Fuik ou Fu (ou Wode / Gode)... c'est à dire qu'elle correspondait bien à la déesse Frigga, l'épouse de Wotan / Odin. En Allemagne du sud c'était Perchta qui accompagnait la  chasse avec ses protégés, les âmes des enfants morts ou non encore nés.

Johannes Praetorius (1630-1680) écrivait : "La nuit de Noël, Diane passe avec son cortège furieux de guerriers". Cette Diane, qu'il identifiait à Dame Holla / Holda / Holle, n'était pas la déesse lunaire des Romains mais correspondait plutôt à la déesse celtique Di-Ana (Anu).

En Norvège on parlait de la "Chevauchée terrifiante" (Osko-reia) ou "Chevauchée de Noël" (Jule-reia), composée de fantômes ou d'esprits masqués, qui avait lieu entre Noêl et l'Epiphanie ou entre la Sainte Lucie (Lussi-Ferdi) et Noël. Elle était commandée par la sorcière Guro Rysserova (Guro à la queue de cheval). Cette dernière correspondant à Gudrun Gjukadottir (Gudrun fille de Gjuki) une Dise ou Walkyrie démonisée régnant sur Nasheim, le pays des morts (Dans la légende des Niebellungens, elle était amoureuse de Sigurd / Siegfried). Au Danemark c'était la géante Slattenpat qui commandait cette troupe.
En Laponie, à Noël; on accrochait des offrandes de nourriture dans les arbres pour les fantômes JuhlaVolkers (Peuple de Noël) / JülHeers (Armée de Noël).
En Estonie et Finlande, à Noel, on laissait de la nourriture pour les esprits. Maintenant, on se contente de déposer des bougies sur les tombes pour les morts.
Dans les Pays Baltes, au XVIème siècle, on pensait que des cortèges d'hommes transformés en loups venaient à Noël et à Sainte Lucie pour prendre de la nourriture dans les maisons.

En Isère, Bresse et Périgord, c'était le roi Hérode qui commendait cette troupe.
Au Pays de Galle on parlait des "Cwn Annwn" (Chiens de l'enfer) menés par Arawn, le dieu d'Annwn, le pays des morts. En Bretagne on parlait de la "Menée Ankine"("Ankou" étant le nom de la mort). Elle représentait un vol d'oiseaux poursuivis par la "Filandière de la nuit" Jeanne Malobe. De même, en Angleterre, la "Chasse sauvage" est devenu un mot désignant un vol d'oiseaux migrateurs, les "Chiens de Gabriel" (Gabriel Ratchets / Gabriel Hounds).

En Angleterre, la Chasse sauvage était la "Herlewin / Hurlewaynes meyne". On l'appelait aussi "chasse d'Hannequin" dans les Vosges. Au moyen-age, en Normandie, on la connaissait sous le nom de "Menée Hellequin". Orderic Vital (1075-1140) l'appelait "Troupe Herlechin", ce qui pourrait se traduire par "Herla quin" (= "Chiens de Herla") en normand ou par "Herla cyn" (= "Peuple de Herla") en vieil anglais. Pierre de Blois, en 1175, l'appelait "Herlewin", ce qui pourrait se traduire par "Herla winus" (= "Amis / Guerriers de Herla"), par "Herela's wain" (= "Chariot de Herla").ou par "Hyrlewaynis kynne" (= les "gens de Hurlevain", nom donné aux fauteurs de troubles). Gautier Map (Walter Map, 1140-1208), vers 1180-1186, l'appelait "Herlathingus", ce qui peut se traduire par "Assemblée de Herla" ou "Guerriers de Herla". Pour lui, ce "Herla" était un ancien roi gallois (Herla King) qui s'était perdu dans le monde des fées. En fait, "Herla / Herle" signifiait probablement "Chef d'armée" (Earl = "Comte")... mais certains prétendent que "Hellequin" pourrait provenir de "Hell-King" (= "le roi de l'Enfer"). On déformera ensuite ce nom en "Erlkönig" (= "Roi des Aulnes" en allemand) et "Ellerkonge / Elverkonge" (= "Roi des elfes" en danois).
Le nom d'Hellequin (Hennequin, Herlequin, Herlechin, Hanequin, Hierlekin, Helquin) servira aussi à désigner des coquins et des individus libertins, querelleurs et lâches. Il deviendra aussi celui d'un démon et l'entrée de l'enfer, en forme de gueule de monstre, sera appelée "Chape d'Hellequin"). Ce démon sera introduit par Dante, en Italie, sous la forme "Alichino". La comédia d'El Arte donnera ensuite le nom d'Arlecchino (Arlequin) à un personnage comique au costume bigarré et rapiécé (il était déja connu auparavent par les Romains sous le nom de Stupidus, avec un costume comparable).

Ces chasses sauvages poursuivaient des gibiers différents selon les régions : Un cheval sauvage, le sanglier immortel des légendes celtiques et germaniques, des nymphes des bois (symbolisant les feuilles d'automne), etc ...

Pour les Suédois méridionaux, il y avait la truie incendescente Gloso / Galoppso / Gluppso ("Truie au galop"), appelée Gravsoen au Danemark, qui venait chercher des offrandes de nourriture à Noël, au Nouvel An et à l'Epiphanie. A Blekinge, on disait que Saint Thomas vient le 21 décembre ou à Noel, armé d'une puissante épée et chevauchant Gloussi (Glosso) pour débarrasser la terre des trolls.

A noter que, pour les Grecs, la période de la chasse sauvage était celle où sortaient les Kalli
kantzaros (Kallakandzaras / Callicatzaris), des nains souterrains provenant d'enfants morts non baptisés. Ceux-ci faisaient du bruit sur les toits si on ne leurs donnait pas à manger.  Leur nom était "Kalikandjarais" en chypriote, "Karakondjas" en slave et "Karaconcolo" en turc.
Et chez les Bulgares cette période était appelée "Jours sales" (ou "fête du loup") car les démons venaient alors roder sur terre.

A noter aussi que, chez les anciens Mésopotamiens, les fantômes et les démons sortaient des enfers vers la même époque : pendant le mois de Tebet (Décembre-Janvier).

Saint Nicolas :

A partir du XIIème siècle, pour s'opposer à ces croyances paiennes, l'église d'Occident placera la fête de Saint Nicolas au 28 puis au 6 décembre, en remplacement de la célébration de la déesse Lucina des Romains et du dieu Odin / Wotan des Germains.
Cette fête s'imposera surtout dans les pays situés à l'est de la France, à partir d'un foyer situé en Lorraine (là où, au Xème siècle, le pélerin Aubert de Varangeville avait rapporté de Bari une relique de Saint Nicolas) : Nicolas est ainsi appelé KlausenMann ("Homme-Nicolas") en Bavière, Pelznickel ("Nicolas en fourrure)" en Rhénanie, Palatinat et Silésie, SantaKlos ou Niklo en Autriche, SünnerKlaas en Frise du nord, Mikulas en Hongrie, Miklavz en Slovénie, Sveti Nikola en Croatie, Sviaty Nikalaj en Biélorussie et Swiety Mikolaj en Pologne.

Selon "Li livre de Saint Nicholay", de Wace (1100-1175), Saint Nicolas aurait ramené à la vie trois écoliers tués par leur hôte, c'est pourquoi il est devenu le patron des enfants et étudiants (En fait, historiquement, c'était trois officiers ou trois notaires qu'il avait sauvé de la peine de mort).
Il aurait aussi déposé des bourses d'or dans les souliers de trois jeunes filles, leurs permettant ainsi de se marier, c'est pourquoi il est également associé aux cadeaux.
Ainsi, déja en 1120, des textes indiquent que les nonnes normandes offraient des cadeaux aux enfants et aux pauvres durant sa fête.
Et Saint Nicolas lui-même passait dans les cheminées pour mettre des cadeaux dans les souliers des enfants sages depuis au moins le XVIème ou XVème siècle.
Ainsi, Luther disait ceci en 1531 : "Les enfants s'habituent à jeuner et prier et le nuit étendre leurs bras afin que l'Enfant-Christ ou Saint Nicolas leurs apportent des présents.Mais ceux qui ne prient pas ne recevront rien d'autre qu'une verge et du crotin de cheval."
Et dans les papiers de Luther, datant de 1535, on trouve une note sur l'argent destiné aux "cadeaux de Saint Nicolas".
Et, en Hollande, vers 1665-1666, un tableau de Jean Steen montre ainsi un enfant gentil qui a recu une poupée en forme de Saint Nicolas et un enfant méchant qui a recu une verge comme cadeau. Et un autre enfant regarde la cheminée d'où est venu Saint Nicolas.
Probablement peut-on aussi rapprocher Saint Nicolas de Mikoula, une sorte de génie des moissons qui apporte des cadeaux en fin Décembre en Russie (?)

En Lorraine, il venait avec son âne et la coutume était de déposer des carottes pour nourrir ce dernier. Ailleurs, c'était plutôt un cheval blanc qui l'accompagnait. En Pologne il venait avec Gwiazdka, l'étoile des dons (l'étoile de Noel, représentée par une femme). Mais, partout, il était également accompagné par un valet dont le role était de frapper ou d'emporter les enfants pas sages.

Ce valet est Krampus dans les Alpes, en Autriche, Bavière, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Tchèquie, Hongrie, Roumanie, Frioul, Tyrol, Slovaquie et Slovénie. C'est un être cornu et, à Salzbourg, il vient seul le 5 Décembre lors de la Krampusnacht (« Nuit de Krampus »). On remarquera que les Romains fêtaient déjà le dieu cornu Faunus lors de leur fête Faunalia du 5 décembre.
Il est Pelzbock ("Bouc à Fourure") en Rhénanie et Pelznickel / Belsnickel ("Nicolas à fourrure" ou "Lutin à fourrure" Suisse alémanique ("Sale / Terreux / Barbouillé").
Il est Hans Trapp en Alsace. Son nom vient de Jean de Dratt (Hans von Trotha, maréchal détesté du prince-électeur du Palatinat) qui tyrannisa la ville de Wissenbourg de 1485 à 1503.
Il est le Père Fouettard en Alsace puis en Belgique francophone. Il a été inventé à Metz en 1552 pour caricaturer Charles Quint qui voulait assiéger la ville.
Il est HansCrouf (« Jean le Bossu ») en région liégeoise.
Il est Hans Muff (« Jean qui fait la moue ») à Aix et dans la région germanophone de Belgique.
Il est Houseker / Husiger Bock / Husiger Man (« Homme au manteau ») au Luxembourg.
Il est Knecht Ruprecht (le valet Robert) en Allemagne du centre et du nord et apparaissait déjà au 17 ème siècle à Nuremberg. Il est appelé aussi Rupp Knecht ou Rubbelz (Robert à la fourrure) en Lorraine germanophone. C'est un homme sauvage vêtu de haillons.
Il est Zwarte Piet (Pierre le noir), le valet de Saint Nicolas, aux Pays-bas et à Dunkerque i. Il apparait dés 1850 dans le livre "St. Nikolaas en zijn knecht" (Saint-Nicolas et son valet»). Il est noir et porte un vêtement coloré.
Il est le Père La Pouque (Pé la pukk) en Normandie (d'une racine germanique "puk" signifiant "poche, sac »).
Il est Ryszard Pospiech en Pologne.

On dit parfois que ce valet n'est autre que le méchant boucher qui avait tué les trois enfants sauvés par Saint Nicolas. Parfois il apparait seul à Noel pour dévorer les enfants. Il devient alors le Croquemitaine de Noel. On l'appelle par de nombreux noms : Croque Mädchen / Croque Metjien (croque-filles), Zwarte Pieter (Pierre le noir), Jean Gris, Jean le vert, Bogey Man, Babou, Bouman, Boublin, Butzenberckt, Lustucru, Galaffre, Papa Goulu, Gros sourcils, Lowethme, Lent Fresser, Nicolas velu, Moine bourru, Aschenman, Mr Louis, etc ...

