Extrait de "La vie contemplative ou les vertus
des suppliants", par Philon d'Alexandrie :
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De toutes parts les Thérapeutes les
plus éminents sont envoyés en colonie dans un
lieu fort propice, qui paraît considéré
comme la patrie de la secte; ce lieu est situé au bord
du lac Maria (Maréotis), sur une colline peu élevée,
aussi bien choisie pour la sûreté du lieu que
pour la pureté de l'air. La sûreté est
fournie par une ceinture de métairies et de villages,
et la bonté de l'air provient des brises continuelles
qui s'élèvent non-seulement du lac à
son embouchure dans la mer, mais encore de la mer elle-même
qui est voisine. Les brises du large sont subtiles, celles
de l'embouchure du lac sont épaisses, et de leur mélange
résulte un état atmosphérique très
salubre.
Les habitations des solitaires réunis sont très
simples et leur fournissent un abri contre deux choses qu'il
faut de toute nécessité combattre, l'ardeur
du soleil et les rigueurs du froid ; elles ne sont pas contiguës,
comme dans les villes (les embarras du voisinage seraient
importuns à des gens qui désirent et recherchent
la solitude) ; elles ne sont pas éloignées,
à cause de la communauté qu'ils aiment, et afin
de pouvoir se porter mutuellement secours, s'ils étaient
attaqués par les voleurs.
Dans chaque habitation se trouve un lieu sacré, qu'on
appelle Semnée ou Monastère. C'est là
que dans l'isolement ils accomplissent les mystères
de leur sainte vie. Ils n'y apportent ni boisson ni aliment,
ni rien de ce qui est nécessaire aux besoins du corps,
mais la loi, les oracles sortis de la bouche des prophètes,
des hymnes et ce qui est de nature à accroître
et perfectionner la science et la piété.
La pensée de Dieu leur est toujours présente,
au point que, même dans leurs songes, ils n'aperçoivent
rien autre chose que les beautés des Vertus de Dieu
et de ses Puissances. Beaucoup d'entre eux parlent durant
le sommeil et reçoivent en songe la révélation
des plus hauts enseignements de la science sacrée.
Ils ont l'habitude de prier deux fois chaque jour, le matin
et le soir. Au lever du soleil, ils implorent un jour heureux,
véritablement heureux, et demandent que leur intelligence
s'emplisse de la lumière céleste ; au coucher
du soleil, ils demandent que leur âme, entièrement
affranchie des entraves des sens et du poids des choses sensibles,
puisse retirée en elle-même et comme dans son
conseil, se livrer à la recherche de la vérité.
L'espace compris entre le matin et le soir est tout entier
employé à la méditation. Ils étudient
les saintes Écritures et appliquent à la philosophie
de nos ancêtres la méthode de l'allégorie.
Ils croient, en effet, que le sens littéral couvre
un sens mystérieux que l'interprétation dévoile.
Ils possèdent aussi des écrits composés
à une époque reculée par les fondateurs
de la secte. Ces fondateurs ont laissé de nombreux
commentaires qui contiennent des modèles d'allégories
et dont leurs successeurs se servent pour en composer d'autres
en les imitant…
Ils ne se livrent pas seulement à la contemplation,
ils composent aussi à la louange de Dieu des hymnes
et des cantiques, dont le mètre et la mélodie
varient, mais qu'ils adaptent, comme il convient, à
un rythme grave.
Pendant six jours, chacun d'eux reste isolé, occupé
à la philosophie, dans le monastère dont j'ai
parlé, sans franchir le seuil de sa retraite, même
sans jeter dehors un regard. Le septième jour, ils
se réunissent comme pour un entretien commun. Ils s'assoient
suivant l'ordre de l'âge, dans une attitude recueillie,
ayant les mains ramenées vers le corps, la droite entre
la poitrine et la barbe, la gauche tombant sur le flanc.
Alors s'avance et prend la parole le plus âgé
et le plus versé en science. Sa physionomie est grave,
sa voix est grave; son discours est plein de raison et de
sagesse; il n'a pas l'éclat de ceux des rhéteurs
et des sophistes de notre temps : il ne vise qu'à la
clarté de l'expression et à la précision
des pensées, et, de la sorte, n'effleure pas seulement
les oreilles, mais, par l'ouïe, pénètre
dans l'esprit et s'y établit fermement. Tous les autres
l'écoutent en silence et ne manifestent leur approbation
que par un clin d'yeux ou un signe de tête.
