Le polythéisme
juif :
Même si Moïse,
d'aprés la Bible, avait apporté le monothéisme aux Hébreux
(influence du culte monothéiste d'Aton en Égypte ?), il semble
bien que ceux-ci étaient resté longtemps polythéistes comme
le révèlent leurs propres documents.
Le Dieu national était appelé "El" dans le nord (en Samarie)
et était appelé "Yahweh" dans le sud (en Judée). Le nom de
yahweh avait probablement été apporté par Moïse et était celui
du Dieu principal des Madianites Qénites. Une liste d’Aménophis
III, retrouvée à Soleb, les appelle "les Shosous (Bédouins)
de YHW". Moïse était le gendre de Jetro, prètre des Madianites.
On a démontré que le texte de la Genèse avait été formé par
l'union de deux textes : l'un écrit en Samarie ou Dieu est
appelé El (source Elhoïste), et un écrit en Judée ou Dieu
est appelé Yahweh (source Yahviste). Mais la fusion de ces
deux dieux en un seul ne veut pas dire qu'il était un dieu
unique. En fait ce dieu n'était que le plus important parmi
un véritable panthéon.
Dans la Genèse 1, il est écrit :
"Au commencement les dieux
créèrent les cieux et la terre."
-----> Le texte dit bien Elohim ("Dieux") et non pas "El" ("Dieu").
Mais cela n'est peut-être pas une preuve absolue car cette
expression pourrait n'être qu'un pluriel dit "de majesté". Ainsi on remarquera que dans Genèse 3;5, il est écrit "Elohim", qui signifie "Dieux" au pluriel, et non pas "ha-Elohim", qui signifierait "les dieux".
L'expression pourrait aussi être un pluriel dit "emphatique"
(comme dans "les eaux"). Ainsi, dans
Genèse 1,3, le verbe de la
phrase "Dieux dit" est au singulier : son sujet n'est donc
pas un vrai pluriel. Idem dans
la Genèse 22,1 où le verbe "éprouva", qui suit "ha-Elohim",
est également au singulier.
On trouve d'ailleurs d'autres exemples de sujets pluriels de
type emphatique suivis d'un verbe au singulier (ainsi : "les
eaux", suivi d'un verbe au singulier dans Nb 19,13, 24,7).
Cependants il arrive aussi que le mot "Elohim" soit
suivi d'un verbe conjugué au pluriel, comme par exemple
dans la Genèse 1,26 ("Dieu dit" / "Dieux
disent").
Certains pensent cependant que "Elohim" pourrait
ne pas représenter le pluriel de "El", mais
serait plutôt la déformation de "Elhouhem".
Ce terme signifiant "Lui, leur Dieu", c'est à
dire "le Dieu des patriarches" (El = Dieu, Hou =
Lui, Hem = eux). Et le "Eloha", qui apparait parfois,
ne représenterait pas le féminin de "El"
mais la déformation de "Elhouha" qui signifie
"Lui le Dieu" (El = Dieu, Hou = Lui, Ha = le).
Il est donc difficile de conclure.
D'un autre côté, dans
la Genèse 6;1-4, il est écrit :
Et il arriva quand les
hommes commencèrent à se multiplier sur la face de la terre
et que des filles leur furent nées,
que les fils de Dieu (bene'elim) virent les filles des hommes,
qu’elles étaient belles, et ils se prirent des femmes d’entre
toutes celles qu’ils choisirent.
Et l’Éternel (Yahweh) dit : Mon Esprit ne contestera pas
à toujours avec l’homme, puisque lui n’est que chair ; mais
ses jours seront cent vingt ans.
Les géants étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi
après que les fils de Dieu (bene-ha-elim) furent venus vers les
filles des hommes et qu’elles leur eurent donné des enfants
: ceux-ci furent les vaillants hommes de jadis, des hommes
de renom.
-----> On voit bien ici que ces êtres descendus du ciel sont
appelés "fils de Dieu" (bene'elim) sans confusion possible...
donc c'étaient des dieux. Ce n'est que plus tard, dans le Livre d'Enoch, qu'on tentera d'en
faire une catégorie d'êtres angéliques déchus appelés "irins"
(="veilleurs"). Mais à l'origine, absolument rien n'indique
qu'on les prenait pour des anges.
Dans le Deutéronome 328-17, il est écrit :
"...Quand le Très-haut
(Élyôn) partageait l’héritage aux nations, quand il séparait
les fils d’Adam, il établit les limites des peuples selon
le nombre des enfants d’Israël (ou plutôt : 'des fils de Dieu'
/ 'Bene El' dans la version originale retrouvée à Qmran et dans la Septante).
Car la portion de l’Éternel (Yahweh), c’est son peuple ;
Jacob est la part de son héritage.
Il le trouva dans un pays désert et dans la désolation
des hurlements d’une solitude ; il le conduisit çà et là ;
il prit soin de lui, il le garda comme la prunelle de son
œil.
Comme l’aigle éveille son nid, plane au-dessus de ses petits,
étend ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes, L’Éternel (Yahweh) seul l’a conduit, et il n’y a point
eu avec lui de dieu étranger.
Il l’a fait passer à cheval sur les lieux hauts de la terre
; et il a mangé le produit des champs, et il lui a fait sucer
le miel du rocher, et l’huile du roc dur ;
Le caillé des vaches, et le lait des brebis, et la graisse
des agneaux et des béliers de la race de Basan, et des boucs,
avec la fine graisse du froment ; et tu as bu le vin pur,
le sang du ra/?isin.
Mais Jeshurun s’est engraissé, et a regimbé : tu es devenu
gras, gros, replet ; et il a abandonné le Dieu (Eloha) qui
l’a fait, et il a méprisé le Rocher de son salut.