En Grèce, pays orthodoxe, c'est Saint Basile (Agios Vassilis) qui remplace Saint Nicolas le 1er janvier dans le rôle de donneur de cadeaux (A cette occasion on mange des galettes "vassilopitas" contenant une pièce porte-bonheur). Et en Espagne ce sont les rois mages qui remplissent cette fonction le 6 janvier, et les enfants doivent leurs laisser un peu de nourriture.

Chriskindl :

Luther (1483-1546) parlait en 1531 de deux personnages apportant des cadeaux aux enfants : Saint Nicolas et l'Enfant-Christ (ChristKind / Chriskindel / Christkindlein). Trouvant que la fête de saint Nicolas avait un aspect trop catholique, les protestants ont voulu la modifier : c'est ainsi qu'en 1535 la coutume des cadeaux de la Saint Nicolas fut déplacée vers la fête de Noel. Et, en1570, les protestants de Strasbourg voulurent remplacer Saint Nicolas par ChristKindel (appelé "Jezuska" en Hongrie) dans sa tâche de distribution de cadeaux avec le Père Fouettard. Le KlausenMarik (Marché de Saint Nicolas) sera alors remplacé par le ChristkindelMarik (Marché de Christkindl) ... ce sera là le premier de nos "Marchés de Noel".

Bizarrement, à partir de 1625, en Allemagne, ce ChristKindel ne sera plus représenté par un enfant mais par une jeune fille, la "ChristkindlFrau", habillée de blanc et portant parfois des ailes et, plus tard, une couronne de bougies sur la tête (> Voir). Cette apparence montre clairement que ce personnage n'est autre que Sainte Lucie. D'ailleurs la fête de Noël, le 25 décembre dans le nouveau calendrier grégorien, correspond à la date du 13 décembre dans l'ancien calendrier julien, c'est à dire au jour de la Sainte Lucie.
Dés avant 1764, la ChristkindlFrau-Lucie sera adoptée dans la Suède du sud-ouest sous le nom de "Kinken Jes" ("Enfant Jésus") : Elle apparait comme une jeune femme parée de blanc, portant une couronne de bougies et distribuant des bonbons et petits gâteaux aux enfants le 13 décembre, jour de la Sainte-Lucie. Cette fête gagnera ensuite, peu à peu, toute la Scandinavie et deviendra vraiment populaire, grace à des processions de jeunes filles habillées en Sainte Lucie, à partir de 1927 en Suède, 1930 en Finlande et 1944 au Danemark (> Voir).
Il est trés probable que cette Sainte Lucie / ChristkindlFrau n'était autre que l'habillage chrétien de la déesse paienne Perchta / Holle.

Le ChristKindel / Enfant Jésus continuera cependant à se répendre en Italie du nord, Portugal, Suisse orientale, Luxembours, Rhénanie, Bavière, Autriche, Tchéquie, Hongrie et Canada (aux USA son nom sera déformé en "Kris Kringle").

Quand à Saint Nicolas, il parviendra à se maintenir aux Pays bas, Belgique, Luxembourg, Suisse, Alsace, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Serbie, Slovénie, Bulgarie, Pologne, Ukraine, etc.... Au Tyrol et en Autriche, c'est lui qui s'occupe des cadeaux pour les garcons pendant que Sainte Lucie s'occupe des cadeaux des filles. Et en Autriche du sud, Saint Nicolas est accompagné de la "Budelmutter / Budelfrau", c'est à dire par Sainte Lucie jouant le role du Père Fouettard.

La fête des fous :

Cependant d'autres coutumes paiennes anciennes n'en finissaient pas de resurgir.
Ainsi en France, au moyen-age, depuis au moins 1182, avait lieu la fête des fous (fête de l'âne / des sous-diacres / des diacres-saouls / des cornards / des libertés de décembre, etc...) du 26 au 28 décembre, ou le festival des imbéciles du 25 décembre au 6 janvier. Cette fête entrainait un renversement provisoire de la hiérarchie et occasionnait de nombreux débordements chez les chapelains, les clercs et les écoliers.

Au 13ème siècle, les clercs élisaient même un évèque des fous le 28 décembre lors de la "fête des escholiers" (Fête des innocents). En France, Angleterre, Espagne et Allemagne on élisait un enfant-évèque / Boy Bishop qui allait de maison en maison avec son cortège. A Sens, vers 1245, on avait un Prochantre des fous. A Rouen et Evreux c'était l'Abbé des fous, des coqueluchiers ou des cornards / conards. A Rodez c'était le Prieur de la malgouverne. A Bouchain c'était le Prévot des étourdis. A Lille c'était le Prince d'amour. A Ham c'était le Prince des fous. A Valencienne c'était le Prévot de l'étrille. A Cambrai c'était le Roi des ribauds. A Arras c'était l'Abbé de liesse. A Dôle c'était le Roi de la pie. A Avallon c'était le Pape gai. A Dunkerque c'était l'Empereur des gaillards. En Angleterre c'était "le seigneur du désordre et l'abbé de la déraison, et en Ecosse "le roi des haricots et l'abbé de la déraison" vers 1489-1490. Etc...

A cause de la contre-réforme, au 16ème siècle, cette fête sera interdite et les débordements d'étudiants seront reportés à la Saint Nicolas, le 6 décembre, où l'on élira un "Evèque des écoliers". (cette fête des étudiants a encore lieu en Belgique à notre époque).

Quand à l'élection de l'"Evèque des fous", elle s'est perpétuée dans la coutume de "tirer les rois" lors de l'Epiphanie, le 6 Janvier : Déja, au XIVème siècle, les Anglais et les Francais se choisissaient un rois de la fête (le Prince des sots ou le roi du haricot) par le tirage d'un haricot ou d'une fève dans une galette. Ainsi en 1311, la Charte de Robert d'Amiens parle de gateaux en pate feuilletée garnie avec de l'amande et contenant une fêve pour cet usage. Au début du XVIème siècle, les Allemands du sud en feront de même en tirant une pièce de monnaie.

Probablement que ces débordements dérivaient directement de l'ancienne fête romaine des Saturnales (fête du dieu Saturne) adoptée par les Romains en 217 av.JC selon Tite-Live. Celle-ci avait lieu jadis le 17 décembre mais elle sera prolongée jusqu'au 19 décembre (Opalia, Fête de Rhéa / Ops, épouse de Saturne) par Jules César, jusqu'au 20-21 décembre (Divalia) sous Auguste, jusqu'au 22 décembre (Juvenalia / fête de la jeunesse) sous Caligula, puis jusqu'au 23-24 décembre (Sigillaria / fête de Pluton) sous Dioclétien. Pendant cette fête, les hiérarchies étaient bouleversées : Les esclaves devenaient les égaux de leurs maîtres.

Sénèque (4 av.JC - 65 ap.JC), dans ses "Lettres 5, 47, 14" en disait ceci :
"Ils instituèrent une fête qui était je ne dis pas le seul jour où les esclaves fussent admis à manger avec le maître, mais celui où ils l'étaient obligatoirement; ils avaient la permission expresse d'exercer des charges d'honneur dans l'intérieur de la maison et d'y rendre la justice, chaque maison étant considérée comme une image en réduction de la république."

Justin (3ème siècle ap.JC), dans l'" incarnation de Trogue Pompée 43.3" en disait ceci :
"Il a été ordonné que, pendant les Saturnales, les esclaves s'assoient partout avec leurs maîtres aux spectacles, le rang de tous étant rendu égal."

Macrobe (370-430 ap.JC), dans ses "Saturnales 1, 24, 23", en disait ceci également :
"En effet, à l'occasion de cette fête, les maisons qui respectent les usages religieux honorent en premier les esclaves en leur servant un repas préparé comme pour le maître de maison, et c'est seulement après que la table est servie de nouveau pour le père de famille."

L'écrivain romain Lucien (120-192 ap.JC) en disait aussi celà :
"Durant cette semaine, il ne m'est permis de m'occuper d'aucune affaire soit publique, soit privée. Boire, m'enivrer, crier, plaisanter, jouer aux dés, choisir les rois du festin, régaler les esclaves, chanter nu, applaudir en chancelant, être parfois jeté dans l'eau froide la tête la première, avoir la figure barbouillée de suie, voilà ce qu'il m'est permis de faire."

Un roi des Saturnales (Princeps Saturnalicius) était choisi pour représenter le dieu Saturne.
Lucien, dans ses "Saturnales 4", décrivait ainsi son role :
"... ne subir aucun commandement ridicule et les imposer aux autres, obliger l'un à se dire tout haut des injures, un autre à danser nu, à faire trois fois le tour de la maison en portant une danseuse dans ses bras."

Puis ce roi provisoire était sacrifié sur l'autel du dieu Saturne. Par la suite, on se contentera de brûler des statuettes en remplacement de ce sacrifice. Dans chaque famille, un roi du banquet était également élu grace à une fève cachée dans un gateau lors des "Sigillarias" (Sigillaires), dernier jour des saturnales. Pendant ces Sigillarias, on offrait aussi des bougies et des figurines en terre cuite aux dieux Saturne et Pluton. Dans son livre "Les Saturnales 1,7", le Romain Macrobe (370-430) expose deux avis sur l'origine de cette coutume : Selon Evangelus, les figurines ne sont que des jouets pour amuser les enfants, mais selon Praetextatus, elles sont des substituts pour les anciens sacrifices humains :

"Longtemps ils crurent se rendre favorable Dis Pater en lui offrant des têtes humaines et Saturne en lui offrant des victimes humaines en raison du texte de l'oracle disant : 'Offrez des têtes à Hadès et des hommes (phota) à son père.' Mais plus tard, Hercule, selon la tradition, ramenant à travers l'Italie le troupeau de Géryon, persuada leurs descendants de remplacer par des offrandes de bon augure ces offrandes funestes, en donnant à Dis Pater (Pluton) non des têtes d'hommes mais des figurines façonnées à l'image de l'homme, et en honorant les autels de Saturne non par des sacrifices humains, mais par des cierges allumés, puisque le terme phôta signifie non seulement 'homme' mais aussi ''cierge'. De là est né l'usage de s'envoyer des chandelles de cire pendant les Saturnales."

"Et dans les "Saturnales 1,10", il est ajouté celà :

"Quant à moi, l'origine de cette coutume me paraît plus vraisemblable telle que je l'ai racontée plus haut, savoir : que les Pélasges, instruits par une favorable interprétation qu'on pouvait entendre par le mot (tête), non des têtes humaines, mais des têtes d'argile, et que le mot photos signifiait non seulement un homme, mais encore un flambeau, se mirent à allumer des flambeaux de cire en l'honneur de Saturne, et consacrèrent des figurines, au lieu de leurs propres têtes, sur l'autel de Saturne, contigu au sacellum de Dis (Pluton). De là est venue la coutume de s'envoyer, pendant les Saturnales, des flambeaux de cire, et celle de fabriquer et de vendre des figurines d'argile sculptée, qu'on offrait en sacrifice expiatoire, pour soi et pour les siens, à Dis-Saturne. Le commerce de ces objets s'étant établi durant les Saturnales, la vente se prolongea durant sept jours, qui sont fériés, quoiqu'ils ne soient pas tous fêtés; mais seulement le jour du milieu des Saturnales...."

Ces sacrifices humains semblent cependant avoir perduré plus longtemps dans certaines régions reculées de l'Empire Romain.
Selon les "Actes de saint Dasius", un soldat aurait été ainsi mis à mort en 303 ap.JC lors de la fête de Cronos (Saturnales) à Durostorum en Mésie (Silistra en Roumanie) :
"En ces temps-là, les soldats des légions avaient coutume de célébrer chaque année la fameuse fête de Cronos. Ils considéraient comme un privilège spécial, comme un don de Cronos lui-même, leur habitude de donner à ce jour de fête plus d'éclat qu'à tous les autres. Pour chacun d'eux, c'était comme l'accomplissement d'un vœu, ces cérémonies sacrilèges. Celui d'entre eux, qu'avait désigné le sort, recevait un costume royal. Il représentait Cronos lui-même, dont il imitait l'appa- rence. Il marchait en public, devant tout le peuple, avec une majesté impudente, effrontée. Toujours suivi d'une nombreuse escorte de soldats, il pouvait tout se permettre. Pendant trente jours, il donnait libre cours aux fantaisies de ses passions honteuses, et savourait des plaisirs diaboliques. Mais, quand les trente jours étaient écoulés, avec la fête officielle de Cronos prenait fin cette fête votive des soldats. Alors celui qui avait joué ce rôle de roi, après avoir célébré jusqu'au bout les jeux indécents et criminels consacrés par la tradition, s'offrait aussitôt lui-même comme victime aux obscures et infâmes idoles, en se tuant d'un coup de couteau."

