DOSSIER JÉSUS :



La croix de Jésus :                                                                          

 


La pratique de la crucifixion a probablement d'abord commencé en Perse : les condamnés étaient alors attachés à un arbre, ou bien liés ou empalés sur un poteau vertical, le but étant d'empécher leurs pieds de toucher le sol considéré comme sacré. Cette pratique sera ensuite introduite en Egypte et à Carthage, à l'époque hellénistique, sous des formes diverses (Certains prétendent que la croix en forme de T aurait son origine dans l’antique Chaldée; elle était employée comme symbole du dieu Tammouz, étant en forme de Tau, initiale de son nom).
À la fin du 1er siècle av. J.-C, les Romains l'adopteront, sous l'influence des Carthaginois, pour punir les non-Romains, les esclaves et les rebelles. Chez eux c'était une pratique particulièrement humiliante et infamante pour les condamnés.

Le plus célèbre crucifié fut Jésus. Cependant on ignore sur quel type de croix il a été supplicié. La forme iconographique de la croix telle qu'elle est indiquée par la tradition n'est pas certaine. En effet, les premiers chrétiens se refusant à représenter "l’instrument de la mort du Seigneur", on n'en connait que peu de descriptions anciennes. Toutefois, on sait que la croix en tant que symbole était déjà été associée avec les chrétiens à la fin du 2ème siècle ap.JC, comme on le voit dans les arguments anti-chrétiens cités dans le "Octavius, chap. IX et XXIX" de Minucius Felix. Et quand Clément d'Alexandrie (150-220 ap.JC) utilisait l'expression "le Signe du seigneur", tout le monde comprenait déjà, sans ambiguïté, qu'il voulait désigner la croix.

Chez les Chrétiens anciens, cependant, le symbole le plus souvent représenté restait le poisson car, en grec les lettres du mot "poisson" ("ICHTHYS") sont les mêmes que les initiales de "Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur" (Ie¯sous Christos, Theou Yios, Soter). C'est seulement par l'édit de Milan, en 312 ap.JC, que Constantin décida de faire de la croix latine (à quatre branches) l'emblème officiel du christianisme. Il interdit, par la même occasion, le supplice de la crucifixion pour les condamnés à mort en 337 ap.JC... mais le remplaça par l'exécution "SUB FURCA" : le condamné, attaché à un poteau en forme de Y majuscule, était fouetté jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et c'est seulement à partir des dernières années du IVème siècle que les représentations graphiques de la croix deviendront courantes.

Cependant, à l'époque ancienne, le sens du mot "CROIX" ainsi que la forme de l'objet qu'il désignait n'est pas aussi certaine que ce qu'on pourrait croire.

Dans la Bible originale, en grec, le mot que nous traduisons par "Croix" s'écrivait "STAUROS". STAUROS, en fait, désignait originellement un poteau vertical en bois, une perche, un pieu ou un pal. Même si, à notre époque, ce mot désigne en grec également une croix, rien n'indique qu'il en était déjà de même à l'époque de Jésus. Quand au verbe STAUROÔ, que nous traduisons par "Crucifier", il signifiait "Fixer à un STAUROS".

STAUROS sera ensuite traduit dans les Bibles latines par le mot "CRUX" (d'où dérivera le mot "CROIX" en francais). Mais, chez les Romains, à l'origine, le mot CRUX ne désignait lui aussi qu'un simple poteau droit ou une potence.

Jésus serait-il donc mort non sur une croix mais sur un simple poteau ?

En fait, les Romains pouvaient utiliser la CRUX de plusieurs facon pour supplicier les condamnés à morts, comme l'indique Sénèue le jeune dans son texte "De consolatione ad Marciam" :
"Je vois là-bas des croix (CRUX), pas seulement d'un seul mais de différents types: certaines ont leurs victimes avec la tête tournée vers le sol, certaines voient leurs parties intimes empalées, d'autres les voient étirer leurs bras sur une poutre horizontale (alli brachia patibulo explicuerunt)."