Le Semnée commun dans lequel ils se réunissent
le septième jour est formé par une double enceinte,
l'une réservée aux hommes, l'autre aux femmes
: car il est d'usage d'admettre à écouter ce
discours les femmes qui ont embrassé le genre de vie
de la secte. L'édifice est partagé par un mur
de trois ou quatre coudées de haut, en forme de parapet.
Du sommet de ce mur jusqu'au toit l'espace est vide. Il y
a de cette disposition deux motifs ; le premier, c'est de
respecter la pudeur qui convient au sexe de la femme ; le
second, de ne pas arrêter la voix de l'orateur.
Apres avoir fait de la tempérance le fondement de leur
âme, ils édifient sur cette base les autres vertus.
Aucun d'eux ne goûte d'aliment ou de boisson avant le
coucher du soleil, car ils estiment que si l'étude
de la philosophie est digne de la lumière, les nécessités
du corps ne méritent que les ténèbres
; c'est pourquoi, à la philosophie ils consacrent le
jour, au corps ils ne donnent qu'un court espace de la nuit.
Quelques-uns, chez lesquels la passion de la science est encore
plus forte, restent trois jours sans songer à la nourriture.
Il y en a même qui trouvent tant de charmes et de jouissance
à ce festin où la sagesse leur prodigue les
trésors de ses enseignements, qu'ils supportent l'abstinence
deux fois plus longtemps, et prennent à peine, au bout
de six jours, la nourriture nécessaire. Ainsi les cigales
vivent, dit-on, de rosée, et trompent, à mon
avis, la faim par leurs chants.
Il y a une réunion du septième jour qu'ils considèrent
comme la plus sainte et la plus solennelle, et qu'ils ont
jugée digne d'une célébration particulière.
Ce jour-là, après les soins donnés à
l'âme, ils fêtent le corps, qu'ils traitent comme
une bête de somme, et dont ils suspendent pour un temps
le labeur. Ils ne mangent rien de recherché, mais simplement
du pain, assaisonné de sel, et auquel les plus délicats
joignent de l'hysope ; ils ont pour boisson l'eau des sources.
Ils cherchent à satisfaire les deux maîtresses
que nous a données la nature, la faim et la soif, et
ne leur offrent rien qui puisse les flatter, mais seulement
les choses nécessaires et sans lesquelles on ne peut
vivre. Pour ce motif, ils mangent de façon à
n'avoir plus faim, ils boivent de façon à n'avoir
plus soif, évitant la satiété comme un
ennemi dangereux de l'âme et du corps.
Ils ont deux sortes d'abris, le vêtement et l'habitation.
J'ai déjà dit de leur habitation qu'elle était
sans recherche, construite à la hâte et en vue
de la nécessité seule; leur vêtement est
de même très simple, destiné à
les protéger contre le froid et la chaleur : c'est,
l'hiver, un épais manteau, en place de peau de bête
avec sa fourrure, et l'été, une exomide, ou
une tunique de lin.
En toute chose, ils pratiquent l'humilité ; sachant
bien que l'orgueil vient du mensonge, et l'humilité
de la vérité; que ces deux choses sont comme
deux sources ; que du mensonge découlent toutes les
espèces de maux, et de la vérité tous
les trésors des biens humains et divins.
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Je vais mettre en regard les banquets des hommes qui ont consacré
d'une manière spéciale leur vie et leurs personnes
à la connaissance et à la contemplation des
choses de la nature, sous l'inspiration des saints préceptes
du prophète Moïse.
Ils se réunissent d'abord après un intervalle
de sept semaines ; car ils n'honorent pas seulement le nombre
sept en lui-même, mais aussi son carré, qu'ils
savent être pur et toujours vierge. Le jour de cette
réunion arrive la veille de leur plus grande fête,
laquelle tombe au cinquantième jour; il représente
le plus saint et le plus naturel des nombres, résultant
du carré du triangle rectangle, principe de la génération
et de l'agencement de l'univers.
