DOSSIER HISTOIRE :



Le Vinland :                                                                                 

 

 

Les anciennes sagas nordiques parlent de la colonisation du pays de Vinland par les Vikings. Ce pays, situé de l'autre coté de l'Atlantique, apparait comme étant l'Amérique, découverte prés de cinq siècles avant C. Colomb.
Cependant les sagas prétendent également que les Vikings ont découvert sur place d'autres colons venus d'Europe : Les Irlandais du Huitramanaland. Que faut-il en penser ?

Selon l'archéologie, des moines irlandais (Ceilé-dés / Culdees Colombites) auraient commencé à coloniser les iles Féroé vers l'an 650, cherchant un lieu isolé pour y installer leurs ermitages.
Le moine irlandais Dicuil, dans son ouvrage "De Mensura Orbis Terrae" ("De la mesure du monde") écrit en l'an 825, décrit plusieurs îles situées dans l'océan britannique, à deux jours et une nuit au nord de la Grande-Bretagne. Il affirme qu'en 725, des ermites d' Irlande s'y étaient installés, mais que, perturbés par l'arrivée des hommes du Nord (Vickings), ils étaient partis, laissant la place inhabitée. Ces îles sont décrites comme ayant un grand nombre de moutons, ce qui indique qu'elles étaient les îles Féroé, dont le nom vient du terme islandais Fareyjar ("îles des moutons") donné plus tard par les Vikings.
Dicuil parle aussi de "Thulé" (Islande) comme d'une île inhabitée, qui, vers l'an 795, avait été visitée par des moines, avec lesquels il avait lui-même parlé.

La "Saga d'Olaf Tryggvason" décrit ensuite la colonisation des iles Féroé par un Viking Norvégien (avec un nom en partie irlandais) vers l'an 825, fuyant la tyrannie de Harald Harfagri (Harald aux beaux cheveux, 872-931), l'unificateur de la Norvège :

"Il y avait un homme appelé Grímr Kamban ; c'est le premier qui se soit installé aux Féroé; mais à l'époque de Harald-aux-beaux-cheveux, beaucoup d'hommes fuyaient les abus de pouvoir de Harald aux-beaux-cheveux…"

Ensuite, en 861, d'aprés le Landnamabok (" le Livre de la Colonisation"), le pirate Norvégien Naddod (Naddoddur), parti des îles Féroé, a découvert l'Islande à laquelle il donna le nom de Snaeland (Terre des neiges).
En 864, le Suédois Gardar Svarvarson y passa tout un hiver et l'appela Gardarshohn (île de Gardar).
En 865, d'aprés le Landnamabok, le Norvégien Floki-Rafna, venu des Féroé, la nomma Islande (Terre de glace).
L'Islendingabok (Livre des Islandais), écrit par Ari Thorgilsson, décrit ensuite la colonisation de l'Islande par les Vikings. Ils en chassèrent des papars (moines Irlandais) qui s'y étaient installés quelques années plus tôt :


"Et c'était 870 hivers après la naissance du Christ, comme il est écrit dans sa saga. Ce fut un Norvégien du nom d'Ingolf qui le premier passa de Norvège en Islande, alors que Harald Harfagri (Harald aux beaux cheveux) était âgé de seize ans; il s'y rendit une seconde fois quelques années plus tard (en 874) et s'établit dans le sud à Reykjavik. L'endroit où il aborda d'abord s'appelle Ingolfshöfdhi et est situé à l'est de Minthaksayri, et celui qu'il s'appropria dans la suite, à l'ouest de l'Ölfussa, porte le nom de Ingolfsfell. A cette époque le territoire d'Islande compris entre les montagnes et le rivage était couvert de forêts de bouleaux. Alors vivaient ici des chrétiens que les Norvégiens appellent papar; mais ils quittèrent le pays dans la suite, parce qu'ils ne voulaient point rester en contact avec des païens, et y laissèrent des livres irlandais, des clochettes et des crosses, d'où l'on put conjecturer qu'ils étaient des Irlandais. — Il se produisit alors un grand mouvement d'émigration de Norvège en Islande, jusqu'au jour où elle fut interdite par le roi Harald, qui craignait de voir son royaume se dépeupler."

L' "Antiquitate Regum Norwagiensium", écrit par le moine norvégien Tjodrik, décrit également la colonisation de l'Islande par les Vikings :

"Au cours de la neuvième année d'Harold (Harald aux beaux cheveux) - certains pensent à sa dixième année - certains marchands ont navigué vers les îles que nous appelons 'Phariæ' (Færeyjar = les Féroé); là ils furent attaqués par la tempête et longtemps ballottés, jusqu'à ce qu'ils soient finalement entrainés par la mer vers un pays lointain, que certains pensent être l'île de Thulé; mais je ne peux ni le confirmer ni le nier, car je ne connais pas le véritable état de la question. Ils ont abordé et ont erré de-ci de-là; mais bien qu'ils aient escaladé des montagnes, ils n'ont trouvé nulle part des traces d'habitations humaines. Quand ils sont rentrés en Norvège, ils ont parlé du pays qu'ils avaient trouvé et, par leurs éloges, ils ont incité beaucoup à le rejoindre. Parmi eux, en particulier un chef nommé Ingolf, du district qui s'appelle Hordaland; il prépara un navire, s'associa à son beau-frère Hjorleif et à beaucoup d'autres, et chercha et trouva le pays dont nous parlons, et commença à le partager avec ses compagnons, vers la dixième année du règne d'Harold. Ce fut le début de la colonisation de ce pays que nous appelons maintenant l'Islande - à moins que nous ne tenions compte du fait que certaines personnes, très peu nombreuses, d'Irlande auraient été là comme l'indiquent certains livres et autres objets qui ont été trouvés après eux. Néanmoins, deux autres ont précédé Ingolf dans cette affaire; le premier s'appelait Gardar, qui a donné le nom de Gardarsholmr à cette terre, et le second s'appelait Floki. Mais ce que j'ai raconté peut suffire à ce sujet."

Le Landnamabok parle également des moines Irlandais qui avaient habité l'Islande avant l'arrivée des Vikings :

"Mais avant que l'Islande ait été colonisée par les Hommes du nord (Vickings), des hommes étaient là que les hommes du Nord appelaient Papars; ils étaient chrétiens, et les gens pensent qu'ils sont venus de l'ouest par la mer, car il a été trouvé après eux des livres irlandais, et des cloches, des crosses, et bien d'autres choses prouvant qu'ils étaient bien des hommes de l'ouest; ces choses ont été trouvées dans l'Est, à Papeya et Papyli; il est également mentionné dans les livres anglais qu'à cette époque-là, des rapports existaient entre ces pays."

En 876 ou 932, le Norvégien Gunnbjörn Ulfsson aperçoit les récifs de la côte est du Groenland. Il leurs donne le nom de "Gunnbjarnarsker" (Rochers de Gunnbjörn).

En 978, le Norvégien Snaebjörn Galti tente de coloniser le Groenland.

En 982-988, Eirikr Thorvaldson, surnommé Eirikr Rauda (Erik le Rouge), banni de l'Islande, colonise le Groenland.
La "Saga d'Erik de rouge" du "Flateyjarbok" présente la chose ainsi :


"Cet été-là, Erik alla coloniser le pays qu'il avait découvert et qu'il appela Groenland, car il dit que les gens auraient fort envie d'y aller si ce pays portait un beau nom."

Dans le "Islendingabok", écrit par Ares Frode, la colonisation du Vinland est décrite ainsi :

"La terre qui s'appelle Groenland a été découverte et colonisée par l'Islande. Eirik Raude était le nom d'un homme de Breidafjord, qui est parti d'ici et a pris des terres à l'endroit qui s'appelle désormais Eiriksfjord. Il a donné un nom à cette terre et l'a appelée Groenland, et il a déclaré que si elle avait un bon nom, ça inciterait les hommes à y aller."

En 986, Biarne Herjolfsson (Bjarni fils d'Heriulf) aperçoit les cotes de l'Amérique du nord. Le chapitre II de la "Saga des Groenlandais" décrit cette découverte :

"Heriulf Bardson était petit-fils de Heriulf (Herjolfr), qui obtint de son parent Ingolf, premier colonisateur de l'Islande (874), la concession du pays compris entre Vog et Reykianess (Islande occidentale), et s'établit à Drepstokk. De sa femme Thorgerd il eut un fils nommé Biarne (940-1010), qui était doué des plus heureuses dispositions. Dès sa jeunesse, Biarne se sentit du goût pour les voyages ; il visita les pays étrangers et il acquit honneur et richesses. Il passait tour à tour l'hiver en voyage ou chez son père, et au bout de peu de temps il de vint propriétaire d'un navire marchand. Le dernier hiver que Biarne resta en Norvège, son père se défit de son domaine et se prépara à passer au Groenland avec Erik (Erik le Rouge, le colonisateur du Groenland). Sur le navire d'Heriulf était un chrétien des îles Hébrides qui composa le poème intitulé : Hafgerdingar-drapa (ode sur les tourbillons de mer), qui a pour refrain les vers suivants :
'Que le bon tentateur des moines dirige mon voyage ; que le seigneur des voûtes célestes me tende une main secourable.'
Heriulf habitait à Heriulfnes (Aujourd'hui Ikigeit au Groenland) et jouissait d'une grande considération. Erik Rauda, qui demeurait à Brattahlid, était le personnage le plus considérable du lieu, et était respecté de tous. Il avait trois fils, Leif, Thorvald et Thorstein, et une fille, Freydis, mariée à un certain Thorvard qui résidait à Gardar (Igaliko), où est actuellement le siège épiscopal [du Groenland]. Cette dernière était d'un caractère altier. Son mari, homme borné, ne l'avait obtenue qu'en considération de sa grande fortune. A cette époque tous les habitants du Groenland étaient encore païens.
Biarne arriva l'été vers la plage (ou à Eyrar = Eyrarbakki en Islande occidentale) d'où son père était parti le printemps de la même année. Il en fut tout désappointé, et ne voulut pas décharger son navire. Interrogé par les gens de son équipage sur le parti qu'il se proposait de prendre, il répondit qu'il voulait, comme l'habitude, passer l'hiver avec son père, et qu'il allait mettre à la voile pour le Groenland, s'ils voulaient le suivre. Tous y consentirent. 'Bien des personnes, dit Biarne, trouveraient cette entreprise insensée, puisque aucun de nous ne connaît la mer du Groenland'.
Cependant ils prirent le large dès qu'ils eurent achevé leurs préparatifs (en 986). Ils naviguèrent trois jours jusqu'à ce qu'ils perdissent la terre de vue. Le vent favorable ayant alors fait place à un vent du nord accompagné d'une brume obscure, ils furent plusieurs jours sans savoir où ils étaient poussés. Quand le ciel se fut éclairci et qu'ils purent discerner les constellations, ils déployèrent les voiles et au bout d'un jour de navigation, apercevant une côte, ils discutèrent entre eux quel pays ce pouvait être. Biarne dit qu'il ne croyait pas que ce fût le Groenland. Ses compagnons lui ayant demandé s'il voulait débarquer : 'Mon avis, dit-il, est que nous nous approchions du rivage.' Ils s'y conformèrent, et virent que le pays était sans montagne, mais couvert de bois et traversé par quelques petites collines. Tournant vers la terre l'envergure de la voile, ils côtoyèrent cette contrée, qu'ils laissèrent du côté de bâbord. Ils naviguèrent ensuite un jour et une nuit avant de voir une autre côte, qui était plate et couverte d'immenses forêts. Biarne jugea donc que ce n'était pas le Groenland, où il avait entendu dire que s'élevaient de hautes montagnes de glace. Le vent favorable s'étant abattu, les matelots voulaient prendre terre ; mais Biarne s'y opposa. Ils objectèrent que le navire manquait d'eau et de bois. 'Nous nous en passerons bien,' dit Biarne. Ils lui firent quelques remontrances à ce sujet; toutefois, ayant reçu l'ordre de manœuvrer les voiles, ils obéirent et tournèrent la proue du côté de la haute mer. Ils naviguèrent trois jours avec un vent de sud-ouest, et aperçurent une terre élevée et des rochers couverts de glace. Biarne ne jugea pas utile d'aborder à cette terre peu séduisante. On ne cargua donc pas les voiles, mais on continua à naviguer le long des côtes, et l'on vit que ce pays était une île. Ils s'en éloignèrent à la faveur d'un vent propice qui prit tellement de force, que Biarne fit carguer les voiles, de manière à ralentir la course trop rapide du navire. Au bout de trois jours, ils aperçurent une quatrième terre et demandèrent à Biarne si c'était le terme de leur voyage. 'Ce pays, dit-il, répond à la description que l'on m'a faite du Groenland. Descendons-y.' Le soir ils débarquèrent sur un promontoire près duquel il y avait un bateau. Heriulf habitait sur ce promontoire, qui a plus tard été nommé d'après lui Heriolfnes. Biarne y resta tant que vécut son père, et même après la mort de ce dernier."

