DOSSIER HISTOIRE :



Histoire du pantalon :                                                                        

 

On s'imagine souvent comme allant de soi que les hommes portent des pantalons et les femmes des jupes. Il semble évident qu'il en a toujours été ainsi.
Et pourtant ce n'est qu'une idée recue : En fait le port du pantalon par les hommes est relativement récent.

Les plus anciens vêtements antiques que l'on connait étaient de type drapé. Il y avait, par exemple, le pagne SHENTI des égyptiens et la jupe KAUNAKES des Sumériens.

Les 1ers Indo-Européens, venus des steppes du sud de la Russie, semblent avoir eux aussi porté des jupes au début. D'ailleurs les soldats Grecs et Romains, qui étaient des Indo-Européens, portaient des jupes. Le KILT des Écossais (ou le plaid ceinturé) en serait le dernier vestige.
A Halstatt, en Autriche, on a d'ailleurs retrouvé un morceau de tissus TARTAN (tissus à carreau comme celui des KILTs) datant de 1300 av.JC. A Qizil-Choqa, dans le bassin du Tarim, en Chine, on a également retrouvé des momies d'hommes indo-européens (Thokares) portant des tissus de type TARTAN et datant de vers 1200 à 900 av.JC. (- Voir ici -)  Et en Suisse, les stèles de Sion-le-petit-chasseur, qui datent de 2500 à 2000 av JC, représentaient déja des hommes vêtus d'un tissus à carreaux qui pourrait également être du TARTAN.

Ötzi, l'homme congelé retrouvé à la frontière entre l'Italie et la Suisse, et qui datait de vers 1300 à 1100 av JC, ne portait pas de jupe mais une tenue adaptée à la haute montagne. Ses jambes étaient enveloppées par deux jambières en cuir attachées par un cordon à la ceinture de son pagne. Ce n'était pas encore un véritable pantalon. (- Voir ici -)

Les 1ers vrais pantalons seront inventés un peu plus tard par les Indo-Européens Aryens vivant dans les steppes d'Eurasie. C'était une tenue adaptée à leur nouvelle vie de cavaliers nomades. Ainsi les Indo-Européens Tokhares du désert de Takla-Makan, en Asie (culture de Subeshi, 1056-940 av.JC), portaient des pantalons de laine ainsi que l'ont prouvé des fouilles à Yanghai près de Tourfan. Et d'autres pantalons retrouvés sur des momies du même peuple portaient des pantalons de tissus TARTAN.
Tous les peuples Indo-Européens que les Grecs ont vu descendre des Steppes portaient des pantalons (appelés ANAXYRIDE), ainsi que l'attestent leurs dessins et sculptures. Par exemple les Phrygiens, Thraces et Daces, issus des Balkans vers 1300-1200 av JC. Par exemple aussi les Cimmériens du sud de la Russie (1300-750 av JC) puis les Scythes et les Sarmates qui leurs ont succédé. Et également les Mèdes, Perses et Parthes en Iran. (- Voir ici -)

Hérodote (484-425 av JC) parle aussi des Syginnes, qui vivaient quelque part du coté de l'Autriche et qui étaient habillés "comme les Mèdes", c'est à dire qu'ils portaient des pantalons. On peut supposer que ce peuple était issu des steppes du sud de la Russie, chassé par l'expansion des Scythes, et que c'est lui qui a fait connaitre les pantalons au Celtes. Les Celtes continentaux, comme l'attestent leurs propres gravures ainsi que les textes romains, portaient en effet des pantalons appelés BRAIEs (BRACCAE en latin, BRAKOÏ ou PERISDOMATA en grec). Ceux-ci pouvaient être collants et courts, s'arrétant aux genoux, (surtout chez les Celtes Gaulois - Voir ici -) ou être longs et larges (surtout chez les Celtes Belges). Un pantalon court a également été retrouvé en Basse-Saxe et il date de vers 1000 à 500 av.JC. En ce qui concerne les Celtes Gaels (Irlande) et Britons (Grande-Bretagne), il est possible qu'ils aient tous continué à vivre les jambes nues..

En 375 av.JC, le duc Wou de Zao introduit les pantalons de cavalerie en Chine (inspirés de ceux portés par les peuples de la Steppe).