Les termes utilisés étaient les suivants :
- "CRUCI AFFIGERE" signifiait "Attacher à une CRUX".
- "IN CRUCEM SUFFIGERE" signifiait "Mettre sur une CRUX", celle-ci servant de pal.
- "PENDERE IN CRUCE" signifiait "Pendre à une CRUX, celle-ci servant de potence.

De plus, les romains connaissaient plusieurs sortes de CRUX pour les mises à mort. Lorsqu'ils voulaient être précis, ils distinguaient les types suivants :
- La "CRUX SIMPLEX" était un simple poteau d’une seule pièce sans barre transversale.
- La CRUX COMMISSA / CRUX SUMMISSA était en forme de T (Tau).
- La CRUX CAPITATA / CRUX IMMISSA avait la forme de la croix latine chrétienne actuelle.
- La CRUX DECUSSATA était en forme de X (comme l'actuelle "Croix de Saint André").

Alors, sur quel type de CRUX Jésus a-t-il été crucifié ?

Dans les anciens textes bibliques, le mot "CRUX / STAUROS" n'est cependant pas le seul employé pour désigner l'instrument de supplice des condamnés à mort : le mot "XULON" est également utilisé. XULON, en grec (ou "ETS" en hébreu), signifie "bois" et peut se traduire par "tronc d'arbre" ou "poutre de bois". Certains s'appuient la-dessus pour dire que Jésus a été supplicié sur un simple poteau de bois (CRUX SIMPLEX) et non sur une vraie croix avec un élément horizontal (CRUX CAPITATA ou COMMISSA).

Dans la Septante, en Esdras 6:11, il est écrit :
"Et voici l'ordre que je donne touchant quiconque transgressera cette parole : on arrachera de sa maison une poutre de bois, (XULON) on la dressera pour qu'il y soit attaché (ou pendu, ou empalé) et frappé."

Dans la Septante, dans le Deutéronome 21: 22-23, il est écrit :
"Si l'on fait mourir un homme coupable d'un péché passible de mort et que tu l'aies pendu à un bois (XULON), son cadavre ne passera pas la nuit sur le bois ; mais tu l'enseveliras le jour même, car celui qui est pendu est un objet de malédiction auprès de Dieu ; et tu ne devras pas souiller ton sol, que Yahwah ton Dieu te donne en héritage".

La "Michnah, Sanhédrin VI, 3" dit ceci :
"Suivant Rabbi Eliézer, tous les lapidés sont pendus ; mais les docteurs disent qu'on pend seulement les blasphémateurs et les idolâtres. On pend l'homme face au peuple et la femme face au bois, suivant Rabbi Eliézer ; mais les docteurs disent qu'on pend l'homme et pas la femme (...) Comment le pend-on ? On enfonce un bois en terre, ressortant, on joint les mains du condamné l'une sur l'autre et on le pend. Rabbi Yosé dit que le bois est appuyé sur un mur et qu'on le pend comme font les bouchers ; puis on le détache aussitôt, sinon on violerait l'interdiction 'de ne pas laisser pendue la malédiction de Dieu'."

Cependant, si celà montre que les Hébreux clouaient bien leurs condamnés sur un simple poteau de bois, rien n'indique que les Romains en aient fait autant avec Jésus.

Dans le Nouveau Testament en grec, le mot "XULON" est également parfois utilisé à la place de "STAUROS"...

Dans "Actes 5:30"il est écrit :
"Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous avez tué, en le pendant au bois (XULON)."

Dans "Actes 10:39" il est écrit :
"Nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l'ont tué, en le pendant au bois (XULON)".

Dans "Actes 13:29" il est écrit :
"Et, après qu'ils eurent accompli tout ce qui est écrit de lui, ils le descendirent de la croix (XULON) et le déposèrent dans un sépulcre".

Dans "Actes 16:249" il est écrit :
"Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit les ceps (XULON) aux pieds".