Dans l' "Histoire d'Olaf Tryggveson" dans l' "Histoire des rois de Norvège", écrite par Snorre Sturleson, il est expliqué, au chapitre CIV, que c'est Leif Eriksson (970-1025), fils d'Erik le rouge, qui a découvert et exploré ensuite le Vinland (Amérique du nord) vers 999-1000 :

"Le même hiver, Leif, fils d'Erik Rauda, fut en faveur à la cour du roi Olaf. Il embrassa le christianisme et fut chargé par le roi d'aller prêcher l'Evangile eu Groenland, le même été que Gizur se rendit en Islande. Il trouva sur les débris d'un navire quelques naufragés qu'il recueillit dans son vaisseau. C'est dans ce voyage qu'il découvrit le Vinland surnommé le Bon (hit goda). Il rentra en Groenland à l'époque de la moisson."

La "Saga Grœnlendinga" ("Saga des Groenlandais") décrit en détail les diverses expéditions qui ont été envoyées pour explorer l'Amérique du nord :

"Chapitre III.

Découvertes de Leif Eriksson, fils d'Erik le rouge.
Biarne (Biarne Herjolfsson), étant allé en Norvège (vers 994), visita le jarl Erik, par qui il fut bien accueilli. Il fit une relation des voyages où il avait vu des terres inconnues. On le trouva bien peu curieux de n'avoir pas mieux examiné ces pays, et on lui en fit des reproches. Toutefois il fut mis au nombre des hirdmadrs (gardes du corps) du Jarl. L'été suivant il retourna au Groenland, où l'on parla beaucoup de ses découvertes. Leif, fils d'Erik Rauda de Brattahlid, l'alla trouver et lui acheta son vaisseau. S'étant attaché trente-cinq compagnons, il pria son père de se mettre à leur tête. Erik s'excusa sur son âge, qui ne lui permettait plus, comme autrefois, de s'exposer au froid et à l'eau ; mais il finit par céder aux instances de Leif, qui lui représenta qu'il avait plus de bonheur qu'aucun des membres de leur famille, et lorsque tout fut prêt, il se mit à cheval pour se rendre au vaisseau, qui était à peu de distance. Mais le cheval ayant trébuché, le cavalier tomba à terre et s'endommagea le pied. Il dit à cette occasion : 'Il n'est pas dans mes destinées, je crois, de découvrir d'autre pays que celui-ci ; nous n'irons donc pas plus loin ensemble.' Il retourna donc à Brattahlid, tandis que son fils s'embarquait avec ses trente-cinq compagnons, au nombre desquels se trouvait un homme du sud (Sudrmadr = Allemand) nommé Tyrker (Tyrkir). Ayant mis à voile (en l'an 1000 ou 1001) ils retrouvèrent le pays que Biarne avait vu. Ils jetèrent l'ancre, mirent un bateau en mer, et firent une descente à terre. Entre la côte et les glaciers qui s'élevaient plus loin à l'intérieur, le sol était jonché de galets. Il n'y avait point de gazon, et le pays était dépourvu de toute espèce d'agréments. 'Mais du moins, dit Leif, nous n'avons pas fait comme Biarne, qui a négligé de visiter cette terre. Je veux lui donner un nom. Je l'appelle Helluland (pays rocailleux = Baffin ?).'
Ils regagnèrent leur vaisseau et se remirent en mer. Découvrant un autre pays, ils s'approchèrent de la côte et y descendirent après avoir jeté l'ancre. Cette contrée, dont le rivage s'abaissait en pente douce vers la mer, était plate, boisée et couverte de sable blanc. 'Je lui donne, dit Leif, le nom de Markland (Pays de forêts = Labrador ?), eu égard à la nature de ses productions.' Ils se hâtèrent de retourner à leur navire, et furent poussés plus loin par un vent de nord-est. Au bout d'un jour et d'une nuit, ils arrivèrent en vue d'une nouvelle terre. S'y étant dirigés, ils abordèrent à une île qui était au nord du continent. Cette île jouissait d'une bonne température. Ayant remarqué de la rosée sur le gazon, ils en goûtèrent et la trouvèrent plus savoureuse que tout ce qu'ils connaissaient. S'étant rembarqués, ils naviguèrent sur un détroit resserré entre l'île et un promontoire qui s'avançait au nord, et qu'ils tournèrent en se dirigeant vers l'ouest. L'eau était très basse, et au temps de la marée descendante leur vaisseau resta à sec. Ils se virent à une grande distance de la mer ; mais ils étaient si pressés de visiter la terre, qu'ils n'eurent pas la patience d'attendre que la haute marée remît à flot leur embarcation ; ils se rendirent de suite au rivage, vers l'embouchure d'une rivière qui sortait d'un lac. A la haute marée, ils retournèrent en bateau vers leur navire, sur lequel ils remontèrent le fleuve et le lac. Ils y jetèrent l'ancre, et ayant débarqué leurs effets, ils élevèrent quelques huttes. Ils se décidèrent ensuite à faire des préparatifs pour y passer l'hiver et bâtirent une grande maison (désignée plus tard sous le nom de Leifsbudir, maison de Leif). Dans le fleuve et le lac, ils trouvaient en abondance des saumons, les plus grands qu'ils eussent jamais vus. Le climat était si favorable, qu'il n'aurait pas été nécessaire de nourrir le bétail à l'étable durant l'hiver. Il n'y gelait presque pas, et le gazon ne se flétrissait que très peu. L'inégalité des jours et des nuits y était moins grande qu'en Islande et en Groenland, puisque le soleil se levait à sept heures et demie et se couchait à quatre et demie dans les jours les plus courts. Lorsqu'ils eurent terminé leurs constructions, Leif divisa ses compagnons en deux bandes, dont l'une devait garder le campement, tandis que l'autre ferait des excursions dans le voisinage. Elles sortirent ainsi tour à tour durant quelque temps ; mais elles se réunissaient chaque soir, de manière à ne jamais se séparer. Leif lui-même faisait tantôt partie de ces expéditions, tantôt il restait au campement. Il était de haute stature, vigoureux, d'un aspect imposant, prudent et modéré en tout.

Chapitre IV.

Leif Eriksson passe l'hiver dans le Vinland et retourne ensuite en Groenland.
Un soir il arriva qu'un des hommes de la troupe, Tyrker l'Allemand ne rentra pas avec ses compagnons. Leif en fut très-affligé, car il avait été élevé avec beaucoup de soin par Tyrker, qui était depuis très-longtemps attaché à sa famille. Il réprimanda durement ceux qui revenaient sans lui, et se mit avec douze hommes à sa recherche ; mais à peu de distance de la maison, ils le retrouvèrent et l'accueillirent avec de grandes démonstrations de joie. Tyrker avait le front large, les yeux mobiles, les traits fins; il était petit et faible de complexion, mais adroit dans toute sorte de métiers. Leif remarqua aussitôt que son père nourricier n'était pas dans son état normal ; il lui demanda d'où il venait et pourquoi il s'était séparé de la bande.
Tyrker parla quelque temps en allemand, de sorte que ses compagnons ne le comprirent pas. Il avait les yeux agités et la bouche contractée (ivre). A la fin il dit en langue norraena (Scandinave) : ' Quoique je ne me sois guère écarté de vous, je puis pourtant vous apprendre du nouveau, car j'ai trouvé des vignes et des grappes de raisin. — Parlez-vous sérieusement? demanda Leif. — Oui certainement, car je suis né dans un pays où il ne manque pas de vignobles, [et je sais ce que c'est que des raisins].' Ils laissèrent passer la nuit ; mais, le matin suivant, Leif dit à ses gens : 'Nous avons maintenant deux choses à faire alternativement : un jour nous vendangerons, l'autre nous couperons des ceps et nous abattrons des arbres pour en charger le navire.' Ils firent ainsi. On rapporte que leur grande chaloupe était remplie de raisins, et le vaisseau, de bois. [Le froment y croissait sans culture, ainsi que le bois appelé masur (érable). Ils emportèrent des échantillons de tous les produits. Quelques arbres y venaient assez gros pour qu'on en fît usage dans les constructions.] Ils nommèrent ce pays Vinland (pays de vigne). Au printemps, ils se rembarquèrent pour s'en retourner, et furent poussés par un vent favorable jusqu'à ce qu'ils fussent en vue du Groenland et de ses montagnes couvertes de glace. Mais alors Leif tourna le navire contre le vent. Un des hommes de l'équipage lui ayant demandé le sujet de cette manœuvre : 'Je ne me laisse pas absorber par mes fonctions de pilote, je fais encore attention à d'autres circonstances. N'apercevez-vous rien ?' Ses compagnons dirent qu'ils ne voyaient rien d'extraordinaire. « Je ne sais, reprit Leif, si c'est un navire ou un rocher que je vois là-bas. » Ils regardèrent tous lu côté qu'il indiquait et se prononcèrent pour la dernière alternative ; mais leur chef, qui avait la vue beaucoup plus perçante, distingua en outre des hommes sur le rocher. 'C'est pourquoi, dit-il, je navigue contre le vent, afin d'arriver vers ces gens. Si ce sont des navigateurs en détresse, nous les assisterons ; s'ils ont de mauvaises intentions, nous ne les redoutons pas : c'est plutôt nous qui sommes à craindre.' Arrivés près du rocher, ils jetèrent l'ancre, carguèrent les voiles et mirent en mer un petit bateau. Tyrker demanda aux étrangers qui était leur chef. Celui-ci répondit qu'il s'appelait Thorer et qu'il était Norvégien. Leif lui apprit à son tour qu'il était fils d'Erik Rauda de Brattahlid, et offrit aux naufragés de les prendre sur son vaisseau avec une partie de leur cargaison. Ils acceptèrent cette proposition. Ensuite Leif repartit pour l'Eriksfiord (golfe d'Erik). Arrivé à Brattahlid, il logea dans sa maison Thorer, Gudrid sa femme, et trois autres personnes, et il trouva ailleurs un logement pour ses propres compagnons et pour ceux de Thorer. Il fut surnommé l'heureux, pour avoir sauvé ces quinze naufragés. Il acquit des biens et de la considération. Le même hiver Thorer et ses gens furent atteints d'une maladie dont ils moururent pour la plupart. La mort d'Erik Rauda eut lieu vers le même temps. On parla beaucoup du voyage de Leif en Vinland. Son frère Thorvald prétendant que le pays n'avait pas été suffisamment exploré, Leif lui dit : 'Si tu veux, tu prendras mon navire pour faire une expédition en Vinland ; mais je veux d'abord faire transporter ici les bois que Thorer a laissés sur recueil.'

Chapitre V.