Quand les Romains auront envahi la Gaule, la toge latine et les BRAIEs gauloises vont coexister. Les légionnaires romains vont même utiliser des BRAIEs courtes (FEMENALIAs ) dans les régions les plus froides de l'empire. Ils utilisaient également des chaussettes (une chaussette d'enfant a été retrouvée à Vindolanda, dans le nord de l'Angleterre) et le bas de leurs jambes était protégé par des bandes molletières dés le 4ème siècle. Ces dernières dérivaient des FASCIAEs, bandes décoratives pour les jambes et les bras, introduites de Grèce au 1er siècle.

Des textes du 6 et 8ème siècles ap JC prétendent qu'à cette époque les Celtes de Grande Bretagne et d'Irlande gardaient le bas des jambes nues. cela signifie probablement qu'ils utilisaient une tunique plus ou moins longue (comme la LÉINE irlandaise - Voir ici -) sans rien dessous;

Les Germains avaient également adopté le pantalon. C'est ainsi qu'un pantalon long a été retrouvé dans la tourbière de Damendorf, au Danemark. Il datait du 1er siècle ap.JC.
Plus tard les Germains vont inventer un "pantalon à pieds" (pantalon qui enveloppe les pieds). Le plus ancien a été retrouvé dans la tourbière de Thorsberg, au Danemark, et datait du 4ème siècle ap.JC. (- Voir ici -). Les Vickings difuseront ce nouveau modèle de pantalon dans les pays qu'ils envahiront. C'est ainsi que le Psautier Doré, au 9ème siècle, porte des illustrations montrant des hommes en BRAIEs longues, probablement des pantalons à pieds (les chaussures ne permettent pas d'en voir le bas). Dans la tombe d'un conte de Toulouse on a également retrouvé de longs bas du 10ème siècle qui pourraient être la partie basse d'un pantalon à pieds (?).

Depuis au moins le 7ème siècle, les Vickings portaient aussi des bandes molletières WINNIGAs. C'était des bandes de tissus enroulées autour du bas des jambes (parfois aussi des bras) pour les protéger  Il est possible que ces WINNIGAs descendaient des bandes molletières que les Romains portaient parfois depuis le 4ème siècle  ap.JC.. Un texte dit que Charlemagne portait des bandelettes aux jambes : elles étaient probablement des WINNIGAs. Au 11ème siècle les illustrations de la Bible de Saint Vaast et de la tapisserie de Bayeux montrent des Normands (qui descendent des Vickings) portant des BRAIEs longues (pantalons à pieds ?) avec parfois des WINNIGAs.

Au 10ème siècle, ces WINNIGAs deviendront des HOUSES ou HOUSEAUX en drap ou cuir, ressemblant à des guètres.

Au 11ème siècle les Celtes Gaels d'Irlande et d'Écosse occidentale continuent de porter des tuniques LÉINEs descendant sous les genoux, et sans BRAIes en dessous. Les textes racontent qu'en 1093, le roi Magnus III de Norvège (qui régnait aussi sur le nord-ouest de l'Écosse et sur l'est de l'Irlande) décida de porter ce genre de tunique qu'il avait découvert dans les régions les plus reculées d'Écosse. Ce vêtement était appelé KYRTLE en norvégien d'ou dérivera l'écossais KYRLU. En Irlande, les LÉINEs commencent alors à être plissées, tout comme les KYRTLEs).
Au 12ème siècle, un texte du théologien Rupert (1124) dit que les Celtes Bretons (venus de Grande-Bretagne) ne portaient pas de BRAIEs. Cela signifie peut-être qu'ils portaient encore des tuniques LÉINEs sans rien dessous.

A la même époque, en France, les BRAIEs gauloise reviennent à la mode, sous leur forme courte (on les appelle aussi des BRAGEs / BRAGUEs). Elles s'arrètent aux genoux et le bas des jambes est alors protégé par des CHAUSSES en tissus, maintenues par des lanières entrecroisées (descendant probablement des HOUSEAUX). Ces CHAUSSES commencent à s'allonger et, dés le milieu du 12ème siècle, elles dépassent les genoux.

Au 13ème siècle,les BRAIEs sont maintenues à la taille par un cordon appelé BRAIEL. Elles deviennent de plus en plus courtes et commencent à ressembler à des calecons ou des slips. En contrepartie les CHAUSSEs deviennent de plus en plus longues. Elles sont alors de type "rond" (comme les bas actuels) et on les maintient grace à un cordon attaché au BRAIEL. Souvent elles sont "à étrier", c'est à dire qu'elle possèdent une patte qui passe sous la plante des pieds. Elles peuvent aussi être "à moufle", c'est à dire qu'elles enveloppent le pieds comme une chaussette.