Ils l’ont ému à jalousie par des dieux étrangers ; ils
l’ont provoqué à colère par des abominations.
Ils ont sacrifié aux démons qui ne sont point Dieu (Eloha),
à des dieux qu’ils ne connaissaient pas, dieux nouveaux, venus
depuis peu, que vos pères n’ont pas révérés...".
-----> Selon la version la plus ancienne du texte du Deutéronome
32, (la version grecque et celle trouvée à Qumran), Yahweh
le dieu national d’Israël, est présenté comme faisant partie
de l’assemblée des dieux (ou des fils de Dieu) présidée par
El-Elyôn (Dieu trés haut), le premier des dieux et leur père
à tous. Yahweh n’est donc qu’une divinité parmi d’autres.
El-Elyôn, le dieu suprême, préside au partage des peuples
du monde entre les différentes divinités, ses fils, et c’est
à Yahweh / Elhoa que revient Israël, appelé ici Jacob. Yahweh
/ Elhoa se montre d'ailleurs trés jaloux et n'accepte pas
que les autres dieux (dieux étrangers) viennent intervenir
dans sa gouvernance d'Israël.
Dans le Psaume 82;1-8 (Psaume d’Asaph), il est écrit :
Dieu (El) se tient dans
l’assemblée des dieux (Elohims) ; il juge au milieu des dieux
(Elohims).Jusques à quand jugerez-vous injustement et ferez-vous acception
de la personne des méchants ?
Faites droit au misérable et à l’orphelin, faites justice
à l’affligé et au nécessiteux. Délivrez le misérable et le pauvre, sauvez-le de la main
des méchants.
Ils ne connaissent ni ne comprennent, ils marchent dans
les ténèbres : tous les fondements de la terre chancellent.
Moi j’ai dit : Vous êtes des dieux, et vous êtes tous fils
du Très haut (Elyôn).
Mais vous mourrez comme un homme, et vous tomberez comme
un prince quelconque. Lève-toi, ô Dieu ! Juge la terre ; car toutes les nations
sont à toi....
-----> Ici aussi Yahweh / El ne préside pas l'assemblée divine,
comme on le soutient ordinairement. Il est un des fils d'Elyôn
et un membre de l'assemblée, qui accuse les autres dieux (Elhohims)
d'abus de leur charge (incurie dans le gouvernement du monde)
et annonce leur chute. Ces versets sont le "mythe" permettant
d'expliquer pourquoi c'est Yahweh / El qui est devenu le seul
gouvernant du monde par la suite.
Le psaume 89;7 exprime la même chose :
"...Dieu est extrêmement
redoutable dans l’assemblée des Saints, et terrible au milieu
de tous ceux qui l’entourent.."
-----> Le mot que l'on traduit habituellement par "Saints" est, en fait, "Bene'elim" qui signifie "Fils de Dieu". Ils sont donc semblables aux Banu ilim des Ougaritains, Phéniciens et Ammonites.
Et le psaume 29;1 va dans le même
sens :
"Donnez à Yahweh,
ô fils des dieux (Bene Elim), donnez à Yahweh
gloire et force."
Et le Psaume 8:4-5 compare l'homme AUX dieux :
"Qu'est-ce que l'homme, que tu te souviennes de lui, et le fils d'Adam, que tu le visites ?
Tu l'as fait de peu inférieur aux dieux (Elohim), et tu l'as couronné de gloire et d'honneur."
------> Ici, ce mot de "dieux" sera traduit plus tard par "anges".
Et dans l'Exode 7;1, on voit que l'Eternel peut élever au rang de dieu qui il veut :
"L'Éternel dit à Moïse : Vois, je t'ai fait Dieu pour le Pharaon ; et Aaron, ton frère, sera ton prophète."
Et dans Juges 11;21-24 il est écrit :
"...Et l’Éternel (Yahweh), le Dieu d’Israël, livra Sihon et
tout son peuple en la main d’Israël, et Israël les frappa
; et Israël prit possession de tout le pays des Amoréens qui
habitaient dans ce pays-là :
et ils eurent la possession de tout le territoire des Amoréens,
depuis l’Arnon jusqu’au Jabbok, et depuis le désert jusqu’au
Jourdain.
Et maintenant l’Éternel, le Dieu d’Israël, a dépossédé
les Amoréens devant son peuple Israël, et toi, tu nous en
dépossèderais ?
Ne possèdes-tu pas ce que ton dieu Kemosh t’a fait posséder
? Et nous aurons la possession de tous ceux que l’Éternel
(Yahweh), notre Dieu, aura dépossédés devant nous...".
-----> Ici l’Israélite Jephté invite les Ammonites à respecter
les frontières traditionnelles des territoires nationaux en
rappelant précisément que ces frontières sont garanties par
leur divinité nationale respective. Yahweh est le dieu légitime
d'Israël tout comme Kemosh est le dieu légitime d'Ammon.
Dans Michée 4,5 il est écrit :
"...Car tous les peuples
marcheront, chacun au nom de son dieu ; et nous, nous marcherons
au nom de l’Éternel (Yahweh), notre Dieu, pour toujours et
à jamais..."
-----> Ici aussi on voit que Yahweh n'est que le dieu d'Israel,
les autre peuples ayant chacun leurs dieux propres.
Dans Job on voit également que Dieu a plusieurs enfants.
Job1-6 et 2-1:
"Or, un jour, il arriva
que les fils de Dieu (bene ha'elohim) vinrent se présenter devant l’Éternel
(Yahweh), et Satan aussi vint au milieu d’eux se présenter
devant l’Éternel (Yahweh)."
Job 38-7 :
"Quand les étoiles du
matin chantaient ensemble, et que tous les fils de Dieu (bene elohim) éclataient
de joie."