Voyage de Thorvald Eriksson en Vinland.
Thorvald s'étant adjoint trente compagnons, fit ses préparatifs de voyage, après avoir pris conseil de son frère Leif. On ne connaît pas les particularités de leur traversée. Arrivés à Leifsbudir (en 1002), ils mirent leur navire à couvert, et y passèrent tranquillement l'hiver en se nourrissant de poissons. Mais au printemps (de 1003), Thorvald fit mettre en ordre le navire, et ordonna à quelques-uns de ses compagnons d'entreprendre, pendant l'été, un voyage d'exploration le long de la côte occidentale. Le pays leur parut beau ; il était bordé de sable blanc et couvert de forêts qui s'arrêtaient à peu de distance de la mer. Il y avait beaucoup d'îles et de bas-fonds. Ils ne trouvèrent ni habitations humaines, ni tanières d'animaux. Dans une île, ils virent une grange en bois; mais ce fut le seul ouvrage humain qu'ils rencontrèrent. Ils s'en retournèrent donc et arrivèrent en automne à Leifsbudir. L'été suivant (1004), Thorvald explora, sur le navire, les parties orientales et septentrionales des côtes. Surpris par une tempête en vue d'un cap, il fut jeté sur le rivage, et la quille du navire fut endommagée. S'étant arrêté longtemps sur le cap pour radouber le vaisseau, il proposa à ses compagnons d'y ériger la quille mise hors de service et de nommer le lieu Kialarnes (cap de la quille), ce qui fut fait. Ensuite ils se dirigèrent vers la partie orientale du continent et entrèrent dans une baie à peu de distance de là, en passant devant un promontoire couvert de bois. Thorvald fit jeter le pont d'abordage et débarqua avec ses compagnons. 'Ce pays, dit-il, est plaisant; je voudrais y établir ma demeure.' Retournés sur le navire, ils remarquèrent sur le rivage, en deçà du petit cap, trois objets qu'ils allèrent examiner. C'étaient trois barques recouvertes de peau, sous chacune desquelles étaient tapis trois hommes. S'étant divisés, ils les prirent tous, à l'exception d'un seul qui s'enfuit sur son canot. Après avoir tué les huit autres, ils allèrent ensuite vers le promontoire et découvrirent sur la côte intérieure de l'anse quelques élévations qu'ils prirent pour des maisons. Ils avaient une telle envie de dormir, qu'ils ne purent se tenir éveillés et se livrèrent au sommeil. Ils furent subitement réveillés par le bruit d'une voix qui disait : 'Lève-toi, Thorvald, avec toute ta troupe, si tu tiens à la vie. Conduis tes gens sur le vaisseau, et éloigne-toi de la côte le plus vite possible ' Presque aussitôt [qu'ils se furent rembarques] il vint du fond de l'anse une grande quantité de barques de peau montées par des gens qui les attaquèrent. Thorvald dit à sa troupe : 'Disposons les claies sur les flancs du navire, et repoussons vigoureusement les assaillants ; mais servons-nous plutôt d'armes défensives que d'armes offensives.' C'est ce qu'ils firent. Les Skraelingar lancèrent quelques traits et s'enfuirent, peu après, aussi vite qu'ils purent. Thorvald demanda aux siens s'ils avaient été blessés; ils répondirent négativement. 'Quant à moi, dit-il, j'ai été atteint sous le bras par une flèche qui a passé entre le bord du navire et les claies. Voici ce trait qui causera ma mort. Maintenant je vous conseille de vous préparer immédiatement à vous en retourner. Mais transportez-moi d'abord sur ce promontoire qui me paraissait d'un si agréable séjour. Mes paroles étaient prophétiques, quand je disais que j'y habiterais quelque temps. Après m'y avoir enterré, vous élèverez sur mon tombeau deux croix, l'une à ma tête, l'autre à mes pieds, et vous appellerez ce lieu Krossanes (Cap des Croix).' Le Groenland avait adopté le christianisme ; mais Erik Rauda était mort avant cet événement. Après la mort de Thorvaîd, ses compagnons firent tout ce qu'il leur avait prescrit, et allèrent rejoindre (à Leifsbudir) le reste de la troupe. Ils se racontèrent réciproquement ce qu'ils savaient. Ils firent la vendange et coupèrent des ceps pour la charge du vaisseau, et passèrent encore l'hiver au Vinland. Mais au printemps ils repartirent pour le Groenland et retournèrent dans l'Eriksfiord, où ils racontèrent à Leif ces grandes nouvelles.

Chapitre VI.

Thorstein Eriksson meurt dans le Vesterbygd (Groenland occidental)
Cependant Thorstein avait épousé Gudrid Thorbiornsdatter, veuve de Thorer Oestmand (celui qui avait été sauvé par Leif). Ayant résolu de faire un voyage en Vinland pour ramener le cadavre de son frère Thorvald, il gréa le navire de Leif, et prit avec lui vingt-cinq hommes et sa femme Gudrid. Il partit aussitôt qu'il eut fait ses préparatifs. Tout l'été il erra sur mer, ne sachant où il allait. La première semaine de l'hiver était déjà passée lorsqu'il débarqua dans le Lysufiord, dans la partie occidentale du Groenland. Thorstein chercha des logements pour ses compagnons, mais il n'en trouva point pour lui et sa femme ; il resta donc quelques nuits sur son navire. Le christianisme n'avait été introduit que depuis peu en Groenland. Un jour, quelques personnes vinrent de bon matin sur le vaisseau des étrangers. Leur chef demanda : 'Qui est dans la tente ? — Nous sommes deux, répondit Thorstein ; mais qui m'adresse cette question? —Je m'appelle Thorstein Svart (le noir), et je viens t'inviter, avec ta femme, à prendre logement chez moi.' Après avoir consulté Gudrid, qui le pria de faire ce que bon lui semblerait, Thorstein Eriksson accepta l'offre de l'étranger. 'Je reviendrai vous chercher demain matin avec des chevaux, dit Thorstein Svart. Il ne me manque rien pour vous bien loger ; cependant ma maison n'est pas un séjour bien agréable ; car nous vivons seuls, moi et ma femme, parce que je suis d'un caractère assez difficile. Je suis aussi d'une autre religion que vous; mais je regarde la vôtre comme préférable.'
Thorstein et Gudrid partirent le lendemain matin sur les chevaux de Thorstein Svart, qui se montra fort hospitalier. Gudrid était belle, prudente, et savait parfaitement s'accommoder aux usages des étrangers. Au commencement de l'hiver les gens de Thorstein Eriksson furent atteints d'une maladie qui emporta plusieurs d'entre eux. Leur chef leur fit faire des cercueils et conserva les cadavres sur le navire, afin de les transporter en été dans l'Eriksfiord.
L'épidémie ne tarda pas à faire des ravages dans la maison de Thorstein Svart. Sa femme Grimhild fut la première victime. Elle était extrêmement grande, et forte comme un homme ; pourtant elle ne put résister au mal. Bientôt après Thorstein Eriksson lui-même tomba malade. Grimhild étant morte, son mari alla chercher une planche pour en faire un cercueil. 'Ne t'éloigne pas trop, mon cher Thorstein, lui dit Gudrid.' Il promit de se conformer à ce désir.
Thorstein Eriksson dit alors à sa femme : 'Notre hôtesse se démène étrangement; elle se soulève sur ses coudes et passe les jambes par-dessus le bois de lit pour chercher ses chaussures.' L'hôte rentra alors ; Grimhild se laissa retomber sur son lit, et tous les poteaux de la maison craquèrent. Ayant fait un cercueil, il y déposa le cadavre, et l'emporta pour l'inhumer ; mais, quoiqu'il fût grand et fort, il eut besoin de toutes ses forces pour transporter la bière hors de la maison.
La maladie de Thorstein Eriksson s'étant aggravée, il succomba, et sa femme en fut extrêmement affligée. Elle alla s'asseoir sur un siège en face du banc sur lequel son mari était étendu. Thorstein Svart la prit sur ses genoux et s'assit avec elle sur un autre banc vis-à-vis du corps du défunt; il la consola de son mieux, l'exhorta à prendre courage et lui promit de la suivre dans l'Eriksfiord avec le cadavre de son mari et de leurs compagnons. 'Je prendrai en outre plusieurs domestiques pour te consoler et te désennuyer,' dit-il. Elle le remercia.
Thorstein Eriksson se leva alors sur le banc où il était couché et demanda : 'Où est Gudrid ?' Il répéta trois fois cette question. Mais sa femme restait muette. Ensuite elle demanda à son hôte si elle devait répondre. Il lui conseilla de garder le silence, et alla lui-même s'asseoir sur le banc avec Gudrid sur ses genoux, et il demanda : 'Que désires-tu, mon homonyme ?' Au bout d'un instant Thorstein Eriksson répondit : 'Je veux prédire à Gudrid sa destinée, afin qu'elle supporte mieux la douleur de m'avoir perdu. Pour moi je suis arrivé au séjour du repos. J'ai à te dire, Gudrid, que tu épouseras un Islandais ; que vous vivrez longtemps ensemble, et que vous laisserez une postérité nombreuse, puissante, brillante, illustre et de bonne renommée. Vous irez du Groenland en Norvège ; ensuite vous vous établirez en Islande. Tu survivras à ton mari, et tu feras un pèlerinage à Rome, d'où tu retourneras en Islande. Une église sera bâtie dans ton domaine ; tu t'y consacreras à la vie monastique, et c'est là que tu mourras.' Il se laissa retomber sur son banc. Son cadavre fut enseveli et transporté dans le vaisseau.
Thorstein Svart tint ce qu'il avait promis à Gudrid. Ayant vendu au printemps sa maison et son bétail, il s'embarqua avec tout ce qu'il avait sur le vaisseau de Gudrid. Ils se rendirent dans l'Eriksfiord, où les cadavres furent inhumés près de l'église. Gudrid alla à Brattahlid ; mais Thorstein Svart resta dans l'Eriksfiord jusqu'à sa mort, jouissant de la réputation d'homme capable.

Chapitre VII.