Au 14ème siècle, les CHAUSSES, trés longues, sont de type "à queues", c'est à dire qu'elles portent une pointe en haut permettant de les attacher au POURPOINT / GIPPON (ancêtre du gillet) avec des lacet EUSTACHES munis d'AIGUILLETTES. (- Voir ici -) Les CHAUSSES des femmes sont plus courtes : elles dépassent à peine le genou et sont attachées par une jarretière (ce sont les ancètres des actuels bas féminins)..

Vers 1371 (ou entre 1380 et 1404) les deux CHAUSSEs commencent à être réunies ensembles pour former des "CHAUSSEs foncées" ou "CHAUSSEs à plain fond" ou "CHAUSSES pleines dedans jambes" , qui ressemblent aux collants actuels en une pièce (Le bas est parfois même semelé de cuir). L'espace qui restait ouvert, devant, est recouvert par une pièce amovible appelée BRAYE. Les BRAIES (appelées BRAYER à partir de 1440) se trouvent alors recouvertes et deviennent donc des sous-vêtements. Cependant de nombreux paysans continuent d'utiliser des CHAUSSEs en deux parties ("CHAUSSES vides dedans jambes").

A partir de 1490 les nobles d'Occident introduisent les "HAUTS DE CHAUSSES" (inventions des chevaliers roumains du 13ème siècle). C'est une sorte de short qu'on porte au-dessus des BRAIES et des CHAUSSES. Ces dernières deviennent  alors plus courtes et prennent le nom de BAS DE CHAUSSES, semblables à des bas, mais parfois combinés avec des chaussettes. Les HAUTS DE CHAUSSES sont parfois aussi portés par les femmes, pendant quelques temps.

Au milieu du 16ème siècle, les HAUTS DE CHAUSSEs prennent le nom de TROUSSEs. Elles sont de plus en plus bouffantes ('"en bourse") et la BRAYE devient une BRAGUETTE qui se porte au-dessus. Elle est rembourrée et sert de poche (elle ressemble donc un peu aux "bananes" actuelles).

Dans le 4ème quart du 16ème siècle, les TROUSSEs deviennent trés courtes. La BRAGUETTE se réduit à une simple coquille avant de disparaitra pour être remplacée par des poches sur les vêtements de dessus. Quand aux femmes elles commencent à porter des jupes au lieu des robes et tuniques.

Les textes du 16ème siècle disent que les Écossais des montagnes du nord continuent de ne porter qu'une tunique (KYRLU) avec les jambes nues, "comme les Irlandais". Cette tunique est plissée et teinte en safran, exactement comme la tunique LÉINE que les Irlandais continuent de porter à la même époque. Au siècle suivant la LÉINE / KYRLU disparaitra, mais le plaid ceinturé (proto-KILT) en dérivera en Écosse.

Au 17ème siècle, la "CULOTTE" détrone peu à peu les TROUSSEs chez les nobles. Elle est plus longue et plus moulante (- Voir ici -). Pendant quelques temps elles sera ornée d'une jupette ("Rhingrave") avant de redevenir serrante. Les BAS DE CHAUSSEs des nobles deviennent des BAS fins. Ils sont portés aussi bien par les hommes que par les femmes. Mais seuls les hommes portent encore des calecons courts (issus des BRAIEs) comme sous-vêtement. Les jupes des femmes commencent à être élargies aux hanches par des "paniers", une invention espagnole.
Chez les marins anglais apparait l'ancètre du pantalon large moderne : le GALLIGASKIN.

A la charnière entre le 17ème et le 18ème siècle, en Écosse, le plaid ceinturé (Grand KILT / FEILEADH-BREACAN ou FEILEADH-MOR) est remplacé par la jupe plissée (PETIT KILT / FEILEADH-BEG / FILLEADH-BEG / PHILEAN-BEG / PHILABEG / PHILIBEG / PHILBEG). A partir de 1746 son utilisation sera interdite par les Anglais.