Dans "I Corinthiens 3:12" il est écrit :
"Or, si quelqu'un bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois (XULON), du foin, du chaume..."

Dans "Galates 3:13" il est écrit :
"Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : 'Maudit sera quiconque est pendu au bois (XULON)'."

Dans "I Pierre 2:24" il est écrit :
"... lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois (XULON), afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice..."

Mais on ne peut rien tirer de concluant de ces passages. En effet, XULON peut, certe, désigner un simple poteau de bois, mais rien ne l'empèche de désigner aussi n'importe quel objet de bois. Ainsi la poutre horizontale d'une croix est également un XULON.

D'autres textes juifs parlent aussi de Jésus pendu à un bois ("ETS" en hébreu)...

Dans le Talmud de Babylone, Sanhédrin 43a, il est écrit :
"La veille de Pâques, on a pendu Yéshu (Jésus). Pendant les 40 jours qui précédèrent l’exécution, un héraut allait en criant : 'Il sera lapidé parce qu’il a pratiqué la magie et trompé et égaré Israël. Si quiconque a quelque chose à dire en sa faveur qu’il s’avance en son nom'. Mais on ne trouva personne qui témoignât en sa faveur et on le pendit la veille de Pâques."

Dans un manuscrit du Josippon (recueil d'écrits en langue hébraïque) il est écrit :
"... Jeshu'ah ben Pandera le Nasoréen qui fit de grands miracles en Israël jusqu'à ce que les Pharisiens l'aient vaincu et le pendirent sur un bois."

Mais ces écrits, assez tardifs, sont trop imprécis pour apporter des précisions sur la forme de la croix de Jésus.

On notera cependant que, dans l'Ancien Testament, lorsqu’il est question de la défaite du roi d’Aï dans le livre de Josué, il est dit que les vainqueurs le firent "pendre à un bois" (ETS en hébreu). Or, la Septante (Bible en grec) traduit ce "bois ("ETS") par "XULON DIDYMON", c’est-à-dire "bois double". Cela semble signifier que cet instrument de bois était composé de deux parties, comme les CRUX COMMISSA ou CAPITATA.

Et on peut encore étudier d'autres textes anciens pour essayer de déterminer sur quel type de CRUX Jésus a été crucifié...

Vers 169 ap.JC, Lucien de Samosate, dans son texte "De morte Peregrini" parle du grand homme Jésus qui a été empalé en Palestine pour avoir introduit une célébration religieuse nouvelle. Le verbe grec utilisé est bien "anaskolopizein" qui signifie "empaler" et non pas "stauroo" qui signifie "crucifier". Celà indiquerait donc que Jésus a été empalé sur un pieux, un pal, une CRUX SIMPLEX. Mais en fait ce verbe pourrait peut-être se traduire aussi par "percer" et donc décrire un supplicié cloué sur une Croix.
A noter cependant que "anaskolopizein" ("mettre au pal") est plutôt employé pour les hommes empalés vivants alors qu'on emploit "anastauroun" / "anastaurizein" ("mettre en croix") pour les cadavres empalés.

Divers autres textes anciens peuvent être sollicités pour connaitre la forme de la "CRUX" de Jésus ...

Vers 130 ap.JC, l' "Epître de Barnabé 9.8"(un appendice du "Codex Sinaiticus") dit ceci :
"La croix en forme de T devait apporter la grâce."

Justin le Martyr (100/114 - 162/168 ap.JC), dans son texte "Dialogue avec Tryphon" (vers 160 ap.JC) a écrit :
"Et la forme humaine diffère de celle des irrationnels animaux quand on se tient debout avec ses mains étendues … et ceci représente la forme de la croix (...)
L’agneau , lorsqu’il est rôti , est disposé de manière à figurer la croix : l’une des broches dressées le transperce depuis les membres inférieurs jusqu’à la tête , l’autre au travers du dos, et on y attache les pattes de l’agneau (...)
Lorsque le peuple combattait Amalek , Moïse lui-même priait Dieu les mains étendues de chaque coté ; celui qui l’emportait, l’emportait par la croix . Ce n’est pas parce que Moïse priait ainsi que le peuple gagnait l’avantage , mais parce qu’en tête de combat était le nom de Jésus / Josué et que Moïse représentait sa croix ."