Voyage de Thorfinn Karlsefne au Vinland.
Le même été (1006) vint de Norvège en Groenland un navire commandé par Thorfinn Karlsefne, fils de Thord Hesthœfde (Tête de cheval), qui était fils de Snorre Thorderson de Hœfde. Thorfinn était très-riche. Il passa l'hiver chez Leif Eriksson et s'éprit de Gudrid, dont il demanda la main. Elle le renvoya à Leif (son beau-frère), qui agréa les vœux de Thorfinn. Leur mariage fut célébré le même hiver.
On continuait à parler des expéditions en Vinland. Sur la sollicitation de sa femme et de plusieurs autres personnes, Thorfinn résolut d'y faire un voyage. Son équipage se composait de soixante hommes et de cinq femmes, avec qui il convint de partager également les bénéfices de l'entreprise. Ils emmenèrent avec eux toute sorte d'animaux domestiques, car ils se proposaient de coloniser des pays, s'il était possible. Leif, à qui Karlsefne avait demandé ses maisons [de Leifsbudir] en Vinland, répondit qu'il ne voulait pas lui en céder la propriété, mais qu'il les lui prêtait volontiers. S'étant mis en mer (en 1007), ils arrivèrent sans avarie à Leifsbudir, où ils débarquèrent leurs provisions. Ils eurent bientôt occasion de faire une bonne pêche; car un cétacé gros et gras vint échouer sur la côte. Ils le tirèrent sur le rivage, et l'ayant dépecé, ils ne manquèrent pas d'aliments. Ils laissèrent paître leur bétail en liberté ; mais les mâles ne tardèrent pas à devenir sauvages et à s'éloigner des habitations. Ils avaient amené un taureau. Karselfne ayant fait abattre des arbres pour la charge du vaisseau, les fit dégrossir et les mit sécher sur un rocher. Ils tirèrent parti des biens de la terre, des raisins, du gibier et du poisson, et d'autres produits excellents du pays. L'hiver ils virent des Skraelingar, qui sortirent en grand nombre de la forêt. Le bétail était à peu de distance, et le taureau s'étant mis à beugler, les sauvages en furent effrayés et s'enfuirent, avec leurs paquets de petit-gris, de zibeline et d'autres fourrures, du côté des maisons de Leif, où ils voulurent pénétrer. Mais Karlsefne fit fermer les portes. Aucun des deux partis n'entendait la langue de l'autre. Les Skraelingar étalèrent leurs marchandises et les offrirent en échange contre des armes. Mais Karlsefne défendit à ses gens de vendre des armes, et imagina l'expédient de faire présenter du laitage aux naturels. Aussitôt qu'ils en eurent goûté, les sauvages ne voulurent acheter rien autre chose. Ils consommaient ce qu'ils obtenaient en échange de leurs fourrures, qui restèrent à Karlsefne et ses compagnons. Lorsqu'ils eurent tout vendu, ils s'en allèrent. Karlsefne fit alors entourer les habitations d'une forte palissade et les mit en état de défense. Vers ce temps il eut de sa femme Gudrid un fils qui reçut le nom de Snorre.
Au commencement de l'hiver suivant (en 1008), les Skrœlingar revinrent en beaucoup plus grand nombre que la première fois. Ils avaient encore les mêmes espèces de marchandises. Les compagnons de Thorfinn reçurent l'ordre de ne vendre que du lait comme l'année précédente. Les sauvages jetèrent leurs denrées par-dessus les palissades. Gudrid étant assise dans l'intérieur de la maison à côté du berceau de son fils Snorre, vit passer une ombre devant la porte, et aussitôt il entra une femme de courte stature, vêtue d'une jupe noire, la tète ceinte d'un bandeau, et qui avait les cheveux roux, le visage pâle, et les yeux extraordinairement grands. Elle s'approcha de Gudrid et lui demanda : 'Comment te nommes-tu ? —Gudrid, dit la femme de Thorfinn. Et toi quel est ton nom ?—Je m'appelle aussi Gudrid,' répondit l'étrangère. La maîtresse de la maison lui tendit la main pour la faire asseoir à ses côtés ; mais au même instant elle entendit un grand bruit. L'étrangère avait disparu et un des Skrselingar avait été tué par un Groenlandais, à qui il voulait enlever ses armes. Les sauvages s'enfuirent en toute hâte, laissant derrière eux leurs vêtements et leurs marchandises. Gudrid était la seule qui eût vu la femme étrangère. 'Il faut prendre des mesures, dit Karlsefne, car je pense que les naturels nous visiteront une troisième fois avec des intentions hostiles et en nombre. Je vais envoyer dix hommes sur ce promontoire, tandis que le reste de la troupe ira dans la forêt couper des branches d'arbres pour nourrir nos bêtes à cornes, quand l'ennemi sera sorti de la forêt. Nous prendrons alors le taureau et nous le pousserons devant nous.' On suivit ce conseil. Le lieu où ils devaient rencontrer l'ennemi était limité d'un côté par un lac, de l'autre par la forêt. Les Skrœlingar étant venus dans l'endroit que Karlsefne avait choisi, lui livrèrent une bataille où périrent un grand nombre d'entre eux. Il y avait parmi les naturels un homme grand et remarquable, que Karlsefne prit pour leur chef. Un des sauvages ayant ramassé une hache, la considéra quelque temps; puis il en frappa un de ses compagnons qui tomba roide mort. Le chef prit l'arme, la regarda un instant et la lança dans le lac, aussi loin qu'il put. La fuite des sauvages mit fin à la lutte. Karlsefne resta encore tout l'hiver en Vinland ; mais, le printemps suivant [1009], il notifia qu'il voulait retourner en Groenland. On se prépara au voyage, et l'on emporta beaucoup de denrées utiles, des ceps, des raisins, des peaux. S'étant embarqués, ils arrivèrent heureusement dans l'Eriksfiord, où ils passèrent l'hiver.

Chapitre VIII

[Lorsque Freydis, fille d'Erik, rentra dans l'Eriksfiord, (en 1013), Thorfinn Karlsefne était prêt à en partir et n'attendait plus qu'un vent favorable pour mettre à voile. On dit généralement que jamais vaisseau n'était sorti d'un port du Groenland avec une plus riche cargaison. Karlsefne eut un heureux voyage, et arriva sans accident en Norvège, où il passa l'hiver et vendit ses marchandises. Il jouit avec sa femme de la considération des plus hauts personnages de ce pays. Le printemps suivant, il se préparait à passer en Islande, lorsqu'un méridional, natif de Brème, dans le pays des Saxons, vint le trouver et offrit d'acheter un manche à balai. Karlsefne n'était pas disposé à le vendre ; mais l'Allemand lui en ayant offert un demi-mark d'or, il trouva cette proposition avantageuse et conclut le marché, ignorant que cette pièce de bois était du masur venu de Vinland S'étant mis en mer, il alla débarquer au nord de l'Islande, dans le Skagefiord, où il dressa son vaisseau sur la quille pour l'hiver. Au printemps il acheta le domaine de Glaumbœiarland (en danois, Glœmbœland), où il s'établit, et y passa le reste de sa vie, considéré comme un des personnages les plus notables du pays. De lui et de sa femme Gudrid est issue une postérité nombreuse et illustre. A la mort de son mari, Gudrid administra le domaine conjointement avec son fils Snorre, qui était né en Vinland. Lorsque ce dernier se maria, elle partit pour un voyage et visita Rome. Retournée auprès de son fils, qui avait fait construire une église à Glœmbae, elle se fit nonne et vécut dans la retraite jusqu'à sa mort. De Thorgeir, fils de Snorre, naquit Ingveld, mère de l'évêque Brand ; et de Hallfrid, fille de Snorre, naquit Runolf, père de l'évêque Thorlak. Biœrn, autre fils de Karlsefne et de Gudrid, fut père de Thorun, mère de l'évêque Biœrn. Karlsefne est celui qui a raconté avec le plus d'exactitude tous les événements des voyages dont on vient de donner une relation.
On commença de nouveau à parler des voyages en Vinland, car ces expéditions étaient à la fois fort lucratives et honorables. La même année (1011) que Karlsefne revint du Vinland, il arriva de Norvège un navire appartenant aux deux frères Helge et Finnboge, qui passèrent l'hiver en Groenland. Ils étaient originaires de l'Œstfiord en Islande, Freydis, fille d'Erik Rauda, partit de Gardar pour aller trouver ces Islandais. Elle les engagea à entreprendre avec elle un voyage en Vinland, promettant de partager avec eux les produits de l'expédition. Lorsqu'ils y eurent consenti, elle alla demander à son frère Leif les maisons qu'il avait fait élever en Vinland. Il répondit, comme auparavant, qu'il voulait bien prêter mais non pas vendre les Leifsbudir. Les deux Islandais et Freydis s'engagèrent à prendre, chacun sur leur vaisseau, trente hommes faits sans compter les femmes. Mais Freydis n'observa pas cette convention : elle prit cinq hommes de plus que le nombre fixé, et les cacha si bien, que ses associés n'en furent instruits qu'à leur arrivée en Vinland. Il était convenu que les deux vaisseaux navigueraient de concert. Ils se suivirent en effet d'assez près ; mais les frères arrivèrent les premiers et se mirent à transporter leurs bagages dans les maisons de Leif. Lorsque Freydis les eut rejoints, elle leur demanda pourquoi ils déposaient leurs effets dans ces bâtiments. 'Nous ne faisons qu'exécuter la convention, répondirent-ils. — Mais c'est à moi, dit-elle, et non à vous, que Leif a prêté ces constructions. — Helge répliqua : Nous ne sommes pas de force à lutter d'astuce avec toi.' Ils mirent dehors leurs bagages et élevèrent des constructions séparées, plus loin du rivage, sur la rive d'un lac, où ils furent parfaitement à leur aise. Freydis fit couper des arbres pour la charge de son navire.
Lorsque l'hiver approcha, les deux frères organisèrent des jeux afin de passer plus agréablement le temps. Mais bientôt des rumeurs malignement répandues mirent la zizanie entre les deux troupes ; elles cessèrent de jouer ensemble et de se rendre l'une aux habitations de l'autre. Une bonne partie de l'hiver se passa ainsi. Un matin qu'il était tombé beaucoup de rosée, Freydis se leva et s'habilla, mais sans mettre de chaussures ni de bas ; elle se couvrit du manteau de son mari et se rendit à la maison des deux Islandais. Quelqu'un venait de sortir et avait laissé la porte entr'ouverte. Freydis entra et resta quelque temps sur le seuil sans rien dire. Finnboge, qui se trouvait dans la chambre et qui était éveillé, lui demanda ce qu'elle voulait. 'Je désire te parler, répondit-elle ; lève-toi et viens avec moi.' Il la suivit, et ils allèrent s'asseoir sur un tronc d'arbre déposé près de la maison. 'Comment te trouves-tu dans ce pays ? demanda-t-elle. — Je suis satisfait de sa fertilité ; mais je regrette que des dissensions se soient élevées entre nous ; car je crois que nous n'avons pas de raisons d'être désunis. — Je suis du même avis. Mais je venais pour vous proposer d'échanger mon navire contre le vôtre qui est plus grand ; je me propose de quitter cette contrée. —Nous te céderons volontiers notre vaisseau, si cela te fait plaisir', répondit-il. S'étant séparés, Finnboge retourna se coucher, et Freydis rentra chez elle. Lorsqu'elle se remit au lit avec les pieds glacés, Thorvard (son mari) s'éveilla et lui demanda où elle s'était ainsi mouillé et refroidi les pieds. 'J'étais allée trouver les Islandais, répondit-elle avec véhémence, pour les prier de me vendre leur vaisseau. Mais ils m'ont reçue très-mal ; ils m'ont même frappée et accablée de mauvais traitements; et toi, indigne mari, tu ne te mets guère en peine de venger mon outrage et le tien. Je remarque que je ne suis plus en Groenland, et je veux me séparer de toi, si tu ne me venges pas.'
Incapable de résister à de tels reproches, Thorvard éveilla ses gens et leur ordonna de s'armer le plus vite possible, lisse rendirent de suite à l'habitation des frères, et les ayant surpris dans leur lit, ils les lièrent et les traînèrent dehors l'un après l'autre. Freydis les faisait massacrer aussitôt qu'ils sortaient. Lorsque tous les hommes furent tués et qu'il ne resta plus que des femmes, personne ne voulut porter la main sur elles. Freydis demanda alors une hache et se précipita sur les femmes qui faisaient partie de la troupe des Islandais. Elle ne cessa de frapper que lorsque ces malheureuses eurent rendu le dernier soupir. Après cet abominable forfait, elle retourna avec ses complices, sans paraître émue de ce qu'elle avait fait. Elle dit à ses gens : 'Si nous retournons en Groenland, je ferai mettre à mort celui qui parlera de ce qui s'est passé aujourd'hui. Il faudra dire qu'en partant, nous avons laissé les Islandais derrière nous.' Au printemps (1013) ils équipèrent le vaisseau qui avait appartenu à leurs victimes et le chargèrent de tout ce qu'ils avaient de plus précieux. Ensuite ils mirent à la voile, et après un rapide voyage, ils arrivèrent en été dans l'Eriksfiord.

Chapitre IX.