Même les assyriens, qui avaient envahi Samarie en -722, voyaient
que les hébreux adoraient plusieurs divinités.
Ainsi une tablette assyrienne du roi Sargon II au 8e siècle
av. J.C, dit ceci : "Je
comptai pour prisonniers 27 280 personnes ainsi que leurs
chars et LES DIEUX en qui ils se confiaient .".
Lors de cette invasion assyriennes qui conduisit à la chute
de Samarie, les prètres lévites fuirent les sanctuaires du
royaume du Nord pour se réfugier en Judée. Son roi Ezéchias
va alors se montrer extrêmement accueillant à ces réfugiés
et va les incorporer à l’appareil administratif et cultuel
de Juda.
Cette arrivée de réfugiés à Jérusalem va permettre aux scribes
du Temple de recueillir un grand nombre de récits, de traditions,
de textes législatifs du nord. C’est ainsi que beaucoup d’éditions
sont entreprises pour intégrer ces nouvelles données aux documents
déjà élaborés dans le Sud. Le récit de la Genèse "Elhoïste"
des samaritains (ayant pour Dieu "El") va ainsi fusionner
avec la version "Yahviste" des judéens (ayant pour Dieu "Yahveh").
Les lévites de Samarie vont aussi apporter un nouveau texte
: le "Livre de la loi" (Deutéronome), sous une forme peut-être
déja purgée de son polythéisme (?).
Sous l'influence de ce livre, le roi Ezéchias va alors entreprendre
une réforme du culte.
Dans Rois II 18;3-5 il est écrit à ce sujet :
"...Ezéchias fit ce qui est agréable à Yahvé, imitant tout ce
qu'avait fait David, son ancêtre.
C'est lui qui supprima les hauts lieux, brisa les statues,
coupa les Ashérat et mit en pièces le serpent d'airain que
Moïse avait fabriqué. Jusqu'à ce temps-là, en effet, les Israélites
lui offraient des sacrifices ; on l'appelait Nehushtân.
C'est en Yahveh, Dieu d'Israël, qu'il mit sa confiance.
Après lui, aucun roi de Juda ne lui fut comparable ; et pas
plus avant lui..."
-----> On voit donc, avec Ezéchias, se mettre en place une
entreprise de centralisation du culte. Les autels extérieurs
à Jérusalem sont progressivement détruits et le culte du Temple
de Jérusalem devient le seul légitime. Cependant, aprés la
mort d'Ezéchias, ces réformes seront oubliées ainsi que le
"Livre de la loi".
Un siècle plus tard vint le règne de Josias (640-609 av.JC)
en Judée.
Après un temps de régence, celui-ci décide de changer radicalement
de politique et de renouer avec les principes d'Ezéchias aprés
avoir redécouvert en 622 av.JC le "Livre de la loi" dissimulé
dans le Temple de Jérusalem.
Dans les Chroniques 34;14-21 il est écrit à ce sujet :
"...Et comme on sortait l’argent qui avait été apporté dans
la maison de Yahveh, Hilkija, le sacrificateur, trouva le
livre de la loi de Yahveh donnée par Moïse.
Et Hilkija prit la parole et dit à Shaphân, le scribe :
J’ai trouvé le livre de la loi dans la maison de Yahveh. Et
Hilkija donna le livre à Shaphân.
Et Shaphân apporta le livre au roi ; et de plus il rendit
compte au roi, disant : Tout ce qui a été remis en la main
de tes serviteurs, ils l’exécutent ;
et ils ont versé l’argent qui s’est trouvé dans la maison
deYahveh, et l’ont remis entre les mains des préposés et entre
les mains de ceux qui font l’ouvrage.
Et Shaphân, le scribe, raconta au roi, disant : Hilkija,
le sacrificateur, m’a donné un livre. Et Shaphân le lut devant
le roi.
Et il arriva que, quand le roi entendit les paroles de
la loi, il déchira ses vêtements.
Et le roi commanda à Hilkija, et à Akhikam, fils de Shaphân,
et à Abdon, fils de M/?ichée, et à Shaphân, le scribe, et
à Asçaïa, serviteur du roi, disant :
Allez, consultez Yahveh pour moi et pour ce qui est de
reste en Israël et en Juda, touchant les paroles du livre
qui a été trouvé ; car grande est la fureur de Yahveh, qui
s’est déversée sur nous, parce que nos pères n’ont pas gardé
sa parole, pour faire selon tout ce qui est écrit dans ce
livre.
..."
Et dans Rois II 22;8-13, il est écrit :
"...Le grand prêtre Hilkija (Hilqiyyahu) dit au secrétaire Shaphân
: "J'ai trouvé le livre de la Loi dans le Temple de Yahveh."
Et Hilkija donna le livre à Shaphân, qui le lut.
Le secrétaire Shaphân vint chez le roi et lui rapporta ceci
: "Tes serviteurs, dit-il, ont fondu l'argent qui se trouvait
dans le Temple et l'ont remis aux maîtres d'oeuvres attachés
au Temple de Yahveh."
Puis le secrétaire Shaphân annonça au roi : "Le prêtre
Hilkija m'a donné un livre" et Shaphân le lut devant le roi.
Et il arriva que, quand le roi entendit les paroles du
livre de la loi, il déchira ses vêtements.
Et le roi commanda à Hilkija, le sacrificateur, et à Akhikam,
fils de Shaphân, et à Acbor, fils de Michée, et à Shaphân,
le scribe, et à Asçaïa, serviteur du roi, disant :
Allez, consultez Yahvé pour moi, et pour le peuple, et
pour tout Juda, touchant les paroles de ce livre qui a été
trouvé ; car grande est la fureur de Yahvé, qui s’est allumée
contre nous, parce que nos pères n’ont pas écouté les paroles
de ce livre, pour faire selon tout ce qui y est écrit pour
nous."
