Les
Tokhares :
La dépression du Tarim
est un bassin fermé situé au centre du continent
asiatique, dans le nord-ouest de la Chine. Il est bordé
au sud par les monts Kunlun, au nord par les monts Tien-shan
et à l'ouest par le massif du Pamir. Il est occupé
en son centre par le désert du Taklamakan et les hommes
y habitent dans des oasis. C'est dans celles-ci que des archéologues
ont retrouvés de mystérieuses momies desséchées
par le climat désertique. Celles-ci ont étonné
tout le monde car leur aspect physique est très différent
de celui des Chinois ou des Mongols et ressemble à
celui des Européens. Même les études génétiques
confirme que ces hommes momifiés se rapprochaient des
Européens.
Ainsi, la momie de Tieban / Töwän, prés du
lac Lop Nor, date de 1800 av.JC et ses cheveux sont châtains.
La "Beauté de Loulan", une momie féminine
trouvée à Qäwrighul / Gumugou, près
du lac Lop Nor, date de 1800 av.JC et elle a de longs cheveux
blonds (?).
La "Beauté de Xiaohe", une momie féminine
trouvée au "Cimetière 5 de la rivière",
près du lac Lop Nor, date de 1800/1500 av.JC et elle
a de longs cheveux blonds.
La momie d'Astana (à Turfan, dans le nord-est du Tarim),
par contre, exhibe au contraire un aspect asiatique : visage
large, nez petit, pommettes hautes, cheveux noirs.
Au cimetière de Yanbulaq, à Ha-mi / Qomul (dans
le nord-est du Tarim), on a trouvé 21 squelettes mongoloïdes
et 8 europoïdes datés de 1300 av.JC.
Au cimetière de Zaghunluq, la momie masculine de Cherchen
/ Chärchän / Qiemo, datée de 1000 / 500 av.JC,
a des cheveux châtain-roux et une barbe rousse. L’une
des femmes partageant sa tombe a des cheveux châtain
clair (voir photos en haut à droite).
Quel était donc ce peuple europoïde qui vivait
dans le bassin du Tarim à l'age du bronze ?
Des tartans (tissus à carreaux) ayant été
trouvés dans le cimetière de Qizilchoqa, près
de Hami / Qomul (dans le nord-est du Tarim), certains ont
voulu faire de ce peuple une tribu celtique.
Mais que viendraient faire des Celtes en plein coeur de l'Asie
? Ce n'est là qu'un nouveau mythe new-age qui est en
train de se former.
En ce basant sur les anciens écrits trouvés
dans les oasis du Tarim, on sait que cet ancien peuple parlait
une langue indo-européenne. Mais celle-ci n'était
pas du celtique ! Et elle n'était pas non plus de l'irano-aryen,
langue parlée par les nomades Sakas (Saces) qui occupaient
alors une grande partie de la Sibérie occidentale.
Les linguistes ont donné le nom de "thokarien"
à cette langue aujourd'hui disparue. Ils partaient
donc du présupposé que ce peuple correspondait
aux "Thokhares" dont parlaient les textes de l'antiquité.
Mais cela a ensuite été critiqué : Les
Thokares sont un peuple à l'origine mystérieuse
et on ne peut pas les identifier avec ces anciens hommes du
Tarim sans des études approfondies.
Qui étaient donc ces mystérieux Tokhares ?
Il semble bien qu'ils correspondaient à ce peuple que
les Chinois appelaient "Yuetches / Yuezhis" (= "Lignée
de la lune")... bien que celà ne soit pas certain.
Voyons donc ce que nous savons de l'histoire de ces Tokhares
ou Yuetches... La plus ancienne mention des Yuetches se trouve
dans un texte de Kouan Tchong / Guan Zhong (mort en 645 av.JC)
: Ceux-ci étaient alors appelés "Niutches
/ Niuzhis".
Selon le Shiji de Sima Qian / Sseu-ma
Ts’ien (145 av. J.-C.-86 av. J.-C.) :
"Les Yuetches vivaient à
l'origine du côté des monts Qilian (Nanshan)
et de la ville de Dunhuang (au Gansou / Kansou)..."
|
Vers 177-176 av.JC, Mao-Touen
/ Modu / Meitei (209-174 av.JC), chanyu (roi) des Xiongnus
/ Hiongnous (proto-Huns de Mongolie), vassalisa les Wusuns
/ Wousouens et infligea une défaite aux Yuetches du
Kansou occidental.
"Les
Hiongnous ont défait le roi des Yuetches"
|
Vers 162 av.JC, Lao-Chang
(174-161 av.JC), chanyu (roi) des Hiongnous, infligea une
nouvelle défaite aux Yuetches du Kansou occidental
et tua leur roi.
"Laoshang, le chanyu (roi)
des Hiongnous a tué le roi des Yuetches et a fait
de son crâne une coupe à boire." |
Les Yuetches s'enfuirent vers
l'ouest, dans les vallées de l'Ili et du Chu et le
bassin de l'Issiqkoul dont ils délogèrent les
occupants : les Sais / Saks (Sakas / Scythes orientaux). Certains
de ceux-ci semblent s'être alors dirigés vers
le sud-oust où ils s'emparèrent du nord-est
de la Bactriane (destruction des villes d'al-khanoum vers
145 av.JC et d'Alexandrie sur l'Oxus vers 140 av.JC.
Selon le Shiji de Sima Qian
/ Sseu-ma Ts’ien :
"Les Yuetches vivaient
à l'origine du côté des monts Qilian
(Tian Shan) et de la ville de Dunhuang (au Gansou /
Kansou), mais aprés avoir été défaits
par les Hiongnous, ils partirent loin vers l'ouest,.."
|
Selon le Heou Han chou / Hou
Hanshu (Histoire des Hans) :
"A l'époque,
les Yuetches avaient déjà été
renversés par les Hiongnous ; faisant route vers
l'ouest, ils attaquèrent le roi des Sakas. Le
roi des Sakas s'enfuit loin vers le sud et les Yuetches
s'établirent sur ses terres." |
Selon le Heou Han chou / Hou
Hanshu (Histoire des Hans) :
"Lorsque les Grands
Yuetches firent route vers l'ouest, ils renversèrent
le roi des Sakas et le laissèrent s'enfuir ;
celui-ci se dirigea alors vers le sud et dépassa
Xuandu ('les passes suspendues'). Les Grands Yuetches
s'établirent sur ses terres." |
Selon le Guanghong Mingj de
Dao Xuan, citant le Lunfojiao biao de Xun Qi :
"La dénomination
originelle des Sakasétait 'Rongs'. Ils vivaient
vers Dunhuang (au Gansou). Contraints de fuir par les
Yuetches, ils allèrent vers le sud en direction
des Conglings (Pamir)." |
Vers 133-132 av.JC, les Wousouens,
avec l'appui des Hiongnous, attaquèrent les Yuetches
et s'emparèrent de leur pays, les chassant encore plus
loin vers le sud-ouest. Ceux-ci se divisèrent alors
en deux : Les Xiao-Yuetches (Petits Yuetches) se réfugièrent
chez les Kiangs du nord-est du Thibet dont ils adoptèrent
la langue, alors que les Ta-Yuetches (Grands Yuetches) se
rabattirent vers le Iaxarte (Syr-Daria) et vassalisèrent
le Daxia (Bactriane).