Ils se rassemblent donc en habits blancs, portant dans l'allégresse
une gravité profonde. Au signal donné par l'un
des éphiméreutes (c'est le nom qu'ils ont l'habitude
de donner à ceux qui remplissent cet office), avant
de se mettre à table, ils se placent tous à
la suite, en rang, avec ordre, et lèvent leurs yeux
et leurs mains vers le ciel ; leurs yeux, car ils sont formés
à regarder les choses dignes de contemplation ; leurs
mains, car elles sont pures de toute tache, et rien de ce
qui touche la recherche du gain ne les a jamais souillées.
Ils prient Dieu de leur être propice et de leur accorder
un festin intellectuel.
Après la prière, les plus âgés
prennent place à la table, selon le rang que donne
l'admission dans la secte. En effet, ils ne considèrent
pas comme des vieillards ceux qui sont avancés en âge
et ont les cheveux blancs; ils les considèrent comme
des jeunes gens ou des adolescents, s'ils se sont senti tardivement
du goût pour la vie contemplative. Ceux-là sont
réputés vieux, qui, depuis le premier âge,
ont passé leur jeunesse et atteint la maturité
dans la partie contemplative de la philosophie, qui est assurément
la plus belle et la plus divine.
Les femmes prennent part au repas. Elles sont pour la plupart
âgées et vierges ; elles conservent la chasteté,
non par nécessité, comme certaines prêtresses
chez les Grecs, mais volontairement, obéissant à
l'attrait et au désir de la sagesse, qui les pousse
à embrasser la vie des solitaires. Dédaignant
les plaisirs du corps, elles aspirent, non pas à la
génération charnelle, mais à cette génération
céleste, que, seule, l'âme éprise de Dieu
peut accomplir d'elle-même, fécondée par
les rayons intellectuels que le Père fait descendre
en elle comme une semence, et qui lui manifestent les enseignements
de la sagesse.
Les places à table sont réglées de sorte
que les hommes et les femmes demeurent séparés,
les premiers à droite, les secondes à gauche.
On songe ici sans doute aux tapis, je ne dis pas somptueux,
mais du moins moelleux, que l'on a dû préparer
à ces hommes qui sont bien nés, de mœurs
polies, et qui pratiquent la philosophie. Ces tapissent d'une
matière commune, des nattes de la dernière simplicité,
faites avec le papyrus du pays, et qui se relèvent
légèrement à l'endroit où se posent
les coudes, afin de servir d'appui. Ils se relâchent
un peu de la rigidité lacédémonienne;
mais, s'ils observent en tout et toujours une noble frugalité,
ils n'en abhorrent pas moins les charmes de la volupté.
Ils ne sont pas servis par des esclaves, car ils pensent que
posséder des serviteurs et des esclaves est chose tout
à fait contraire au droit de la nature. La nature nous
a tous engendrés libres; les injustices et l'avarice
de quelques hommes, qui cherchaient à établir
l'inégalité, source de tous maux, ont courbé
les plus faibles sous le joug des plus forts.
Dans ce festin sacré, il n'y a, je le répète,
aucun esclave : ce sont des hommes libres qui servent et satisfont
aux besoins de la table, non pas contraints, ou sur les ordres
qu'ils attendent, mais en prévenant spontanément,
avec zèle et empressement, les demandes des convives.
Parmi les hommes libres, cet office n'est pas dévolu
aux premiers venus, mais aux jeunes gens de la communauté,
que l'on choisit avec le plus grand soin, par rang de mérite,
en sorte qu'ils doivent être à la fois élégants,
nobles, et sur le chemin de la plus haute vertu. Ces jeunes
gens semblent des fils heureux et empressés autour
de leurs pères et de leurs mères ; car ils voient
dans les convives des parents communs auxquels les attache
un lien plus étroit que celui du sang. Pour ceux qui
jugent sainement, rien, en effet, ne crée une plus
forte attache que la pratique du beau et du bien.
Au moment du repas, ils entrent dans la salle, vêtus
de tuniques longues, sans ceinture, pour bannir de ce festin
tout ce qui pourrait avoir un aspect de servilité.