...
Puis, dans Rois II 23;4-14, il est écrit :
"...Et le roi commanda à Hilkija, le grand sacrificateur, et
aux sacrificateurs de la seconde classe, et aux gardiens du
seuil, d’emporter hors du temple de l’Éternel tous les objets
qui avaient été faits pour Baal, et pour Ashéra, et pour toute
l’armée des cieux (dieux des étoiles ?); et il les brûla en
dehors de Jérusalem, dans les champs du Cédron, et il en porta
la poussière à Béthel.
Et il supprima les Camarim, que les rois de Juda avaient
établis pour faire fumer l’encens sur les hauts lieux dans
les villes de Juda et dans les environs de Jérusalem, et ceux
qui brûlaient de l’encens à Baal, au soleil, et à la lune,
et aux dieux des planètes, et à toute l’armée des cieux (dieux
des étoiles ?).
Et il fit emporter Ashéta hors de la maison de l’Éternel
(Yahweh), hors de Jérusalem, dans la vallée du Cédron, et
il la brûla dans la vallée du Cédron, et la réduisit en poussière,
et en jeta la poussière sur les sépulcres des fils du peuple.
Et il démolit les maisons des prostituées qui étaient dans
la maison de l’Éternel, où les femmes tissaient des tentes
pour Ashéra
Et il fit venir des villes de Juda tous les sacrificateurs,
et souilla les hauts lieux où les sacrificateurs faisaient
fumer de l’encens, depuis Guéba jusqu’à Beër-Shéba ; et il
démolit les hauts lieux des portes, qui étaient à l’entrée
de la porte de Josué, chef de la ville, et ceux qui étaient
à la gauche d’un homme entrant dans la porte de la ville.
Toutefois les sacrificateurs des hauts lieux ne montaient
pas vers l’autel de l’Éternel à Jérusalem, mais ils mangeaient
des pains sans levain au milieu de leurs frères.
Et il souilla Topheth, qui est dans la vallée des fils
de Hinnom, afin que personne ne fît passer par le feu son
fils ou sa fille au Moloc.
Et il abolit les chevaux que les rois de Juda avaient donnés
au dieu-soleil, à l’entrée de la maison de l’Éternel, vers
la chambre de Nethan-Mélec, l’eunuque, qui était dans les
dépendances du temple ; et il brûla au feu les chars du soleil.
Et le roi démolit les autels qui étaient sur le toit de
la chambre haute d’Achaz, que les rois de Juda avaient faits,
et les autels que Manassé avait faits dans les deux parvis
de la maison de l’Éternel ; et il les brisa, les ôtant de
là, et en jeta la poussière dans la vallée du Cédron.
Et le roi souilla les hauts lieux qui étaient en face de
Jérusalem, à la droite de la montagne de corruption, que Salomon,
roi d’Israël, avait bâtis pour Ashtoreth (Ashéra), l’abomination
des Sidoniens, et pour Kemosh, l’abomination de Moab, et pour
Milcom, l’abomination des fils d’Ammon ;
et il brisa les statues, et coupa les poteaux symbolisant
Ashéra, et remplit d’ossements d’hommes les lieux où ils étaient...."
-----> Ce texte décrit la réforme de Josias. Ce roi fait disparaître
du temple la statue d’Ashéra (un poteau sacré, emblème de
la divinité), et détruit les maisons des prostitués sacrés
qui accompagnaient son culte.
Le texte biblique dit ainsi clairement que jusqu’à la fin
du 7ème siècle, Ashéra et d’autres divinités étaient vénérées
au temple de Jérusalem. Ashéra faisait donc intégralement
partie du culte royal officiel en Judée, à côté de Yahweh
son époux divin.
Et Ashérah est citée dans de nombreux autres passages bibliques :
1 Rs 15, 13 ; 18, 19 ; 2 Rs 21, 3, 7 ; 23, 4 ; 23, 7 ; 2 Ch 15, 16; Dt 16, 21 ; Jg 6, 25, 26 ; Jg 6, 28, 30 ; 1 Rs 16, 33; 2 Rs 13, 6 ; 17, 16 ; 18, 4 ; 21, 3 ; 23, 6, 15; Ex 34, 13; Dt 7, 5 ; 12, 3 ; Jg 3, 7 ; 1 Rs 14, 15, 23 ; 2 Rs 17, 10 ; 23, 14 ; 2 Ch 14, 3 ; 17,6 ; 19, 3 ; 24, 18 ; 31, 1 ; 33, 3, 19 ; 34, 3, 4, 7 ; Is 17, 8 ; 27, 9 ; Jr 17, 2 ; Mi 5, 13.
Elle correspondait à la déesse Athirat Ym (Athirat de la mer ou Athirat du jour) des Cananéens d'Ougarit, épouse du dieu EL. A noter que le symbole d'Athirat / Asherat était un arbre (en cananéen, "Asherim" signifie "palmiers-dattiers")... comme le buisson ardent ou comme le ménorah du temple, dont la forme était un arbre stylisé à sept branches.
L’importance de la vénération d’Ashéra à cette époque est
d’ailleurs confirmée par plusieurs découvertes archéologiques
faites ces dernières années. Dans plusieurs inscriptions mises
à jour par les archéologues à Kuntillet Ajrud au nord du Sinaï (IX-VIIIème siècle av.JC), Yahwé est cité en compagnie d'Ashéra.
L’inscription la plus connue, sur le pithos 1, est la suivante : “Dis à Yehallel et à Yo'asah ... Je
vous bénis par Yahweh de Samarie et par son Ashéra”.