Selon le Shiji de Sima Qian / Sseu-ma Ts’ien :
"Les Yuetches (....) partirent
loin vers l'ouest, au-delà du Dayuan (Ferghana),
où ils attaquèrent et conquérirent
le peuple du Daxia (Bactriane) et installèrent
leur cour royale sur la rive nord de la rivière
Gui (Oxus). Une petite partie de ce peuple, incapable
de faire le voyage à l'ouest, resta en arrière
et se réfugia chez les K’iangs des montagnes
du Sud; où ils furent connus sous le nom de Petits
Yuetches." |
Selon le Heou
Han chou / Hou Hanshu (d'aprés un rapport du
general Ban Yong vers 128 ap.JC) :
"... Par la suite, lorsque
le kunmo (roi) des Wousouens défit les Grands
Yuetches, ces derniers transférèrent leur
résidence vers l'ouest et vassalisèrent
le Tahia / Daxia (Bactriane], et le roi des Wousouens
s'établit à leur place." |
Selon le commentaire
du Hanshu par Yan Shigu (579-645) :
"Parmi les divers Rongs
(tribus indo-européennees) des Contrées
occidentales, les Wusuns / Wousouens ont la forme la
plus étrange. Les barbares actuels qui ont les
yeux verts et les cheveux roux, et qui ressemblent à
des macaques, appartiennent à la même race
que les Wousouens." |
Selon le Bei-shi et le Xin
tang shu, un clan de Yuetches issu de Zhaowu, au nord des
monts Qilian, s'empara du pouvoir dans l'état de Kang
/ Kangju / K'ang-kiu (Sogdiane, Samarkande).
Selon le Shiji
:
"Le Kangju (Sogdiane) est
situé à environ 2 000 lis au nord-ouest
du Dayuan (Ferghana), c'est un royaume nomade, ses coutumes
sont très similaires à celles des Yuetches.
Ceux qui savent tirer à l'arc sont au nombre
de 80 ou 90 000 hommes. C'est un royaume limitrophe
du Dayuan (Ferghana). C'est un royaume faible, le Sud
est sous le contrôle des Yuetches et l'Est est
sous le contrôle des Hiongnous." |
Selon le Hou han shu, cependant,
le Kangju (Sogdiane) était un état distinct
de celui des Yuetches en 84 ap.JC. En effet, à la demande
des Chinois, le roi des Yuetches a adressé des remontrances
au Kangju à cette époque.
Les Yuetches, en avancant, repoussèrent également
le reste des Sakas vers le sud. Vers 130-126 av.JC ces derniers
détruisirent la Bactriane et fondèrent le Sakastan
(Séistan) dans le sud de la Perse. Leur roi Mauès
/ Moga / Moki (90-60 av.JC) s'installa à Pushkalavati
(prés de Peshawar) et à Taxila vers 78 av.JC.
Son successeur Azès 1er (57-35 av.JC) repris cette
région après un bref recul face aux Grecs Bactriens.
Selon le Heou
Han chou / Hou Hanshu :
"C'est alors que le roi des
Sakas se déplaça vers le sud et devint
maître des Jibins. Ceux de race saka se dispersèrent
et à plusieurs reprises, constituèrent
des États. Ainsi, au nord-ouest de Shule, des
États comme Xiuxun (Cachemire ou Ferghana) et
Juandu (Tashkurgan ?) se rattachaient tous à
l'ancienne race saka." |
Selon les "Etapes
parthiques" d'Isidore de Charax :
"... La Segistênê
(Sacastana / Sakastène / Sakastan / Séistan)
des Saces (Sakas) Scythiques qui s'appelait aussi la
Paratacène..." |
Peu d'années aprés
128 av.JC, les Yuetches s'emparèrent eux-mêmes
de la totalité de la Bactriane. Il semble qu'ils étaient
alors accompagnés de divers autres peuples.
En se tournant vers les textes occidentaux, nous trouvons
en effet des allusions à une invasion de "Tokhares"
accompagnés d'autres tribus :
Selon la Géographie
XI-8-2 de Strabon :
"Les premiers peuples scythes
à partir de la mer Caspienne sont généralement
compris sous le nom de Dahas, mais on désigne
plus volontiers sous les noms de Massagètes et
de Saces (Sakas) ceux qui habitent plus à l'est
; quant aux autres, l'usage est de les envelopper dans
la dénomination commune de Scythes, bien qu'on
sache que chacun d'eux a un nom particulier. Cela tient
à ce qu'ils ont tous les mêmes habitudes,
j'entends les habitudes de la vie nomade. Quelques-uns
pourtant ont su se faire une certaine célébrité,
ce sont ceux qui ont enlevé naguère la
Bactriane aux Grecs, à savoir les Asis, les Pasianes,
les Tochares et les Sakaraukes / Sakaraules, tous peuples
venus de l'autre côté de l'Iaxarte (Syr-Daria),
à la hauteur des Saces et des Sogdiens, et relevant
alors de l'autorité des Saces." |
Selon le prologue
du livre 41 de Trogue Pompée, cité par
Justin :
"En Bactriane, le roi a nommé
Diodote comme satrape, aprés quoi, malgré
les luttes défensives, vint le règne des
peuples Scythes, Sarauces et Asianes, qui occupèrent
Bactres et la Sogdiane."
|
Selon le prologue
du livre 42 de Trogue Pompée, cité par
Justin :
"Les Asianes, rois des
Tochares / Thogares, ont détruit les Sarauces." |
Selon Pompée,
cité par l'Epitomes de Justin :
"Pendant la guerre contre
les Tochares / Thogares, il (Artaban II de Parthie,
128-124 av.JC) a été blessé au
bras et il en est mort immédiatement." |
Les textes occidentaux parlent
donc de quatre peuples envahisseurs : Les Asis / Asianes,
les Pasianes, les Sarauces / Sakaraukes / Sakaraules et les
Tochares / Thogares.
Les Sakaraukes de Strabon et les Sarauces de Pompée
sont peut-être des Sakas-Rawakas ("Sakas rapides")
ou des Sakas Raukas ("Sakas royaux" = Sai-wang en
chinois ?).
Quand aux Asis de Strabon et aux Asianes de Pompée,
ce sont peut-être des Wousouens, l'ancienne prononciation
de leur nom ayant pu être "Asouens". Ils sont
peut-être les ancêtres des Asses (Ossètes)
qui se sont mélés avec les Alains.