Les Saturnales étaient copiées sur des fêtes plus anciennes : Les Cronies, fêtes grecques du nouvel an, qui avaient lieu le 12 du mois d'Hécatombeion à Athènes (3 juillet).

Lucius Accius (170-86 av.JC) les décrivait ainsi dans ses Annales Fr 3 :
"La plus grande partie des Grecs, et surtout Athènes, font, en l'honneur de Saturne, des cérémonies qui, répètent-ils, sont les fêtes de Cronos (Cronia); et quand ils célèbrent ce jour, ils le passent, dans toutes les campagnes et les villes, à festoyer dans la joie, et chacun est prodigue d'attentions envers ses esclaves; c'est de là que nos compatriotes tiennent pareillement cette coutume que les esclaves partagent avec leurs maîtres la même table."

Porphyre, dans son livre "De l'abstinence 2, 54, 2" a même décrit un sacrifice humain accompli sur l'île de Rhodes lors de cette fête :
"A Rhodes, le 6 de Métageitnion (28 aout), on sacrifiait un homme à Cronos; cette coutume a été modifiée depuis, non sans avoir longtemps prévalu. Un des condamnés à mort par action publique était maintenu en prison jusqu'aux fêtes de Cronos; lorsque le jour de la fête était arrivé, on le conduisait à l'extérieur des portes, face au temple de la Bonne Conseillère (Artémis), et là, après lui avoir fait boire du vin, on l'égorgeait."

Ces Cronies dérivaient elles-même des Sacaeas (Sacées), fête Perse, qui avait lieu en juillet et durait 5 jours. Les esclaves devenaient alors libres, des mascarades avaient lieu et un faux roi était tiré au sort avant d'être sacrifié (plus tard il sera seulement bastonné).

Selon Strabon (Géographie 11, 8, 4-5), ces Sacées servaient à célébrer la victoire du roi perse Cyrus (559-530 av.JC) sur les Saces (Scythes Sakas) :
"Ils (les Saces) furent surpris à leur tour la nuit au milieu d'une de ces grandes réjouissances qui suivent chez eux le partage du butin et exterminés jusqu'au dernier par les généraux perses qui commandaient alors dans cette province. La plaine en cet endroit était dominée par un énorme rocher, les vainqueurs entassèrent tout autour des masses de terre de manière à former une butte arrondie, puis ils élevèrent sur cette base un mur d'enceinte et un temple dédié à Anaïtis, ainsi qu'à Oman et à Anadate, divinités persiques toujours associées au culte d'Anaïtis, et instituèrent finalement, pour être célébrée chaque année, la fête religieuse des Sacées, que les habitants de Zéla (tel est le nom de cette localité) observent aujourd'hui encore (...)
Telle est l'origine, que certains auteurs attribuent aux Sacées, mais il en est d'autres qui font honneur de cette institution à Cyrus (...) Les Saces qui le poursuivaient, trouvant son camp abandonné et rempli de tout ce qu'il fallait pour faire bonne chère, se laissèrent aller sans mesure à leur gourmandise, et, quand Cyrus, qui était revenu sur ses pas, rentra dans le camp, ils étaient tous ivres-morts et abrutis ; les uns furent frappés en plein engourdissement, en plein sommeil, les autres surpris au milieu de leurs danses et de leurs bacchanales se virent envelopper sans pouvoir se défendre par des bataillons armés et furent presque tous massacrés. Or Cyrus, suivant la tradition, se serait persuadé que cet événement ne pouvait être qu'une faveur divine et sous le nom de Fête des Sacées il aurait consacré cet heureux jour à la grande déesse des Perses. Le fait est que, partout où il y a un temple d'Anaïtis, l'usage veut qu'on célèbre aussi les Sacées, sorte d'orgie qui dure un jour et une nuit et pendant laquelle les hommes et les femmes, tous vêtus à la mode des Scythes, se réunissent et passent leur temps à boire et à s'exciter les uns les autres à l'amour, aussi bien entre hommes qu'avec leurs femmes, associées à leurs exploits bachiques."


Et Dion Chrysostome (Discours 4, 66-67) ajoutait ceci :
"Ne connais-tu pas la fête des Saces que célèbrent les Perses (…) Ils prennent un des prisonniers condamnés à mort et le font asseoir sur le trône royal ; ils le revêtent des habits royaux et le laissent commender, boire, s’amuser et user des concubines du roi pendant tous les jours de la fête ; personne ne l'empêche de faire absolument toutes ses fantaisies. Mais ensuite ils le dépouillent de ses vêtements, le flagellent et le mettent en croix."

(Ce traitement ressemble étrangement à celui qu'on fera subir à jésus !)

Bérose, dans son Histoire de Babylone (vers 290 av.JC), dit que les Sacées étaient célébrée à Babylone le 16 du mois de Loôs (Juin-Juillet) et duraient cinq jours.

Le Dictionnaire de Diderot et d'Alembert en dit ceci :
"Sacées : en grec SAKAIA ; fêtes qu'on célébrait autrefois à Babylone en l'honneur de la déesse Anaïtis. Elles étaient dans l'Orient ce qu'étaient à Rome les Saturnales, une fête instituée en faveur des esclaves; elle durait cinq jours pendant lesquels, dit Athénée, les esclaves commandaient à leurs maîtres; et l'un d'entre eux revêtu d'une robe royale et qu'on appellait zoganè, agissait comme s'il eût été le maître de la maison. Une des cérémonies de cette fête était de choisir un prisonnier condamné à mort, et de lui permettre de prendre tous les plaisirs qu'il pouvait souhaiter avant que d'être conduit au supplice."
("Zoganès" pourrait être la transcription grecque du mot akkadien "sukkallu" et du sumérien "sukkal" qui signifient "Vizir".)

Certains se demandent cependant si le mot "Sacées" ne pourrait pas également venir du mot akkadien "Sakku" qui signifie "fou". Cette fête, en effet, était une "fête des fous".

Une tradition perse évoque aussi la chevauchée d'un homme imberbe, borgne si possible, qu'on promenait nu sur un âne, accompagné des hommes du roi, à travers les rues de la capitale; Cet homme avait le droit de rançonner tous les commerçants sur son chemin ... mais, à la fin de la fête, le peuple avait le droit de le battre à mort.

A l'avènement de la dynastie des Parthes Arsacides (247 av.JC - 224 ap.JC) en Perse, les Sacées disparaitront en se fondant dans une nouvelle fête : Nauruz / Nowruz ("Nouveau jour") correspondant au nouvel an des Zoroastriens. Celui-ci avait alors lieu à l'équinoxe d'Automne, semble-t-il. Plus tard, en 226 ap.JC, à l'avènement de la dynastie des Perses Sassanides (224-650), Nauruz a été reporté à l'équinoxe de Printemps, et c'est resté ainsi jusqu'à notre époque.

Plus tard, lorsque les Musulmans vont s'emparer de la Perse, ils vont laisser cette fête se perpétuer et vont en laisser plusieurs descriptions :
Jadis, le matin de Nauruz, venait le "Kojasta", un homme jeune tenant un faucon et montant un beau cheval pour se présenter au roi. Il symbolisait le Printemps qui arrive. Son nom montre qu'il dérivait du Khadjah Pirouz ("Gentillhomme Victorieux"), homme méritant qui, à l'époque pré-islamique, prenait la place du maire durant toute la durée de la fête.
De ce personnage dérivera un roi provisoire appelé "Mir-Nowruzi" ("Prince de Nauruz") ou "Shah Panj Ruze" ("Roi des cinq jours"). Ce personnage comique, élu par en tirage au sort, règne pendant cinq jours et se promène, accompagné de chanteurs et de danseurs, pour demander de l'argent aux commercants. Mais lorsqu'arrive la nuit, il cesse d'être le roi et tout le monde a le droit de le poursuivre pour le molester.
On pense que ce personnage symbolique a un rapport avec l'esprit estival Rapithwin ("Midi") chassé dans le monde souterrain par le démon de l'Hiver mais qui revient ensuite en triomphe au Printemps. Ces coutumes ont survécu principalement au Kurdistan et en Iran de l'ouest.

Maintenant, la veille de Nauruz les gens s'échangent des oeufs peints et ils assistent à une sorte de procession où apparait le "Kusa" (Kosag / Kusaj / Kecel), un vieil homme laid monté sur une mule et qui tient un corbeau. Il se bagarre à coups de boules de neige ou de boue avec les passants et symbolise l'Hiver qui s'en va. Il peut se promener pendant une semaine avec des gardes en réclamant un impôt spécial aux commercants, mais à partir du soir on a le droit de le frapper si on le rencontre.
Cette fête s'est installée aussi en Azerbaidjan où le "Kusa", symbole de l'hiver, passe dans les rues avec sa troupe. Il ressemble à un ogre, porte un chapeau à cornes et fait du porte à porte pour demander des petits cadeaux. Si les gens ne sont pas assez généreux, il fait semblant de se sentir défaillir. Au soir, les gens le chassent de la ville à coups de boules de neige ou de cailloux. Ou alors il est vaincu et exilé par un homme vêtu de blanc qui symbolise le printemps. Dans certaines régions d'Iran, il existe aussi un rituel où s'affrontent deux Kusas cornus, un blanc et un noir, pour la possession d'une jeune fille. L'un des deux en meurt mais revient ensuite à la vie.

Actuellement ces personnages sont souvent remplacés par le "Hadji Firouz" ("Monsieur Victorieux") ou "Khadja Piruz" ("Maître Victorieux") ou "Chisdan Chikhdim" qui anime les rues. Celui-ci est un personnage au visage noir et aux vêtements rouges qui chante et danse en présentant ses voeux. Il est parfois accompagné par un vieillard : le "Amu Nauruz" ("Oncle Nauruz") ou "Baba Nauruz" ("Papa Nauruz"). Hadji Firouz demande des cadeaux aux passants et symbolise la nouvelle année qui arrive. Amu Nauruz, par contre, distribue des cadeaux aux enfants et symbolise la vieille année qui s'en va. Selon la légende, il a une épouse (ou mère ?) appelée "Naneh Sarma" ("Grand-mère Hiver") qui attend son retour chaque année.

Pendant le "Chahar Shanbeh" ("Mercredi rouge"), la veille du mercredi d'avant Nauruz, on dit que les morts reviennent sur Terre. Les enfants se déguisent alors en fantômes en se recouvrant de draps, et ils parcourent les rues en entrechocant des cuillères pour chasser le malheur. Ils vont également de maison en maison pour quémender des bonbons ou pour demander un peu d'argent contre des chansons. Les gens se déguisent également en animaux.

Certains pensent que les Sacées pourraient provenir d'une fête plus ancienne encore : La fête du nouvel an des Mésopotamiens, appelée "Zakmuk / Akiti" à Sumer et "Zagmuku / Akitu" en Babylonie. Celle-ci avait lieu au début du printemps (Nisan) et durait 12 jours pendant lesquels on sortait les statues des dieux pour faire une grande procession jusqu'au temple "Bit-Akitu" (Il est possible que ces 12 jours correspondaient aux 11,25 nécessaires pour rapprocher l'année lunaire de 354 jours et l'année solaire de 365,25 jours). A cette occasion, le roi était momentanément destitué et passait en jugement devant le grand-prêtre avant d'être déclaré digne de récupérer sa charge. Il est possible aussi qu'un roi fictif était alors sacrifié à la place du vrai roi, comme dans les Sacées... mais c'est loin dêtre certain. Ou alors les analogies avec les Sacées devraient être cherchées dans la fête mésopotamienne qui cétébrait le retour de Tammouz, le dieu de la végétation qui revenait du monde des morts à l'équinoxe de printemps ou d'automne

Par contre un lien semble plus évident entre les Sacées et la fête juive de Pourim, une sorte de bacchanale qui durait deux jours, vers l'équinoxe de printemps, et où les hommes pouvaient s'habiller en femmes et les femmes en hommes. De plus, hommes et femmes n'étaient plus séparés dans les sinagogues. Et à la fin une effigie était crucifiée et brûlée. Probablement que cette fête dérivait d'une influence perse.