Irénée de Lyon (130-210 ap.JC), dans son livre "Contre les Hérésies II, 24,4", dit ceci :
"La structure même de la croix a cinq extrémités, deux dans la longueur, deux dans la largeur, et une au milieu, sur laquelle s'appuie le crucifié."

Vers 197 ap.JC, Tertullien écrivait ceci dans son livre "Ad Nationes" :
"Le morceau de bois qui est fixé dans la terre en position droite est une partie de la croix, et la partie la plus grande de sa masse. Mais une croix entière nous est attribuée, avec sa poutre transversale, naturellement."

Sur un mur du Mont Palatin, à Rome. on a retrouvé un graffiti datant probablement de peu de temps après 200 ap. JC. Effectué pour se moquer d’un chrétien, il représentait jésus sous la forme d'un âne crucifié sur une CRUX COMMISSA ou CAPITATA. (> Voir image)

Et les écrits des évangélistes vont dans le même sens...

Dans Jean 20.25, on lit :
"Si je ne vois dans ses mains la marque DES clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point."

Le mot "clous" étant au pluriel, cela montre bien qu'il y avait DES clous dans les mains de Jésus. Il n'avait donc pas les deux mains clouées par un seul clou au-dessus de sa tête, comme sur une CRUX SIMPLEX. Mais il avait les mains écartées comme sur une CRUX COMMISSA ou CAPITATA.

Et dans Matthieu 27.37, on lit :
"Pour indiquer le sujet de sa condamnation, on écrivit au-dessus de sa tête : 'Celui-ci est Jésus, le roi des Juif'."

S'il avait eu les mains en l'air (comme sur une CRUX SIMPLEX) on aurait plutôt écrit "au dessus de ses mains" et non pas "au-dessus de sa tête" (comme sur une CRUX COMMISSA ou CAPITATA).

Tous ces témoignages anciens vont dans le même sens : La croix de Jésus n'était pas un poteau (CRUX SIMPLEX) mais une CRUX COMMISSA ou une CRUX CAPITATA.

De plus, diverses découvertes archéologiques prouvent que la croix à quatres branches ("CRUX CAPITATA") était déjà utilisée comme symbole par les premiers Chrétiens à une époque ancienne, antérieure à l'édit de Milan par Constantin en 312 av.JC...

En 1862, une inscription murale au charbon a été découverte à Pompéi (datant donc d'avant sa destruction en 79 ap. JC), dans la maison appelée "l’auberge des Chrétiens". On peut la lire ainsi : "Bovios audit[t] Khristianos s[a]evos osores", c’est-à-dire "Bovios écoute les Chrétiens, cruels haineux". Dans une autre maison de Pompéi, une boulangerie, on a retrouvé aussi plusieurs croix à Pompéi, dont l'une en plâtre. Cependant certains en contestent l'attribution à des chrétiens à cause de la présence, dans le même lieu, de peintures représentant une divinité serpentiforme et des scènes obscènes.

En 1873, dans une grotte mortuaire du Mont des Oliviers, on a retrouvé 30 caisses rectangulaires en pierre abritant des restes de squelettes. L'un d'eux portait le nom "Juda" associé à une croix aux bras d’égale longueur. De plus, le nom "Jésus" apparaissait trois fois, dont deux en rapport avec une croix. Ces ossuaires devaient dater d'avant 135 ap. J.-C (seconde révolte juive) car, après cette date, les Romains ont interdit aux Juifs de pénétrer sur l’Aelia Capitolina (nouveau nom romain de Jérusalem).