Les Pasianes sont peut-être des Ap-Asianes ("Asianes
de l'eau").
Pline l'ancien (23-79) décrits d'autres Asianes / Asses
qui se seraient dirigés plus aux sud, vers le haut
Indus. Et l' "Indika"de Megasthenes (350-290 av.JC)
localise des Osiens, des Asses et des Asènes sur l'Indus,
vers le nord-ouest de l'actuel Pakistan.
Selon l'"Histoire
naturelle" de Pline l'ancien :
"... et les Asines / Asènes,
un peuple qui habite dans trois villes, leur capital
étant Bucephala (Jalapur), fondée autour
de la tombe du cheval appartenant au roi Alexandre,
qui portait ce nom. Au dessus de ces peuples il ya quelques
tribus des montagnes (....) il ya quatre nations ici,
les Peucolaites, les Arsagalites, les Geretes, et les
Asses." |
Cependant la présence
de ces tribus du sud est déjà indiquée
à une époque bien antérieure à
la migration des Asianes / Asses en Bactriane. Il est donc
plus probable que ces peuplades correspondent non pas aux
Asianes / Asses mais aux aux Asvakas (ce nom pouvant être
traduit par "Cavaliers"), cités dans les
Puranas et le Mahabharata, et qu'on trouvait dans le nord-est
de l'Afghanistan, dans le Kafiristan et dans la vallée
de Peshawar. Ceux-ci se divisaient en deux branches : Ceux
que Panini appelait "Asvayanas" (en grec : "Aspasiens
/ Hippasiens" = "Asiens cavaliers ?") vivaient
dans les vallées de l'Alishang et du Kunar. Ceux que
Pânini appelait "Asvakayanas" (en grec : "Assakènes
/ Assacènes / Assacanes" = "Asses-Sakas ?")
vivaient dans l'Udyana et les vallées du Swat et de
la Panjkora.
Selon la "Géographie"
de Strabon :
"Aprés le Cophès
vient l'Indus; l'intervalle qui sépare ces deux
fleuves est occupé par les Assacènes,
les Masianes, les Nysses et les Aspasiens. Vient ensuite
le pays d'Assacénus (Ashnagar) dont la capitale
est la ville de Massaga (Mashangar sur la rivière
Swat ?)." |
Selon l' "Inde"
de Arrien :
"Le territoire qui s'étend
vers l'ouest depuis le fleuve Indus jusqu'au fleuve
Kôphèn est habité par les Astakènes
et les Assakènes, deux ethnies indiennes." |
Selon l'"Histoire
des Perses" par le Comte de Gobineau :
"Alexandre marcha vers l'Indus,
prit en chemin les places appartenant à Astès,
prince de la Peukélaotis, soumit les peuplades
des Aspases, des Goures et des Assakènes ..." |
Ces tribus n'ont donc probablement
rien à voir avec les Asianes qui ont envahi la Bactriane
ultérieurement
.
Revenons maintenant aux Tochares de Strabon, aux Thogares
de Pompée et Justin, et aux Tagores de Pline : Ils
semblent avoir été, à cette époque,
les vassaux des Asis / Asianes.
Ces Tokhares correspondent probablement aux Yuetches vaincus
par les Wousouens, même si leurs noms ne se ressemblent
pas. En effet, la Bactriane conquise par les Yuetches est
connue aprés 383 sous le nom de Tocharestan / Tokharistan
c'est à dire "Pays des Tokhares".
Les Arabes parlaient du Tukhari / Tukharistan / Mamalik-al-Tukhar.
Les Arméniens parlaient du Tacharik / Tucharik.
Les Indiens parlaient du Tokharika / Tuhkhâra ou Tukhâra,
au nord-ouest de l'Inde.
En bactrien on parlait du Tokoarastano.
Selon les Thibétains, il y avait le Thodkar / Phodkar
à l'est (Kansou ou Agni ?) et le Thokar / Thodkhar
/ Thogar à l'ouest (nord-ouest du Cachemire ?).
En chinois on parlait aussi du Tahulo / Tuholuo / Tuhuoluo
/ Touholo / Tohuluo / Duholuo (capitale = Yuetche-fu).
Ce royaume du Tuhuluo (Tokharestan) a droit à une notice
particulière dans le Weishu, et Hiuen Ts'ang lui rattache
le Kiumit'o. Ce dernier correspond au mont Komede des Grecs
et au Kumadh / Kumedh des Musulmans. C'est probablement le
Pamir. Et selon Ptolémée, c'est aux pieds du
mont Komede que se trouvait Lithinos Pyrgos (la "Tour
de Pierre" = Tash Kurgan).
Les Tokhares sont connus en Inde sous le nom de "Tukhâras"
et le Mahabharata les cite parmi les peuples barbares du nord.
Selon le Mahabharata
2.47 :
"Les Kankas, les Sakas et
les Tukharas ont amené à Indraprashtha,
leurs chevaux comme cadeaux pour le roi des Pandavas." |
Selon le Mahabharata
3.48 :
"Les Tukhars avec les Harahunas
et les Chinas (...) Les Tukharas, les Sindhavas, les
Jagudas, les Ramathas, les Mundas et les habitants du
royaume des femmes et des Tanganas". |
Selon le Mahabharata
3.174.12 :
"Les guerriers se dirigèrent
vers le royaume de Suvahu, roi des Kiratas, en suivant
la même voie par laquelle ils étaient venus.
Ils traversèrent les régions difficiles
de l'Himalaya, et les pays des Chinas, des Tukharas,
des Daradas et toute la région du Kulinda..." |
Selon le Mahabharata
8.51.10 :
"... les Tusharas, les Yavanas, les Khasas, les
Darvabhisaras, lees Daradas, lees Sakas, les Kamathas,
les Ramathas, les Tanganas, les Andhrakas, les Pulindas,
les Kiratas aux féroces prouesses..."
|
Kumârajiva (334-417) traduisait le sanscrit "Tukhâra"
("Touk'ia-lo" en chinois) par "Yuetches"
et placait ce peuple entre le Sieou-li (Sogdiane) et le chô-p'olu
(Cavara) "le pays des gens nus".
Cela semble confirmer l'identification des Tokhares avec les
Yuetches.
Pline l'ancien semble dire que des Asses et des Tokhares ont
même traversé le Don :
Selon l' "Histoire
naturelleVI,1, 3" de Pline l'ancien :
"Le Tanaïs (Don) a
été traversé par les Phatares,
les Hertices, les Spondoliques, les Synhiètes,
les Amasses, les Isses (Asses ?), les Catazètes,
les Tagores (Thokares), les Catones, les Néripes,
les Agandes, les Mandares, les Satarches, les Spales." |
Dans la Bactriane conquise,
les Yuetches / Tokhares établirent d'abord leur capitale
à Lan-che.