Au 18ème siècle, la CULOTTE des nobles devient plus longue (jusqu'au genoux et même plus bas). Et les calecons portés dessous s'allongent d'autant.
Les GALLIGASKINs se répendent de plus en plus et sont adoptés par la population francaise à l'époque de la révolution. C'est ce qui différencie les nobles (porteurs de culottes) des paysans ("sans culotte" / porteurs de pantalons). Le mot "pantalon" vient du nom d'un personnage de la commedia d'el arte qui portait un pantalon montant trés haut sur son ventre. En 1830 le pantalon deviendra trés courant sous le nom de "tuyau de poèle". Puis, aux USA, seront inventés les JEANs en 1853. C'était, à l'origine, des pantalons rivetés en toiles importées de Nimes ("denim" = "de Nimes") et teintées en bleu de Gènes ("blue jean" = "bleu de Gènes"). Quand aux BRETELLES, elles datent de1877.

Pendant ce temps les jupes des femmes s'élargissent considérablement : en 1830 apparait la CRINOLINE, en 1856 la CRINOLINE-CAGE puis, en 1860, la TOURNURE (mini-crinoline arrière). Toutes ces inventions seront balayées par la guerre de 14-18.

Au 19ème siècles les calecons, devenus longs, sont peu portés par les hommes car on se moque de leurs porteurs, les trouvant frileux. Les américains ont une attitude inverse : En 1830 ils inventeront le "MAILLOT" ou "UNION SUIT", sorte de sous-vêtement en une seule pièce, dérivé du calecon long, et qui recouvre tout le corps. Il sera plus tard détroné par la vogue du SLIP, sous-vêtement pour sportif inventé en 1906 en Europe.

Au début du 19ème siècle, les femmes ne mettaient encore aucun sous-vêtement et seules les petites filles pouvaient porter normalement un calecon long. C'est seulement vers la fin du 19ème siècle que, par pudeur, les femmes commenceront à porter également des calecons (longs puis courts) appelés CULOTTES sous leur jupes. Ces CULOTTES (ainsi que les jupes) raccourciront de plus en plus depuis la guerre de 39-45 jusque dans les années 60, avant d'être concurrencées par le STRING.

On notera cependant que la petite CULOTTE et le soutien-gorge (breveté en 1889) n'étaient que des redécouvertes. En effet, les femmes grecques et romaines de l'antiquité les connaissaient déja. A Rome, leur petite CULOTTE s'appelait SUBLIGARIA, SUBLIGACULA ou SUBLIGACULUM. Il y avait aussi une sorte de ceinture appelée ZONA. Chez les jeunes filles, le soutien-gorge, en forme de bandeau, s'appelait MASTODETON ou STETHODESMOS en grec et TAENIA ou FASCIA PECTORALIS en latin (pour les gros seins il y avait le MAMILLARE en cuir). Si ce soutien-gorge était muni de bretelles, on l'appelait APODESMOS. Chez les femmes plus agées, le soutien-gorge était placé SOUS les seins et au-dessus des vetements. Il s'appelait STROPHION ou KESTOSen grec et STROPHIUM ou CESTUS en latin. L'ensemble de ces sous-vêtement portait parfois lui aussi le nom de STROPHIUM ( > Voir : Romains - > Voir : Grecs).
Des restes de soutien-gorges de divers types et de slips ont été retrouvés dans le chateau de Lengberg en Autriche, datant de la fin du XIV au milieu du XVème siècle. Cela montre que, dans la noblesse tout au moins, les femmes mettaient encore des sous-vêtements à cette epoque. (> Voir)
Quelques rares textes le confirment...

En France, Henri de Mondeville écrivait ceci vers 1306-1320 :
"Certaines femmes (...) insèrent deux bonnets dans leurs robes, à la hauteur de la poitrine et qui sont ajustés à leurs seins et elles les y mettent chaque matin et attachent leur poitrine avec des bandages quand c'est possible."

Et en 1480, Konrad Stolle parlait ainsi :
"... des chemises avec des poches dans lesquelles elles mettaient leurs seins".

Et un poème allemand du 15ème siècle disait cela :
"Beaucoup (de femmes) font deux sacs à seins (tuttenseck) et avec elles, elles se promènent dans les rues pour que tous les jeunes hommes qui les regarderaient voient leurs beaux seins, mais celles dont les seins sont trop gros font de petites poches, pour ne pas qu'en ville on jacasse sur leurs gros seins."

C'est seulement ensuite que les sous-vêtements féminins disparaitront pendant plusieurs siècles, au profit des corsets (inventés à la cour d'Espagne au XVIème siècle), avant de réapparaitre au XXème siecle.