Il y en a, je le sais, qui riront en entendant cela; mais
ceux-là seuls riront dont la conduite est de nature
à exciter les gémissements et les larmes.
Dans ces jours, ils ne boivent pas de vin, mais de l'eau très
limpide, froide pour le plus grand nombre, tiède pour
les vieillards les plus délicats.
La table est pure de mets sanglants; elle offre pour nourriture
du pain, pour condiment du sel ; on y joint de l'hysope pour
assaisonnement, à l'usage de ceux qui veulent se régaler.
Comme les prêtres dans les Niphales, ils s'abstiennent
de vin, et la droite raison leur prescrit ce genre de vie,
car le vin est un breuvage de folie, et la variété
des mets excite la plus insatiable des bêtes, la concupiscence.
Tels sont les préliminaires du banquet. Quand les convives
ont pris place à table dans l'ordre que j'ai dit, quand
les servants se tiennent debout rangés, prêts
à remplir leur office, n'est-il pas question de boire,
dira quelqu'un? Tout au contraire, un silence plus profond
qu'auparavant s'établit, à ce point que nul
n'oserait murmurer ou même respirer trop fort. L'un
d'entre eux propose une question tirée de l'Écriture
Sainte ou bien résout une question posée par
un autre, sans s'inquiéter de la solution qu'il apporte
; car il ne cherche pas la gloire qui s'attache à l'éclat
du discours; il n'a d'autre désir que de voir exactement
ce dont il s'agit, et, l'ayant vu, de ne pas s'en prévaloir
sur ceux qui lui sont inférieurs en perspicacité,
parce qu'ils ont un désir d'apprendre égal au
sien.
Il enseigne donc à loisir, sans crainte des répétitions
ou des longueurs, gravant les pensées dans les âmes.
Dans les explications, données d'une manière
rapide et sans pause, il arrive, en effet, que l'esprit de
ceux qui écoutent, ne pouvant suivre, reste en arrière,
et que l'intelligence des choses qu'on dit lui échappe.
Tourné vers l'orateur, l'auditoire attentif, dans une
seule et même attitude, l'écoute ; il témoigne
qu'il suit et comprend par un signe de tête ou le jeu
de la physionomie ; qu'il approuve, par un air d'allégresse
et une expression épanouie; qu'il est d'un autre avis,
en branlant doucement la tête et en dressant un doigt
de la main droite. Les jeunes gens qui assistent n'écoutent
pas avec moins de soin que ceux qui sont à table.
Les commentaires des saintes Écritures consistent en
interprétations au moyen des allégories.
L'ensemble de la loi leur paraît ressembler à
un animal : les préceptes en sont le corps, et l'âme
est représentée par l'esprit invisible caché
sous les expressions. C'est dans cet esprit que la Raison,à
laquelle les mots servent de miroir, commence à s'apercevoir
clairement elle-même et découvre sous les phrases
les beautés extraordinaires des pensées; elle
ouvre ensuite l'enveloppe qui les recouvre, et met à
nu et au jour l'objet de sa recherche, mais pour ceux-là
seuls qui peuvent, sur le moindre indice, voir l'invisible
à travers le visible.
Quand il semble que le président a assez parlé,
et que tout s'est passé à souhait, l'orateur
ayant discouru à propos, et l'auditoire ayant profité
de son discours, un applaudissement unanime s'élève
qui marque le plaisir qu'ils éprouvent.
Alors, le président se lève et chante un hymne
à Dieu, qu'il a récemment composé lui-même
ou tiré de quelque ancien poète. Les poètes
ont, en effet, laissé des mètres et des chants,
sous forme, de vers trimètres, de cantiques, destinés
à être chantés pendant les libations,
autour de l'autel, en repos, en procession, en marche, bien
adaptés aux nombreuses évolutions du chœur.
A la suite du président chacun en fait autant, avec
ordre, avec la décence qui convient, les autres écoulant
dans le plus grand silence, excepté quand il faut chanter
les dernières paroles de l'hymne et du refrain, car
alors tous, hommes et femmes, unissent leurs voix.