Dans une autre inscription sur le pithos 2, on peut lire : “Amar-Yahou dit : Dis à mon seigneur : Salut sur toi; je
te bénis par Yahweh de Te(i)man et son Ashéra. Peut-il te bénir et te garder et être avec mon seigneur.”
Sur un mur était inscrit "Ils célèbreront Asherata" et une autre inscription disait "...et dans la voie d'El, que soit béni Baal dans le jour de… le nom d'El dans le jour de…".
A Khirbet el-Qôm, entre Lakish et et Hébron, une tombe du VIIIème siècle av.JC contenait l'inscription suivante :
"Uriyahu (Urie) l'honorable a écrit ceci : Qu'Uriyahu soit béni par Yahweh et sauvé de ses ennemis par son Asherah. Qu'il soit délivré d'Oniyahu par son Asherah."
Plus anciennement, sur une poterie trouvée à Lakish
et datant de 1220 av.JC, deux noms étaient écrits : El-Yah
(le dieu Yahwé) et Elat ("la Déesse"). Hors chez
les Cananéens, Ashéra et Elat semblnte avoir été
deux noms différents pour une même déesse.
Il est clair, par conséquent, qu’avant l’exil, l’existence
d’un couple divin Yahweh-Ashéra est une évidence tant dans
la piété populaire que dans le culte officiel au temple de
Jérusalem.
Le dieu Baal des Cananéens Phéniciens, tant détesté par la
suite, était adoré également à coté de Yahweh car les enfants
des rois d'Israël avaient des noms comme "Yawheh vous aime"
ou "vénéré par Baal" et vice-versa. Le roi Saül avait deux
fils portant les noms de Ishba'al ("Homme de Ba'al") et Méphiba'al
("bouche de Ba'al"). Peut-être même que Yahweh et Baal étaient
identifiés car tout deux étaient des dieux de l'orage.
Ainsi on retrouve des noms comme Merib-baal (fils de Jonathan,
selon 1 Ch 9,40), ou Yeroub-Baal (alias Gédéon, Jg 6,22) qui
attestent de ce que Yahweh fut lui aussi appelé "maître" ("Ba'al").
Mais ces noms furent par la suite modifiés à même le texte
biblique en Méphiboshet (2 S 20,18) et Yérouboshet (2 S 11,21),
le mot "boshet" signifiant "honte" en hébreu et venant remplacer
le nom de Ba'al quand celui-ci fut tombé en disgrace.
Dans 2 Samuel 8:10, il est également question d'un certain
"Joram" fils du roi d'Hamath. Dans 1 Chroniques 18:9, son
nom est écrit "Hadoram". Cela montre donc que "Hadou" (c'est
à dire le dieu Hadad) était considéré comme un synonyme de
"Jo" (c'est à dire le dieu Yahweh). Hors, Hadou / Hadad était
le nom cananéen du dieu-maître (Ba'al).
On a aussi trouvé les restes d'une
ancienne colonie juive en Egypte, près de l'île d'Eléphantine.
Dans son temple, cinq siècles avant notre ère, on adorait
encore un dieu YHW / YHH / YH / YW (Yahweh / Yahou / Yéhou / Yah / Yô) et une déesse Anat-Yahou (cette déesse Anat était connue
aussi chez les Cananéens : c'était la soeur de Baal).
Des noms de mercenaire juifs étaient également cités et ils contenaient des allusions aux dieux cananéens Nebo, Sin, Baal, Melqart, Eshmoun, et Resheph.
Et un texte parlait d'argent récolté pour les dieux Yahou, 'Asham-Béthel (Ishum-Bethel) et Anat-Béthel.
Ce dieu Asham pourrait être celui qui est cité dans Amos 8,14 : " Ceux qui jurent par le péché ('Ashmat / Ashima) de Samarie" et dans 2Rois 17;30 : "… et les hommes de Hamath firent Ashima…"
Peut-être correspondait-il au dieu cananéen Eshmoun ou Ishum ou Sime ?
Et le papyrus araméen d'Éléphantine (daté de 398 av. JC) précisait bien que les Juifs de la colonie avaient plusieurs dieux : "Le salut de tous LES dieux, abondamment en tous temps."
Jérémie 44;16-19 a d'ailleurs décrit la résistance du peuple à la suppression du culte de la déesse :
"Quant à la parole que tu nous as dite au nom de l'Éternel, nous ne t'écouterons pas ;
mais nous ferons certainement toute parole qui est sortie de notre bouche, en brûlant de l'encens à la reine des cieux, et en lui faisant des libations, comme nous avons fait, nous et nos pères, nos rois et nos princes, dans les villes de Juda, et dans les rues de Jérusalem ; et nous étions rassasiés de pain, et nous étions à notre aise, et nous ne voyions pas de malheur.
Mais depuis que nous avons cessé de brûler de l'encens à la reine des cieux et de lui faire des libations, nous manquons de tout, et nous sommes consumés par l'épée et par la famine.
Et si nous avons brûlé de l'encens à la reine des cieux, et si nous lui avons fait des libations, est-ce sans nos maris que nous lui avons fait des gâteaux à son image, ou que nous lui avons fait des libations ?"
Josias avait donc fait une tentative pour transformer Yahweh
en Dieu unique de Judée, mais c’est aprés l’exil de Babylone
(587-538 av.JC) que les choses vont vraiment changer.
Dés 550 av.JC les Perses s'emparent de l'empire babylonien.
Ils étaient de religion monothéiste zoroastrienne et leur
influence sur les déportés hébreux sera grande.
Voici en effet les éléments tirés du zoroastrisme qui s'infiltreront
dans la religion juive :
- Le Dieu unique et universel (= le Dieu Ahura-Mazda des zoroastriens).