Selon Sseu-ma Ts’ien, la capitale du T’a-kia /
Daxia (Bactriane) est la ville de Lan-che.
Selon le Ts’ien Han chou, le roi des Grands Yuetches
a sa capitale dans la ville de Kien-che.
Selon le Pei che, la capitale des Grands Yuetches était
d’abord la ville de Ying-kien-che (ou de Lou-kien-chen
selon le Wei-chu), à l’Ouest de Fou-ti-cha (Badhakhschân
?) et ensuite elle fut remplacée par la ville de Po-lo,
à 2100 lis à l’Ouest de Fou-ti-cha.
Selon le Heou Han
chou / Hou Hanshu :
"Le royaume des Grands
Yuetches a pour capitale la ville de Lan-che. Du côté
de l’Ouest, il est limitrophe du Ngan-si / Anxi
(Parthie arsacide) qui est à 49 jours de marche
(....) il compte 100.000 foyers, 400.000 individus,
plus de 100.000 soldats d’élite..." |
Les Yuetches divisèrent
la Bactriane soumise en cinq jagbous :
Selon le Heou Han
chou / Hou Hanshu :
"...Autrefois, les
Yuetches furent vaincus par les Hiong-nous; ils se transportèrent
alors dans le Tahia / daxia (Bactriane) et partagèrent
ce royaume entre cinq hi-heous / xihous (Jabgous / princes
alliés) qui étaient ceux de Hieou-mi /
Xiûmi, de Chouang-mi / Shuangmi, de Kouei-chuang
/ Guishuang, de Hi-touen / Xidun et de Tou-mi / Dumi."
|
Selon le Ts’ien Han
chou, les cinq jabgous étaient :
- Le Hieou-mi, capitale Ho-mo (à l’Ouest de So-kiu
/ Yarkand) = Le Hou-mi de l’histoire des Tang, c'est
à dire le Wakhân.
- Le Chouang-mi, capitale Chouang-mi (à l'ouest du
Hieou-mi) = le Che-mi de Song Yun et le Chang-mi de
Hiuan-tsang, c’est-à-dire le Tchitrâl.
- Le Kouei-chouang, capitale Hou-tsao (à l'ouest du
Chouang-mi) = le Gandhâra ?
- Le Hi-touen,capitale Po-mao (à l'ouest du Kouei-chouang)
= Parwân, sur la rivière Pandjshir.
- Le Kao-fou, capitale Kao-fou (au sud du Hi-touen), vers
Kaboul.
Par la suite, le jagbou du Kouei-chouang / Guishuang réunifia
les Yuetches et établit la dynastie des rois Kouchans
/ Kusanas ("Kôshano" en bactrien, sur les
monnaies) vers 48 ap.JC.
Selon le Heou
Han chou / Hou Hanshu :
"Plus de cent ans après cela (la conquète
de la Bactriane), le hi-heou du Kouei-chouang / Guishuang
(Gandhâra ou Badakhshan et territoires au nord
de l'Oxus ?) nommé K’ieou-tsieou-k’io
/ Qiujiu Que (Kujula Kadphises / Kozoulo Kadphisês,
25-50, 25-78 ou 30-80 ap.JC) attaqua et vainquit les
quatre autres hi-heous; il se nomma lui-même roi
; le nom de son royaume fut Kouei-chouang / Guishuang
(Kuchan). Il envahit l'Anxi / Ngan-si (Parthie arsacide)
et s’empara du territoire de Kaofou / Gaofu (Kaboul)
; en outre il triompha du P’outa / Pouda (Paktiya)
et du Ki-pin / Jibin (Kapisha-Gandhara) et posséda
entièrement ces royaumes. K’ieou-tsieou-k’io
mourut âgé de plus de quatre-vingt ans.
Son fils Yen-kao-tchen / Yan Gaozhen (Vima Takto / Vema
Tahktu, 50-78, 78-110 ou 80-105 ap.JC ou son frêre
Sadashkana) devint roi à sa place ; à
son tour, il conquit le Tien-tchou / Tianzhu (Inde du
nord-ouest) et y établit un chef pour l’administrer.
A partir de ce moment, les Yuetches devinrent extrêmement
puissants. Tous les divers royaumes les désignent
en appelant leur roi le roi Kouei-chouang / Guishuang
(Kushan), mais les Chinois Hans les appelaient de leur
ancien nom : 'Grands Yuetches'. Le royaume de Kao-fou
(Kaboul) est au Sud-Ouest des Grands Yuetches; c’est
aussi un grand royaume (....) c’est quand les
Yuetches eurent triomphé du Ngan-si / Anxi (Parthie
arsacide) qu’ils prirent pour la première
fois le Kao-fou (Kaboul). Le royaume de T’ien-tchou
(Inde) s’appelle aussi Chen-tou."
|
Au 2ème siècle ap.jc, sous le roi Kanisha (78-103
ou 127-147 ap.JC), les Kouchans / Kusanas ont aussi effectué
des incursions dans l'ouest du bassin du Tarim. Ils semblent
s'être emparé de Kashgar, Yarkand et Khotan vers
116 ap.JC.
Les Kouchans ont également envahi le nord-ouest de
l'Inde.
Selon le Wei Lio
de Yu Houan (IIIème siècle) :
"Le royaume de Ki-pin
(Kaspâria / Kasmir / Cachemire), le royaume de
Ta-Ma (Bactriane), le royaume de Kao-fou (Kaboul), le
royaume de T’ien-tchou (Inde), qui tous dépendent
des Grands Yue-tches."
|
Selon le Wei Lio
de Yu Houan (IIIème siècle) :
"Le royaume de Kiu-li est aussi appelé Li-wei-t’o,
ou encore P’ei-li-wang ; il est à 3.000
lis au Sud-Est du T’ien-tchou ; ce pays est bas,
humide et chaud ; le roi a pour capitale la ville de
Cha-k’i ; il a plusieurs dizaines d’autres
villes ; la population est pusillanime et faible ; les
Yuetches et les T’ien-tchous les ont attaqués
et soumis. Ce territoire a plusieurs milliers de lis
de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord.
Dans ce peuple, les hommes et les femmes ont tous dix-huit
pieds de hauteur. Ces gens montent sur des éléphants
et des chameaux pour combattre. Maintenant les Yuetches
les ont asservis et leur ont imposé des taxes."
|
Vers 230, cependant, l'empire
Kouchan se divisa et les Perses Sassanides en profitèrent
pour s'en emparer en partie. L'empereur sassanide Shapur Ier
(240 à 272 ap. JC) mentionne ainsi la conquète
du Kushanshâhr ("Royaume kouchan").