Freydis retourna dans sa maison qui n'avait souffert aucun dommage durant son absence, et continua à exploiter son domaine. Elle avait fait de grands présents à, ses compagnons, afin qu'ils gardassent le silence sur son forfait ; mais ils ne furent pas si discrets que cette affaire ne vînt à s'éventer. Leif ayant entendu parler de ce crime en fut profondément affligé. Il prit trois des compagnons de Freydis et les mit à la torture pour les forcer à déclarer la vérité. Les révélations qu'ils firent s'accordaient de tous points. 'Il m'est impossible, dit alors Leif, de traiter ma sœur comme elle le mérite ; mais je prédis que sa postérité ne prospérera pas.' Aussi depuis cette époque il ne lui arriva plus que des revers (…)"

Dans la "Eiríks saga Rauda" ("Saga d'Erik le rouge"), c'est bien Leif Eriksson qui a découvert l'Amérique, mais c'est son frère Thorstein Eriksson qui y a fait le second voyage. Il n'est pas parlé ici de l'expédition de Thorvald :

"Chapitre V - Voyages de Leif Eriksson et de Thorstein Eriksson :

[Chargé par le roi Olaf Tryggveson de prêcher le christianisme en Groenland, Leif quitta la Norvège en l'an 1000], et fut longtemps sur mer. Il vit des pays auparavant inconnus, où les raisins et le froment croissaient d'eux-mêmes, et où le bois appelé masur venait assez gros pour être employé dans les constructions. Il emporta des échantillons des divers produits de la contrée. Ayant trouvé plusieurs personnes sur les débris d'un vaisseau naufragé, il les prit sur son navire. En cette occasion, comme en plusieurs autres, il fit preuve de la plus grande magnanimité; et tant pour cette action que pour avoir introduit le christianisme au Groenland, il fut appelé Leif l'Heureux. Ayant débarqué dans l'Eriksfiord, il se rendit chez son père à Brattahlid, où il fut bien accueilli. Il notifia la mission que lui avait confiée le roi Olaf Tryggveson, et se mit aussitôt à prêcher la foi catholique, insistant sur l'excellence et la sublimité de la nouvelle religion. Erik balança longtemps à se convertir; mais sa femme Thorild / Thiodhild se laissa facilement persuader. Elle fit élever à une certaine distance de la maison une église, qui fut nommée Thorildarkirkia. C'est là qu'elle se réunissait pour prier avec les autres personnes qui avaient embrassé le christianisme. A partir de sa conversion elle ne voulut plus avoir de relation avec Erik, qui en fut extrêmement peiné.
A Brattahlid on parla beaucoup d'aller explorer les contrées que Leif avait découvertes. Celui qui patronnait le plus chaleureusement ce projet était Thorstein Eriksson (fils d'Erik), homme sage et expérimenté. Erik fut invité à prendre part à cette expédition, parce que l'on avait la plus grande confiance en son bonheur et en son expérience. Il résista longtemps, mais il finit par céder aux instances de ses amis. On mit alors en état le vaisseau sur lequel était venu Thorbiorn (père de Gudrid) et l'on choisit vingt hommes pour le voyage. On emporta avec soi des armes et des vivres, mais peu d'argent. Le matin du jour fixé pour le départ, Erik se mit à cheval pour se rendre au port, après avoir caché en terre une cassette contenant de l'or et de l'argent. En chemin il fit une chute et se brisa les côtes et se cassa le bras à l'articulation de l'épaule. Cet accident lui inspira du repentir ; il pria sa femme Thorhild de déterrer le trésor pour l'enfouissement duquel il venait d'être puni. Les voyageurs ayant mis à la voile, sortirent de l'Eriksfiord, avec la plus belle perspective et les meilleures espérances. Ils errèrent longtemps sur mer et ne trouvèrent pas les pays qu'ils cherchaient. Ils virent l'Islande, et aperçurent des oiseaux de l'Irlande. Leur vaisseau fut ainsi poussé à la dérive de côté et d'autre. L'automne, en s'en retournant, ils souffrirent beaucoup de la pluie et du mauvais temps, et furent épuisés de fatigues. Ils rentrèrent dans l'Eriksfiord au commencement de l'hiver. « Nous étions plus joyeux lors de notre départ, dit Erik; cependant il ne faut pas abandonner tout espoir. » Thorstein répondit : « Il est du devoir d'un bon chef de pourvoir aux besoins de ses subordonnés; il nous faut donc chercher des logements d'hiver à tous ces gens qui sont sans asile. — Comme dit le proverbe, on reste dans l'incertitude tant qu'on n'a pas reçu de réponse, répliqua Erik ; je te dirai donc que je suivrai ton conseil. » Tous les matelots, qui n'avaient pas d'asile, suivirent Erik et Thorstein, chez qui ils passèrent l'hiver à Brattahlid.

Chapitre VII — Généalogie de Thorfinn Karlsefne (Karlsefni).

Thord, qui habitait à Hœfde (Höfdi), sur le Hœfdastrœnd (Rivage de Hœfde en Islande septentrionale),était marié avec Thorgerd, fille de Thorer Hima (Paresseux) et de Fridgerd, fille de Kiarval, roi d'Irlande. Thord était fils de Biœrn Byrdusmicer (Beurre en boite), fils de Thorvald Hrygg (le Triste), fils d'Asleik, fils de Bjœrn Jarnside (Flanc de fer), fils de Ragnar Lodbrok (Braies velues). Snorre, fils de Thord et de Thorgerd, eut de sa femme Thorild Riupa / Ptarmigan, fille de Thord Geller (Braillard), un fils nommé Thord Hestœfde (Tête de cheval). De ce dernier et de Thorun naquit Thorfinn Karlsefni (le découvreur du Vinland selon le Landnamabok) qui fit divers voyages pour le commerce et qui passait pour un excellent navigateur. Un été, ayant mis son navire en état, il partit pour le Groenland avec Snorre Thorbrandsson. Ils étaient quarante sur le navire. Deux autres personnages, Biarne Grimolfsson du Breidsfiord, et Thorhall Gamlason de l'Œstfiord, s'embarquèrent en même temps avec un équipage de quarante hommes. On ne dit pas combien de temps ils furent en mer ; mais on sait que les navigateurs arrivèrent dans l'Eriksfiord en automne. Erik et plusieurs des colons se rendirent à cheval au lieu de débarquement pour trafiquer avec les nouveaux venus. Les armateurs autorisèrent Erik à prendre toutes les marchandises qu'il désirerait. De son côté Erik se montra hospitalier et invita les équipages des deux vaisseaux à passer l'hiver chez lui. Les voyageurs acceptèrent cette offre avec reconnaissance. Ils transportèrent leurs marchandises à Brattahlid, où il y avait de grands magasins, et où il ne manquait presque rien de ce qui était nécessaire. Ils furent donc très-satisfaits de leur hôte. Aux approches de Sol (Noël), Erik devint taciturne et ne parut plus si gai que d'habitude. 'As-tu quelque chagrin? lui demanda Thorfinn Karlsefne. Je crois remarquer que tu as perdu de ta gaieté habituelle. Tu nous as traité avec la plus grande libéralité, et il est de notre devoir de te rendre, en retour, tous les services que nous pourrons. Dis-moi donc ce qui t'afflige. —Vous vous prêtez amicalement aux circonstances ; je ne crains pas que vos bons offices nous fassent faute; mais j'appréhende qu'on dise que vous n'avez jamais passé de plus mauvaises fêtes de Jeu (Noël) qu'à Brattahlid, chez Erik Rauda. — Il n'en sera pas ainsi, mon hôte, répondit Thorfinn : nous avons sur notre navire du malt et du grain. Prenez tout ce qu'il vous faut, et préparez un festin aussi magnifique que vous le jugerez convenable.' Erik, profitant de cette faculté, organisa une fête si splendide, qu'on n'avait jamais vu tant de luxe dans ce pays pauvre. Après les fêtes, Karlsefne demanda à son hôte la main de Gudrid (sa belle-fille), cette affaire paraissant être de la compétence d'Erik, qui répondit favorablement. 'Qu'elle suive sa destinée, dit-il; j'ai entendu dire du bien de vous.'Finalement Thorfinn fut fiancé à Gudrid, et leur noce fut célébrée le même hiver à Brattahlid.

Chapitre VIII — Voyage en Vinland.

[On parla beaucoup de ce mariage à Brattahlid, et on s'amusa l'hiver à jouer au trictrac et à raconter des histoires ; en un mot on s'efforça de passer agréablement le temps]. On s'entretint des expéditions au bon Vinland, que l'on regardait comme fort lucratives, à cause de la fertilité du pays. Karlsefne et Snorre préparèrent leur navire, afin de partir au printemps pour ces nouvelles contrées. Biarne et Thorhall se joignirent à eux avec leur navire.
Thorvard, qui était marié avec Freydis, fille naturelle d'Erik Rauda (Eirik le rouge), fit aussi partie de l'expédition, ainsi que Thorvald, fils d'Erik, et que Thorall surnommé le Chasseur. Ce dernier était depuis longtemps au service d'Erik. Il l'accompagnait à la chasse durant l'été; pendant l'hiver il remplissait les fonctions d'intendant de la maison. Il était grand et fort, noir, laid comme un géant, taciturne, et ne parlant que pour dire des méchancetés; [astucieux, médisant, il n'aimait que le mal], et donnait toujours de mauvais conseils à Erik, qui l'admettait dans son intimité, quoiqu'il fût peu aimé. C'était un mauvais chrétien. Connaissant parfaitement les déserts, il monta avec Thorvard et Thorvald sur le vaisseau que Thorbiœrn avait amené en Groenland. L'expédition se composait de cent soixante hommes [Groenlandais pour la plupart].
Ils se rendirent d'abord dans le Vesterbygd (Vestribygd, Groenland occidental), et de là dans l'île de Biarney (Bjarneyjar, l'île des ours = Disko ?). Après avoir navigué un jour et une nuit [poussés par un vent du nord] dans la direction du sud, ils aperçurent une contrée, et s'y rendirent en bateau pour l'explorer. Ils y trouvèrent de larges pierres plates, dont quelques-unes avaient douze aunes de large, et virent un grand nombre de renards. Ils nommèrent ce pays Helluland (pays des pierres plates = Baffin ?).
De là ils naviguèrent un jour et une nuit vers le sud-est, et arrivèrent en vue d'une contrée couverte de forêts et nourrissant beaucoup d'animaux. Au sud-est du continent était située une île où ils tuèrent un ours ; ils nommèrent le pays Markland (pays des forêts = Labrador ?), et l'île, Biarney (Bjarneyn l'île aux ours). Puis ils suivirent longtemps [pendant un jour et une nuit] la côte en se dirigeant vers le sud, et arrivèrent près d'un promontoire. La terre était à gauche du vaisseau ; le rivage était sablonneux et s'abaissait en pente douce vers la mer. Ils y firent une descente et trouvèrent une quille de vaisseau sur le promontoire, qu'ils nommèrent Kialarnes (Kjalar-nes = Cap de la Quille). Le rivage reçut le nom Furdustrandir (Rivages formidables), parce qu'il était extrêmement long. Plus loin le pays était coupé de baies, dans l'une desquelles les navigateurs jetèrent l'ancre.
Maintenant, avant cela, quand Leif était avec le roi Olaf Tryggveson (Tryggvason), le roi lui avait demandé de prêcher le christianisme au Groenland, et il lui avait donné deux Écossais, un homme appelé Haki et une femme nommée Hekia (Haekja), qui couraient plus rapidement que des bêtes fauves. [Leif et Erik les avaient donnés à Karlsefne pour le voyage]. Lorsque l'on eut dépassé les Furdustrandir, on déposa les coureurs à terre, en leur ordonnant d'explorer le pays au sud et de revenir dans l'espace de trente-six heures. Le vêtement de ces gens, appelé kjafal / Idafal (biafal), se composait d'une tunique avec un capuchon ouvert par les côtés, sans manches, et serrée entre les jambes au moyen d'un bouton et d'un lacet; le reste de leur corps n'était pas couvert. Ils furent absents tout le temps qu'on leur avait accordé ; mais à leur retour ils rapportèrent, l'un une grappe de raisin, l'autre un épi de blé, qui avaient crû naturellement.
Lorsqu'ils furent remontés sur le navire, on alla plus loin, et on entra dans un golfe en dehors duquel était une île que l'on appela Straumey (Straums-ey = île des courants), à cause des forts courants qui régnaient à l'entour. Il y avait sur cette île un si grand nombre d'œufs d'oiseaux eiders, qu'on trouvait à peine la place pour poser le pied. [Ils pénétrèrent plus avant dans le golfe], qu'ils appelèrent Straumsfiord (Golfe des courants) et sur le rivage duquel ils déchargèrent leur navire, dans le dessein de s'établir en ce lieu. Ils avaient avec eux toutes sortes de bestiaux, [et ils tirèrent parti de la fertilité de] la contrée qui était très-belle.
Les voyageurs ne s'occupèrent qu'à explorer le pays. Ils y passèrent l'hiver [qui fut rude]. Comme ils n'avaient pas eu soin de faire des provisions et que la pêche commença à donner moins en été, on eut beaucoup de peines à se procurer des vivres. [On se rendit dans l'île, dans l'espoir d'y faire quelque capture. Les objets nécessaires à la vie y étaient assez rares, mais le bétail s'y trouvait bien.] On fit des prières pour que Dieu envoyât des moyens de subsistance ; mais ce vœu ne fut pas exaucé aussitôt qu'on l'aurait voulu. Thorhall le Chasseur disparut alors ; on passa trois jours à le chercher.
[Le quatrième, Karlsefne et Biarne] le trouvèrent sur la cime d'un rocher où il était couché- la face en l'air, écartant [les yeux], la bouche et les narines, et marmottant quelques paroles. Interrogé sur les motifs de son absence, il répondit que cela ne regardait pas ses compagnons ; [il les pria de ne pas en être surpris, et ajouta que tout le temps il avait vécu de telle façon, qu'il était inutile de s'inquiéter de lui]. On l'engagea à retourner au campement, et il y consentit. Bientôt après échoua sur le rivage un cétacé que l'on se mit à dépecer. Personne [pas même Karlsefne, qui se connaissait bien en cétacés] ne sut de quelle espèce était celui-ci. Après l'avoir fait cuire, on en mangea, mais tout chacun en fut malade.
Thorhall dit alors : 'N'est-il pas vrai que le dieu à la barbe rouge (Barberousse = Thor) a été plus secourable que votre Christ ? Voilà ce que m'a envoyé Thor, mon dieu tutélaire, pour le culte que je lui ai rendu. Il m'a rarement laissé dans la détresse.' Lorsque ses compagnons le surent, [ils ne voulurent plus manger du cétacé ; mais] ils le rejetèrent dans la mer et se recommandèrent à Dieu. Le temps devint meilleur; on put se mettre en mer pour pêcher, et l'on ne manqua plus de vivres ; car on pouvait chasser sur le continent, au Straumsfjordr, recueillir des œufs dans l'île et pêcher dans le golfe.