Une fête comparable, sans sacrifice, subsistait encore en Europe centrale depuis au moins le XIIème siècle : la "Mascarade". Elle avait lieu à la Saint Martin (11 Novembre), à la Saint Nicolas (6 décembre), à la Sainte Lucie (13 Décembre), à la Saint Thomas (21 décembre), à la Saint Etienne (26 Décembre) ou vers le 2 février (?).

En Angleterre cette fête était connue sous le nom de "Mumming" ou "Mumping", ce qui semble être la déformation d'un mot allemand désignant des hommes masqués. Les gens formaient des cortèges, déguisés en animaux, les hommes habillés en femmes et les femmes habillées en hommes, et ils allaient de maison en maison pour mendier à manger et à boire. Parmi les personnages représentés il y avait le roi de la Bombance, la reine de la Folie, la princesse Déraison, etc .... A la cour d'Angleterre et à l'université Merton d'Oxford le chef des déguisés était appelé le Seigneur du Désordre et en Écosse on le nommait l'Abbé de la Déraison. Dans le Kent, on parlait aussi de la troupe du Hooden Horse, constituée d'hommes déguisés qui défilaient à Noël et allaient dans les maisons pour réclamer de la bière. Et en Ecosse, le 31 décembre, un homme déguisé avec une peau de vache faisait du porte à porte avec une troupe de jeunes pour bénir les maisons. Jusqu'au 18ème siècle, en Angleterre, on voyait encore des femmes faire du porte-à-porte à Noel pour quéter de l'argent en échange de rameaux verts. On disait qu'elles allaient à "gooding".

En France aussi on assistait en Décembre à des "momeries" et des défilés de "guisarts" (déguisés) qui allaient de porte en porte en chantant et en réclamant des cadeaux de nourriture. Ainsi au 19ème siècle, des tournées d'enfants, d'adolescents ou de pauvres allaient encore de maison à maison vers Noel ou le Nouvel an pour échanger des voeux et des cantiques contre de la nourriture. Et un ouvrage francais liturgique de 1182 parlait aussi de la Fête de l'âne à Amiens : Un âne y était promené en procession dans l'église.

Il y avait aussi la Fête des innocents, le 28 décembre, qui était réservée aux débordements des enfants de coeur. Il en dérive la fête espagnole actuelle du "Dia de las permitidos" (="Jour où tout est permis").

L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, au XVIIIème siècle, décrit ainsi cette fête de Noel à Valladolid en Espagne :
"On y emploit les mêmes extravagances qu'à la fête des fous dans notre barbarie : Des masques grotesques, des habits de mascarades, des danses dans les églises avec des tambours de Basques et des violons..."

En Autriche, Tyrol et Valais les gens portaient des masques appelés "Perchtens" lors des processions "Perchtenlaufs" (les sauts de Perchta) entre le 25 décembre et le 6 janvier. Les beaux masques servant à attirer la chance et les masques laids servant à chasser les mauvais esprits. 
En Norvège les enfants allaient quémander à manger déguisés en rennes.
En Suède, ces mascarades étaient liées à Noël et à la Sainte Lucie.
En Prusse, on promenait un homme à tête de cheval quelques jours avant Noel pour collecter de la nourriture. Et il repassait au nouvel an avec un bouc.
En Lettonie, vers Noël, les gens se déguisaient avec des masques d'animaux pour chasser les mauvais esprits.

Et chez les Slaves, du 25 décembre au 6 janvier (selon le calendrier julien) ou du 7 au 19 janvier (selon le calendrier grégorien), avaient lieu la fête de Kolyada en russe et ukrainien, Kalyada en biélorusse, Kaléda en lituanien, Koleda en polonais et slovène (mots provenant des Calendes romaines) ou des Svyatkis, pendant laquelle des jeunes (appelés "koliadniks" en russe, "kaledaris" en bulgare et "colindatoris" en roumain) allaient de maison en maison en chantant des cantiques "kolyadkis / kolyadas" ("colindes" en roumain) en l'honneur du dieu solaire Kolyada et en échange de nourriture ou d'argent. Ces jeunes portaient des batons ornés d'une étoile et étaient déguisés en animaux, pour chasser les mauvais esprits. Ils portaient aussi une effigie de jument en paille, sur laquelle on asseyait un adolescent déguisé en petit vieux avec une très longue barbe. Ensuite, on lancait une roue enflammée du haut d'une colline (comme au Frioul à l'Epiphanie ou en Lorraine à la Saint Jean)..

En Ukraine c'était les filles qui chantaient ces "kolyadas" accompagnées par une dame habillée de blanc se déplacant en traineau. Elle représentait la déesse de l'hiver : Morena / Murava / Marzana / Myesyats, épouse du dieu solaire Dajbog / Kolyada renaissant au solstice d'hiver.

Ces mascarades du Moyen-âges étaient trés anciennes. En effet, c'est vers le 4ème siècle ap.JC, que les mascarades des Saturnales ont été reportées sur la fête du Nouvel an, appelée "Strennae" par les Romains (c'est de là que vient le mot actuel "étrennes"). Lors de cette fête du 1er Janvier, on décorait les maisons avec des guirlandes de laurier, on échangeait des cadeaux d'argent et de nourriture et on se déguisait.

A Antioche, au 4ème siècle, cette "Fête des Calendes de Janvier" était trés importante et elle durait trois jours. Le 1er avaient lieu les étrennes, accompagnées de danses, de banquets et de beuveries. Durant le 2ème, les maîtres et les esclaves devenaient égaux. Et pendant le 3ème il y avait une mascarade. L'évèque Astérius en faisait la description suivante :
"Ce festival enseigne même aux petits enfants, naïfs et simples, à être gourmands, et les habitue à aller de maison en maison pour offrir des cadeaux, des fruits couverts d'oripeaux d'argent. En retour, ils reçoivent, des cadeaux d'une valeur double, et donc l'esprit tendre des jeunes commence à être perverti par ce qui est commercial et sordide...
... Les vagabonds et les jongleurs, se divisant en escouades et en hordes, vont dans chaque maison. Les portes des agents publics, ils les assiègent avec persistance en criant et en frappant des mains jusqu'à ce que celui qui est assiégé à l'intérieur, épuisé, leurs jette tout l'argent qu'il a et même celui qui n'est pas le sien. Et ces mendiants vont de porte en porte, l'une après l'autre, et, jusqu'à tard dans la soirée..."


A Barcelone, l'évêque Pacien (310-391) décrivait une fête du nouvel an appelée "Hennula cervula" (Cérémonie du Cerf) ou les gens se travestissaient en cerfs. Ambroise de Milan parlait aussi de ces déguisements en 387.

Pierre Chrysologue (406-450) décrivait aussi cette fête où les hommes se déguisaient en animaux, en femmes ou en dieux pour "éructer des paiardises".

En Gaule, Césaire d'Arles (475-542) parlait également de la fête des Calendes de Janvier, où l'on voyait des jeux obscènes et des hommes masqués, déguisés en femmes, en chèvres, avec des peaux de cerfs, etc...
Sédatus de Nimes (vers 504-510) en parlait aussi.

Le pape Grégoire I (540-604) voulut même empécher une fête où des hommes se déguisaient en femmes ou en animaux, ou même se mettaient nus, pour jouer des saynètes improvisées.
En Espagne, Isidore de Séville (560-636) continuait à évoquer cette fête.

En Angleterre, Théodore de Canterbury (602-690) connaissait encore cette fête où les gens se déguisaient en cerfs.

Certains se sont demandé si cette tendance persistante à se déguiser en cerf n'était pas l'indice que le dieu celtique Cernunnos continuait à être vénéré malgré le christianisme.

Cette coutume dérivée des Saturnales romaines fait aussi penser à la fête celtique de Halloween / Samain, le 1er novembre, où les enfants se déguisent en démons et en sorcières et vont de maison en maison pour réclamer des bonbons (Et en bretagne, on laissait de la nourriture sur la table et une bûche dans la cheminée pour les morts "anaons" qui revenaient). Cela s'explique peut-être par le fait que la "Mascarade" a lieu au début de l'hiver du calendrier chrétien alors qu'Halloween a lieu au début de l'hiver du calendier celtique. Cette fête pourait donc avoir la même origine mais aurait subi un glissement de date d'un calendrier à l'autre.

Vers 1550, les autorités tenteront de dévier ces fêtes vers une autre période en développant la fête du mardi gras. Pourtant, actuellement, de tels cortèges, où les gens portent des masques d'animaux pour chasser les démons, ont encore lieu entre le 6 décembre et le 6 janvier en Slovaquie et entre le 20 décembre et le 6 janvier en Serbie du sud-est. Et en Europe centrale, on chasse encore les démons avec des clochettes et des pétards lors d'une mascarade le 21 décembre. Et en Bulgarie une même fête s'appelle le "Jour des femmes folles" et a lieu le 20 janvier.

Mais ces mascarades ont souvent laissé la place à des tournées d'enfants qui demandent des cadeaux en échange de chansons de Noël, en Angleterre, USA, Pays-bas, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Portugal, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Pologne, Russie, Grèce, etc ... (Et en Vénétie, ces genres de tournées ont lieu à l'Epiphanie).
D'autres tournées d'enfants ont également lieu lors du nouvel an, pour réclamer un peu d'argent ("étrennes") en échange de leurs bons voeux ... ce qui ne fait que perpétuer la fête romaine de Strennae .

Le Père Noel :

Au Moyen-âge, le cortège de la Mascarade était mené par un personnage barbu qui prétendait tout savoir et qu'on appelait "le Vieux" en Europe orientale et "Grand-père" en Serbie. Dans les Balkans, il avait l'apparence d'un fou ou d'un homme sauvage. C'était peut-être un avatar de Saturne, dieu des Saturnales ... ou alors du dieu Wotan / Odin ? ... ou même de Gargan (Gargantua), le dieu à la hotte à qui les Celtes auraient fait des offrandes à Noel (théorie avancée par le chanoine de Cossé-Brissac vers 1952) ? Il était connu aussi des Slaves chez qui il était représenté par un enfant déguisé avec une grande barbe et monté sur une jument de paille.

A Arras, au XIIIème siècle, un chant de quète composé par Adam de la Halle lui donnait le nom de "Sires Noueus". Personnification de la fête de Noel ("Nohelison"), il envoyait les enfants faire la quète pour les pauvres en chantant ceci :
"Dieu soit dans cette maison
Et du bonheur et de la joie à foison
Notre Sire Noueus
Nous envoit à ses amis
A ceux qui sont amoureux
et ceux qui ont appris la courtoisie
Pour avoir des paresis (des sous)
à Nohelison (Noel)
Dieu soit dans cette maison
Et du bonheur et de la joie à foison
Monseigneur n'est pas
De ceux qui implorent
Aux bonnes maisons
Il nous adresse à sa place
Nous qui sommes des siens
et ses petits enfants
Dieu soit dans cette maison
Et du bonheur et de la joie à foison.
"

Dans un cantique anglais de Richard Smart (recteur de Plymtree, dans le Devon, de 1435 à 1477), il était appelé "Sir Christëmas" (Monsieur Noel) ou "My lord Christëmas" (Monseigneur Noel) et il encourageait les gens à manger, à boire et à chanter pour fêter la naissance de Jésus :
"- Nowell, Nowell, Nowell, Nowell !
- Qui est là qui chante ainsi ?
- Je suis là, moi, monsieur Christëmas !
- Bienvenue, mon seigneur Christëmas !
- Bienvenue à tous, nombreux ou pas !
- Approchez, Nowell !"