- Les 7 archanges (= les 7 Amesha-Spentas des zoroastriens).
- Le diable en tant qu'anti-Dieu (= le Ahriman des zoroastriens).
- Le mot Paradis (= le jardin Pairidaeza de Cyrus le grand)
- Le Messie envoyé par Dieu (= le Saoshyant des zoroastriens).
- Etc...
Lorsque l'empereur perse Cyrus II le grand délivre les hébreux
en 538 av.JC et leurs permet de retourner dans leurs pays,
ceux-ci le remercient en le considérant comme un messie.
Voir Esaïe 45-1 :
"Ainsi dit l’Éternel
à son oint (messie), à Cyrus, dont j’ai tenu la droite pour
soumettre devant lui des nations ; … et je délierai les reins
des rois, pour ouvrir les deux battants devant lui afin que
les portes ne soient pas fermées."
Historiquement, la première affirmation monothéiste dans la
Bible hébraïque se trouve dans le
livre d’Esaïe. Ce texte ne date que de la fin du 6ème siècle,
au moment du retour d’exil, indiquant donc bien l'influence
de la religion des Perses à cette époque.
Esaïe 43;10 :
"Vous êtes mes témoins,
dit l’Éternel (Yahweh), vous et mon serviteur que j’ai choisi,
afin que vous connaissiez, et que vous me croyiez, et que
vous compreniez que moi je suis le Même : avant moi aucun
Dieu n’a été formé, et après moi il n’y en aura pas."
Esaïe 44;6-8 :
"Ainsi dit l’Éternel (Yahweh), le roi d’Israël, et son
rédempteur, l’Éternel des armées (yahweh-tsabaoth) : Je suis
le premier, et je suis le dernier ; et hors moi il n’y a pas
de Dieu.
Et qui, comme moi, appellera, — et qui le déclarera, et
l’arrangera pour moi, depuis que j’ai établi le peuple ancien
? Qu’ils leur déclarent les choses qui arriveront et celles
qui viendront. N’ayez pas peur, et ne craignez pas. Ne te l’ai-je pas,
dès ce temps-là, fait entendre et déclaré ? Et vous m’en êtes
les témoins. Y a-t-il un Dieu hors moi ? Il n’y a pas de rocher,
je n’en connais point."
Esaïe 45;5-7 et 18:
"Moi, je suis l’Éternel
(Yahweh), et il n’y en a point d’autre ; il n’y a point de
Dieu si ce n’est moi. Je t’ai ceint, et tu ne me connaissais
pas ; …
afin qu’ils sachent, depuis le lever du soleil et depuis
le couchant, qu’il n’y en a point hors moi. Moi, je suis l’Éternel
(Yahweh), et il n’y en a pas d’autre,
moi qui ai formé la lumière et qui ai créé les ténèbres
; qui fais la prospérité, et qui crée le malheur : moi, l’Éternel,
je fais toutes ces choses.
(...) Car ainsi dit l’Éternel (Yahweh) qui a créé les cieux,
le Dieu qui a formé la terre et qui l’a faite, celui qui l’a
établie, qui ne l’a pas créée pour être vide, qui l’a formée
pour être habitée : Moi, je suis l’Éternel, et il n’y en a
point d’autre."
En lisant bien la Bible, on peut retrouver plein de noms d'anciens
dieux ou démons faisant partie de la mythologie des anciens
hébreux. Souvent ces noms n'ont pas été retiré des textes
car étaient inclus dans des expressions figées. Avec le temps,
on avait donc fini par les prendre pour de simples allégories,
des termes poétiques.
Exemples :
Dans le psaume 139:9 :
"Si je prends les ailes de
l'aurore et que j'aille habiter à l'extrémité de la mer..."
----> L'"Aurore" c'est le dieu Shahar des cananéens. Dieu
de l'étoile du matin.
Dans Esaïe 14,12 : "Te voila
tombé du ciel, astre brillant, fils de l'aurore."
----> L'astre brillant, fils de l'aurore c'est Heylel ben
Shahar (Hilal fils de Shahar) le "dieu à la faucille " des
cananéen.
Dans le Psaume 91;5-7 :
"Tu ne craindras ni les terreurs
de la nuit, ni la flêche qui vole de jour, ni la peste qui
marche dans les ténèbres, ni la contagion qui frappe en plein
midi."
----> Les "terreurs de la nuit" ce sont les Lilims de Lilith,
la déesse Lilitu des mésopotamiens. La "flêche qui vole" c'est
Reshep, le dieu ailé de la fièvre, de la guerre et des éclairs.
Il était adoré à Mari et Palmyre. La contagion c'est Deber,
le dieu de la peste. "La contagion qui frappe en plein midi"
c'est Qeteb le démon de midi, c'est à dire le dieu Qatiba
des cananéens.
Dans le Psaume 78; 48-50 :
"Il abandonne leur bétail
à la grêle, et leurs troupeaux au feu du ciel "
----> La grêle c'est ici le dieu Barad, et le feu du ciel
ce sont les Reshapims du dieu Reshep.
Dans Habaquq 3;5 :
"La peste marchait devant lui, et une flamme ardente sortait sous ses pas."
----> La peste c'est en fait le dieu Déber et la flamme c'est le dieu Reshep.
Dans le Deutéronome 32;24 :
"Ils seront consumés par la famine et rongés par des ardeurs dévorantes, et par une peste maligne."
----> Il s'agit en fait des dieux Reshep et Qeteb.
Quand au Mashkhîth (l'ange exterminateur) c'est Maskkadu /
Maskim, le démon de la peste des mésopotamiens.
Et si on regarde l'époque des patriarches, c'était la même
chose. Il semble bien que chaque patriarche avait adoré un
dieu différent.