Chapitre IX. — De Karlsefne et de Thorhall (le compagnon de Biarne ou l'intendant d'Erik Rauda ?).

[L'été, ils parlèrent d'une exploration et s'y préparèrent.] Thorhall [le Chasseur] voulait se rendre au nord en doublant les Furdustrandir et le Kialarnes (Kjalarnes) pour chercher le Vinland. Mais Karlsefne était d'avis de naviguer au sud en suivant les côtes [pensant que plus on irait au midi, plus les découvertes seraient étendues ; il lui parut bon de visiter la partie méridionale et la partie septentrionale du pays], Thorhall fit ses préparatifs près de l'île; il n'y eut que huit [neuf] hommes qui se joignirent à lui. Le reste de la troupe suivit Karlsefne. Un jour que Thorhall portait de l'eau sur son navire, il but et chanta ce visa (couplet) :
'On me promettait, quand je vins ici, que j'y trouverais la meilleure boisson. Mais il faut que j'accuse ce pays à la face de tous. Un guerrier comme moi est forcé de porter un seau ; je dois me courber vers la fontaine, et le vin n'a pas touché mes lèvres.'
Lorsque tout fut prêt, il hissa les voiles et chanta cet autre couplet :
'Retournons dans notre patrie ; que notre vaisseau rapide glisse sur la vaste surface de la mer ; tandis que les guerriers infatigables qui louent ce pays resteront sur les Furdustrandir, pour y manger de la baleine.'
Ensuite ils doublèrent les Furdustrandir et le Kialarnes. Ils voulaient louvoyer vers l'ouest, lorsqu'un fort vent d'ouest les jeta en Irlande. Ils furent battus et faits esclaves. Thorhall y perdit la vie, comme des marchands l'ont raconté.

Chapitre X.

Cependant Karlsefne, accompagné de Snorre, de Biarne et du reste de la troupe, se dirigea vers le sud en longeant les côtes. Ils naviguèrent longtemps jusqu'à ce qu'ils arrivassent à l'embouchure d'un fleuve qui tombait dans la mer après avoir traversé un lac. Il y avait de larges bas-fonds [de grandes îles], de sorte qu'on ne pouvait pénétrer dans le fleuve qu'à la haute marée.
Les explorateurs y entrèrent et donnèrent au pays environnant le nom de Hop (Petite hanse à l'embouchure d'une rivière). Ils y trouvèrent du froment qui poussait spontanément dans les parties basses, et des ceps de vigne [partout] où le sol s'élevait. Tous les courants d'eau abondaient en poisson. Dans les endroits où le flux s'arrêtait on creusa des fosses où l'on prenait des limandes quand la mer s'était retirée. Les forêts renfermaient une grande quantité d'animaux de toute espèce. Les explorateurs avaient leur bétail près d'eux. Ils étaient là à s'amuser depuis une quinzaine de jours et n'avaient rien vu de nouveau, lorsqu'un matin, ils aperçurent plusieurs canots de peau [au nombre de neuf]. Ceux qui les montaient vibraient en l'air des perches qui produisaient un bruit analogue à celui du vent qui souffle dans de la paille.
'Qu'est-ce que cela peut signifier ?' demanda Karlsefne. — Snorre Thorbrandsson répondit : 'C'est apparemment un signal de paix ; prenons donc un bouclier blanc que nous tendrons de leur côté.' C'est ce que l'on fit. Les étrangers se dirigèrent vers les Scandinaves, dont la vue les surprit, et ils descendirent à terre. Ces gens-étaient [petits], noirs, laids ; ils avaient une vilaine chevelure, de grands yeux et la face large. Après avoir passé quelques instants à considérer avec étonnement les étrangers, ils s'éloignèrent vers le sud en tournant le promontoire.

Chapitre XI.

Rarlsefne et ses compagnons s'étaient fait des habitations plus ou moins éloignées du lac. Ils y passèrent l'hiver, et comme il ne tomba pas de neige, leur bétail continua à paître.
Un matin de printemps (1008), ils virent venir du midi des canots de peau qui tournèrent le cap. Il y en avait une si grande quantité que si la baie eût été couverte de charbons. Les arrivants brandissaient des perches. Karlsefne et ses gens élevèrent leurs boucliers en l'air. Lorsque les deux troupes se furent réunies, elles se mirent à trafiquer. Les naturels avaient une grande prédilection pour les étoffes rouges, en échange desquelles ils donnaient des fourrures et du vrai petit-gris. Ils voulaient aussi acheter des épées et des lances ; mais Karlsefne et Snorre prohibèrent le commerce des armes. Les Skrselingar donnaient toute une peau de petit-gris pour un empan d'étoffe rouge, qu'ils entortillaient autour de leur tête. Au bout de quelque temps, le drap commençant à devenir rare, Karlsefne et ses compagnons le coupèrent en petites lisières d'un doigt de large, que les Skrselingar achetèrent au même prix ou plus cher qu'auparavant.

Chapitre XI.

Il arriva qu'un taureau, amené par Karlsefne, sortit de la forêt et se mit à beugler. Ce bruit effraya les Skrælingar, qui s'enfuirent sur leurs canots et ramèrent au sud le long de la côte. On ne les revit pas durant trois semaines entières. Mais après ce laps de temps, il vint du sud un grand nombre de Skralingar, montés sur des embarcations dont la marche était aussi rapide que celte d'un torrent. Ils brandissaient des perches contre le soleil et proféraient des hurlements aigus. Voyant que les gens de Karlsefne leur présentaient un bouclier rouge, ils descendirent à terre et coururent à leur rencontre. Il s'ensuivit un combat où les Skrselingar lancèrent une grêle de traits, car ils avaient des frondes.
Ils élevèrent au bout d'une perche une boule énorme, qui ressemblait à une vessie de mouton et qui était bleuâtre. Lancée sur la troupe de Karlsefne, elle fit un tel bruit en tombant, que ceux-ci prirent l'épouvante et se mirent à fuir le long du fleuve, car il leur semblait qu'ils étaient entourés de tous côtés. Ils ne s'arrêtèrent que sur des rochers où ils firent une vigoureuse résistance.
Freydis (fille d'Erik le Rouge et femme de Thorvard) s'avança, et voyant que ses compatriotes cédaient, elle leur cria : 'Comment des hommes vigoureux comme vous peuvent-ils fuir devant de tels misérables, que vous pourriez tuer comme des moutons ! Si j'avais des armes, je crois que je me battrais mieux qu'aucun de vous.' Ils ne firent aucune attention à ses paroles. Freydis voulait les suivre, mais sa grossesse retardait sa marche. Elle entra dans le bois, poursuivie par les Skselingar ; ayant rencontré le cadavre de Thorbrand Snorreson, qui avait reçu à la tête un coup de pierre plate, elle prit l'épée de ce chef et se mit en état de défense.
Lorsque les Skraelingar l'eurent atteinte, elle se dépouilla le sein, se frappa les mamelles avec le glaive [et les jeta sur les naturels], qui, consternés de cet exploit, s'enfuirent sur leurs canots et s'éloignèrent. Karlsefne et ses gens s'approchèrent de Freydis, dont ils louèrent le courage. Ils n'avaient perdu que deux de leurs hommes, tandis que les Skrselingar avaient laissé un grand nombre des leurs sur le champ de bataille. Ainsi accablés par le nombre, les Scandinaves se retirèrent dans leurs maisons pour bander leurs blessures. En réfléchissant au nombre de leurs ennemis, ils reconnurent qu'ils n'avaient été attaqués que par les naturels venus sur des canots, et que c'était par une illusion d'optique qu'ils avaient cru en voir d'autres descendre de l'intérieur du pays.
Les Skraelingar trouvèrent un cadavre près duquel était une hache; l'un d'eux prit cet instrument et coupa du bois. Tous ses compagnons en firent autant l'un après l'autre, et voyant que le taillant mordait bien;, ils regardèrent cette arme comme une chose précieuse. Mais l'un d'entre eux l'ayant émoussée en voulant couper une pierre, elle diminua singulièrement de prix à leurs yeux, et ils la jetèrent là.

Chapitre XII.

Les Scandinaves, voyant qu'ils seraient continuellement inquiétés par les naturels du pays, se préparèrent à quitter cette belle contrée pour retourner dans leur patrie. Ils se dirigèrent au nord en suivant la côte, et trouvèrent cinq Skrselingar vêtus de peau qui dormaient sur le rivage, et qui avaient à leurs côtés des vases-remplis de moelle et de sang d'animaux. Pensant que ces gens avaient été bannis de leur pays, ils les mirent à mort. Ils arrivèrent ensuite près d'un cap qui était couvert de fientes laissées par les nombreux animaux qui y passaient la nuit. Ils retournèrent au Straumfiord, où ils trouvèrent en abondance tout ce dont ils avaient besoin. Quelques personnes rapportent que Biarne et Gudrid y restèrent avec cent de leurs compagnons ; mais que Karlsefne et Snorre avec quarante hommes s'étaient dirigés au sud et étaient revenus le même été, après avoir passé deux mois à peine dans la contrée de Hop. Ensuite Karlsefne, laissant à Straumfiord le reste de la troupe, alla avec une seule embarcation à la recherche de Thorall le chasseur. Il se dirigea au nord en côtoyant le Kialarnes, puis il navigua vers l'ouest en laissant la terre à bâbord. Aussi loin qu'ils pouvaient voir, ils n'apercevaient que des forêts désertes et ne trouvaient que fort peu d'espaces dé couverts. Après une longue navigation, ils arrivèrent à l'embouchure d'un fleuve qui coulait de l'est à l'ouest ; ils y pénétrèrent et jetèrent l'ancre près de la rive méridionale.