Vers 390 ou 360-380 ap.JC (selon les inscriptions monétaires),
un roi Kidâra se rendit indépendant des Kouchans
dans le Kapisa, prés de Kaboul, et fonda la dynastie
kidârite. Il était connu sous le nom de Kidara
en sanscrit, Kyôr en sogdien, Kidiro en bactrien et
Jiduoluo en chinois. Entre 412 et 437 (?) ap.JC, il envahit
le royaume des Yuetches Koushans et s'en empara de Po-lo,
leur nouvelle capitale.
Selon le Weishu
:
"Le 'Da Yuezhi guo'
(Royaume des Grands Yuetches) a pour capitale la ville
de Lujianshi à l'ouest de Fudisha (....) Son
roi Jiduoluo (Kidâra) est courageux et belliqueux
: Il a levé une armée, a traversé
la grande montagne, est allé vers le sud, a envahi
le nord du Tianzhu (Inde). Les cinq états au
nord du Qiantuoluo (Gandhara) sont tous devenus ses
sujets." |
Dans les textes Grecs, ces
Kidarites sont connus sous le nom de "Ounnoi Kidaritai"
("Huns Kidarites"). La chronique byzantine de Priscus
disent qu'ils ont combattu contre le roi perse sassanide Yazdgird
II (438-457 ap.JC) et qu'ils furent vaincus par le le roi
perse sassanide Peroz (457 à 484. ap.JC) en 468 ap.JC.
Il est donc possible que les Kidarites aient été
des Kouchans dirigés par une aristocratie composée
de Huns. Les Huns rouges (Chionites) s'étaient en effet
infiltré en Bactriane / Tokharistan vers 430 ap.JC.
Finalement les Huns blancs (Hephtalithes) s'empareront de
la Bactriane / Tokharistan et du nord-ouest de l'Inde, prenant
la place des Kidarites. Ainsi disparurent les derniers Tokhares
/ Yuetches.
Aprés avoir ainsi examiné l'histoire des Tokhares
/ Yuetches, on peut se demander s'il est justifié de
les identifier aux anciens habitants des oasis du Tarim.
En effet, à part une incursion des Kouchans dans l'ouest
du bassin du Tarim, aucun texte ne nous dit explicitement
que les Tokhares / Yuetches s'y soient jamais installés
dans son entier.
En lisant les anciens documents grecs et romains, on peut
cependant se faire une idée des diverses tribus qui
vivaient dans cette région dans l'antiquité
:
Selon le livre
de Maes Titianos (sections 8 à 10), le parcours
des oasis du Tarim suivait le chemin suivant :
"Après Bactres,
ascension de la montagne des Comèdes (Pamir)
(....) De cette escalade jusqu'à la gorge proche
du plateau (....) De là jusqu'à Lithinos
Pyrgos (la Tour de Pierre = Tash Kourgan) (....) De
la Tour de Pierre jusqu'à Sera Metropolis, la
métropole des Sères."
|
Selon Ammien Marcelin
:
"Après les Bactriens
sont les Sacques (Sakas), nation féroce (....)
Ce canton est dominé par les monts Ascanimia
et Comedus (Pamir). Au pied de ces montagnes est un
lieu appelé Lithinos Pyrgos (la Tour de Pierre),
où l'on trouve un chemin fréquenté
par les marchands qui, après un long voyage,
se rendent de ce lieu chez les Sères (....) Au-delà
des deux Scythies, et du coté de l'orient, de
hautes montagnes, disposées circulairement, entourent
les Sères."
|
Selon la "Géographie
XI, 1,1" de Strabon (63 av J.C-23 ap.J.C),
citant Apollodorus d'Artemita :
"Ils (les Grecs de
Bactriane) ont étendu leur empire jusqu'aux Sères
et aux Phrynes."
|
Selon la "Périégèse
752" de Priscien, traduisant Denys le Périégéte
:
"... Vers le Dorée,
les Chorasmes, suivis des peuples de la Sogdiane, coupée
en deux par l’Oxus rapide, qui, descendu du mont
Emodus, se précipite dans la mer Caspienne. Ensuite
les Saces (Sakas), doués d’une adresse
merveilleuse à lancer la flèche, cultivent
les campagnes voisines du fleuve Iaxartes (Syr-Daria).
Après eux, les Tochares, les Phrures (Phrynes
/ Phrounes) et les Sères au nombre de plusieurs
milliers. Ces derniers n’ont aucun souci des troupeaux
de bœufs ou des pâturages: ils se servent
de vêtements tissés par eux du fil délié
qu’ils tirent de certaines fleurs cueillies dans
leurs plaines désertes (soie ?). Enfin, à
l’extrémité de la contrée,
existe encore une autre peuplade scythe, près
de ces régions attristées par les vents
et la froidure, et toujours battues par des ouragans
de neige mêlée de grêle".
|
Selon l'"histoire
naturelle VI, 20, 2-3" de Pline l'ancien (23-79)
"Après le pays
des Scythes et une contrée inhabitée,
on a la montagne appelée Tabis (= monts Tien-Shan
?), qui s'avance dans la mer (?). Ce n'est guère
avant la moitié de la longueur de cette côte
orientée vers le nord-est que la région
est habitée. Les premiers hommes qu'on y connaisse
sont les Sères, célèbres par la
laine (soie ?) de leurs forêts ; ils détachent
le duvet blanc des feuilles, en l'arrosant d'eau; puis
nos femmes exécutent le double travail de dévider
et de tisser. C'est avec des manoeuvres si compliquées,
c'est dans des contrées si lointaines qu'on obtient
ce qui permettra à la matrone de se montrer en
public avec une étoffe transparente. Les Sères
sont civilisés; mais, très semblables
aux sauvages mêmes, ils fuient la société
des autres hommes; ils attendent que le commerce vienne
les trouver. Le premier de leurs fleuves connus est
le Psitharas, le second le Cambari, et le troisième
Lanos; au delà le promontoire Chryse, le golfe
Cyrnaba, le fleuve Atianos, le golfe et la nation des
Attacores, préservée, par des coteaux
bien exposés, de tout souffle nuisible, et vivant
sous le même climat que les Hyperboréens..
Amométus a écrit sur eux un volume spécial,
comme Hécatée sur les Hyperboréens.
Après les Attacores viennent les Thunis (ou Phunes
/ Phrures / Phrounes / Phrynes), les Tochares (Tokhares)
et les Casires / Cosires qui appartiennent déjà
à l'Inde, et qui, tournés dans l'intérieur
du côté des Scythes, mangent de la chair
humaine. Des Nomades de l'Inde viennent aussi errer
dans ces lieux."
|
Selon la "Géographie"
de Ptolémée (90-168 ap.JC) :
"La partie habitée
de notre terre se relie vers l'est à une terre
inconnue qui se trouve le long de la région occupée
par les nations orientales de l'Asie : les Sines (Chinois)
et les nations de la Sérice."
|
Dans sa "Géographie
VI,16,2-8", Ptolémée présente également
une liste des peuples du bassin du Tarim :
Anthropophages (= Indiens Casires / Cosires ?), Annibes (près
du mont Anniba), Sizyges, Dammes (dans la ville de Damna),
Piaddes (dans la ville de Piada), Oichardes (près de
la rivière Oikhardès), Garénaiens, Nabannes,
Issédones (dans la ville d'Issédôn Sérica),
Throanes (dans la ville de Tharrhana / Throana), Ethagures
/ Thagures (dans la ville de Thogara près du mont Thaguron),
Aspakares (dans la ville d'Aspakara), Bates / Bautes (prés
de la rivière Bautisos) et Ottorokorres (dans la ville
d'Ottorokorra près des monts Ottorokorras).