En Janvier 1443, à Norwich, un défilé représentait la procession des 12 mois, suivi du Kyng Crestemasse ("Roi Noël"), à cheval, qui s’opposait au Carême.

En 1458, dans un cantique anglais anonyme, on l'appelait "Lord Sire Christëmas" (Seigneur Noel).

En 1515, les autorités anglaises voulurent empécher une ancienne coutume : La troupe des "Seigneurs de l'anarchie", dirigée par le "Captain Christmas" (Capitaine Noel) / "Chistmas lord" (Seigneur Noel) / "Prince Christmas" (Prince Noel) était chargée d'organiser la fête de Noel.

En 1572, l’archevêque Edmund Grindal a interdit une vieille coutume de la ville de York : Lors de la Saint-Thomas (solstice d’Hiver, le 21 Décembre) avait lieu "la chevauchée de Yule et de sa femme" qui "traversaient la ville de façon indécise et désordonnée, attirant de nombreux spectateurs à leur poursuite, souvent en commettant d'autres énormités". "Yule" était un vieux mot paien d’origine viking qui désignait Noël. Le personnage représentant Yule dans le défilé portait un gâteau et un gigot d'agneau; des noix étaient jetées dans la foule et la procession était accompagnée d'une musique forte. Cependant, malgré l’interdiction, les sheriffs de York continueront d’accueillir la grande fête de Yule en lisant le "Yoole-girthol", une proclamation remarquablement libérale selon laquelle "toutes sortes de prostituées, voleurs, joueurs de dés et autres gens peu honnêtes" étaient les bienvenus. pendant les douze jours de Noël.

En 1616, la pièce "Le masque de Noel" de l'anglais Ben Jonson protestait contre une tentative d'exclusion du "Old Father Christmas" (Vieux Père Noel) ou "Captain Christmas" (Capitaine Noel) :
"Quoi, messieurs, savez-vous ce que vous faites? Ha! Voulez-vous me laisser dehors ? Moi Noël, le Vieux Noël, Noël de Londres, et Capitaine Noël ? ... Pourtant, je ne suis pas une personne dangereuse !" Ce Père Noël était décrit comme portant une longue et mince barbe, un chapeau avec une broche, des longs bas, des chaussures blanches, une massue et un tambour; et il était accompagné de ses dix enfants : Mis-rule, Caroll, Minc'd-pie, Gamboll, Post-and-pair, New-yeares-gift, Mumming, Wassall, Offering, et Babie-cocke.

En 1638, la pièce anglaise "The springs glory" de Thomas Nabble le représentait comme un vieux et vénérable gentleman habillé d'un grand manteau de fourrure à capuche qui explique : "... moi qui suis le roi de la bonne chère et de la fête."

A partir de 1644-1647, les puritains ont décidé d'interdire la fête de Noël partout en Angleterre.
En 1646, l' "acte d'accusation, de conviction et d'emprisonnement de Noël", une brochure de quatre pages, utilisait pour la première fois le nom "Father Christmas" (Père Noel) et décrivait ainsi le personnage :
"… un vieux, vieux, très vieux gentleman à la barbe grise, appelé Noël, qui avait l'habitude d'être un hôte très familier et de visiter toutes sortes de gens, pauvres et riches (…) Pour l'âge, cet homme à tête blanche était de grandes années, et aussi blanc que la neige, il avait fait perdre l'esprit aux calendes des Romains, il est vieux, ou très vieillissant, comme l'était le père Mathusalem. Il paraissait frais à l'époque des évêques, bien que leur chute l'ait fait flétrir depuis"
Selon le texte, celui-ci était "plein et gras" mais est devenu "très maigre et malade ces derniers temps" à cause du recul des Catholiques devant les Puritains.
Dans l'accusation, on en dit que "... les Femmes sans amour l'adorent, (...) il a un sac sur le dos, dans lequel il y a beaucoup de bonnes choses, outre les beaux bibelots qu'il a sortis des poches de leurs maris pour leur procurer des provisions de ménage."
Condamné à la prison par les Puritains, il était cependant parvenu à s'évader :
"Le pauvre vieillard de Saint-Thomas fut condamné à la prison des soldats du roi. Craignant d'être pendu ou exécuté, il trouva un passage entre les deux barreaux de fer d'une fenêtre, et rien que sa vieille barbe grise et la chevelure hirsute de sa tête y restèrent coincées, mais rien d'autre ne resta de lui."

En 1652, le "Mercurius Democritus" déclarait que "le vieux Noël est maintenant venu en ville (...) bien que peu lui font attention."

En 1652-53, le poète royaliste satirique John Taylor écrivait "The vindication of Christmas"("La justification de Noël") où il représentait le "Old Christmas" (Vieux Noel) avec une grande barbe, un chapeau et un grand manteau. Dans une gravure, le Père Noël proclamait : "O Monsieur, j'apporte la bonne chère", tandis qu'un soldat puritain l'avertissait : "Restez à l'écart, vous, et ne venez pas ici.", et d'un autre côté, un compatriote disait : "Venez, bienvenue à Noël, n'ayez pas peur." (Voir ici cette gravure). Dans le texte, le Père Noël déplore que "des frères zélés, trop zélés et trop curieux" aient tenté de le proclamer mort en prêchant des sermons funèbres. Les zélotes ont continué à abuser de leur pouvoir, mais le Père Noël se console car beaucoup croient encore au Christ et à Noël.

En 1658, Josiah King a publié un pamphlet : "The examination and trial of Old Father Christmas (L'examen et la mise à l'épreuve du Vieux Père Noël)". Le Père Noël y était décrit comme un vieil homme aux cheveux blancs, aux joues rouges comme des cerises et d'apparence gaie (Voir ici son portrait) passant en jugement devant un tribunal.
Ses accusateurs le dépeignaient ainsi :
"Son nom est Noël , un grand gaspilleur et dépensier (...) ce vieil homme dévore tout, et ne produit rien (...) son esprit est entièrement mis sur son ventre, pour la satisfaction duquel, il assassine les pauvres créatures innocentes (...) il est un fainéant : j'ai vu l'autre jour un mandat sous la main du Lord Chef de Justice, nous ordonnant de travailler six jours, et ce vieux méchant nous persuaderait de jouer douze jours, il enseigne aussi le délire et la rébellion nous ne pouvons pas garder la discipline avec nos serviteurs quand il viendra, car si nous leur ordonnons de suivre leur travail, ils murmureront et le renieront en disant : N'est-ce pas Noël ?"
Mais ses partisans le décrivaient comme cela :
"il est un homme très aimable et affectueux, inoffensif pour tous, un ennemi de la lutte, un amoureux de la joie inoffensive, toute notre ville et son comté le contemplent beaucoup quand il vient, car il utilise tous les moyens pour nous rassembler et pour renouveler l'amitié ; il est un grand faiseur de paix, s'il y a eu un désaccord entre les partis, il s'efforcera d'y mettre fin à l'amiable."

A partir de la restauration royaliste de 1660, la fête de Noël fut à nouveau autorisée en Angleterre et le Père Noël put sortir de la clandestinité.

Et en France, en Bresse, vers 1661, un chant montrait "Noyé" (le Père Noel) apportant de la nourriture pour Jésus dans sa crèche.

C'est vers cette époque que Noel commenca à devenir une fête familiale chez les Anglais. Ceux-ci représentaient souvent le Père Noël avec une longue barbe, un manteau vert bordé de fourrure et une couronne de houx, de lierre ou de gui.

En Allemagne du sud il était parfois remplacé par Perchta dans les cortèges d'enfants masqués.
Au début le "Vieux" allait dans les maisons pour mendier, mais, sous l'influence de Saint Nicolas, il deviendra lui aussi progressivement un distributeur de cadeaux.

Certains prétendent que ce personnage descendrait du dieu Odin / Wotan (ou de Heimdall) qui, jadis, descendait sur Terre lors de Yule (Noel) pour récompenser les enfants méritants... Mais c'est là une invention moderne car aucune source ancienne n'a jamais parlé d'une pareille croyance.

En 1770, ce personnage apparaitra pour la première fois sous le nom de "Weihnachtsmann" ("Homme de la nuit sainte") dans le magazine Mannigfaltigkeiten de Berlin :
"... mais si vous êtes assez bon, alors le Weyhnachtsmann devrait également vous apporter des bonnes choses."

En 1771, un autre article du même magazine parlera à nouveau de ce personnage :
" Si le Weyhnachtsmann vient, je ne veux pas voir que le Christkindchen (Petit Jésus) ne peut pas me souffler sur les yeux (pour m'endormir) comme chez notre voisin ..."

En 1778, ce Père Noel allemand aurait été remis à l'honneur en Saxe afin de contrer le Saint Nicolas et le ChristKindel des religieux. C'est du moins ce qu'on apprend par ce texte qui circule sur le Web... mais dont la source originelle semble impossible à retrouver :
"En 1778, des Landgraves du nord de l'Allemagne, font resurgir des tréfonds du passé l'homme de Noël qui incarnait dans les anciennes mascarades l'esprit de l'ancêtre. Comme dans les cortèges masqués de l'hiver, il apparaît munit d'une longue barbe et d'un grand manteau en fourrure.
La légende raconte que le Weihnachtsmann passe toute l'année au sein d'une montagne parmi 'le petit peuple' dont il fait partie. Chaque nuit, un nain monte la garde à la fente du rocher qui sert d'entrée et un autre nain vient le remplacer à l'aube du jour suivant. Au bout de 360 gardes, le dernier rentre en criant : 'voici bientôt Noël !' Alors, le Weihnachtsmann et sa cour sortent de leur repos. Ils vont dans la forêt armés de scies et de haches; avec ardeur ils coupent des sapins destinés à la fête, les placent sur des traîneaux et les conduisent dans leur palais souterrain afin de les décorer de bougies, de pommes d'or, de noix et de bonbons. La nuit de Noël venue, le Weihnachtsmann parcours en traîneau les villages environnants pour s'informer si les enfants sont sages. S'il en est ainsi, il laissera dans la maison un beau sapin couvert de présents."

Les nains dont il est question sont des zwerges ou Wichtels (Wichts / Wichtelmanns / Wichtelmännches)

A Leipzig, en 1783, le texte "Passe-temps et leçons pour enfants" en disait ceci :
"Il est de bon sens chez les gens de faire entendre ceci aux enfants : Le Christ envoie le Weyhnachtmann, qui donne des cadeaux aux enfants. Il est un ange qui vient dans la nuit sainte pour faire le tour de la nuit et apporter des choses pour les enfants qui se couchent. Par conséquent, ils sortent dans toutes les directions pour se promener déguisés. Souvent, beaucoup d'enfants en ont peur."

Dans les années 1780, en Cornouailles, on chantait ainsi le Père Noel :
"Viens ici, vieux Père Noël, bienvenue ou non,
J'espère que le père Noël ne sera jamais oublié.
Le vieux père Noël apparaît mais seulement une fois par an,
Il ressemble à un vieil homme de quatre-vingt-cinq ans.
"

Et Walter Scott (1771-1832) disait que le "Old Christmas" (Vieux Noel) rapportait les réjouissances, la bière forte et les contes joyeux.

Il était connu aussi en France.
En Bourgogne, Berry, Dauphiné, Morvan et Nivernais, au 19ème siècle, il était le "Père Janvier". Maigre, habillé de bure ou en blanc, il venait le 31 décembre ou le 1er janvier, en passant par les cheminées, pour déposer des cadeaux dans les souliers (parfois le Père Fouettard l'accompagnait).
Exporté en Louisiane, il deviendra le "Petit bonhomme Janvier" des Cajuns.
En Isère, Eure et Loire et Ain, il était le "Bonhomme Année".
Dans le Berry il était le "Petit Naulet" (l'enfant de Noel).
En Savoie, à Genève et dans le canton de Vaud il était le "Père Chalande / Challende" (Du latin "calenda" qui dédignait Noel et le nouvel an. En effet, à Genève, de 1305 à 1574, le Nouvel an avait lieu à Noel). Une chanson le décrivait ainsi en 1829 :
"Chalande est venu
Son chapeau pointu
Sa barbe de paille
Cassons les anailles (noisettes)
Mangeons du pain blanc
Jusqu'à Nouvel An."