Ainsi :
Selon Genèse 16:13-14 Agar honore le Dieu El Roï (= "Dieu
de voyance") à Kadesh.
Selon Genèse 21:33 Abraham honore le Dieu El Olam (= "Dieu
éternel / Dieu du monde") à Beer Sheba.
Selon Genèse 35:7 Jacob honore le Dieu El Bethel (= "Dieu
de Béthel") à Béthel.
Selon Genèse 49:24, le Dieu de Jacob / Israel et Joseph était
'Abir (= le "taureau" ou le "fort") ou Rofieh (= "Berger")
ou 'Eben (="Pierre").
Dans Genèse 31:53 on lit :
"Que le Dieu d’Abraham et
le Dieu de Nachor, le Dieu de leur père, jugent entre nous
! Et Jacob jura par Pahad (le Dieu "Terreur") d’Isaac, son
père."
On pourrait penser qu'il s'agit la du
même Dieu connu sous divers noms ... mais le verbe "jugent"
est bien au pluriel, comme si les dieux d’Isaac et de Nahor
étaient deux Dieux différents.
Il semble bien également que les Hébreux ont adoré un dieu appelé El-Shaddaï avant que Moïse ne leurs fasse connaitre Yahvé :
Genese 17;1 :
"
Et Abram était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans ; et l'Éternel apparut à Abram, et lui dit : Je suis El-Shaddaï ; marche devant ma face, et sois parfait."
Genèse 28;3 :
"Et que El-Shaddaï te bénisse, et te fasse fructifier et te multiplie, afin que tu deviennes une assemblée de peuples."
Genese 35;9-12 :
"
Et Dieu apparut encore à Jacob, à son retour de Paddan-Aram, et le bénit (…) Et Dieu lui dit : Je suis El-Shaddaï ; fructifie et multiplie ; une nation, et une multitude de nations, proviendra de toi ; et des rois sortiront de tes reins. Et le pays que j'ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donnerai, et je donnerai le pays à ta semence après toi."
Genèse 49;25 :
"De là est le berger, la pierre d'Israël : du Dieu de ton père, et il t'aidera ; et de El-Shaddaï, et il te bénira des bénédictions des cieux en haut, des bénédictions de l'abîme qui est en bas, des bénédictions des mamelles et de la matrice."
Exode 6;2 -3 :
"Et Dieu parla à Moïse, et lui dit : Je suis Yahvé. Je suis apparu à Abraham, à Isaac, et à Jacob, comme El-Shaddaï ; mais je n'ai pas été connu d'eux par mon nom de Yahvé."
Le nom El-Shaddaï signifierait "Dieu Tout-puissant", "Dieu de la montagne" (Shadû), "Dieu destructeur" (Shadad), "Dieu de la steppe" (Sadèh), "Dieu aux seins" (Shadayim) ou "Dieu de la ville de Shaddaï" (Thadyen en Syrie).
Il n'était pas forcément l'ancien nom de Yahvé et il correspondait peut-être au dieu Bel-Shadi ("Maitre des montagnes") des Mésopotamiens, assimilé au dieu Amourrou des Amorites de Syrie (époux de la déesse Ashérat en tant que déesse des plaines).
Il pouvait aussi correspondre au dieu 'Ilu Shad'i Yasidu des Cananéens d'Ougarit ou au dieu Shadyn / Shaddaïn / Ishdy des anciens bédouins.
De tout cela on peut donc conclure que
la religion judaîque était bien polythéiste
à ses débuts. Et elle n'est devenue un monothéisme
que progressivement, avec le temps, probablement sous l'influence
des "prophètes" mais aussi du monothéisme
zoroastrien.
Le plus étonnant c'est que depuis le moyen-age le judaîsme
aurait tendance à redevenir un polythéisme.
Ainsi la multiplication des démons ressemble fortement
à l'introduction de nouveaux dieux mineurs, des divinités
mauvaises agissant indépendamment du Dieu "unique".
Il en est de même de la multiplication des noms d'anges.
Que sont ces anges sinon des sortes de dieux mineurs au service
du Dieu "unique" ?
Le plus important de ces anges semble être Métatron
("Celui qui sert derrière le trône"
ou "Celui qui occupe le trône à côté
du trône de gloire"). Le Sefer Hekhalot ("Livre
du palais céleste" / "Enoch III") prétend
qu'il n'est autre que le prophète Enoch promu à
la fonction de scribe de Dieu. Le Talmud de Babylone, Hagiga
15a, dit qu'il est chargé d'écrire les actions
d'Israel.
La Talmud raconte que le rabbin hérétique Elisha
ben Avouya, également appelé Acher, serait entré
au paradis et y aurait vu l'ange Métatron assis pendant
qu'il écrivait les mérites d'Israël :
"Alors Acher dit: 'On nous a pourtant
appris à croire que personne n'a le droit de s'assoir
dans le ciel (...) chose qui, dans le ciel, n'est pourtant
autorisée qu'à Dieu seul (...) Ce pourrait-il
qu'il y ait donc deux puissances dans les cieux !?' Alors,
une voix céleste se fit entendre: 'Repentez-vous, ô
enfants égarés, à l'exception d'Acher
!'"
Le Talmud ajoute cependant :
"Il a été
prouvé à Élisée que Metatron ne
pouvait pas être une divinité seconde par le
fait que Metatron a reçu 60 coups de barres de feu
pour démontrer qu'il n'était pas un dieu, mais
un ange, et pourrait être punis".
Le Talmud de Babylone, Sanhédrin 38b et Avoda Zara
3b, Yevamot 16b parlent aussi de Métatron en tant que
"Prince de ce monde".
La kabbale en fait la 10ème émanation de Dieu
et le Zohar l'identifie comme l'ange qui a conduit le peuple
d'Israël dans le désert, après leur exode
d'Egypte.