Chapitre XIII. — Mort de Thorvald Eriksson.

Il arriva un matin que les gens de Karlsefne aperçurent dans un espace déboisé un objet brillant qui remua en entendant leurs cris. C'était un homme qui n'avait qu'un pied (un unipède). Il se traîna vers la rive près de laquelle étaient les étrangers et décocha une flèche contre Thorvald, fils d'Erik Rauda, qui était au gouvernail de son embarcation. Atteint au ventre, Thorvald arracha le trait et dit: « J'ai de l'embonpoint sur l'abdomen. Le pays où nous sommes est remarquable par sa fertilité, mais nous n'en tirerons pas grand avantage. » Peu après il mourut de cette blessure. Le naturel s'enfuit du côté du nord, poursuivi par les gens de Karlsefne, qui l'apercevaient de temps à autre, mais qui le perdirent de vue lorsqu'il se jeta dans un bras de mer. Les Scandinaves s'en retournèrent alors, et l'un d'eux chanta ces vers :
'Nos gens ont poursuivi vers le rivage un homme unipède - c'est la pure vérité - ; mais cet être singulier s'est enfui en courant avec vitesse sur la mer. Entends-tu, Karlsefne ?'
Ensuite ils reprirent leur route vers le nord. Croyant que c'était le pays des hommes unipèdes, ils se tinrent à distance, afin d'éviter les dangers. Ils virent une chaîne de montagnes qu'ils jugèrent être la même qui s'étend jusqu'à Hop. Ils se croyaient aussi éloignés du Straumfiord que cet endroit l'est de Hop. C'est à Straumfiord qu'ils passèrent le troisième hiver. Il y eut entre eux des brouilles dont les femmes furent l'occasion ; car les célibataires voulaient faire outrage aux gens mariés, ce qui produisit beaucoup de désordre.
Snorre, fils de Karlsefne, était né en ce lieu dans le premier automne que les Scandinaves y avaient passé ; il avait trois ans lorsque les explorateurs s'en retournèrent. En quittant le Vinland, ils furent poussés par un vent de sud, et arrivèrent sur les côtes du Markland, où ils virent cinq Skraelingar, dont un avait de la barbe, deux étaient des femmes et les deux autres des enfants. Ces derniers seuls furent saisis, le reste s'étant enfui et caché en terre. Ils apprirent la langue des navigateurs et furent baptisés. Ils dirent que leur mère s'appelait Vethillde (Vethildr / Vaetilldi) et leur père Uvœge (Ovaegir / Uvaegi / Ovaege / Uvegi / Uvege / Uvèk = "père" en Eskimo)) ; qu'il y avait dans le pays deux rois dont l'un se nommait Avalldania (Avalldamon) et l'autre Valldidida (Avaldidida) ; que les habitants de la contrée n'avaient pas de maisons, mais qu'ils habitaient dans des grottes ou des cavernes ; qu'en face de leur pays il y en avait un autre dont les habitants avaient des vêtements blancs et portaient devant eux des bâtons auxquels étaient attachés des drapeaux, et qu'ils poussaient de grands cris. Les navigateurs pensèrent qu'il s'agissait du Huitramannaland (terre des hommes blancs / Whiteman) ou Grande-Irlande.

Chapitre XIV.

[Les uns retournèrent en Groenland (1011), où ils passèrent l'hiver chez Erik Rauda.] Biarne Grimolfsson (fils de Grimolf) et ses gens furent jetés dans la mer d'Irlande [du Groenland] et se trouvèrent dans des parages infestés par les vers tarets. [Ils ne s'en aperçurent pas avant que leur navire ne fût perforé par ces insectes] et ne commençât à couler à fond. [Ils délibérèrent alors sur le parti à prendre.] Ils avaient un bateau qui était goudronné d'huile de chien marin (phoque). Or, [comme on prétend que] les vers de mer ne s'attaquent pas au bois ainsi enduit, [la plupart étaient d'avis de faire monter dans le bateau autant de personnes qu'il en pourrait porter]. Une partie d'entre eux y passèrent. Mais on vit qu'il ne pouvait contenir que la moitié de l'équipage. Alors Biarne dit : 'Puisqu'il en est ainsi, je propose de faire désigner par le sort ceux de nous qui auront place dans le bateau ; il ne faut pas avoir égard au rang des personnes, [car chacun désire sauver sa vie].' Personne ne voulut parler contre une proposition si magnanime. Biarne fut un de ceux que le sort favorisa.
Un [jeune] Islandais qui n'avait pas été aussi heureux, dit : 'M'abandonneras-tu ici, Biarne? — Il le faut bien, répondit ce dernier. — Mais est-ce là ce que tu avais promis à mon père, lorsque je quittai sa maison pour te suivre ? Tu lui disais que nous partagerions les mêmes destinées. — Prends ma place dans le bateau, et je remonterai sur le navire, puisque tu tiens tant à la vie.' Ceux qui étaient sur le bateau continuèrent leur route, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Dublin en Irlande. Ce sont eux qui ont raconté ces événements. On pense que Biarne et ses compagnons périrent dans la mer des vers, car on n'entendit plus parler d'eux."

La présence en Amérique du nord (vers le Québec ?) d'un pays appelé "Huitramannaland" ou "Grande-Irlande" laisse penser que les moines Irlandais chassés des Féroé et de l'Islande s'étaient probablement réfugiés dans cette région. 

Dans le "Landnamabok" il est raconté qu'un certain Ari Marsson aurait été fait prisonnier dans ce pays vers l'an 982-983 :


"Ari Marsson était le fils de Mar de Reikholar et de Thorkatla, fille de Hergils Hrappson. Il fut jeté par une tempête sur la côte de la terre de Whiteman / Huitramanaland (= 'Pays des hommes blancs'), que d'autres appellent Irland it Mikla (Grande-Irlande), et qui est située dans l'Océan occidental, près du bon Vinland, et à six jours de voile à l'ouest de l'Irlande. Là, Ari n'ayant pas obtenu la permission de retourner dans son pays, se vit retenu prisonnier et baptisé. Cette histoire a été rapportée d'abord par Rafn, un marchand de Limerick, qui avait longtemps vécu à Limerick en Irlande. Et Thorkell Gellerson aurait déclaré que des Islandais avaient entendu Thorfinn, Jarl des Orcades, raconter que Ari avait été reconnu dans la Terre des hommes blancs, et qu'il ne pouvait plus en sortir, mais qu'il y était très respecté."

Une autre saga parle également de ce Ari Marsson :

 "Au Sud du Groenland habitable il y a une zone sauvage et inhabitée, avec des icebergs énormes. Ensuite vient le pays des Skraelings. Puis viennent le Markland et le bon Vinland, encore plus loin. au-delà de la dernière. A côté, et au-delà, se trouve l'Alban, c'est-à dire Huitramannaland, où, autrefois, des navires sont venus d'Irlande. Là, plusieurs Irlandais et Islandais ont vu et reconnu Ari, le fils de Mar et Kotlu, de Reykianess, au sujet duquel rien n'avait été entendu depuis longtemps, et qui avait été fait chef par les habitants de cette terre."

Dans le "Eyrbyggia Saga", est raconté l'histoire d'un autre homme qui a été fait également prisonnier par les moines du Huitramannaland. Il s'agit d'un certain Biœrn Breidvikingakappi (champion de Breidavik, 960-1030) qui avait quitté l'Islande vers l'an 998-999 pour fuir un mari jaloux :

"Extrait du chapitre XLVII.

(…) Biœrn monta à cheval et se rendit à Raunhœfn (en Islande occidentale), où il retint aussitôt une place sur un vaisseau. L'équipement fut bientôt terminé, et ils se mirent en mer (en l'an 999) avec un vent de nord-est qui souffla pendant une bonne partie de l'été. Mais ce ne fut que longtemps après que l'on entendit parler de ce vaisseau. (…)

Extrait du chapitre XLIV.

Gudleif Gudlangsson (Gudleif fils de Gudland) le Riche, deStraumfiord (Islande occidentale), et frère de Thorfinn, dont descendent les Sturlungar, était un grand négociant. Son navire et celui de Thorolf Eyra-Loptsson livrèrent un jour bataille au fils de Sigvald jarl, à Gyrd, qui perdit un œil dans cette affaire. Vers la fin de la vie du roi Olaf le Saint (1029 ou 1030), Gudleif avait fait un voyage de commerce à Dublin. Lorsqu'il retourna en Islande, il navigua à l'ouest de l'Irlande, avec un vent de nord-est qui le poussa si loin à l'ouest et au sud-ouest, qu'il ne savait plus où se trouvait la terre. Comme l'été était déjà avancé, il était impatient d'arriver au terme de ce voyage. Apercevant une grande terre qu'il ne connaissait pas, il prit la résolution d'y débarquer, car il était las de combattre contre la violence de l'Océan. Il trouva un bon port, et il était à terre depuis peu de temps, lorsqu'il arriva des gens dont aucun ne lui était connu, mais dont la langue semblait se rapprocher de l'Irlandais. Bientôt les indigènes, qui étaient au nombre de plusieurs centaines, assaillirent les navigateurs, leurs lièrent les mains et les conduisirent dans l'intérieur du pays. Les Islandais, mis en présence d'une assemblée qui devait prononcer sur leur sort, comprirent que quelques-uns de leurs juges proposaient de les mettre à mort, et que d'autres étaient d'avis de les partager et les réduire à l'esclavage. Pendant ces délibérations, ils virent approcher une grande troupe avec un étendard, d'où ils conclurent qu'il y avait un chef au milieu de cette foule. Sous la bannière, s'avançait à cheval (ou en litière ?) un personnage considérable, de haute stature, déjà âgé et qui avait les cheveux blancs. Tous ceux qui étaient présents s'inclinèrent devant lui et le reçurent de leur mieux. C'est à lui que fut laissée la décision de l'affaire des étrangers. Le chef, ayant fait amener devant lui Gudleif et ses compagnons, leur adressa la parole en langue nosraena [islandaise] et les interrogea sur leur patrie. Apprenant que la plupart étaient Islandais, il demanda quels étaient spécialement ceux qui étaient de cette île. Gudleif salua le vieux chef, qui reçut bien cette politesse, et dit qu'il était de telle contrée sur les rives du Borgariiord. Son interlocuteur l'interrogea ensuite sur la plupart des personnages considérables du Borgarfiord et du Breidifiord et lui demanda des renseignements précis sur Snorri Godi, sur sa sœur Thurid de Froda, et particulièrement sur Kiartan, fils de cette dernière. D'un autre côté les indigènes criaient qu'il fallait rendre une décision aux étrangers. Alors le chef se retira et choisit douze hommes avec lesquels il délibéra longtemps. Ensuite il s'approcha de l'assemblée et dit à Gudleif : 'Moi et les habitants de ce pays nous avons longtemps délibéré à votre égard : ils m'ont laissé la décision, et je vous autorise à aller où vous voudrez ; mais quoique l'été soit presque passé, je vous conseille pourtant de quitter ce pays, car il ne faut pas se fier aux indigènes ; il ne fait pas bon avoir affaire à eux ; ils croient d'ailleurs que la loi a été violée à leur préjudice. — Mais, dit Gudleif, si le destin nous permet de revoir notre patrie, comment nommerons-nous celui à qui nous devons notre liberté ? — Je ne puis vous en instruire, répondit-il ; car je ne voudrais pas que mes parents et mes frères d'armes fissent un voyage comme celui que vous auriez fait, si je n'avais pas été là pour vous protéger. Mais maintenant je suis si âgé, que je puis m'attendre sans cesse à succomber de vieillesse ; et quand même je vivrais encore quelque temps, il y a d'autres chefs plus puissants que moi, qui ne sont pas en ces lieux pour le moment, et qui auraient peine à laisser des étrangers en paix.' Ensuite il fit appareiller leur vaisseau et y resta avec eux jusqu'à ce qu'il s'élevât un vent favorable qui les emporta. Mais avant de les quitter, il tira de son doigt un anneau et le remit à Gudleif ainsi qu'une bonne, épée : 'Si le destin permet que tu retournes en Islande, lui dit-il, remets cette épée au colon Kiartan de Froda et cet anneau à sa mère Thurid. — Mais, demanda Gudleif, que dirai-je s'ils m'interrogent sur celui qui envoie ces présents ? —Tu répondras : C'est une personne qui était en meilleures relations avec la dame de Froda, qu'avec son frère le godi de Helgafell. Si quelqu'un devine le nom de celui qui a possédé ces objets, dis que je défends à qui que ce soit de venir en ce pays ; car c'est un voyage périlleux : tout le monde n'effectue pas l'abordage aussi facilement que vous l'avez fait. La contrée est très-étendue, et il n'y a que peu de ports. Partout les étrangers peuvent s'attendre à être inquiétés, quand ils ne sont pas dans les mêmes circonstances que vous.' Ensuite Gudleif mit à la voile et débarqua en Irlande à une époque avancée de l'automne. Après avoir passé l'hiver à Dublin, il partit en été pour l'Islande et remit les présents aux destinataires. Des personnes tiennent pour certain que le chef des indigènes était Biœrn Breidvikingakappi. Mais il n'y a pas d'autres faits pour confirmer cette opinion, que ceux que l'on vient de rapporter."