Il était le mari de la Chauchevieille.

En Normandie il s'appelait "Barbassionné". Ce nom, au début, désignait un démon que les paysans chassaient des champs avec des torches la veille de l'Epiphanie ... mais ensuite ce personnage deviendra gentil et apportera des cadeaux. Un vieux chant de Noël du Bessin le menacait ainsi en tant que démon :
"Barbassionné, si tu viens dans mon enclos, je te brûlerai la barbe et puis les os."
Shakespeare lui donnait le nom de "Barbason" :
"Amaimon sonne bien, Lucifer aussi, Barbason également, pourtant ils sont ... des noms de démons." (Les joyeuses commères de Windsor. II, 2, 265)
"Je ne suis pas Barbason, vous ne pouvez pas me conjurer." (Le roi Henry V. II, 1, 52)
Et selon Reginald Scot : 
"Marbas ou Barbas est un grand président des enfers ; il se montre sous la forme d'un lion furieux. Lorsqu'il est en présence d'un exorciste, il prend figure humaine et répond sur les choses cachées ou secrètes."
(Découverte de la sorcellerie. page 378, édition de 1584)
Le "Lemegeton / Petite clef de Salomon" et la "Pseudomonarchia Daemonum" confirment que Marbas est le Grand président des enfers. Il ressemble à un lion, envoie les maladies et donne la connaissance des arts mécaniques.
Il correspondait probablement au démon Barbatos qui, selon les démonologues, est considéré comme le Comte et le Duc des Enfers. Son nom serait dérivé du latin barbatus qui signifie "Vieil homme" ou "Philosophe".

Au pays basque, il est appelé Olentzaro, Olentzero, Orentzaro ou Onentzaro (= "Epoque des bonnes choses") et est représenté comme un charbonnier sale et vulgaire. On raconte qu'il était le dernier survivant des anciens géants Jentillaks et qu'il avait des yeux rouges et une faucille pour punir les enfants pas sages. Jadis, à Noel (depuis au moins le XVIIème siècle), il passait de porte en porte, sous la forme d'un mannequin de paille porté dans une litière par des enfants chanteurs, et il fallait lui donner des cadeaux pour l'amadouer. Mais maintenant il est devenu moins terrible : Il vient annoncer la nouvelle année et distribue des bonbons ou des bûches de Noel. Et celà depuis qu'il a sacrifié sa vie pour sauver des enfant et qu'une fée l'en a récompensé en le transformant en bon génie immortel.

Le nom de "Père Noel" semble avoir été déja connu dans la région parisienne vers 1808 car George Sand le cite dans les mémoires de son enfance à Paris (Histoire de ma vie, tome 4, chapitre 11ème) :
"Ce que je me rappelle parfaitement, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouverais à mon réveil. Minuit ! cette heure fantastique que les enfans ne connaissent point, et qu'on leur montre comme le terme impossible de leur veillée ! Quels efforts incroyables je faisais pour ne pas m'endormir avant l'apparition du petit vieux ! J'avais à la fois grande envie et grand'peur de le voir ; mais jamais je ne pouvais me tenir éveillée jusque-là, et le lendemain mon premier regard était pour mon soulier au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc ! car le père Noël était d'une propreté extrême, et ne manquait jamais d'empaqueter soigneusement son offrande. Je courais, pieds nus, m'emparer de mon trésor. Ce n'était jamais un don bien magnifique, car nous n'étions pas riches. C'était un petit gâteau, une orange, ou tout simplement une belle pomme rouge. Mais cela me semblait si précieux, que j'osais à peine le manger. L'imagination jouait encore là son rôle, et c'est toute la vie de l'enfant."

En Amérique du nord, dans leur colonie de New Amsterdam, les Hollandais célébraient encore Sinter Klaas (Saint Nicolas). Lorsque les anglais s'emparèrent de la ville en 1664, ils en firent New York, et Sinter Klaas devint Santa Nikolaaus ou Santa Claus.
Dans l'édition de la "Gazetteer Rivington" du jeudi 23-12-1773 on peut trouver ce texte : "Lundi dernier, l'anniversaire de Saint-Nicholas, autrement appelé Santa Claus, a été célébré au Temple protestant,..." Cela montre que la date de la Saint Nicolas s'était alors déplacée au 12 décembre. D'autres journaux indiquent même le 2 décembre, ce qui indique que la date de cette fête était devenue assez instable.

Plus tard, lors de la lutte pour l'indépendance (1775 - 1783), les Anglais d'Amérique sortirent Santa Claus de l'oubli où il tombait peu à peu pour en faire un symbole de l'indépendance américaine contre la monarchie britannique.

En 1809, le livre "Knickerbocker history of New York" de Washington Irving (1783-1859) montrait Sinter Klaas (Santa Claus) apportant des cadeaux non plus sur un âne mais avec un cheval et un char volant, et en passant par les cheminées (comme en France à la même époque). Sinter Klaas était décrit comme un "coquin" avec un chapeau bleu à trois cornes, un gilet rouge et des bas jaunes, ou comme un homme portant un chapeau à large bord et une paire de "chausses flamandes".

En 1810, John Pintard, lors de la réunion annuelle de la "New York Historical Society", distribua des gravures (dessinées par Alexander Anderson) représentant" St.Nicholas" ( > Voir ). Ce dernier était encore représenté comme une figure religieuse, mais il déposait aussi des cadeaux pour les enfants, dans des bas suspendus à la cheminée pour sécher.

En 1820, les magasins ont commencé à faire mention des achats de cadeaux pour Noël.

En 1821, le livret "Le cadeau du nouvel an" publié par William B.Gilley, représentait Santeclaus volant au dessus des cheminées dans un traineau tiré par un renne pour apporter des cadeaux à Noel (et non plus lors de la Saint Nicolas) :
"Le vieux Santeclaus conduit joyeusement son renne, dans cette nuit glaciale, par dessus les cheminées et les sentiers enneigés pour vous apporter ses cadeaux annuels. Cet ami fidèle de la jeunesse vertueuse, l'ami du devoir et de la vérité, chaque veille de Noël, se réjouit de venir là où l'amour et la paix ont fait leur maison." (> Voir illustration)

Le 23 décembre 1823, le pasteur Clément Clarke Moore (un ami de William B.Gilley) publia un poème de Noel appelé "Une visite de Santa Claus" ou "La nuit avant Noel". Il y décrit un Santa Claus vétu non plus d'une tenue d'évèque mais d'un manteau du fourrure :
"Il portait un épais manteau de fourrure, ses vêtements ternis de cendres et de suie; un sac de jouets jeté sur son dos, il ressemblait à un colporteur ouvrant son sac. Comme ses yeux brillaient ! Et ses fossettes si joyeuses ! Ses joues étaient comme des roses, son nez tel une cerise ! Sa drôle de petite bouche arrondie comme un arc, et sa grosse barbe, blanche comme neige. Une pipe se balancait doucement entre ses lèvres, la fumée en volutes couronnait sa tête; il offrait un visage bonhomme et un petit ventre rond, qu'il secouait comme un bol de gelée à chaque rire. Il était joufflu et dodu comme un elfe joyeux."
Celui-ci venait sur Terre à Noel (et non plus à la Saint Nicolas) en se déplacant dans un traineau tiré par huit petits rennes appelés Dasher (Tempète), Dancer (Danseur), Prancer (furie), Vixen (Fringant), Comet (Comète), Cupidon, Donder / Donner (Tonnerre) et Blixem / Blitzen (Eclair). Comme à Paris, il entrait dans les maisons en passant par la cheminée (ce qui justifiait sa petite taille).
Ce poème sera ainsi le 1er à fusionner le Santa Claus hollandais avec le Père Noêl anglais. (Certains prétendent cependant que le vrai auteur de ce texte serait Henry Livingston vers 1807). Ce texte sera ensuite repris par de nombreux journaux et cette nouvelle vision de Santa Claus se répendra dans tous les USA.

Dés 1836, ce personnage de Santa Claus sera officiellement adopté par l'état américain d'Alabama. Les autres états suivront cet exemple les années d'après...

En 1836, le "Livre de Noël" du poète anglais Thomas Hervey, illustré par Robert Seymour, montre un vieux Noël ("vieux, vieux, très vieux monsieur à la barbe grise") habillé d'une robe de fourrure, couronné d'une couronne de houx, et chevauchant une chèvre de Noël. C'est sa représentation anglaise, à l'ancienne mode.

En 1837, un tableau de Robert Weir représentera un Santa Claus de taille normale (et non pas de la taille d'un elfe), portant un manteau rouge court, un pantalon, des bottes et passant par la cheminée (> Voir).

En 1843 en Angleterre, un conte de Charles Dickens représentait encore l"Esprit de Noël" sous son apparence ancienne :
"Avec un air joyeux, dans un grand manteau vert bordé de fourrure blanche, les pieds nus, et portant une couronne de houx avec des glacons sur ses longs cheveux noirs"
.
La même année, aux USA, Sherman et Smith le représentaient petit, portant une hotte, un manteau de fourrure et fumant une pipe comme un Hollandais.

En 1844, un journal de Cincinnati racontait ceci :
"Le père Noël, ce très vieil Hollandais, vient d'arriver des régions renommées des Manhattoes (Manhattan), avec son lot habituel de bibelots pour les fêtes de Noël."

En 1847, JP.Chapman le représentait grand, portant une toque et une veste fourrée.

En 1848, TC.Boyd le représentait comme un hollandais portant une veste fourrée, un bonnet de trappeur et une pipe.
En Allemagne, par contre, on l'appelait parfois "Monsieur Hiver" et on le représentait avec un capuchon, une couronne de houx et portant un sapin.

En 1849 est apparue pour la première fois l'épouse de Santa Claus, dans le texte "A Christmas legend" de James Rees.

En 1851, un certain "AB" a écrit un texte pour le "Yale literary magazine" où l'on voyait le Père Noel aidé par son épouse.

En 1854, le texte "The Christmas stocking" de Susan Warmer fut publié en Grande Bretagne, faisant ainsi connaitre le Santa Claux américain aux Anglais.

En 1856-7, un poème (non-publé) de Louise May Alcott indica pour la première fois que les ouvriers du Père Noel étaient des elfes.

A partir de 1862 ou 1863, l'illustrateur Thomas Nast (1840-1902) commenca à dessiner un Santa Claus ventru et jovial. Il lui faisait porter un manteau court bordé de fourrure, une large ceinture, un pantalon moulant et un chapeau de fourrure décoré d'une branche de houx (> Voir). Comme Nast était d'origine allemande, il avait peut-être influencé par l'image du Belzenickel, le Père Noël à fourrure du Palatinat. A la même époque (1863), en Hollande, le Père Noel européen était encore représenté comme un vieillard barbu, portant un long manteau et monté sur un âne.

En 1866, une illustration de Nast (Santa Claus and His Works) indiquait que Santa Claus habite eu pole nord, à "Santa Claussville, NP".

En 1868, un dessin publicitaire pour le produit "Sugar Plums" représentait un Santa Claus vêtu de rouge (> Voir).

En 1869, des dessins de Nast ont été reproduits en couleur. On y voyait un Santa Clause vêtu de rouge ... mais avec de la fourrure noire (de suie ?) et non pas blanche. Ces dessins étaient accompagnés d'un poème de George P. Webster qui écrivait que la maison du père Noël est "située près du pôle Nord, dans la glace et la neige".

En 1873, dans le "Godey's lady's book", était affichée pour la première fois une illustration représentant les elfes de Santa Claus (> Voir).

En 1870, au Canada, apparurent des illustrations représentant Santa Claus.