Une autre entité apparue dans le judaïsme, au
moyen-age, est la "Shekhina" (Shekinah, Shechinah,
Shekina, Che'hina, Schechinah) qui représente la "présence
divine".
Lorsque Dieu fait sentir sa présence, lorsqu'il apparait
aux hommes, c'est toujours sous la forme de la Shekhina. Elle
est ainsi l'ange qui se révèle à jacob
dans Genèse 48:16, selon le Zohar. Elle est aussi probablement le buisson ardent ainsi que la ménorah, chandelier à 7 branches représentant la présence divine dans le temple (ce qui la rapprocherait d'Ashérah). La Shekhina est
également considérée comme l'aspect féminin
de Dieu, sa compassion, sa sagesse. Elle est aussi l'épouse
du Sabbat, la reine du sabbat, et la personnification du Sabbat.
... mais, avec le temps, le judaîsme kabbalistique finira
par en faire carrément la soeur et l'épouse
de Dieu, sous le nom de "Matronit".
Dans un Midrash palestiniens datant du 7ème siècle,
Jérémie est confronté à la Matronit,
qu'il ne parvient pas à reconnaître:
"Quand je (Jérémie)
suis monté à Jérusalem, je levai les
yeux et j'ai vu une femme assise au sommet de la montagne,
vêtue de noir, ses cheveux ébouriffés,
qui criait en espérant que quelqu'un saurait la réconforter.
Et moi aussi je pleurais en espérant que quelqu'un
saurait me consoler. Je m'approchai d'elle et lui dis: 'Si
vous êtes une femme, parlez-moi, mais si vous êtes
un esprit partez loin de moi!'
Elle a répondu et m'a dit: 'Tu ne me reconnais pas
?' ...
J'ai répondu et lui dis: 'Vous n'êtes pas mieux
que ma Mère Sion (Jérusalem), qui est devenue
un terrain de pâturage pour les bêtes des champs.'
Elle a répondu et m'a dit: 'Je suis votre mère
Sion.' "
Le Zohar 245 fait de Dieu et de la Matronit un vrai couple :
"Le Saint, béni soit-il, a eu un fils de la Matronit. Et qui est ce fils ? C'est l'Ame suprême et sacrée."
Le Zohar 3:69a laisse également entendre que la Matronit
a été abandonnée par Dieu qui l'a remplacée
par la démone Lilith :
"Un jour que les compagnons
marchaient avec Rabbi Shim'on bar Yohai. Rabbi Shim'on a dit
: "Nous voyons que toutes ces nations ont progressé,
et qu'Israel est inférieure à tous. Pourquoi
en est-il ainsi ? Parceque le Roi (Dieu) a renvoyé
la Matronite loin de lui, et a pris la femme esclave (Lilith)
à sa place.... et maintenant cette femme esclave a
hérité de la place de sa maîtresse.' Et
Rabbi Shim'on a pleuré en disant : 'Le Roi sans la
Matronite ne s'appelle plus le Roi. Le Roi qui s'est attaché
à la femme esclave, au détriment de la Matronite,
où est son honneur ? Il a perdu la Matronite et s'est
attaché à celle qu'on appelle la femme esclave.
Cette femme esclave était destinée à
régner sur la terre sainte d'en-bas, comme la Matronite
autrefois régnait sur celle d'en-haut. Mais le saint,
béni soit-il, remettra finalement la Matronite à
sa place initiale'."
Peut-on encore parler de véritable monothéisme
en lisant cela ?
Ce qui et étonnant c'est de voir comme
les religions monothéistes ont tendance à personnaliser
les attributs de Dieu pour les transformer en entités
indépendantes ... c'est à dire pour reconstituer
un polythéisme.
Nous avons vu comment le Judaïsme essayait de personnaliser
la "Présence" de Dieu (sa
"Shekhina") pour en faire sa parèdre.
De même, dans la Gnose,
c'est la "Pensée" ("Ennoä")
de Dieu qui a tendance qui devient sa parèdre.
Et dans le Christianisme du début, c'est l'"Esprit"
de Dieu ("Saint-Esprit") qui était personnifié
pour devenir une parèdre. En effet, en hébreu,
le mot "Esprit" ("Ruach") est féminin,
et donc il n'y a pas de problème pour en faire une
entité féminine accompagnant Dieu. Et la "parole"
("Logos") proféré par Dieu était
devenu leur Fils. Mais ce processus a été contrarié
lorsque les Chrétiens sont devenus majoritairement
des locuteurs du grec et du latin; En effet, dans ces langues,
le mot "Esprit" est du masculin, et il ne convient
donc plus pour désigner une entité féminine.
...Et voila pourquoi, pour les Chrétien actuels, le
Saint esprit n'est pas devenu la "femme de Dieu".
Mais la tentation de transformer un attribut de Dieu pour
en faire sa parèdre reste présente ... ainsi
que l'illustre ce sketch de l'humoriste Raymond Devos :
"Vous savez mon
gosse il a cinq ans. Il sort du catéchisme.
Il vient me voir. Il me dit:
- Papa, c'est pas bien ce que tu as fait.
Eh bien je lui dit:
- Quoi, qu'est-ce que j'ai fait ?
Eh bien il me dit:
- Tu m'as menti !
Je lui dit:
- Comment je t'ai menti ? Je lui dit:
- Qu'est ce que j'ai dit ?
Eh bien il me dit:
- Tu m'a dit que le bon Dieu n'a jamais eu de femme
Eh bien je lui dit:
- C'est vrai. Le bon Dieu n'a jamais eu de femme.
Il me dit:
- Alors pourquoi au catéchisme, on dit: 'le bon Dieu
et sa grande Clémence' ?"
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