Lorsque chacun a chanté son hymne, les jeunes gens
apportent la table dont j'ai parlé, sur laquelle se
trouve le mets sacré par excellence, c'est-à-dire
du pain fermenté, assaisonné de sel, auquel
on joint de l'hysope. C'est par vénération pour
la table sainte, dressée dans le vestibule du temple.
Sur cette table, en effet, il y a des pains et du sel, mais
sans aucune douceur : car le pain est azyme, le sel est sans
mélange. Pourquoi? C'est qu'il convenait d'accorder
à la classe éminente des prêtres, en récompense
du service divin, des choses d'une simplicité et d'une
pureté extrêmes; les autres hommes doivent se
former là-dessus, mais pourtant s'abstenir de ces pains,
afin de conserver leur privilège à ceux qui
sont supérieurs.
Après le repas, ils célèbrent la veillée
sacrée. Voici comment :
Ils se lèvent tous et se groupent d'abord, au milieu
de la salle du festin, de façon à former deux
chœurs, celui des hommes et celui des femmes. On choisit
pour conduire chacun d'eux la personne la plus respectée
et qui sait le mieux chanter. Ensuite, ils entonnent à
la louange de Dieu des hymnes composés avec des mètres
et sur des airs différents; tantôt leurs voix
s'unissent, tantôt elles se répondent en harmonies
dont leurs gestes marquent la cadence. Ils dansent au milieu
de saints transports ; tantôt ils marchent, tantôt
ils s'arrêtent, exécutant les strophes et les
antistrophes en rapport avec ces mouvements.
Lorsque chacun des chœurs s'est séparément
rassasié de ce plaisir, comme il arrive dans les fêtes
de Bacchus, enivrés du vin de l'amour de Dieu, ils
se mêlent. Les deux chœurs n'en forment plus qu'un,
à l'imitation de celui qui fut formé jadis au
bord de la mer Rouge, à cause de l'étonnant
prodige qui s'y était opéré. En effet,
la mer, à l'ordre de Dieu, sauva un peuple et engloutit
l'autre ; les flots furent violemment séparés
et affermis des deux côtés en forme de murailles;
l'espace intermédiaire, rendu libre, fournit au peuple
hébreu une route large et sèche qui lui permit
de traverser la haute mer et d'atteindre le rivage du continent
opposé ; puis, les eaux refluant inondèrent
de part et d'autre le sol laissé à découvert,
et les ennemis dans leur poursuite furent engloutis et périrent.
A la vue de ce prodige accompli pour eux, et qui dépassait
l'imagination et l'espérance, les hommes et les femmes,
saisis d'enthousiasme, célébrèrent par
leurs chants Dieu leur sauveur. Le chœur des hommes était
conduit par le prophète Moïse, celui des femmes
par la prophétesse Marie.
C'est surtout à l'image de ce chœur que celui
des Thérapeutes et des Thérapeutrides est composé
de chants qui se combinent et se répondent ; les voix
graves des hommes, mêlées aux voies aiguës
des femmes, produisent un ensemble harmonieux et véritablement
musical. Les pensées sont très belles, les paroles
ne le sont pas moins ; les danses sont graves. Pensées,
paroles et danses ont le même but, la piété.
Ils se plongent jusqu'au matin dans cette noble ivresse, qui,
loin d'alourdir leur tête, d'appesantir leurs paupières,
les tient plus alertes que quand ils sont arrivés au
festin. Le matin venu, leurs regards et tout leur corps se
tournent vers l'Orient. Quand ils aperçoivent les premiers
rayons du soleil, ils lèvent leurs mains au ciel, implorent
un jour heureux, la connaissance de la vérité
et la lucidité de l'intelligence.
Après cette prière, chacun regagne son semnée
pour y reprendre, comme à l'ordinaire, la culture de
la philosophie.
Voilà ce que j'avais à dire des Thérapeutes,
qui, s'étant adonnés à la contemplation
de la nature, vouent tous les instants de leur vie à
cette contemplation et au soin exclusif de l'âme. Citoyens
du ciel et du monde, leur vertu les a rendus chers au Père
et au Créateur de l'univers ; dans cette amitié
céleste ils ont trouvé la plus digne des récompenses,
et, préférant à toute sorte de bonheur
la pratique du beau et du bien, ils se sont élevés
au comble de la félicité.
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