La "Géographie
VI,16,2" de Ptolémée liste ainsi
les montagnes du bassin du Tarim :
"Anniba (Sayan ? ou
Altaï ?), Auxakia / Auzakia (Tien shan), Asmiraia
(Da-uri ? ou Kourouk-tagh ? prés de Ha-mi ?),
Kasia (Altyn tâgh-Nan chan), Thaguron (Emôda
oriental), Emôda (Imaeos / Haimota = Himalaya)
et Ottorokorras."
|
La "Géographie
VI,16,3" de Ptolémée liste ainsi
les rivières du bassin du Tarim :
"L'Oikhardès
/ Oichordas (Tarim) et le Bautisos / Bautès (Hoang-ho)".
|
La "Géographie VI,16,6-8" de Ptolémée
liste ainsi les villes-oasis du bassin du Tarim :
"Damna, Piada, Asmiraia
/ Asmiraea (Asmirée), Tharrana / Tharrhana (Dunhuang
/ Tunhuang = Drw'n / Droan / Thurwan en sogdien), Issédôn
Sériké / Issedon Serica, Aspakara / Aspacara
(Aspacare), Drôsaché, Paliana (des Thibétains
Pé-lans ?), Abragana, Thogara (sur le Bautisos),
Daxata, Orosana, Ottorokorra, Solana et Séra
metropolis (à l'est-sud-est de Thogara)."
|
Ammien Marcellin
(Ammonius Marcellinus, 335-395 ap.JC) reprend les données
de Ptolémée dans son "Histoire de
Rome, livre XXIII, 64-66" :
"À l'est, et
par-delà les deux Scythies, une enceinte circulaire
de hautes murailles enferme la Sérique (....)
Les noms de ces montagnes sont Anniba, Auzacium (Auzakia),
Asmirées (Asmiraia), Émodon (Emôda)
et Ottorocorra (Ottorokorras) (....) Des peuples divers
couvrent cette terre si féconde : Les Androphages,
les Annibes, les Sizyges et les Oechardes (Sères
? de la rivière Oikhardès) font face à
l'Aquilon et aux frimas du nord. Les Rabannes, les Asmiréens
et les Issédons, le plus illustre d'entre ces
peuples, regardent le soleil levant. À l'occident
sont les Ithagoures et les Aspacares; et vers le sud
les Bautes habitent de hautes montagnes."
|
Selon Ptolémée
deux villes portent donc le nom d' "Issedon" dans
cette région : Issedon Scythica et Issedon Serica.
Mais on ne voit guère ce que ce nom vient faire ici
car le peuple des Issedons vivait bien plus au nord selon
Hérodote (ce peuple était aussi appelé
"Essedones" par le poète Alcman).
Les Aspakares de Ptolémée sont probablement
une tribu Saka car leur nom est iranien ("aspa"
= "cheval").
Les Bautes / Bates / Baites / Baeites de Ptolémée
(et les Beates d'Ammianus) sont probablement des Thibétains,
ceux-ci s'appelant "Bods" dans leur propre langue
et Bhauttas en sanscrit (ou Bautas, Bautais, Bhautas, Bhotas).
Les Sères sont les principaux habitants du bassin du
Tarim. ils semblent devoir leur nom à la soie ("serica"
= "soie") dont ils faisaient le commerce. Le bassin
du Tarim portait le nom de "Sérice / Sérique"
ou "Sérinde" et était la partie principale
de ce qu'on appelait la "Route de la soie".
Selon Ctesias (Vème
siècle av.JC) :
"(Les Sères
ont) une stature et une longévité impressionnantes."
|
Selon la "Géographie
XV, I" de Strabon (63 av J.C-23 ap.J.C) :
"... Les Sères,
cependant, sont réputés selon quelques
auteurs pour avoir une vie encore plus longue..."
|
Selon "De
Situ Orbis, I, 2" de Pomponius Mela (43 ap.Jc)
:
"En Asie les premiers
hommes que nous connaissons à partir de l'orient
sont les Indiens, les Sères et les Scythes. Les
Sères habitent à peu près l'espace
médian de la partie orientale, les Indiens et
les Scythes les extrémités (sud et nord)
; (....) Viennent ensuite à nouveau ces contrées
désertes infestées de bêtes monstrueuses
et qui vont jusqu'à une grande montagne appelée
mont Tabis (= les monts Tien Shan ?, au nord), qui surplombe
la mer (?). À une grande distance de celle-ci
s'élève le Taurus (= les monts Kun-Lun,
au sud). Entre les deux il y a les Sères, race
pleine de justice, très connue pour leurs échanges
commerciaux, qui se font hors de leur présence
après qu'ils ont laissé leurs marchandises
dans un lieu isolé".
|
Selon l'"Histoire
naturelle XXIV" de Pline l'ancien (23-79), des
ambassadeurs de Taprobane (Ceylan) auraient rapporté
des informations sur les Sères :
"... au delà
des monts Hemodes / Emodes ( Himalaya / Haimota) on
regarde vers la Sérice (pays des Seres), qu'on
connait grace aux relations commerciales ; le père
de l'ambassadeur Rachias (Rakkha ?) avait fréquemment
visité leur pays, et les Sères sont toujours
venus pour le rencontrer dès son arrivée.
Ces gens, dit-on, dépassent la taille humaine
ordinaire, ils ont des cheveux blonds-roux et les yeux
bleus. Leur voix est horrible et ils ne parlent pas
aux étrangers. Le reste des informations concordait
avec celles de nos marchands : les marchandises étaient
déposées sur la rive opposée du
fleuve à côté de ce qu'ils avaient
à vendre et ils les emportaient si l'échange
leur convenait."