En 1881, un poème décrivait encore un Père Noël vert, donc de type anglais / européen :
"Est-ce qu'il (Santa Claus) viendra comme le Père Noël (Father Christmas), robuste, en vert avec une barbe toute blanche ?"

En 1881, Thomas Nast dessina Santa Claus dansant avec Mother Goose (la Mère l'Oie) ... c'est à dire avec Perchta / Holda, la "Mère Noel" (> Voir).

En 1881, un texte de Barbara Hallman Kissinger (publié en 1888) indica que l'épouse de Santa Claus s'appelait "Molly Grietje" (> Voir la mère Noel).

En 1885, un dessin de Thomas Nast indica que l'habitation de Santa Claus se trouvait au pole nord et non pas dans le ciel (> Voir). L'année suivante (ou en 1888), Georges P. Webster reprendra cette idée et écrira un texte décrivant la manufacture de jouets de Santa Claus au Pole nord.

Vers 1885 ou 1886, Louis Prang commenca à dessiner régulièrement des cartes postales avec un Santa Claus en couleur. Il le représentait avec un manteau rouge court bordé de fourrure noire ou blanche, une grosse ceinture, des bottes et un chapeau de fourrure. Un sac remplacait désormais la hotte traditionnelle (> Voir).

En 1888 ou 1889, Katherine Lee Bates a écrit dans un poème que la femme de Santa Claus s'appellait "Goody", abbréviation de "Good wife" (Bonne épouse). Etrangement celà fait penser à "Gaede Vrouw", nom du bateau qui a apporté les immigrés hollandais qui ont fondé New-Amsterdam (New York) selon Washington Irving. Ce bateau, d'ailleurs, portait une figure de Saint Nicolas à sa proue.

En 1889, dans "Le petit Français illustré", est publiée une histoire où le traineau du "Petit homme de Noël" est tiré par des minuscules chevaux portant les noms de Rapide, Eveillé, Elégant, et Dégourdi.

En 1891, le poème de Clément Clarke Moore fut introduit en Grande Bretagne, ce qui contribua à faire connaitre la version américaine du Père Noel dans ce pays.

En 1896, en Grande Bretagne, John Tenniel (l'illustrateur d'Alice au pays des merveilles) dessina un  Father Christmas (Père Noel) composite : Avec un long manteau rouge bordé de fourrure blanche, une capuche et une couronne de houx. La couleur rouge montre une influence américaine mais la longueur du manteau montre une influence anglaise et européenne (> Voir).

En France, le nom "Père Noel" fera son apparition dans le dictionnaire Larousse en 1904.

La nouvelle représentation du personnage (le "Bonhomme Noël" ventru, habillé avec un manteau court et un pantalon) commenca alors à concurencer le Père Noël anglais (> Voir) et européen (maigre et habillé d'un long manteau vert, > Voir). Le Père Noel américain remplaca ainsi les Pères Noels locaux en France vers 1910-1920 (A noter cependant que c'est seulement entre 1920 et 1930 que la couleur rouge remplacera la verte pour le manteau du Père Noel en France tout comme en Bulgarie).

En 1914, un dessin montre que le Père Noel américain (rouge) avait déja pénétré au Japon (> Voir).

En 1927 la radio finlandaise décréta que le Père Noel n'habitait pas au pole nord mais en Laponie (sur la colline de l'oreille à Napapiri au Korvatunturi prés de Rovaniemi). Cependant pour les Norvégiens, il habite à Droeback prés d'Oslo. Pour les Suédois il habite Gesunda prés de Stockolm. Pour les Danois il habite au Groenland. Pour les Américains il habite toujours au pole nord. Et pour les Canadiens il habite dans le Canada du nord-ouest.

En 1934, la chanson "Santa Claus coming to town" montra pour la première fois le Père Noel tenant une liste des bons et mauvais enfants.

En 1931, une campagne publicitaire de Coca Cola, basée sur des illustrations de Haddon H. Sundblom, fixa et répendit partout en Europe la représentation américaine du père Noel : gras, jovial et portant un bonnet et un manteau rouge court bordé de fourrure blanche (> Voir).

En 1939, Robert L.May ajouta un nouveau renne, au nez lumineux, à son traineau : Rudolph (Rodolphe).

En 1951, l'effigie du Père Noël fut pendue et brûlée sur le parvis de la cathédrale de Dijon par le clergé catholique, furieux de la paganisation croissante de la fête Noël. La médiatisation de ce fait-divers ne fit qu'accroitre la célébrité du Père Noël. A ce propos CL.Levis-Strauss a écrit un texte où il notait : "...Grâce à l'autodafé de Dijon, voici donc le héros reconstitué avec tous ses caractères, et ce n'est pas le moindre paradoxe de cette singulière affaire qu'en voulant mettre fin au Père Noël, les ecclésiastiques dijonnais n'aient fait que restaurer dans sa plénitu-de, après une éclipse de quelques millénaires, une figure rituelle dont ils se sont ainsi chargés, sous prétexte de la détruire, de prouver eux-mêmes la pérennité."

En Scandinavie, le Noel chrétien ne s'implanta que tardivement. Dans cette région on croyait à des petits esprits domestiques qui protégeaient les fermes et les maisons (comme les Domovoïs russes, les Sparks polonais et les Iskrzychis d'Allemagne de l'est ... ou les Lares et Pénates des romains qu'on honorait le 23 décembre). On les appelait Tomtes (Tomtrus, Tomtras, TomteGobles, TomteWüttes) ou Nisses (Niss, Nissens, Niskes, NisseGodrens), Paras ou Niägruissars.
La coutume était de leurs offrir de la nouriture pour les amadouer, surtout lors de la fête de Yule ("YuleTide" en Estonie / "Youlu" en Laponie). Pendant Yule, on pratiquait l' "alfablot" ("sacrifice aux elfes") et on faisait des offrandes de nourriture pour les morts et pour les génies Juhles. On célébrait le dieu Odin / Wotan / Jolner (le roi des Juhles) qui descendait sur terre (et qui offrait parfois des cadeaux aux enfants ?). Cette fête s'appelait aussi MidtVintersblot ("Milieu de l'Hiver") et avait lieu au solstice d'hiver, le 21-22 décembre (car chez les Scandinaves l'Hiver s'étendait du 21 septembre au 21 mars, le solstice en représentant le centre) ... mais au Xème siècle le roi norvégien Håkon den Gode (Hakon le bon) avait décidé qu'elle serait reportée à la même date que les chrétiens.
Vers 1705, on commenca à s'offrir des cadeaux de Noel dans la haute société finlandaise et, vers 1840, au Danemark, l'influence du Père Noël commenca à se faire sentir sur les Tomtes. C'est ainsi que fut créé le "Tomte de Noël", appelé Jule-Nisse au Danemark et Norvège, et Joulu-Vana en Estonie. C'est lui désormais qui apportait des cadeaux à Noel au lieu d'en réclamer. Et en 1881, en Suède, fut publié le poème "Tomtes" par Viktor Rydberg. Celui-ci décrivait le "Tomte de Noel" des Suédois, appelé "Jule-Tomte". Ce texte était illustré par la dessinatrice Jenny Nyström qui commenca à fixer son apparence : un lutin habillé de vert et portant un bonnet rouge (> Voir).

Le jour de Yule était également celui de la "chèvre de Noël" (Jul-bock en Suède, Jule-geita ou Jula-gjeido en Norvège, Joulu-pukki en Finlande), appelée aussi "bouc de Noel" (Jula-buhk) ou "chèvre volante" (Trettanreidi). Celle-ci, jadis, était un esprit des ténèbres qui venait effrayer les enfants et on devait lui donner des cadeaux pour l'amadouer.
Aprés le 17ème siècle, cependant, elle est devenue moins terrible et s'est contentée de faire des farces innocentes la nuit de Noël. Ainsi, des hommes déguisés en boucs allaient de maison en maison pour y déposer des petites chèvres en pailles accompagnées de textes sarcastiques.
Au 19ème siècle, sous l'influence du "Tomte de Noel", cette chèvre deviendra encore plus gentille et viendra offrir des cadeaux aux enfants. Parfois même elle servira de monture au "Tomte de Noel". (> Voir). Bizarrement, en Finlande, la chèvre de Noel Joulu-pukki a laissé son nom au Père Noel importé d'Europe et des USA. Et celui-ci a une épouse du nom de Muori.
Cette chèvre descendait peut-être du diable chrétien ou du bouc du dieu Thor. Ou alors, plutôt, elle provenait d'une influence des anciens Slaves : En effet, chez ceux-ci, jadis, un enfant se déguisait en chèvre pour aller réclamer des offrandes sous forme de cadeaux lors de la fête de Koliada (Noël paien). La chèvre blanche représentait le dieu solaire Kolyada / Koleda / Dajbog / Dazbog / Devac qui renaissait à Noël. Actuellement, en Russie, c'est plutôt une effigie de chèvre en paille qui est promenée à Noël (En Ukraine, la mise à mort de cette chèvre symbolise la fin de l'an ancien). Et en Prusse, jadis, c'était un homme déguisé en cheval qui faisait une tournée des maisons en compagnie d'un bouc.

En Islande on croyait à l'existance d'une trolesse (troll femelle) appelée Gryla. Les trolls n'étaient pas des sortes de lutins comme on le croit actuellement mais des géants horribles. Ainsi, selon Snorri Sturluson (1179-1241), Gryla avait trois têtes et 15 queues.
A partir du XVII éme siècle, les Islandais commencèrent à raconter qu'elle venait le jour de Noel pour dévorer les enfants désobéissants. Ces derniers étaient tellement effrayés par ce mythe que les autorités, en 1746, interdirent aux parents de continuer à en parler... mais alors Gryla fut remplacée par son chat Jolakötturinn, un monstre qui dévorait les enfants ne portant pas d'habits neufs à Noel.
On disait aussi que Gryla avait de nombreux fils... mais les plus connus étaient les 13 Jolasneinars / Jolasveinats. Ceux-ci venaient entre le 12 et le 24 décembre, chacun leur tour, pour faire des farces aux gens. En 1862, un poème de Jon Arnason révéla leurs noms : Stekkjarstaur (Guetteur d'agneau), Giljagaur (Qui se faufile par les ravins), Stüfur (Petit), Thvörsleikir (Lècheur de cuiller), Pottasleikir (Lècheur de marmite), Askasleikir (Lècheur de bol), Hurdhaskellir (Claqueur de portes), Skyrgàmur (Mangeur de fromages), Bjùgnakraekir (Voleur de saucisses), Gluggagaegir (Regarde par la fenêtre), Gättadefur (Reniffleur aux portes), Kelkrökur (Voleur de viande) et Kertasnikir (Quémandeur de bougies).
Peu à peu, ils commencèrent également à apporter des cadeaux aux enfants, comme les Tomtes de Scandinavie, et le poème "Jolasveinanir", écrit par Johannes Kötlun en 1932, les fixera dans ce nouveau role.
Les Vickings semblent avoir apporté des histoires semblabes dans les iles Shetland où l'on raconte encore que, sept jours avant Noel, des nains "trows" (= trolls) sortent de sous terre pour tourmenter les humains.

En Russie le Père Noël n'a pas pu s'implanter car son introduction a été interdite par les communistes. Mais une autre entité occupe sa place.
Jadis les slaves offraient des présents à un être hostile pour l'amadouer : C'était Morok, le dieu de l'hiver, époux de Vesna, la déesse du printemps.
Au 19ème siècle, il est devenu le gentil Ded Moroz russe, le Did Moroz ukrainien, le Dzied Maroz  biélorusse, le Dedek Mraz slovène, le Djed Mraz croate, le Djeda Mraz bosniaque, le Dedo Mroz macédonien, le Deda Mraz serbe et le Dyado Mraz bulgare. Son nom signifie "Père Gel" et il apporte des cadeaux le 7 janvier (correspondant au 25 décembre dans le calendrier orthodoxe) et le jour de l'an.