En 1939, à Herculanum (datant donc d'avant sa destruction en 79 ap. J.-C), on a retrouvé une croix de bois clouée sur le mur d’une maison (la demeures dite “du Bicentenaire”). Dans le "Buried History, vol. 10, no 1, mars 1974, p. 15" on la décrit ainsi :
"Au dessous de cette croix il y avait un placard avec une marche devant. On pensait qu’il s’agissait d’un reliquaire ou d’une alcôve, mais il pouvait très bien s’agir d’un lieu de prière. […] Si cette interprétation est correcte, et les archéologues penchent fermement en faveur de la signification chrétienne du symbole et des meubles, alors nous sommes en présence d’une maison servant d’église."
(> Voir image)

En 1945, un ossuaire juif familial a été découvert à l’extrémité méridionale de la vallée de Kidron sur la route à Bethlehem. Dans l' "Ancient Times, vol. 3, no 1, juillet 1958, pp. 3-5", est décrite cette tombe :
"Deux des ossuaires portaient le nom ‘Jésus’ en grec […]. Le deuxième portait également quatre grandes croix […] Étant donné que les poteries, les lampes et la forme des lettres utilisées pour l’inscription permettent de dater la tombe d’une période située entre le 1er siècle av. JC et le milieu du 1er siècle ap. J.-C. au plus tard, cela veut dire que les inscriptions datent au plus tard de deux décennies après la crucifixion."
Une pièce de monnaie datant de 41 après J-C y a également été trouvée. Le plus intéressant, est que dans l’un des cercueils, l’inscription du nom Jésus était suivi de l’exclamation "Y'HO". Ce qui pourrait se traduire par "Jésus est Yahweh" ou "A Jésus, Yahweh".

Tous ces éléments semblent bien prouver que la croix de Jésus n'était pas un poteau (CRUX SIMPLEX) mais une croix à quatre branches (CRUX CAPITATA).

On remarquera que, à part la CRUX SIMPLEX qui était réduite à un simple poteau vertical, les autres CRUX étaient composites (CRUX COMPOSITA). La CRUX COMMISSA et la CRUX CAPITATA se composaient de deux éléments : Un montant vertical appelé "STIPE" et une poutre horizontale appelée "PATIBULUM", "FURCA" ou "ANTENNA". Le mot "patibulaire" dérive de cette racine et désigne un homme qui mériterait d'être crucifié sur un patibulum.
En général le STIPE restait fixé en terre et seul le PATIBULUM était rajouté pour chaque excécution. Et c'était le condamné à mort qui devait le porter jusqu'au lieu de son supplice (d'après Sénèque dans "De Vita Beata 19:3 ; Epistola 101:12" et d'après Tacite dans "Historiae, IV, 3"). Dans Plaute aussi on lit à ce sujet : "Il portait son PATIBULUM à travers la ville."
Si Jésus a vraiment été crucifié sur une croix de type "CRUX COMPOSITA" (CAPITATA ou COMMISSA), il n'a donc du porter que le PATIBULUM horizontal et non la croix entière (celle-ci aurait d'ailleurs été bien trop lourde pour un homme affaibli par une flagellation : 40 à 50 kg).
Parfois d'autres éléments de bois étaient rajoutés à la croix : Une SEDULA (SEDILE) permettant au supplicié de s'asseoir, et un SUPPEDANEUM servant de support à ses pieds.

Certains pensent que Jésus aurait pu être crucifié sur une CRUX COMMISSA (en forme de T) mais que l'adjonction d'un panneau ("TITULUS") au-dessus de sa tête (portant l'inscription "I.N.R.I") l'aurait fait ressembler à une "CRUX CAPITATA" (cruciforme). Toutefois rien de vraiment concluant ne permet de démêler cette question.

On notera que les condamnés étaient d'ordinaire attachés à la croix avec des cordes. Cependant des clous sont bien mentionnés dans les "Guerres juives V,2" de Flavius Josephe, dans ce passage au sujet du Siège de Jérusalem en 70 ap.JC :
"Les soldats, ivres de fureur et de haine, ont cloué ceux qu'ils ont attrapés, l'un après l'autre, à des croix, pour s'amuser".