(A noter que dans des peintures
anciennes des sanctuaires de Qyzyl, au nord-ouest de
Kuca, les hommes étaient représentés
avec des cheveux roux et des yeux verts.)
|
Selon Ammien Marcellin,
dans son "Histoire de Rome, XXIII, 67-68"
:
"Les Sères proprement
dits mènent une vie fort pacifique, ignorant
toujours armes et combats, et comme ces hommes calmes
et d'humeur paisible ne trouvent de charme qu'à
la paix, ils ne portent ombrage à aucun de leurs
voisins. Ils jouissent d'une température agréable
et salubre, d'une atmosphère pure, de douces
brises au souffle extrêmement plaisant, et d'une
abondance de forêts où la lumière
ne pénètre qu'à peine dans les
sous-bois. (...) C'est le peuple le plus sobre de tous;
adonné à une existence totalement paisible,
il évite le commerce de tous les autres mortels".
|
En ce qui concerne les Attacores
de Pline l'ancien, ils correspondent aux Ottorokores de Ptolémée
(situés au nord de l'Himalaya oriental) et aux Ottorogores
d'Ammien Marcellin. Dans sa "géographie",
Ptolémée parle également de la ville
d'Ottorokora (longitude : 165°37'25"E), du fleuve
Ottorokoras et du mont Ottorokora (longitude : 169°39
'à 176°39'E).
Certains veulent assimiler ce peuple aux habitants du royaume
de Shanshan dans le bassin du Tarim; cependant il est bien
plus probable qu'il s'agisse d'un peuple mytique. Les légendes
de l'Inde parlent en effet d'un pays situé loin dans
le nord : l'Uttarakuru. L'"Aitareya Brahmana VIII,14-23"
est le premier texte de l'Inde à avoir parlé
de la "Terre divine d'Uttarakuru" et à la
placer au-delà de l'Himalaya et de l'Hindukush. Et
selon le "Mahabharata 13,54", l'Uttarakuru est la
demeure des âmes bénies aprés leur mort.
Certains essaient cependant de rapprocher le mot "Attacores
/ Ottorokores / Ottorogores" du mot 'Tokhares / Togares".
Quand aux Phrures / Phrounes / Phrynes / Phunes (Thunis ?),
ils sont probablement les habitants de Tash-Kurgan (dans l'ouest
du bassin du Tarim), appelé P'uli / Phuli en Chinois.
Et pour revenir aux Tokhares / Thagures, ils sont probablement
les Yuetches / Yuezhis dont parlaient les Chinois, même
si les deux noms ne se ressemblent pas.
En Inde on les appelait Tusharas / Tukhâras / Tokhâras.
Les Parthes les appelaient Thogares.
Les Sakas de Khotan les appelaient Ttaugrus / Tiaugarus /
Ttaugaras / Ttahvaras.
En Sogdiane on les appelait Tgwrk / Tkhuâres.
Les Ossètes du Caucase les appelaient Taxars / Takhars.
Pompée et Justin les appelaient Thogares ou Tochares.
Appolodore les appelait Tochares / Tokhares.
Strabon les appelait Tochares / Tukharas.
Pline l'ancien les appelait Tagores (Takoraices ou Tagoures).
Dans la "géographie VI,16), Ptolémée
les appelait Thogoures / Thagoures quand ils étaient
au Kansou (avec le mont Thagouron et la ville de Thogara sur
la rivière Bautisos)..
Dans la "géographie VI,12), Ptolémée
les appelait Toghouriens quand ils étaient en Sogdiane,
sur le haut Iaxarte (Syr-Daria), avec les Iatiens (Asses,
Asianes ?).
Dans la "géographie VI,11), Ptolémée
les appelait Tochares quand ils étaient en Bactriane,
au sud de l'Oxus (Amou-Daria),
Ptolémée les appelait aussi Takores / Tokores
quand ils étaient dans le nord des monts Imaos (= Hemodes
= Himavat = Himalaya).
Il y avait aussi la rivière Thagourios / Thaugourios
en Sogdiane.
Selon les auteurs gréco-romains, ces Tokhares / Yuetches
n'étaient donc que l'un des peuples qu'on trouvait
dans le bassin du Tarim. Cependant on ignore quand ils sont
venus s'y installer. Peut-être étaient-ils un
rameau de ces "Petits Yuetches" qui se sont dirigés
vers le sud pour fuir les Hiong-nous.
Selon les plus anciens textes chinois décrivant cette
région, celle-ci était habitée par des
Ronks / Rongs (Indo-européens). Et le "pays des
sables mouvants" (c'est à dire le désert
du Taklamakan au centre du bassin du Tarim) était occupé
par la tribu des Quan-Rongs (Rongs-chiens). Le roi Mu (1001
à 967 av.JC) passe pour avoir vaincu ceux-ci.
Vers 632 - 647 ap.JC, le bassin du Tarim a été
conquis par la Chine qui y a installé les "quatre
garnisons" du protectorat d'Anxi : Kutcha, Kachgar, Khotan
et Qarachahr (ou Suyab).
Cette région porta alors, semble-t-il, le nom de "Quatre
Tugaristâns" chez les Perses, ce qui semble indiquer
que tout le bassin du Tarim était alors habité
par des Tokhares.
Les Sogdiens les appelaient "les quatre Tougrys / Toughris"
et les les Turcs Uighurs leurs donnaient le nom de "Quatre
Tougres". Cependant ces Tougres (Tokhares) semblent bien
n'avoir occupé que la partie nord-est du bassin du
Tarim (vers Bechbaligh, Tourfan et Qarachahr) et non sa totalité.
On ne peut donc pas identifier les "Quatre Tougres"
avec les "Quatre garnisons" mais seulement avec
sa partie nord-est. Des Tokhares auraient donc occupé
non pas la totalité mais seulement le nord-est du bassin
du Tarim.
Les textes chinois décrivent plusieurs royaumes dans
le bassin du Tarim.
Selon le Wei lio
"La route du Sud, en
allant vers l’Ouest :
Le royaume de Tsiu-tche, le royaume de Siao-yuan, le
royaume de Tsing-tsiue, le royaume de Leou-lan, qui
tous dépendent de Chan-chan.
Le royaume de Jong-lou, le royaume de Han-mi / Yu-mi
/ Kiu-mi, le royaume de K’iu-le, le royaume de
P’i-k’ang / P'i-chan, qui tous dépendent
de Yu-t’ien (Khotan).
(....) La route du centre, en allant vers l’Ouest
:
Le royaume de Wei-li, le royaume de Wei-siu, le royaume
de Chan-wang (roi de Chan / Mo Chan, entre le lac Bagrach
et le Lop nor), qui tous dépendent de Yen-k’i
(Agni).
Le royaume de Kou-mo (Aksou), le royaume de Wen-sou
(Ouch-Tourfân), le royaume de Wei-t’eou,
qui tous dépendent de K’ieou-tseu (Kutchi).
Le royaume de Tcheng-tchong, le royaume de So-kiu (Yarkand),
le royaume de Kie-che (K’ia-cha / Kia-che = Kachgar
/ Kacha), le royaume de K’iu-cha (K'iu S'o = Yarkand),
le royaume de Si-ye (Yul arik, dans les montagnes au
Sud de Yarkand), le royaume de Yi-nai, le royaume de
Man-li, le royaume de Yi-jo, le royaume de Yu-ling,
le royaume de Yen-tou (vers le Pamir), le royaume de
Hieou-sieou, le royaume de K’in, qui tous dépendent
de Sou-lei (Kachgar)."
|
Selon les Chinois, les royaumes
principaux du bassin du Tarim étaient donc :
- Chan-chan / Kröran / Kroraina au sud-est
(prés du Lob-nor).