Sous l'influence du père Noël occidental, il a remplacé son manteau bleu par un manteau rouge bordé de blanc, mais il se déplace toujours dans une troïka tirée par des chevaux et non pas par un chariot tiré par des rennes.
Il est accompagné de sa fille Snegourotchka. Celle-ci provient d'un conte russe rapporté par Afanasyev en 1869 : Snegurka ("Fille de neige"). Celui-ci racontait qu'un bonhomme de neige s'était transformé en jeune fille... mais que celle-ci avait fondu en voulant sauter au-dessus d'un feu de la Saint-Jean. Ce conte, sous le nom de "l'enfant de neige", était également connu en Estonie, Allemagne et France. C'est Alexandr Ostrovsky, dans un texte de 1873 qui fera de Snegourotchka ("Petite fille des neiges") la fille de Ded Moroz et de Vesna, la déesse du printemps. Selon lui, Snegourotchka avait fondu lorsque son coeur s'était enflammé d'amour pour un garcon. En Bulgarie, la "Fille des neiges" est appelée "Snéjanka". (> Voir Ded Moroz et Snegourotchka.)

Le Ded Moroz russe (et sa fille) s'est infiltré dans plusieurs pays d'Asie centrale. Ainsi en Yakoutie il est devenu le gentil Chee Dyl / Ahaa Dial qui s'oppose au méchant Chys Khan ("Maitre du froid"), dieu du gel. Chee Dyl a une femme, Kyhyn Khotun, et trois filles : Saaschaana (Printemps), Sayyyna (Eté) et Kyhyyney (Automne). En Mongolie il est devenu Uvlin Uvgun, qui vient avec sa fille Satan Ohin ("Fille des neiges"). Et en Ouzbékistan il est devenu Korbobo qui vient monté sur un âne avec sa fille Korgiz.
On remarque actuellement que, depuis la fin du pacte de Varsovie, les pays de l'est abandonnent de plus en plus Ded Moroz (qui leurs avait été imposé par les Russes) pour en revenir au Saint Nicolas occidental.

A noter aussi que Ded Moroz apparait dans un conte russe sous le nom de Morozko et qu'il y tient le même role que Dame Hollé (Hulda en anglais et danois) dans un des contes de Grimm. Hors il est dit que Dame Hollé crée la neige en secouant son édredon de plumes, ce qui l'identifie à la "Vieille Mère gelée" des Allemands qui fait de même. Ces personnifications de l'Hiver sont à rapprocher également du Jack Frost des Anglais, lequel dérive peut-être du Jockul Frosti (Glacon gelé) des Vikings. Et en Autriche, on a retrouvé une enluminure du XVIème siècle où l'Hiver est représenté par un homme à barbe noire vêtu d'un grand manteau rouge à capuche. Et n'oublions pas non plus Amu Nauruz, personnification de l'Hiver chez les Iraniens, et qui, lui aussi, est un vieillard apportant des cadeaux pour les enfants.

Autres coutumes :

En ce qui concerne les autres coutumes de Noel, on sait que des sapins étaient déja dressés devant les maisons par les peuples germaniques lors de la fête de Yule (Noel) et les Islandais brûlaient alors un arbre en offrande au soleil. Et les Celtes décoraient un épicéa, symbole de vie, avec des fruits, des fleurs et du blé au moment du solstice d'hiver.
Cette coutume aurait ensuite été récupérée par les Chrétiens. Ainsi, vers 573, dans les Vosges, Saint Colomban aurait christianisé un arbre sacré celtique en y accrochant des lanternes pour en faire l'"Arbre de l'Enfant Jésus"... cependant il est impossible de retrouver la source de cette légende.

Et en 723, Saint Boniface de Mayence aurait empéché des Thuringiens de sacrifier un enfant aux pieds d'un chêne, puis, ayant abattu l'arbre, il l'aurait remplacé par un sapin, expliquant que celui-ci est le "Saint Arbre de l'Enfant Jésus".
Cependant, en regardant dans la "Vie de Saint Boniface", écrite par Willibald, on ne trouve pas celà du tout :
"Avec les conseils et les conseils de ces derniers, le saint a tenté, au lieu-dit Gaesmere, tandis que les serviteurs de Dieu se tenaient à ses côtés, d'abattre un certain chêne d'une taille extraordinaire, qui s'appelle, par un ancien nom de païen, le chêne de Jupiter (Thor ?). Et quand il fut coupé par la force de son cœur inébranlable, il y eut une grande multitude de païens qui, dans leurs âmes, maudissaient avec la plus grande ardeur l'ennemi de leurs dieux. Mais lorsque l'avant de l'arbre n'est plus que légèrement entaillé, l'immense masse du chêne, entraînée par une explosion divine, s'écrase soudainement au sol, frissonnant en tombant sur sa couronne de branches; et, comme si, par la gracieuse apparence du Très-Haut, il fut également éclaté en quatre parties, et on vit quatre troncs de taille énorme, de même longueur, non vus par les frères qui se tenaient à côté. À cette vue, les païens qui, auparavant, maudissaient au contraire, croyaient et bénissaient le Seigneur et abandonnaient leurs méfaits antérieurs. De plus, le très saint évêque, après avoir pris conseil des frères, a construit un oratoire en bois avec du bois de l'arbre et l'a dédié en l'honneur de saint Pierre l'apôtre."

Ensuite, les sources deviennent plus crédibles.

Au XIème siècle, dans les "mystères" (des pièces théatrales religieuses jouées pendant l'Avent) l'arbre du paradis sont représenté par un sapin couvert de pomme.

En 1444, en Angleterre, on sait qu'on décorait des arbres avec du lierre et du houx en hiver.

En 1465 (et non en 1419 comme on le dit parfois), à Freibourg, les boulangers de la ville dressent un arbre de Noel décoré avec des fruits... mais la source de cette affirmation a été perdue.

Luther (1483-1546) aurait dit qu'on décorait les sapins avec des bougies dans son enfance... mait ce n'est peut-être qu'une légende.

A Strasbourg en Alsace, vers 1492, neuf sapins sont achetés pour être distribués aux neuf paroisses (peiut-être pour décorer chaque église ?).

A Riga en Estonie, en 1510, un sapin est dressé par les commercants de la ville en tant que symbole de l'arbre de connaissance ... et il est ensuite brûlé. Mais celà se passe au carnaval et non à Noel.

A Sélestat en Alsace, en 1521, les gens sont autorisés à prendre des petits sapins dans la forêt le 21 décembre.

C'est de 1521 aussi que date la plus ancienne peinture représentant un arbre de Noel.

A Strasbours, en 1539, des sapins de Noel sont vendus.

A Kaysersberg, en 1556, les gens sont autorisés à se couper des arbres à Noel.

Les Protestants adopteront officiellement ces sapins décorés, dès la Réforme de 1560, comme symboles de l'arbre du paradis.

A Sélestat, vers 1601, un arbuste sert à orner la salle de conseil. Et ensuite les enfants le secouent pour récupérer les pommes et les hosties qui le décoraient. Mais cela se passe le 6 janvier et non à Noel.

En 1605, dans les maisons de Strasbourg, on décore des sapins de Noel avec des roses en papier, des pommes, du sucre, des guirlandes et des hosties.

En 1738, Marie Leszcynska (l'épouse de Louis XV) introduit un sapin décoré au château de Versailles.

En 1781, des mercenaires allemands introduisent la coutume du sapin au Québec.

En Alsace en 1785, la baronne d'Oberkirch décrit un sapin décoré avec des bougies et des bonbons.

En 1837, Hélène de Mecklenbourg apporte la coutume des sapins aux Tuilleries à Paris.

A partir de 1830 les Allemands, Lorrains et Tchèques fabriquent en série des "kugels" (boules de verre) pour décorer les sapins.

En 1839 la coutume des sapins arrive en Grèce.

En 1841 le prince Albert (un Bavarois) l'apporte au chateau de Windsor en Angleterre : Charles Dickens appelle alors ces sapins décorés "le nouveau jouet allemand".

Puis le 1er sapin de Noel arrive aux USA en 1850 et en Russie, à st Petersbourg, en 1852.

En Alsace, les boules de Noel arrivent d'Allemagne et Lorraine vers 1858.

Aprés la guerre de 1870, les réfugiés alsaciens répendent ensuite la coutume du sapin dans toute la France.

Et en 1882, les ampoules électriques commencent à se répendre pour la décoration.

A noter qu'une coutume comparable au sapin de Noel existe également chez les Tcherkesses vivant dans le Caucase. Lors de leur fête de Merem (fête de la Vierge Marie, qui a lieu le 21 décembre et aussi en automne), ils coupent un poirier et l'emmènent en grande cérémonie dans leur maison. L'arbre est ensuite orné de rubans, d'étoffes et de petites bougies, et un fromage est placé au sommet.

Et les anciens Perses décoraient également un genévrier ou un cyprès avec des tissus colorés et des offrandes pour célébrer Mithra vers le solstice d'hiver.

Il n'y avait pas que les sapins. Pendant les Saturnales, lors de la période des "Sigillaires", les Romains s'offraient des objets de terre cuite et décoraient leurs maisons avec des branches de houx, de lierre et de gui. Des textes montrent que cette coutume des "verdures de Noêl" subsistait en Galice en 580. Vers 1066, dans son "Decretum", Burchard de Worms décrira encore les maisons décorées avec des branches vertes lors des Calendes de Janvier (période de Noel). Au XIIème siècle, dans une description de Londres, William Fitzstephen dit que les maisons et églises étaient décorées à Noel avec du houx, du lierre, et du laurier. Et à Bâle, vers 1494, dans la "Nef des fous" de Sébastien Brant, on voit des maisons alsaciennes décorées avec des rameaux de sapins à Noel. Cette coutume existait également dans les églises : celles-ci seront décorées avec du romarin, du lierre et du houx au moins jusqu'au XVIIème siècle. Et maintenant encore, en Angleterre, on décore les maisons avec des branches de sapin, du lierre, du gui et du houx pour Noel.

Quand à la coutume de la bûche de Noël, on pense qu'elle vient des Germains : ceux-ci prétendaient en effet que le dieu Odin / Wotan venait sur Terre lors de la fête de Yule (Noel) et qu'il allumait alors une grosse bûche. Et un texte de 1184 raconte qu'un prêtre de Ahlen en Autriche avait rapporté un arbre pour le "feu de Noel" : la tradition de la buche existait donc déja è cette époque. Cette coutume sera ensuite mentionnée à Uzès en 1597, puis elle se répendra dans toute l'Europe... A Paris, depuis 1830, 1875 ou 1945 (selon les sources), cependant, la bûche brûlant dans la cheminée a été remplacée par une bûche glacée que l'on mange (coutume venue du Poitou ?) : Tout change !

Chez les Slaves du sud (Croates, Serbes, monténégrins, Macédoniens et Bulgares) on connait aussi Badniak qui est l'esprit de la bûche que l'on brûle à Noel. Il est représenté comme un vieillard barbu et symbolise la vieille année qui se termine. Il s'oppose à Bojitch, le cerf aux bois d'or qui représente la nouvelle année qui commence.

Par contre la coutume des crèche de Noël vient d'Italie. Elle fut créée par Saint Francois d'Assise en 1223 à Greccio, sous forme d'une crèche vivante (descendant probablement des jeux théatraux païens christianisés qui avaient lieu vers Noêl dans les régions alpines). Au milieu du 13ème siècle, les personnages vivants seront remplacés par des mannequins de bois ou de terre. Vers 1540 cette coutume se répendra dans toutes les églises. Au 17ème siècle, des crèches domestiques se développeront aussi chez les habitants les plus riches de Naples. Enfin, à la fin du 18 ème siècle, les révolutionnaires interdisant la pratique des crèches d'église, les crèches familiales domestiques se répendront partout en France, ainsi que l'usage des santons de Provence (inventés en 1803).

On notera pour terminer que la fête juive de Hanukka correspond à la date de Noêl et du solstice d'hiver (approximativement car le calendrier juif est lunaire et non pas solaire comme le notre). Elle célèbre la reprise du Temple de Jérusalem sur les Grecs et sa "purification" en 164 avant JC.