En ce qui concerne les Skrselingar du Vinland, le "Islendingabok", écrit par Ares Frode, prétend qu'ils avaient également habité le Groenland avant sa colonisation :

"Ils (les colons d'Erik le rouge) y trouvèrent (au Groenland) des vestiges humains, tant à l'est qu'à l'ouest du pays, et des fragments de bateaux et des outils en pierre, que l'on peut penser avoir été laissés par les mêmes peuples que ceux du Wineland et que les Groenlandais appellent Skrælings (Eskimos Tunnits)."

Dans "l'Historia Norwegiæ" il est dit que des Groenlandais partis chasser dans le Groenland du nord-ouest (pays de Nordrsetur) y ont rencontré "certaines petites personnes qu'ils appelent Skrælings" : des Eskimos.

Par la suite, d'autres voyages auront lieu entre l'Europe du nord et l'Amérique du nord …
Ainsi, on trouve ceci dans le texte "Histoire des peuples du Nord, ou des Danois et des Normands, depuis les temps les plus reculés jusqu'a la conquête de l'Angleterre par Guillaume-de-Normandie, et du Royaume des Deux-Siciles, par les fils de Tankrède de Hauteville"  :


Un texte raconte ceci :
"En l'an 1059, un prêtre Irlandais ou saxon, du nom de Jon ou John, qui avait passé quelque temps en Islande, est allé prêcher aux colons au Vinland, et il fut assassiné par des païens."


En 1075, dans son "Descriptio insularum aquilonis", Adam de Brême parle lui aussi du "Winland", en se basant sur des renseignements donnés par les Danois vers 1060 :

"En outre, il a mentionné une autre île, découverte par plusieurs personnes dans cet océan et appelée 'Winland', parce que les vignes poussent d'elles-mêmes et donnent le vin le plus noble et qu'il y a abondance de céréales non semées. Nous avons acquis certaines connaissances, non par des suppositions fabuleuses, mais par des informations fiables obtenues des Danois. Au-delà de cette île, dit-il, aucune terre habitable ne se trouve dans cet océan, mais les lieux les plus lointains sont remplis de glaces impénétrables et d'amples brouillards. Peut-être que l'obscurité y est causée par cette brume. Ce que Marcianus nous a dit : Au-delà de Thulé (Islande), dit-il, à un jour de voile, la mer gèle."

Une pièce d'argent norvégienne datant du règne d'Olaf Kyrre, roi de Norvège (1067-1093) a été retrouvée à Goddard dans le Maine, où elle avait servi de pendentif à des Indiens. Celà prouve l'existance d'échanges avec les Vikings dans cette région. Le site a montré également des traces d'échanges avec les Eskimos Dorsétiens Tunnits.

Dans son "Livre des Islandais", Ari le sage raconte que Erik Gnupsson, évèque du Groenland, est parti au Vinland en 1121.

Selon les Annales islandaises, deux ecclésiastiques ont découvert le Fundunyialand, c'est à dire, peut-être, le Newfoundland (Terre neuve) en 1285.
On lit ceci :

"Une terre fut découverte à l'ouest de l'Islande"
et "Les fils de Helge, Adalbrand et Thorwald, on trouvé une nouvelle terre."
Cependant il est également écrit celà, qui fait penser que ces terres se trouvaient plutôt sur la cote orientale du Groenland :
"Les fils de Helge ont navigué vers la région inhabitée du Groenland."

En 1289-1290, un certain Landa-Rolf est envoyé par la Norvège pour explorer le Fundunyialand.

En 1342-1344, l'émissaire épiscopal Ivar Baardson a rédigé un rapport sur le Groenland pour le roi de Norvège. Le texte, dans sa version recopiée en 1637 dit ceci :

 "Les habitants du Groenland se sont volontairement écartés de la vraie foi et de la religion chrétienne et, après avoir renoncé à toutes les bonnes manières et aux vraies vertus, se sont tournés vers le peuple américain. Certains disent que le Groenland se trouve près des terres occidentales du monde."

En 1347, selon les "Annales de Skalholt", un navire groenlandais transportant des troncs d'arbres du Markland, avec dix-sept ou dix-huit hommes à bord, a été entrainé par une tempête jusqu'en Islande.

En 1354-1362, Ivar Baardson est renvoyé en expédition dans l'Atlantique avec le commissaire royal norvégien Paul Knutsson pour savoir ce qu'est devenu le Groenland occidental (Vesterbygden). Le rapport de sa mission dit ceci :

"Tout ce qui a été dit ici nous a été dit par Ivar Baardson, un Groenlandais, intendant de la succession de l'évêque à Gardar au Groenland pendant de nombreuses années, qu'il avait vu toutes ces choses et qu'il avait été l'un de ceux-là qui avait été choisi par l'homme de loi (Paul Knutsson) pour se rendre dans la colonie de l'ouest contre les Skrælings (Eskimos) afin de les chasser de la colonie de l'ouest et qu'ils n'y trouvèrent personne, ni chrétien ni païen, seulement des bovins et des moutons sauvages, et ils mangèrent une partie du bétail sauvage et en emportèrent autant que les navires pouvaient transporter et revinrent à la maison avec eux."
et
"A présent les Skraelings ont pris possession de tout l'établissement de l'ouest."

Apparemment, les Groenlandais de l'ouest avaient abandonné leurs possession pour fuir la progression des Eskimos venus du nord (l'archéologie indique que les Eskimos sont arrivés dans la région vers 1341). Peut-être que les Groenlandais sont partis avec l'intention de s'installer dans le Vinland ?

Quand aux Groenlandais de l'est, leurs dernières tombes ont été datées de vers 1435 par les archéologues.

Selon les greffes du Vatican, Ivar Baardson avait reçu la dîme des diocèses dépendant de Gardar au Groenland. Hors, parmi ceux-ci on note deux diocèses du Vinland.
Ceux-ci correspondaient peut-être aux deux sites vikings découverts par les archéologues en Amérique du nord : La Hanse aux meadow, dans le nord de Terre neuve, et Pointe Rosée dans le sud-ouest de Terre neuve.

Quelques années plus tard, le roi de Norvège aurait envoyé une flotte de guerre "au-delà du Groenland". On ignore pourquoi.
Olaus Magnus (1490-1557), dans son "Historia de gentibus septentrionalibus" écrit ceci à cet sujet :


"En 1505, j'ai vu deux bateaux de ce type au-dessus du portail oriental de la cathédrale d'Oslo, dédiés à Saint-Halvord, et ils étaient fixés au mur pour que tout le monde puisse les voir. On raconte que le roi Hakon les a acquis lorsque, avec une flotte de combat armée, il a passé la côte du Groenland… "

Une pierre runique retrouvée à Kensington au Minessota (USA), semble pouvoir être datée de 1362. Elle aurait été écrite par des Vikings ayant quitté leur colonie du Vinland (- Voir ici -).
Traduction :  

"(J'ai) envoyé 10 hommes vers la mer intérieure (Lac supérieur ?) pour aller chercher notre bateau, à 14 jours de trajet depuis ici, Année 1362 de notre Seigneur."
et
"(Nous sommes) 8 Geates (Goths de Suède) et 22 Norvégiens partis du Vinland en exploration loin vers l'ouest. Nous avons construit des pièges et des abris sur deux îles rocheuses à un jour de marche au nord de cette pierre. Nous avons pêché une journée. A notre retour nous avons retrouvé 10 de nos hommes rouges de sang et morts. AVM (Ave Maria) Délivre nous du mal !"

Est-il possible que les Vikings colons du Vinland aient pénétré les terres américaines aussi loin vers l'ouest ?

Datant de la même période, le fragment du Codex Vellum, en Islande, décrit encore le Vinland :

"De Bjarmaland au Nord il y a une terre inhabitée jusqu'à la frontière du Greenland. Au sud du Greenland est l'Helluland ; à côté s'étend le Markland ; de là il n'y a pas loin jusqu'à Vinland-la-Bonne,
que quelques uns pensent rejoindre l'Afrique, et, s'il en est ainsi, la mer doit couler entre le Vinland
et le Markland. On dit que Thorfinn Karlsefne y coupa du bois pour orner sa demeure, et puis après
s'en alla cherchant à droite et à gauche après Vinland-la-Bonne ; qu'il se dirigea du côté où il croyait trouver la terre ; qu'il ne la reconnut pas et ne put en recueillir les richesses. Leif-le-Fortuné découvrit le premier la Vinland ; il rencontra en mer des marchands en grande détresse, et les sauva avec l'aide
de Dieu ; il introduisit le Christianisme dans le Greenland, et il s'y répandit tellement qu'un évêché fut établi à l'endroit appelé Gardar."

Le fragment de géographie "Gripla" , au Groenland, décrit également le Vinland :

"Maintenant il faut dire ce qui est à l'opposé du Greenland, en dehors de la baie ci-dessus nommée.
Furdustrand est le nom d'une terre où il y a de si fortes gelées qu'il n'est pas possible de l'habiter, du
moins dans la partie connue. Au Sud est l'Helluland, qui est appelée 'Terre des Skreelingar' ; de là il n'y a pas très loin à Vinland-la-Bonne, que quelques uns pensent se rattacher à l'Afrique; entre le Vinland et le Greenland est Ginnungagap (grand gouffre mythologique), qui coule de la mer appelée Mare Oceanum, et qui entoure toute la terre."

Les pierres runiques trouvées à Spirit-Pond, dans le Maine (USA), semblent dater de 1011 et contiennent des textes vikings ... mais certains spécialistes estiment que ces textes correspondent à la langue parlée par les Scandinaves vers 1401 seulement. Une datation au carbone 14 d'un morceau de charbon de bois trouvé dans les environ donne 1405 (+ ou - 70) ce qui est compatible avec cette seconde date. (- Voir ici -)

En ce qui concerne la colonie Viking du Groenland oriental, la dernière trace qui en est restée est une lettre datée de 1409. Après cela la colonie a complètement disparu.
Le Danois Claude Clavus redécouvrira et cartographiera le Groenland en 1424. En 1580, les Danois tenteront de retrouver les colonies du Groenland... sans succès. On ignore ce que sont devenus les Groenlandais : Tués par les Eskimos ou partis ailleurs ?

Et en ce qui concerne les colonies Vikings du Vinland, il est probable qu'elles ont disparu vers la même époque. Pourtant on a retrouvé une carte, datée de vers 1434, représentant la "Vinlanda Insula" (île du Vinland) à l'ouest de l'Atlantique (voir image ci-dessous).

Par contre on n'a aucune idée de ce que sont devenus les Irlandais du Huitranamaland.