- Yen-k’i / Agni (capitale = Karachahr /
Yanqi) au nord-est.
- K’ieou-tseu / Kutchi (capitale = Kutcha
/ Chiu-tzu, / Kiu-che) au nord.
- Yu-t’ien / Khotan / Hetian au sud-ouest.
- Sou-lei / Kachgar / Kashi au nord-ouest.
- Le centre du bassin était inhabité,
occupé par le désert de Taklamakan.
En se basant sur les vieux textes qu'on a retrouvé,
on peut savoir quelles langues étaient parlées
dans chacun de ces royaumes :
- Dans le royaume de Kachgar / Kashi / K'angku, au nord-ouest,
on parlait une langue est-iranienne : le kachgarien. Ce royaume
était donc habité par une tribu de Sakas. A
noter que, selon Hiuen Ts’ang, les Kachgariens avaient
les yeux verts.
- Dans le royaume de Khotan / Hotan / Ho-t'ien / Hetian /
Kiu-sa-ta-na, au sud-ouest, on parlait aussi une langue est-iranienne
: le khotanais. Ce royaume était donc habité
lui aussi par une tribu de Sakas.
- Dans le royaume de Phuli (Tash-Kurghan), plus à l'ouest,
entre Kachgar et Khotan, vivaient les Phruniens, une tribu
des Sakas. Ce royaume correspondait à la culture archéologique
de Xiangbabai.
- Dans le royaume de Kröran / Kroraina / Loulan, au sud-est
(qui deviendra le royaume de Shanshan en 77 av.JC), on parlait
une langue dite "tokharienne" : le "tokharien
C" ou "krörainien". Cependant cette langue
sera précocement abandonnée au profit d'une
langue indienne.
- Dans le royaume de Kutchi / Kutcha / Kuqa / Ku-ch'e, au
nord, on parlait une langue dite "tokharienne" :
le "tokharien B". Les turcs donnaient le nom de
"kutchi" (kutchéen) à cette langue.
Ce royaume était habité par le peuple des "Kutchéens".
On a retrouvé un texte bilingue où le mot "Kutchéenne
se traduit par "Kutchanne" en tokharien B et par
"Tokharika" en langue sanscrite. Certains se sont
appuyé sur cela pour identifier les Kutchéens
aux Tokhares. Cependant le sens exact de cette traduction
est encore discuté.
- Dans le royaume d'Agni / Karachahr / Yanqi / Yen-ch'i, au
nord-est, on parlait également une langue dite "tokharienne"
: le "tokharien A" ou "Agnéen".
Les turcs donnaient le nom de "tougry / tokhri"
(tougre) à cette langue, ce qui fait penser au mot
"Tokhare". Le peuple de ce royaume pouvait donc
être une véritable tribu de Tokhares. D'ailleurs
cela est confirmé par un texte chinois provenant de
Dunhuang (dans le Gansou) qui affirme que le royaume situé
entre Kutcha et Tourfan (donc le royaume d'Agni) appartenait
à des Yuetches (Tokhares).
Cependant les habitants de ce royaume se donnaient le nom
de "Arshis". Et les Perses donnaient le nom de "Ark
/ Arg" à la région comprise entre Kutcha
et Qotcho. Et les Sogdiens parlaient des "Arktchiks"
dans cette même région. Certains ont rapproché
ce nom du peuple des "Argis / Argippéens"
cités par Hérodote (mais vivant bien plus au
nord). D'autres pensent cependant que ce nom dérive
de celui du bassin du Tarim en chinois : "Anxi / Ansi"
(= "Ouest pacifié").
A noter que le royaume d'Agni descendait probablement de la
culture archéologique de Chawuhugou (990-620 av.JC),
à l'age du fer.
- A Tourfan / Turpan (et Qotcho / Kotcho / Kao-tchang / Gaochang),
un autre royaume situé à l'est de Karachahr,
on parlait à la fois le "tokharien A" et
le "tokharien B". Cela pourrait indiquer que le
nord-est du bassin du Tarim aurait été jadis
habité par des Kutchéens auxquels seraient venus
se superposer des Arshis (donc des Tokhares / Yuetches) venus
du nord.
Dailleurs les habitants Kutchéens et les Arshis ne
portaient pas le même type de vêtements : Les
femmes Koutchéennes avaient des jupes, comme les peuples
sédentaires, alors que les femmes Arshies avaient des
pantalons, comme les peuples nomades. Cela indique que les
Arshis pourraient être un peuple nomade venus du nord
pour d'installer dans cette région. Hors on connait
effectivement un peuple nomade qui est venu du nord pour s'installer
dans l'est du bassin du Tarim : Ce sont les Petits Yuetches
qui fuyaient les Hiongnous vers 133-132 av.JC. (Leurs descendants,
connus sous le nom de "Tchong-Yuns", vivaient entre
le lac Lop-nor et Chatcheou. Ils adopteront plus tard la langue
thibétaine).
A noter que le royaume de Turfan descendait probablement de
la culture archéologique des Gushis (750-200 av.JC),
à l'age du fer, qui s'étendait jusqu'au nord
des monts Tien-Shan.
Remarquons que, selon Ammien Marcellin, c'est dans l'ouest
du Tarim qu'on trouvait des Tokhares et non dans l'est. Cependant,
à son époque, les Tokhares avaient déja
quitté le Gansou pour se replier vers l'ouest. Et vers
116 ils s'étaient emparé de la partie occidentale
du bassin du Tarim (à l'époque des Kouchans).
On pourrait donc en déduite que les Petits Yuetches
/ Tokhares parlaient bien une langue tokharienne : le "tokharien
A / agnéen / tougre". Par contre c'est moins certain
en ce qui concerne les Grands Yuetches qui s'étaient
installés en Bactriane / Tokharestan. Les textes montrent
en effet que ceux-ci parlaient une langue est-iranienne :
le bactrien. Mais peut-être avaient-ils adopté
cette langue sur place en la prenant aux tribus Sakas qu'ils
avaient vassalisées ?
Et que sont ensuite devenus ces royaumes du bassin du Tarim
?
Vers 840, les Turcs Ouïgours de Mongolie s'installèrent
au Gansu, puis dans le bassin du Tarim, d’abord à
Tourfan, ensuite chez les Agnéens et les Koutchéens.
C'est à partir de cet instant que les habitants du
bassin du Tarim se turquisèrent lentement, abandonnant
leur langue ancestrale. Aujourd'hui, ils ne parlent plus que
le turc.
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