En 1968, à Giv'at mivtar au nord-est de Jérusalem, on a retrouvé dans une fosse commune les squelettes de 35 Juifs qui avaient été exécutés à l'époque de la révolte anti-Romaine de 70 ap.JC. Une inscription identifiait l’un d’eux sous le nom de Yehohanân ben Shaggol (Yohan Ben Ha’galgol) : il s’agissait d’un homme mesurant 1m 68cm, crucifié alors qu'il avait entre 24 et 28 ans. Une étude a montré que ses bras avaient été étendus à l'horizontale, attachés sur un PATIBULUM, et non au-dessus de la tête comme sur une CRUX SIMPLEX. Les os des poignets ne portaient aucune trace de clou, mais des éraflures étaient bien marquées sur le radius droit. Il semble donc que c'était là les signes de la place des clous (ou d'une corde ?) qu’il nous faut placer plus haut que le poignet. Au moins un clou de fer, long de 11,5 cm, lui transperçait les talons, tournés vers l'extérieur. (> Voir reconstitutions)

Les récits romains historiques et les travaux expérimentaux ont établi que les clous des condamnés étaient plantés à travers ce qu'on appelle l’"espace de Destot", entre les petits os des poignets (radial et cubitus), et non pas dans les paumes. Si les clous avaient été plantés dans les paumes, ils auraient déchiré la peau et seraient sortis des mains sous le poids du corps humain. L'idée fausse que Jésus a eu les mains percées a peut-être sa source dans une mauvaise compréhension des paroles de Jésus à Thomas : "Observez mes mains." En hébreu, le mot qu'on traduit par “main” ("YADH") inclut également le poignet. C'est ce qu'on voit dans des textes tels que "Genèse 24:47", qui parle de bracelets portés aux “mains”, et dans " Juges 15:14", où il est question d’entraves qui étaient sur les “mains” de Samson.

On a déterminé qu'un condamné comme Jésus, ainsi attaché les bras écartés sur la croix, était maintenu au bord de la suffocation et ne pouvait tenter de reprendre son souffle qu'en s'appuyant sur les pieds ou sur la SEDULA, s'il y en avait une. Le supplicié mourait donc, finalement, d'étouffement et d'épuisement en quelques heures. Et s'il survivait trop longtemps, les Romains lui brisaient les tibias, ce qui lui interdisait définitivement de prendre appui sur les pieds (cf " Jean 19:31-33"). Ils provoquaient ainsi une suffocation rapide, puisque le condamné ne pouvait plus pousser sur ses jambes pour lui permettre de gonfler ses poumons. En ce qui concerne le supplicié de Giv'at mivtar, on a observé que ses jambes avaient été écrasées en dessous des genoux pour accélérer sa mort. Le tibia droit semblait avoir reçu le coup le plus dur, car il était fractionné en de multiples éclisses; et le tibia gauche portait une seule cassure en dents de scie.
Par contre, le docteur autrichien Hermann Moedder démontra en 1948 que si on pendait un homme sur un poteau (CRUX SIMPLEX), donc avec les mains au-dessus de la tête, il mourrait de suffocation après environ six minutes seulement. La durée de l'agonie de Jésus est donc compatible avec l'emploi d'une CRUX COMPOSITA (CRUX COMMISSA ou CRUX CAPITATA) et non d'un simple poteau (CRUX SIMPLEX).

Finalement, il semble donc bien que la tradition chrétienne avait raison en ce qui concerne la forme de la croix.


Note à propos de la pancarte (TITULUS) que les Romains avaient accroché sur la croix :

Elle portait l'inscription "I.N.R.I", ce qui signifie "Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum" ("Jésus le Nazaréen, roi des Juifs").
On remarquera cependant que, si on traduit cette phrase en hébreu, on obtient ceci : "Yeshoua Ha-Nazir WeMelekh Ha-Yehoudim" ... ce qui correspond aux initiales du Tétagramme divin : "Y.H.W.H".
Est-ce une coïncidence ?".